Séance du jeudi 5 juin 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 9e session - 54e séance

PL 11460-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi de MM. Edouard Cuendet, Murat Julian Alder, Michel Amaudruz, Boris Calame, Jean-Marc Guinchard divisant en deux lois distinctes la loi 10697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 5 et 6 juin 2014.
Rapport de majorité de M. Boris Calame (Ve)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

Le président. Nous passons au débat sur le projet de loi 11460 qui se fait en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Calame, vous avez la parole.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, ce rapport de la commission législative est un peu technique et il arrive un peu tardivement sur nos bureaux, mais puisque cette loi a déjà quelque peu traîné, la commission législative s'est fixé un délai très court pour partager ses considérations avec vous. Je vais rapidement survoler le rapport. Le cas échéant, vous pouvez toujours y retourner pour aller chercher quelques informations.

Il faut se remémorer un peu le processus du projet de loi adopté par le parlement ce printemps et se rappeler qu'en séance plénière du 27 mars, la loi 10697 a été approuvée par le Grand Conseil en trois débats.

Ce qu'il y a eu de particulier à ce moment-là, c'est que la commission des transports nous proposait... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...un outil nouveau issu de notre nouvelle constitution, le référendum facultatif, que l'on pourrait appeler parlementaire. Celui-ci doit être approuvé par les deux tiers du Grand Conseil et aurait obligé à soumettre cette loi au vote de la population.

Lors des débats, peut-être que nous n'étions pas prêts à accepter ce type de référendum ou peut-être que cela n'a pas été bien explicité, toujours est-il que le parlement a refusé l'article 44 de ce projet de loi, ce qui nous a placés dans une situation un peu particulière: le projet de loi a été transmis au Conseil d'Etat, qui s'est trouvé dans une position difficile, ne pouvant pas publier le projet de loi en l'état, puisque deux parties de cet objet étaient assujetties à des types de référendum différents, nécessitant respectivement cinq cents signatures et/ou celles de 3% du corps électoral.

Le Bureau du Grand Conseil a reçu un courrier du Conseil d'Etat expliquant la problématique et annexant une proposition de scission de la loi en deux lois distinctes. Ce projet a été transmis par le Bureau à la commission législative, qui, après l'avoir traité lors des séances du 2 et du 9 mai 2014, l'a ramené en séance plénière.

Lors des débats en commission, une jurisprudence du Tribunal fédéral nous a été rappelée concernant la loi sur l'énergie, pour laquelle cette problématique de scission et d'interaction avec différentes lois était déjà apparue. La majorité des membres de la commission a été convaincue qu'il était possible de procéder à cette scission - c'est-à-dire de séparer la loi en deux lois distinctes qui chacune serait assujettie à un référendum différent - sans tordre l'esprit de la loi sur l'exercice des droits politiques, c'est-à-dire en préservant l'attention de la population.

Le projet de loi 11460 a été traité par le Grand Conseil lors de la séance des 15 et 16 mai et renvoyé à la commission législative, qui a effectivement étudié ce projet de loi et est revenue sur cette problématique de l'interprétation de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Je pourrais dire que des doutes ont été évoqués, mais un engagement par rapport à l'article 85A de la LEDP a été donné par le Conseil d'Etat au Grand Conseil, qui l'a validé il y a relativement peu de temps. Cependant, cet article crée un conflit dans la situation présente.

En l'état, la majorité de la commission a considéré qu'il était tout à fait possible de scinder cette loi et de l'assujettir à deux référendums différents et que cela ne semblait pas tordre l'esprit de la LEDP. Le résultat des votes en commission a été relativement serré, nous nous sommes retrouvés à cinq contre quatre. Parmi les oui, on comptait l'UDC, le PLR, le PDC et les Verts, et parmi les non, le MCG, les socialistes et Ensemble à Gauche. Je crois que je vais m'arrêter là pour l'instant; si vous avez des questions, bien sûr que l'on y reviendra, mais il s'agit peut-être effectivement d'une erreur de travail ou d'une mauvaise compréhension du Grand Conseil au moment où la commission avait proposé ce référendum facultatif. La majorité de la commission pense que nous pouvons rectifier le tir sur proposition du Conseil d'Etat.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Concernant ce projet de loi de scission, plusieurs choses ont été dites: d'une part que nous étions obligés de scinder en deux la loi sur les taxis, parce que non seulement la constitution nous y obligeait, mais également l'arrêt du Tribunal fédéral et qu'en plus nous y étions quasiment conduits par le vote du Grand Conseil lors de la session du 27 mars 2014.

Or, à bien considérer ces textes, on constate que la constitution ne nous oblige en aucune manière à scinder ces projets de lois, bien au contraire ! Elle différencie les différents types de référendums et elle soutient que le référendum facilité est indiqué lorsqu'il s'agit de dispositions soit fiscales soit en matière de logement et d'habitat.

En ce qui concerne l'arrêt du Tribunal fédéral que j'ai inclus dans mon rapport de minorité, vous observerez, en le lisant attentivement, qu'en aucun cas il ne prescrit de scinder les lois en deux. Il dit que, à priori, le doute doit profiter au peuple et qu'il n'y aurait aucun dommage à soumettre la loi sur les taxis au référendum facilité; de plus, si d'aventure le Conseil d'Etat ou les constituants avaient voulu procéder à ce type de scission, ils devraient alors définir des règles très claires pour pouvoir éventuellement le faire. C'est là que le bât blesse: sur la loi sur l'exercice des droits politiques qui, lors de la modification de mars 2013, a inclus un nouvel article 85A dont on nous dit qu'il prescrit, lui, effectivement, de scinder un objet en deux lorsque nous avons des dispositions qui relèvent soit du référendum facultatif, soit du référendum facilité. Or, en l'état, autant le service de la direction des affaires juridiques que le Conseil d'Etat admettent que cette disposition - la 85A de la LEDP - n'a pas forcément tenu compte de tous les éléments qu'elle aurait dû prendre en considération et qu'elle pose plusieurs problèmes. Le premier étant notamment que si l'on scindait en deux la loi sur les taxis ou tout autre objet, il n'est de loin pas certain qu'une partie puisse survivre si l'autre était d'aventure refusée par référendum, ce qui montre bien les limites de cet article dont on veut aujourd'hui nous obliger à suivre les prescriptions.

C'est pourquoi la minorité a estimé qu'il n'était pas correct ni légitime, finalement, de cautionner une disposition discutable en elle-même et qui, selon les informations qui nous ont été données par la direction des affaires juridiques, devrait être corrigée.

Nous avons accepté d'attendre les résultats de ces travaux et de ne pas proposer directement une correction, mais aujourd'hui il nous paraîtrait plus cohérent de ne pas entrer en matière, ce qui reviendrait à cautionner et légitimer cette disposition 85A. C'est pourquoi la minorité de la commission vous propose de transformer cette loi de scission en une loi de dérogation en vous présentant les amendements contenus dans le rapport de minorité, qui visent essentiellement à déroger à cet article 85A, qui n'est pas pertinent, de sorte que la loi sur les taxis puisse être soumise dans son entier au référendum facilité.

M. Edouard Cuendet (PLR). Je dois dire que la commission législative que j'ai le privilège de présider modestement est devenue un haut lieu de l'exégèse byzantine de textes juridiques. L'apport de nos amis et collègues constituants n'y est pas pour rien. (Brouhaha. Commentaires.) On assiste à des échanges nourris entre doctes experts en droit qui s'éloignent parfois d'un salutaire pragmatisme. Le projet de loi 11460 illustre parfaitement ce phénomène. Je remercie d'ailleurs le rapporteur de majorité d'avoir pu résumer les enjeux en un temps record. Il est vrai qu'il a dû déposer très rapidement son rapport, qu'il a résumé de manière tout à fait pertinente juste avant moi.

Le problème est au fond très simple et il est décrit de manière limpide par le Conseil d'Etat dans sa demande de scission du projet de loi 10697 en deux lois. Je me permets de le citer, c'est peut-être un peu scolaire, mais je crois que c'est plus simple. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Edouard Cuendet. Je cite: «Selon l'article 67, alinéa 2, lettre a, de la constitution de la République et canton de Genève, les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou qui portent sur la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt existant sont soumises au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques, alors que les autres lois n'y sont soumises que s'il est demandé par 3% des titulaires des droits politiques.» Le problème est donc d'une simplicité évangélique. Evitons par conséquent de nous livrer à des contorsions juridiques savantes et votons le projet de loi 11460-A tel qu'il est ressorti des travaux de la commission, sans entrer dans les détails des travaux, des «Materialien» - comme on dit en allemand - de la Constituante.

Une voix. Bravo !

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je tiens à remercier le rapporteur de majorité pour la clarté de son rapport et pour avoir très utilement rapporté les différentes étapes de ce projet de loi. Je rappellerai néanmoins - même s'il a été suffisamment précis à ce sujet - que la commission des transports a tenu pas moins de dix-huit séances consacrées à ce projet de loi sur les taxis, projet de loi qui a également été traité en sus par une sous-commission. Finalement, ce projet a été accepté le 17 septembre 2013 par la commission des transports.

Il a été rappelé aussi... (Brouhaha.) Si je pouvais avoir un peu de silence, ce ne serait pas désagréable, merci. (Le président agite la cloche.) Le refus du référendum parlementaire facultatif intervenu devant notre Grand Conseil a aussi été rappelé...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. J'aimerais bien que les personnes de ce côté de la salle aillent discuter derrière, et non dans la salle. Merci. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Monsieur le président. Je rappelle donc que notre Grand Conseil, le 27 mars 2014, a refusé ce référendum parlementaire facultatif, nouveauté introduite par la constitution.

Je souscris entièrement aux propos de mon préopinant président de la commission législative pour estimer que nous sommes là en plein dans des arguties juridiques un peu compliquées, alors que le problème a été clairement explicité par le Conseil d'Etat et qu'il a été traité de façon rapide, pour une fois, et claire de surcroît, par la commission législative.

Cette loi 10697 se compose de deux parties, on l'a rappelé: l'une traitant de dispositions fiscales et donc soumise à un référendum facilité à cinq cents signatures, l'autre, une partie organisationnelle simplement et donc soumise au référendum voulu par la constitution à 3%. La commission législative a traité ce point les 2 et 9 mai 2014 et elle s'est entourée des avis suffisamment pertinents qui lui ont été donnés, en particulier par le service juridique du Conseil d'Etat et du Grand Conseil.

La loi de scission, à l'heure actuelle, est l'unique moyen de permettre à d'éventuels référendaires d'exercer leurs droits démocratiques, dans un délai raisonnable de surcroît - parce que cette loi a trop traîné. La rapporteure de minorité a donné une interprétation très personnelle, et très extensive surtout, des dispositions, qu'elles soient constitutionnelles ou afférentes à la loi sur l'exercice des droits politiques. Je retiens de cette interprétation que la minorité de la commission souhaite à tout prix que l'entier du texte soit soumis au référendum facilité à cinq cents signatures ! Il s'agirait là, Mesdames et Messieurs, chers collègues, d'un détournement de démocratie et d'un déni de cette même démocratie ! Sur cette base, le groupe démocrate-chrétien vous encourage à soutenir la majorité de la commission et à refuser les amendements qui vous sont proposés par la minorité.

M. Cyril Mizrahi (S). On nous parle de solutions simples. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en définitive il y a une solution assez simple et qui aurait pu être mise en oeuvre, si le Conseil d'Etat n'avait pas compliqué ce point à l'excès: c'est de soumettre l'entier de la loi au référendum à cinq cents signatures. Ni la nouvelle constitution, ni la loi sur l'exercice des droits politiques n'obligent à scinder cette loi en deux.

La seule chose que dit la LEDP, en définitive, c'est que dans une même loi, on ne peut pas prévoir que certaines dispositions soient soumises à un type de référendum et d'autres dispositions à un autre type. Ce n'est pas le cas de la loi sur les taxis. On peut donc tout à fait la soumettre dans son ensemble au référendum à cinq cents signatures et c'est ce que nous proposons.

On peut certes regretter que le Grand Conseil n'ait pas choisi l'outil du référendum à la majorité des deux tiers du parlement, qui aurait pu régler la question. A présent, nous nous trouvons dans le cas du référendum à cinq cents signatures. L'arrêt du Tribunal fédéral publié suite à la question qui avait été posée sur la loi sur l'énergie le dit clairement: cette loi sur l'énergie contenait des dispositions ayant trait à la protection des locataires et d'autres dispositions qui n'étaient pas couvertes par le champ du référendum sur le logement, et le Tribunal fédéral a clairement dit qu'il était possible de soumettre l'ensemble de la loi comme un tout au référendum le plus favorable au droit populaire - «in dubio pro populo». C'est ce qu'a rappelé le Tribunal fédéral.

Pourquoi demandons-nous de ne pas scinder cette loi ? Simplement parce qu'elle forme un tout et que le Conseil d'Etat a été très clair: il ne mettra pas en vigueur une partie sans l'autre et, si une partie devait être refusée en votation, il présenterait un nouveau projet devant ce Grand Conseil, parce que le coeur de cette loi porte tout de même sur ce qui va être payé par les taxis pour l'utilisation du domaine public. Il n'est donc pas justifié de séparer artificiellement cette loi pour essayer de saucissonner la chose. C'est pourquoi notre groupe ne votera pas cette loi de scission. Des amendements ont été proposés dans le rapport de minorité déposé sur vos tables. Nous accepterons ces amendements. Si la loi est amendée, nous la voterons, dans le cas contraire nous voterons contre, et nous vous incitons à en faire de même.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Moi ? (Commentaires.) Excusez-moi, Monsieur le président, je pensais que d'autres devaient intervenir avant moi. L'affaire est très simple: avons-nous peur du peuple ou pas ? C'est de cela qu'il s'agit. Des gens se battent ici pour soustraire une loi qu'ils ont votée et qu'ils estiment excellente - nous l'avons également votée et nous la soutenons - ou en soustraire un bout au verdict populaire en espérant que les auteurs du référendum annoncé ne recueilleront pas les signatures. Tout cela est bien peu démocratique !

A l'instant, M. Guinchard, du PDC, a considéré que la position du rapport de minorité défendue par Mme Haller serait un déni de démocratie. Quand même ! Il s'agit de faciliter la prise de position du peuple, enfin de la partie de celui-ci qui a le droit de s'exprimer et de la partie de celui-ci qui prendra la peine de s'exprimer. Quand même ! Il s'agit en l'occurrence de savoir si l'on est pour permettre le référendum facilité sur l'ensemble de cette loi ou pas. Notre position, parce que nous sommes des démocrates, parce que nous faisons confiance aux citoyennes et aux citoyens de cette république, est de dire oui. Nous sommes pour un référendum le plus facilité possible. Les cinq cents signatures ne nous posent pas de problème. Nous appellerons à voter oui à cette loi, mais nous sommes contre ce saucissonnage, contre ce traficotage tacticien, politicard et détestable de projets de lois pour essayer de les soustraire au verdict populaire !

S'il fallait se prononcer ce soir pour le référendum général à cinq cents signatures sur l'ensemble de nos travaux et sur l'ensemble des lois que nous votons, nous serions pour ! Rappelons quand même sur le fond, Mesdames et Messieurs, que Genève, par rapport à sa population, a l'un des taux de signatures nécessaires pour déclencher un référendum populaire les plus élevés ! De mémoire, à Zurich, qui a une population supérieure à la nôtre, pour contester une loi votée par le parlement, il faut quelque chose comme mille signatures. C'est bien ! C'est démocratique et cela n'engage pas la décision dans un sens ou dans un autre. Simplement, cela la remet plus facilement aux mains des citoyennes et des citoyens et en effet, cela enlève un peu de pouvoir à cette assemblée pour le remettre directement entre les mains des habitants, entre les mains des citoyennes et des citoyens de cette république. C'est cela, Mesdames et Messieurs les députés qui vous opposez au rapport de minorité, que vous appelez un déni de démocratie ? Le fait de confier une décision aux citoyennes et aux citoyens de cette république ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, vous avez une bien étrange conception de la démocratie !

M. Eric Stauffer (MCG). Cher Pierre, vous avez parfaitement raison - vous transmettrez, Monsieur le président - mais vous n'avez pas compris, cher collègue, qu'une partie de ce gouvernement a peur du peuple, notamment depuis la votation du 18 mai dernier concernant les parkings relais. Donc moins il doit consulter le peuple - pour une partie de ce gouvernement - mieux il se portera !

Quand on sait que la loi sur les taxis a été détruite, pulvérisée, atomisée par le Tribunal fédéral à réitérées reprises parce qu'elle n'était pas conforme à la Constitution suisse, notamment à son article 4 sur la liberté de commerce, quand on sait que l'homme d'affaires, le diplomate ou le touriste qui vient prendre un taxi à Genève ne comprend pas pourquoi, quand il monte dans le véhicule, il se fait arrêter par la police, parce que ce dernier utilise les voies réservées aux taxis... Cela est incompréhensible pour ceux qui visitent Genève, mais ce n'est qu'une genevoiserie de plus ! Le Conseil d'Etat a bien sûr continué - parce qu'on ne change pas une équipe qui perd, on la maintient - à faire de cette loi sur les taxis une spécialité genevoise.

Alors oui, chers collègues d'Ensemble à Gauche, une partie du gouvernement a peur du peuple et s'il pouvait fixer à cinquante mille signatures le droit de référendum, eh bien il le ferait ! Ou si, comme en France, il pouvait carrément le supprimer, il le ferait aussi ! Remarquez, on n'est pas loin de certaines dictatures où on ne veut consulter le peuple que lorsque cela arrange.

Eh bien non ! Au MCG, nous sommes pour une consultation beaucoup plus large et beaucoup plus fréquente de la population. Le peuple participe à l'exercice démocratique. Vous en êtes d'ailleurs l'émanation ici, ce soir, en tant que députés du Grand Conseil de la République et canton de Genève. Pour nous, il n'y a aucune ambiguïté à soutenir les deux amendements qui sont proposés et à refuser la scission de la loi. Le MCG, a contrario de certains autres partis, n'a pas peur du verdict populaire.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Michel Ducommun, à qui il reste une minute.

M. Michel Ducommun (EAG). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer d'intervenir en une minute. Ce qui me semble inquiétant dans le débat que nous avons actuellement, c'est le fait d'avouer que nous avons des projets de lois sans une vision globale et sans unité dans leur ensemble. On peut donc séparer ce qui peut être voté par référendum à cinq cents signatures et ce qui relève d'un référendum à sept mille signatures. Cela signifie que les gens qui ont des critiques par rapport à ce projet de loi doivent se dire: «Attention, il y a cette partie que je n'aime pas, mais il me faut cinq cents signatures, cela jouera peut-être, et puis il y a cette partie que je n'aime pas, mais je dois réunir sept mille signatures.» Si on en arrive à pouvoir partager le projet de loi - qu'on suppose devant garantir une certaine unité - entre ce qui relève de cinq cents et ce qui relève de sept mille signatures...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Michel Ducommun. ...je trouve qu'on est en plein déni de la qualité de ce qu'on fait et dans un déni du droit qu'ont les citoyens de s'exprimer...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Michel Ducommun. ...sur une loi que nous votons.

M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous voyons les limites du système avec le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Autrefois, à Genève, comme c'est le cas au niveau fédéral, il y avait un système spécifique pour le référendum en matière constitutionnelle et un système spécifique pour le référendum en matière législative. Depuis maintenant plus d'une douzaine d'années, nous avons deux référendums un peu particuliers en matière législative dans le domaine fiscal et celui du logement. Dans les domaines où une loi est soumise au vote du peuple, qui contient des dispositions en matière fiscale ou en matière de logement, on avait autrefois un référendum obligatoire et désormais un référendum facilité à cinq cents signatures. C'est une absurdité ! Toutes les lois devraient être soumises au même titre au référendum facultatif. C'est une question de bon sens. Pourquoi y aurait-il des lois supérieures à d'autres du simple fait qu'elles contiennent des dispositions en matière fiscale ou des dispositions en matière de logement ? (Commentaires.)

Une voix. Chut !

M. Murat Julian Alder. Le bon sens commanderait qu'on fasse table rase de ces guéguerres politiques stériles et que toutes les lois soient soumises au même type de référendum. La Constituante a souhaité respecter la volonté populaire simplement en corrigeant l'effet pervers du référendum obligatoire d'autrefois qui avait pour conséquence que même des lois approuvées à l'unanimité par ce Grand Conseil étaient soumises au vote du peuple genevois. (Commentaires.) J'insiste ici sur un point: la scission demandée n'est rien d'autre qu'une question de bon sens et j'aimerais ici contester d'emblée toute velléité de critique à l'endroit de la Constituante qui n'est pour rien du tout là-dedans. (Exclamations.) Sous l'ancien droit... (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Murat Julian Alder. Sous l'ancien droit, la situation aurait été pire, puisque...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Murat Julian Alder. ...nous aurions eu des dispositions soumises au référendum obligatoire et d'autres au référendum facultatif. Encore une fois, la Constituante n'y est strictement pour rien. (Commentaires.) Il est un peu facile de critiquer cet organe qui a réussi l'exercice de faire passer devant le peuple...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Murat Julian Alder. ...un texte constitutionnel.

Une voix. C'est bien !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites. Il est clair - on le voit à la lecture des deux rapports - que les positions sont tranchées. Mais, Mesdames et Messieurs, ne sommes-nous pas dans cette situation détestable d'intrigues de palais du Grand Conseil, de la législation, voire de la Constituante - même si cela ne plaît pas à mon préopinant - qui arrive à nous pondre des choses qui nous mettent dans des situations regrettables comme celle de ce soir ?

Cette situation est détestable: je vous rappelle les péripéties survenues lorsque nous avons parlé de ce projet de loi qui, malgré tout, grâce à un forcing à la commission, a été accepté et est parvenu devant le Grand Conseil, alors qu'il avait été complètement modifié et que bien des parties n'avaient pas été entendues.

On veut à présent, comme l'ont dit les bancs d'en face - que je rejoins, pour une fois - saucissonner et fractionner ce projet de loi. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons dans le cas de l'expression d'une volonté populaire. Cela ne sert à rien que je vous en dise davantage, le temps est compté ce soir. L'Union démocratique du centre pense très sérieusement - et c'est notre volonté politique générale - que le peuple, les électeurs, les citoyens doivent pouvoir s'exprimer. C'est la raison pour laquelle nous sommes pour l'entrée en matière sur ce texte, mais nous vous demanderons d'accepter les amendements proposés, faute de quoi l'UDC renoncera à ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité, Jocelyne Haller, à qui il reste une minute et cinquante secondes.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aurais voulu insister sur un aspect: jusqu'à l'introduction de l'article 85A, la cohabitation de dispositions qui relevaient du référendum facultatif ou du référendum obligatoire ne posait pas de problèmes. Personne ne criait au détournement de la démocratie.

M. Guinchard a évoqué tout à l'heure un déni démocratique, mais que dire alors du fait que l'article 85A ne conduit à rien d'autre qu'à une restriction du champ du référendum facilité ? De là à y voir une intention, la distance n'est pas grande, parce que finalement, si j'entends bien M. Alder qui parlait il y a deux secondes, que nous disait-il ? Il nous disait qu'au fond il devrait y avoir un seul type de référendum, le référendum facultatif, c'est-à-dire qu'il appelle de ses voeux la fin du référendum facilité. Voilà ce qui se cache derrière cet article 85A, voilà pourquoi nous ne voulons pas le créditer et pourquoi nous vous demandons de bien vouloir y déroger en acceptant les amendements qui vous sont proposés. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Calame, vous n'avez normalement plus de temps de parole, mais je pense que vous utilisez celui de votre groupe ? (Remarque.) Vous avez la parole.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Du moment qu'il n'a rien dit, je vais utiliser le temps de mon groupe. Je vous remercie, Monsieur le président.

Monsieur le président, chères et chers collègues, il y a une réalité, c'est que le Conseil d'Etat doit agir dans le cadre de la loi, celle que nous lui avons donnée. La jurisprudence du Tribunal fédéral dit que s'il n'est pas nécessairement exclu de scinder une loi pour la soumettre en partie au référendum obligatoire et en partie au référendum facultatif, ce procédé doit demeurer exceptionnel compte tenu des sérieux inconvénients qu'il présente. Nous sommes dans une situation exceptionnelle. Il serait néanmoins souhaitable que cette question soit clarifiée dans le droit cantonal et que le constituant ou le législateur, s'ils entendent permettre les scissions évoquées, les règlent expressément en éditant des conditions claires à cet égard.

De cet arrêt du Tribunal fédéral est sorti effectivement l'article 85A, alinéa 2 de la LEDP, soit le cadre légal donné par le Grand Conseil suite à cet arrêt du Tribunal fédéral. La solution simple, une soumission de l'entier de la loi à cinq cents signatures, n'est pas du ressort du Conseil d'Etat ! Elle est tout au plus du ressort de ce parlement. C'est notre choix, nous sommes le législateur. Le Conseil d'Etat, jusqu'à preuve du contraire, est censé respecter la loi et ne pas y déroger.

Pour conclure, je citerai un extrait du rapport: «Malgré certains doutes évoqués par des commissaires lors des débats, en lien avec le choix d'un système référendaire qui soit le plus favorable possible à l'expression de la volonté populaire, la majorité de la commission constate qu'en cas d'aboutissement de l'un et/ou de l'autre référendum, le-s vote-s se ferai-en-t de façon séparée. Ce faisant, si le résultat du vote populaire était négatif sur l'un ou l'autre des objets, la loi dans son entier ne pourrait entrer en vigueur, car conçue comme un tout. La majorité de la commission est cependant pleinement convaincue que, de ce fait, les droits des référendaires potentiels sont ainsi respectés, tout en permettant au Conseil d'Etat de respecter le cadre légal contraignant» que nous lui avons donné, «pour publication de la loi 10697 de façon scindée.» Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons au terme du premier débat. Nous procédons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11460 est adopté en premier débat par 62 oui contre 15 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre est adopté.

Le président. Nous avons un amendement au préambule déposé par Mme Haller, que vous trouvez à la fin du rapport de minorité et qui consiste à supprimer la référence suivante à l'article 85A LEDP: «vu l'article 85A de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982». Madame Haller, souhaitez-vous présenter les amendements ? (Remarque.) Je vous passe la parole. Chaque groupe dispose de trois minutes.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. J'interviens simplement pour dire qu'il s'agit là de biffer la référence à l'article 85A, précisément parce que nous allons vous proposer ensuite d'y déroger. Je ne vois pas ce qu'il y aurait à ajouter à ce stade.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Que le parlement vote ou non le premier amendement, le deuxième amendement y étant directement lié, il est évident qu'il faut être cohérent dans son vote.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets donc cet amendement modifiant le préambule et consistant à supprimer la référence à l'article 85A LEDP.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 43 non.

Mis aux voix, le préambule ainsi amendé est adopté.

Le président. Concernant l'article 1, un amendement a été déposé par Mme Haller. Voulez-vous prendre la parole, Madame Haller ? (Remarque.) Non, la parole n'est pas demandée. Je mets donc aux voix l'amendement de l'article 1, qui a la teneur suivante:

«Article 1 (nouveau, les articles 1 à 4 anciens abrogés et l'article 5 ancien devenant l'article 2)

En dérogation à l'article 85A, alinéa 2 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, la loi 10697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes, du 27 mars 2014, est soumise au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques, en vertu de l'article 67, alinéa 2, lettre a de la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 44 non.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.

Le président. Je mets à présent aux voix l'amendement à l'article 2 qui a la teneur suivante:

«Article 2 Clause d'urgence

L'urgence est déclarée.»

Je vous rappelle que la majorité des deux tiers des voix exprimées est requise, sans tenir compte des abstentions, et que 51 voix au minimum sont nécessaires.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 72 oui contre 24 non.

Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

Le président. Nous arrivons au troisième débat. Je vais vous soumettre l'entier de cette loi telle qu'amendée. (Remarque.) Pardon, il y a un amendement de Mme Haller au troisième débat, qui vous a été distribué. Il s'agit de modifier le titre de la loi. En voici la teneur:

«Intitulé de la loi (nouvelle teneur)

Projet de loi

(11460)

soumettant la loi 10697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes au référendum facultatif selon l'article 67, alinéa 2 de la Constitution»

Madame Haller, vous avez la parole.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais simplement indiquer qu'à partir du moment où les autres amendements ont été acceptés, il convient de modifier l'intitulé de la loi, ce que propose cet amendement. Je vous remercie de l'accepter.

M. Cyril Mizrahi (S). Il me semble simplement qu'il y a un certain nombre d'articles qui ont été abrogés quand on a voté l'amendement du rapport de minorité. J'espère donc que cela a bien été fait dans ce sens.

Le président. De quels articles s'agit-il, Monsieur ?

M. Cyril Mizrahi. L'amendement du rapport de minorité indique: «Article 1 nouveau, les articles 1 à 4 anciens abrogés et l'article 5 ancien devenant l'article 2.» Est-ce que cela a bien été voté ainsi ?

Le président. Oui.

M. Cyril Mizrahi. Très bien, merci.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets donc aux voix en troisième débat l'amendement au titre, que je vous ai lu tout à l'heure.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui contre 33 non.

Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, le préambule est adopté, de même que les articles 1 et 2.

Le président. Je mets à présent aux voix le projet de loi dans son ensemble, tel qu'amendé.

Mis aux voix, le projet de loi 11460 est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 52 non contre 43 oui.