Séance du
jeudi 28 août 2014 à
10h
1re
législature -
1re
année -
10e
session -
66e
séance
PL 11397-A
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à notre dernière urgence, soit le PL 11397-A. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission fiscale est entrée en matière sur le PL 11397 relatif aux estimations fiscales de certains immeubles. La majorité de la commission a amendé ce projet de loi afin de prolonger la durée de validité des estimations de la valeur fiscale des immeubles, visées à l'article 50 de la loi sur l'imposition des personnes physiques. Il s'agit de prolonger ce délai - qui, aujourd'hui, court au 31 décembre 2014 - jusqu'au 31 décembre 2018. La majorité de la commission fiscale vous recommande donc d'accepter le projet de loi voté en commission.
Mme Magali Orsini (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche trouve anormal qu'aucune réévaluation des immeubles ne soit intervenue depuis 1995, alors que la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs exige que la valeur retenue pour la taxation soit la valeur vénale. En 2012, la majorité de droite du Grand Conseil a refusé une réévaluation de 20% qui allait dans ce sens. Certes, une évaluation générale de ces immeubles est prévue à terme. Mais elle prendra au minimum trois ans, et il n'y a aucune raison de ne pas réévaluer de 20% leur valeur fiscale dans l'intervalle, sans le moindre risque d'atteindre la valeur d'estimation au prix du marché, qui sera finalement retenue. En effet, on estime que la valeur des appartements et des villas a augmenté de 58% entre 2004 et 2011. La situation actuelle crée une grave inégalité de traitement entre d'anciens propriétaires et des nouveaux, souvent de jeunes ménages qui ont acquis leur appartement au prix du marché.
On essaie de nous faire croire qu'une telle réévaluation mettrait en difficulté les gens modestes. Il faut rappeler que le statut de propriétaire d'appartement ou de villa demeure un statut privilégié par rapport à l'ensemble de la population, qui doit se contenter de louer son logement. Les propriétaires ont enregistré une plus-value colossale de leur bien, sans travail ou mérite particulier, uniquement à cause de la pénurie de logements et de terrains à construire. De toute façon, une réévaluation immédiate de 20% ne serait qu'un palier admis par le Tribunal fédéral en attendant la fixation de la valeur vénale. Cette valeur elle-même devrait être régulièrement indexée pour ne pas recréer les mêmes distorsions au bout d'un certain nombre d'années entre les anciens et les nouveaux propriétaires. Des réévaluations de 20% ont été faites en 1974, 1985 et 1995, sans la moindre difficulté technique. Le scandale est qu'il n'y en ait pas eu depuis ! Une fois de plus, la droite du parlement souhaite priver l'Etat de ressources évaluées à 30 millions de francs, qui devraient très normalement provenir des couches les plus favorisées de la population. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche ne soutiendra ce projet de loi que dans sa version initialement déposée. Je vous remercie.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, alors que la valeur fiscale des immeubles non locatifs devrait être revue tous les dix ans par une commission d'experts, Genève n'a effectué qu'une seule et unique fois cette expertise en 1964. Depuis, seules trois majorations de 20% ont été appliquées, la dernière datant de 1995. Cette situation n'est pas conforme non seulement à notre droit cantonal, mais également au droit fédéral, qui exige que l'estimation de la fortune doit se faire sur la valeur vénale de l'objet. Cela engendre une inégalité de traitement absolument inacceptable. Ainsi, pour des biens similaires, les nouveaux propriétaires paient 5% d'impôts en plus que des propriétaires ayant acquis leur bien il y a plusieurs années. Cette situation n'est pas digne d'un Etat de droit. Certes, la majoration proposée par ce projet de loi ne résout pas tous les problèmes, mais elle permet du moins d'atténuer légèrement l'inégalité de traitement observée actuellement et de démontrer aux autorités fédérales que le canton de Genève ne sous-estime pas ce problème et qu'il entend le résoudre dans un laps de temps court.
Que représentent 20% au regard de la variation des prix de l'immobilier ? Entre 2004 et 2013, 67% de la valeur des propriétés par étages a été augmentée - 69% pour les villas. Nous sommes donc extrêmement loin du compte avec ces modestes 20%. Que permettraient ces 20%, Mesdames et Messieurs les députés ? Ils permettraient d'apporter 33 millions de francs aux caisses de l'Etat. Lorsque nous voyons les difficultés dans lesquelles se trouvent notre parlement et le Conseil d'Etat pour boucler un budget à l'équilibre et résoudre les problèmes de la dette - sans parler de la réforme de la fiscalité des entreprises qu'on nous prépare - je ne comprends pas qu'un projet qui avait été déposé par le Conseil d'Etat lors de la précédente législature ne soit pas repris maintenant. Cela permettrait non seulement de résoudre un problème d'inégalité de traitement, mais aussi d'amener un certain nombre de ressources extrêmement nécessaires. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la rapporteure de deuxième minorité. Je passe la parole à M. le député Ronald Zacharias pour quatre minutes.
M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, il semble que la loi sur la réévaluation des immeubles non loués ait suscité quelque aigreur parmi les personnes assises sur les bancs d'en face. Pour ces partis, qui encouragent la fuite fiscale durable et pour lesquels la confiscation est synonyme de vertu, l'occasion était sans doute trop belle pour ne pas tenter d'élargir l'assiette d'une substance fiscale dont tout le monde s'accorde à dire par ailleurs qu'elle est d'ores et déjà imposée au-delà des limites du raisonnable. Osons regarder la réalité en face ! Bon nombre de nos contribuables les plus aisés et d'entreprises songent sérieusement à quitter Genève. Il n'y a pas là matière à disputer, c'est un fait. Notre canton est de moins en moins envisagé lorsqu'il s'agit de penser une nouvelle implantation d'entreprise; c'est là également tristement factuel. Nos jeunes, surtout parmi les plus instruits et les plus prometteurs, ne se projettent plus et se préparent à un avenir professionnel hors de notre canton. Trop d'impôts, de taxes et de prélèvements de toute nature ! Trop de complexité législative, réglementaire, bureaucratique ! Trop de rigidité et d'incertitudes ont eu raison de leur enthousiasme et de leur volonté d'entreprendre sur notre sol. Trop d'Etat, pas assez de libertés ! Le piège de l'Etat providence et de la nécessaire fuite en avant est en train de se refermer sur notre économie et notre prospérité. Nous assistons tous, passivement, à la déconstruction de ce que nous avons mis des décennies à bâtir. Osons un constat: l'Etat est surdimensionné, inefficace, et il y a trop de bénéficiaires de subsides et d'allocations de toute sorte par rapport à celles et ceux qui travaillent et produisent. Exiger le bien au détriment du possible a donné naissance à un Etat social dont la surcharge est en train de couler le navire.
Nous devons trouver le courage d'empêcher ce naufrage, et une partie de ce courage doit être mis au service d'une réforme en profondeur de notre fiscalité cantonale. Il en va de l'intérêt général et de la permanence même de notre système de solidarité, que les nouvelles prétentions de la gauche viennent mettre en danger. Rappelons que Genève est le canton le plus lourdement imposé de Suisse, et de loin. Le taux de l'impôt sur la fortune y est le plus élevé, et surtout les méthodes d'évaluation des actifs les plus défavorables qui soient. La gauche se propose d'alourdir encore l'imposition des immeubles non loués - à savoir essentiellement ceux qui sont occupés par leurs propriétaires - mettant ainsi en danger les plus faibles d'entre eux qui devront soit vendre leur bien soit puiser dans un bas de laine déjà très fortement sollicité par la fiscalité actuelle. Le projet de loi, avant qu'il ne soit amendé...
Le président. Il vous reste vingt secondes.
M. Ronald Zacharias. ...viole le principe de neutralité fiscale prévu par la loi, qui assure à chaque contribuable que le bordereau final qui lui sera notifié ne sera pas plus élevé du fait de la réévaluation projetée.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Ronald Zacharias. Au vu de ce qui précède, je vous demande d'accueillir favorablement le projet de loi tel qu'amendé en commission, majoritairement, courageusement, parce qu'il convient d'appeler les nouvelles forces de progrès de ce parlement. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Excellent !
M. Stéphane Florey (UDC). Le projet de loi d'origine est un non-sens. En effet, quelques semaines avant son dépôt par le groupe socialiste, ce Grand Conseil avait voté le PL 11313 relatif à la préparation de l'estimation des immeubles. Comme par hasard, le groupe socialiste est venu après coup avec ses propres recettes d'estimation, alors que ledit projet de loi est justement un outil qui doit permettre au Conseil d'Etat de faire les estimations et le travail nécessaires pour trouver le bon taux et la bonne estimation. Les socialistes sont venus avec des chiffres; certes, mais cela reste des chiffres. Ils sont venus nous expliquer qu'ils avaient fait des études, des recherches, et qu'il fallait absolument appliquer leur taux pour régulariser la situation, alors que - comme je le disais précédemment - le Conseil d'Etat lui-même est venu devant la commission fiscale nous disant qu'il lui faudrait une période de deux à trois ans pour faire le travail. C'est pour cela que le projet d'origine a été amendé. Pour la commission, il s'agissait surtout de ne pas laisser le Conseil d'Etat sans base légale, puisque l'amendement que j'avais moi-même déposé en commission reprend en fait le principe du PL 11020, qui demandait de proroger l'estimation actuelle des immeubles. Voilà pourquoi nous avons voté, avec la majorité, l'amendement qui prolonge cette loi jusqu'en 2018 - sauf erreur - c'est-à-dire le temps qu'il faudra au Conseil d'Etat pour faire la bonne estimation des immeubles. Ainsi, tout rentrera dans l'ordre et peut-être que la gauche, une fois le processus achevé, sera enfin contente. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC vous demande et recommande d'accepter le PL 11397 tel qu'amendé par la commission. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). J'ai entendu parler de courage et de progrès. Je suis frappé par les notions de courage et de progrès de la majorité de droite de la commission fiscale, qui a pourtant refusé toute audition pour ce projet de loi. Mais il s'agit certainement d'une preuve de courage que je n'ai pas comprise ! Au temps pour moi !
Ce projet de loi pourrait être attribué non pas aux socialistes, mais au précédent Conseil d'Etat - et plus particulièrement à M. David Hiler - qui avait déposé à l'époque un texte semblable pour rendre la situation actuelle à Genève un peu plus légale. Il faut en effet savoir que depuis cinquante ans, le canton est hors la loi au vu de la LIPP et de l'estimation de la valeur de certains immeubles. Ce projet de loi cherche simplement à indexer cette même valeur qui, depuis 2005, ne l'est plus. Elle ne l'est plus alors que, selon le mandat qui avait été donné par le Conseil d'Etat au cabinet Wüest & Partner, l'augmentation de la valeur des immeubles à Genève entre 2004 et 2011 n'était pas de 20%, mais bien de 58% ! Ce ne sont pas là quelques chiffres articulés par le parti socialiste, mais des études tout à fait crédibles reprises par le précédent Conseil d'Etat.
L'amendement déposé par la majorité de droite, qui consiste à supprimer l'indexation de 20%, est véritablement scandaleux. Cet ajustement paraît en effet légitime au vu des chiffres que je viens de vous énumérer et qui correspondraient à 31 millions de francs de recettes supplémentaires pour l'Etat de Genève. Quand j'entends M. Longchamp nous parler de son programme d'austérité - son programme de législature, pardon ! - et nous dire qu'on ne peut pas proposer un catalogue de Noël avec des cadeaux dedans... C'est pourtant bien ce que font le canton de Genève, le Conseil d'Etat et la majorité de droite, qui offrent de petits cadeaux fiscaux aux plus riches de notre canton. C'est bien ce qui est fait avec les forfaits fiscaux, et c'est bien ce qui est fait ici aussi avec les propriétaires d'immeubles. C'est donc la droite qui offre les cadeaux, et c'est tous les jours Noël à Genève pour les plus privilégiés. Et ça, il faut le dire ! (Quelques applaudissements.)
Nous connaissons actuellement une situation aux Transports publics genevois - on l'a vu récemment dans les médias - telle que, si nous n'agissons pas, nous allons subir des licenciements, des coupes dans la cadence des trams et des bus... (Commentaires.) ...et bien plus de problèmes, au détriment des Genevoises et des Genevois. Pourtant, le même conseiller d'Etat en charge des transports a cherché à trouver les moyens pour pouvoir financer ces prestations publiques: cette même majorité les refuse au Conseil d'Etat. Aujourd'hui, nous avons une solution pour garantir des trams et des bus pour les Genevoises et Genevois; il y a une solution immédiate, juste, qui enlève les privilèges à certains - ceux-là mêmes qui durent depuis bien trop longtemps - et qui se trouve dans ce projet de loi. C'est pourquoi nous allons vous proposer un amendement rétablissant le projet de loi initial...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Romain de Sainte Marie. Je vous remercie, je vais tout de suite conclure. ...de manière à défaire le hold-up commis à la commission fiscale sur un projet absolument neutre et qui cherche non pas une neutralité fiscale, mais une véritable justice fiscale. Merci.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut poser un cadre un peu plus global que celui de ce projet de loi, qui est finalement très transitoire et technique. Le cadre global, c'est la fiscalité genevoise, l'équilibre entre les dépenses et les recettes. A intervalles réguliers, on en entend certains se plaindre de baisses fiscales qui auraient eu lieu dans le passé. Ils oublient de regarder les chiffres récents - même pas si récents que ça, des dix dernières années, où notre canton a connu une croissance quasi continue de ses recettes, parce qu'il avait une économie florissante. Cette croissance est supérieure à la croissance de notre produit cantonal brut, parce que le canton de Genève bénéficie d'une population très fortunée et d'entreprises qui le sont tout autant. Je prends un exemple pour rappel: dans les chiffres 2013, le canton a eu une bonne surprise fiscale de 225 millions - qui a d'ailleurs permis d'équilibrer les comptes - principalement sur les personnes physiques, mais également sur les personnes morales. Dire qu'il y a un problème de recettes dans notre canton, c'est tout simplement ne pas savoir lire des chiffres pourtant simples. Nous n'avons pas de problème de recettes, puisque nous avons les recettes par habitant les plus élevées de Suisse, vraisemblablement du monde. Je suis toujours en attente de la réponse à un défi que j'avais lancé à M. de Sainte Marie à la commission fiscale, à savoir qu'il me cite une autre communauté vivant avec plus d'argent par personne. Je ne crois pas que cela existe. Peut-être la fiscalité genevoise n'est-elle pas la plus élevée dans toutes les catégories; c'est exact. Mais ce qui est également exact, c'est que Genève est l'endroit de Suisse où l'Etat prélève le plus par personne. La capacité de l'Etat genevois... (Remarque.) En francs, Monsieur de Sainte Marie ! Vous pouvez vérifier: c'est l'endroit de Suisse où le montant est le plus élevé en francs par personne. Je ne parle pas de pourcentages, mais de francs. Or avec ce montant-là, nous ne sommes pas encore capables de faire face à toutes nos prestations. Nous ne sommes même pas capables de diminuer nos dettes.
La question générale est une question de fiscalité. On l'aborde ici par le petit bout de la lorgnette. D'ailleurs, toute la discussion sur la neutralité de la réévaluation est un peu passée sous silence. Tout le monde s'accorde à dire que cette réévaluation des immeubles doit avoir lieu; c'est le droit fédéral. Mais l'ancien et le nouveau conseiller d'Etat se sont engagés à ce que ce soit neutre, c'est-à-dire à ce que la fiscalité générale des propriétaires et des habitants ne soit pas augmentée. Cela passera vraisemblablement par une révision du taux d'impôt sur la fortune. C'est une bonne chose, Mesdames et Messieurs. Il ne faut pas vouloir augmenter la fiscalité en permanence, vous n'y arriverez pas. L'éthique fiscale et l'équité fiscale ne consistent pas, comme le dit Mme Schneider Hausser dans le rapport, à aller prendre l'argent où il est. Ça, c'est une éthique de bandit de grand chemin, ce n'est pas une éthique fiscale ! (Rires.) Non, ce n'est pas une éthique fiscale ! Il faut trouver des équilibres durables. Un équilibre durable ne peut pas simplement consister à faire un prélèvement supplémentaire chaque fois qu'il y a un besoin supplémentaire.
Je terminerai en disant que le chiffre, lui, n'est jamais connu avec précision. Mais s'il y a bien un grand profiteur de l'immobilier, s'il y en a bien un qui ne perd jamais à ce jeu-là, c'est l'Etat ! Chaque année, il taxe toutes les transactions. Chaque année, il taxe sur la fortune, et selon ce qui apparaît dans les comptes...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Benoît Genecand. ...il s'agit de 595 millions. Oui, 595 millions ! Or cela ne comprend pas toute la taxation sur la fortune. Le montant est vraisemblablement beaucoup plus important. L'Etat de Genève, Mesdames et Messieurs, taxe déjà de manière largement suffisante. Il faut aujourd'hui retrouver un peu de raison, retrouver une politique fiscale durable, pour que notre canton puisse prospérer. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Je ne vais pas paraphraser l'excellent rapport de minorité de ma collègue Sophie Forster Carbonnier, mais l'appuyer et relever que l'équité fiscale est une question de principe pour les Verts, et qu'il n'y a aucune raison que persiste une inégalité de traitement choquante entre des contribuables. Lorsque j'entends de la part du préopinant PLR, M. Genecand, que ce qui est proposé dans ce projet de loi est une éthique de bandit de grand chemin, les bras m'en tombent ! Il s'agit là d'une question de principe. Nous sommes dans un Etat de droit, et il est essentiel que chaque contribuable soit traité de manière égale, afin de permettre à notre Etat d'assurer sa fonction de redistribution, d'assumer ses tâches et les différentes prestations qu'il offre à la population. Refuser le projet de loi tel que proposé par ses signataires, c'est non seulement accepter que perdure une inégalité fiscale, mais également - comme l'a relevé Mme Forster Carbonnier - se priver de recettes fiscales qui ne seraient qu'un juste retour des choses, car il faut bien se rendre à l'évidence: à terme, lorsque cette réévaluation aura lieu, ce sera à peu près 60% d'indexation que les propriétaires devront subir. Aussi, une indexation de 20% constitue déjà un premier palier, tout en permettant à l'Etat de bénéficier de plus de 30 millions de nouvelles recettes, qui ne seront pas volées et qui, je le rappelle, permettront d'assumer ses tâches plutôt que de couper dans des prestations essentielles pour notre population. Les Verts vous prient donc de refuser le projet de loi tel que sorti de commission et de voter les rapports de minorité. Merci de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?
Le président. Une minute et trente secondes.
Mme Sophie Forster Carbonnier. Très bien. J'ai écouté avec attention les diverses interventions du PLR, du MCG et de l'UDC, mais personne n'a répondu à mes interrogations. Comment justifiez-vous le fait qu'un nouveau propriétaire paie actuellement cinq fois plus d'impôts qu'un ancien propriétaire pour un bien semblable ? C'est une inégalité de traitement devant la loi qui est inacceptable, et je ne vous ai pas entendus à ce propos. Or il me semble que, parmi vos membres, des gens sont concernés par cette situation et doivent aussi s'en émouvoir.
Ensuite, un certain nombre de chiffres ont été articulés. Depuis, ces chiffres ont été réactualisés, et il s'agit bien d'une augmentation des valeurs estimées de 69% pour les villas entre 2004 et 2013, et de 67% pour les propriétés par étages. Les 20% sont donc plus que modestes, puisqu'ils représentent moins du tiers des valeurs réelles. Par ailleurs, on entend toujours des déclarations dans cette enceinte selon lesquelles la fiscalité de Genève est insupportable pour les contribuables de ce canton, pour les contribuables riches en particulier. La fiscalité de Genève est caractéristique par sa forte progressivité. Les gens qui ont peu ou pas de moyens paient très peu, et en effet, les personnes qui disposent de plus de moyens s'acquittent de davantage d'impôts. C'est une chose dont on peut se réjouir plutôt que de s'en plaindre !
Enfin, la fiscalité genevoise possède également une autre caractéristique, à savoir qu'elle est extrêmement peu transparente. Il demeure un nombre de niches fiscales et d'exceptions purement genevoises par rapport à l'environnement suisse...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Sophie Forster Carbonnier. ...qu'on ne trouve qu'ici. Si on commençait par s'attaquer à ces niches fiscales et rétablir une certaine égalité de traitement entre les contribuables, je pense que cela nous permettrait d'arriver à renforcer les recettes fiscales, sans pour autant prétériter une partie de la population. Je vous remercie.
Mme Magali Orsini (EAG), rapporteuse de première minorité. Je voulais simplement revenir sur la question de la neutralité fiscale qui aurait été promise aux propriétaires fonciers - propriétaires d'appartements et de villas - pour vous dire qu'Ensemble à Gauche s'y opposera formellement. La réévaluation des immeubles individuels est simplement la reconnaissance d'une réalité économique, à savoir que ces immeubles ont pris une valeur qui se traduit d'ailleurs immédiatement lors de la vente par la constatation d'une plus-value considérable. Je répète que cette plus-value s'est accumulée sans mérite particulier, uniquement du fait de la pénurie de logements à Genève. Mais c'est une réalité. Lorsqu'on constatera cette réalité en réévaluant la valeur fiscale des immeubles, il sera hors de question qu'on fasse, par compensation, des cadeaux d'impôt sur la fortune aux mêmes bénéficiaires. Je vous prie de croire que nous nous y opposerons par tous les moyens.
Encore un petit mot concernant une réflexion de M. Zacharias sur les jeunes qui quitteraient le canton, désespérés par le manque de perspectives que celui-ci offrirait. Je pense que plus on ira vers une économie bling-bling à base de brassage de plus-values occultes, moins ce sera favorable à la recherche d'idéal de notre jeunesse. Ceci nous ramène à ce qu'on disait tout à l'heure par rapport à l'économie secondaire: je pense que plus on aura affaire à de l'économie réelle, plus on sera en mesure d'offrir à notre jeunesse un idéal un peu plus intéressant. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. La majorité de la commission fiscale estime que la neutralité fiscale et un juste équilibre doivent être maintenus. N'oublions pas que Genève a le plus haut taux d'impôt sur la fortune de Suisse, avec un prélèvement de 1%, ce qui est énorme et va évidemment nous affaiblir dans le futur si nous ne résolvons pas ce problème. Il faut savoir que les gains immobiliers apportent à Genève 197 millions et l'impôt immobilier complémentaire 103 millions, soit 300 millions, auxquels il faut ajouter l'impôt sur la fortune, somme qui dépasse d'ailleurs les 600 millions. Enfin, rappelons ici que ce Grand Conseil avait voté le PL 11313 traitant du même sujet. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale vous demande d'accepter le projet de loi tel que sorti de commission et de refuser l'amendement socialiste.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat fait le même constat que les rapporteurs de minorité. La situation actuelle en matière d'estimation des valeurs des immeubles conduit à une inégalité de traitement, notamment entre les personnes qui se sont portées acquéreuses d'un bien immobilier au cours de ces dernières années - le marché était alors très élevé - et celles qui sont propriétaires depuis de nombreuses années. Nous sommes également conscients que cela pose un problème de conformité avec le droit fédéral et que, de manière générale, la situation de l'imposition à Genève, notamment en matière d'imposition sur la fortune, est véritablement problématique. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.
La stratégie qui vous a été proposée par le Conseil d'Etat - et qui a été concrétisée, en tout cas dans un premier temps, par votre Grand Conseil - est de procéder en deux phases. La première phase a été votée, elle bat son plein actuellement. Il s'agit d'objectiver formellement les valeurs de ces immeubles. Il est vrai que depuis un certain nombre d'années - vingt, voire davantage - il n'a pas été procédé à des réévaluations objectives de la valeur de ces objets. Il est donc nécessaire de le faire. Nos services sont maintenant à l'oeuvre. Il est important que ce travail se fasse rapidement. On a évoqué un délai de trois ans. J'ai demandé que cela se fasse le plus vite possible de manière que nous puissions passer à la deuxième phase de cette opération, qui consistera à estimer et ensuite proposer un système de taxation qui, comme nous vous l'avons annoncé - pas seulement dans le courant de cette législature, mais également avec mon prédécesseur M. Hiler - pourrait servir de base à une sorte de rééquilibrage. Je ne parle pas de compensation, mais de rééquilibrage de la fiscalité globale des valeurs immobilières, mais aussi mobilières, puisque l'imposition, le niveau d'imposition sur la fortune dans ce canton est véritablement problématique. Je vous le dis avec toute la conscience que j'en ai maintenant en occupant ces fonctions depuis quelques mois.
Bien sûr, l'impôt sur le revenu connaît une progressivité logique. Il est déjà élevé pour un certain nombre de personnes qui apportent beaucoup de valeur, de fiscalité dans ce canton. Mais la taxation d'un bien ou d'une fortune - qui ont eux-mêmes déjà été taxés pour être constitués - est un souci pour le gouvernement, notamment pour la pérennité de notre substance fiscale, portée par une proportion malheureusement trop faible de nos contribuables. C'est un mécanisme de réévaluation, un rééquilibrage que nous visons. Nous visons à le mettre en oeuvre le plus rapidement possible, mais il faut absolument qu'il tienne compte de cela. La proposition qui consiste maintenant à réévaluer de manière unilatérale vient heurter et compromettre le souci que je viens de vous expliquer. C'est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition qui émane de la majorité de cette commission, qui permettra d'ailleurs au Conseil d'Etat d'avoir une base légale pour poursuivre un travail qui, comme je vous l'ai indiqué, se fera le plus rapidement possible. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter le projet de loi tel que sorti des travaux de votre commission. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11397 est adopté en premier débat par 88 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général qui consiste à revenir au projet de loi initial, ainsi qu'annoncé dans les deux rapports de minorité. Le vote est lancé.
Une voix. Vote nominal !
Le président. C'est trop tard. (Commentaires.)
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 61 non contre 31 oui.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 4.
Troisième débat
La loi 11397 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11397 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 30 non.