Séance du
mardi 27 mai 2014 à
17h
1re
législature -
1re
année -
8e
session -
52e
séance
Séance extraordinaire
Prestation de serment des magistrat-e-s du Pouvoir judiciaire
La séance est ouverte à 17h, en la cathédrale Saint-Pierre, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
(Tous les magistrats du Pouvoir judiciaire, à l'exception du procureur général, sont installés dans la cathédrale.
Une marche de François Couperin est jouée à l'orgue par M. François Delor, organiste de Saint-Pierre.
La cérémonie débute par l'entrée d'un seul cortège: la cheffe de la police, l'état-major de la police, les deux huissiers du Grand Conseil en bicorne et cape rouge et jaune, le sautier portant la masse, le président du Grand Conseil, le Bureau du Grand Conseil, deux huissiers du Conseil d'Etat, le président du Conseil d'Etat, le Conseil d'Etat et la chancelière, deux huissiers du Pouvoir judiciaire et le procureur général.
Les autorités s'installent sur le podium central, à l'exception du procureur général qui se place sur le premier banc de la travée centrale au pied du podium.
Le jeu d'orgue prend fin lorsque tout le monde est en place.)
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Je vous prie de rester debout.
Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Monsieur le procureur général,
Excellences,
Madame et Messieurs les conseillers d'Etat,
Mesdames et Messieurs les députés genevois aux Chambres fédérales,
Madame et Messieurs les juges fédéraux,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires cantonales et invitées,
Mesdames et Messieurs les députés,
Madame la chancelière d'Etat,
Madame le sautier,
Mesdames et Messieurs les anciens magistrats et anciens présidents du Grand Conseil,
Mesdames et Messieurs les magistrates et magistrats élus,
Monsieur le président et Madame et Monsieur les magistrats de la Cour des comptes,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités communales,
Mesdames et Messieurs les représentants des corps diplomatique et consulaire,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités militaires, universitaires et ecclésiastiques,
Mesdames et Messieurs les invités,
Chères concitoyennes, chers concitoyens,
Je vous souhaite la bienvenue à la prestation de serment des magistrates et des magistrats du Pouvoir judiciaire.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Cyril Aellen, François Baertschi, Isabelle Brunier, Jean-Michel Bugnion, Thierry Cerutti, Pierre Conne, Michel Ducommun, Marie-Thérèse Engelberts, Jean-Louis Fazio, Christian Flury, Benoît Genecand, Jean-François Girardet, Sandra Golay, Christian Grobet, Jocelyne Haller, Claude Jeanneret, Philippe Joye, Sarah Klopmann, François Lance, Norbert Maendly, Danièle Magnin, Yves de Matteis, Carlos Medeiros, Guy Mettan, Cyril Mizrahi, Philippe Morel, Salima Moyard, Sandro Pistis, André Python, Henry Rappaz, Jean Sanchez, Patrick Saudan, Daniel Sormanni, Pascal Spuhler, Eric Stauffer, Francisco Valentin, Alberto Velasco, Jean-Marie Voumard, Pierre Weiss, Ronald Zacharias, Christian Zaugg et Daniel Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Geneviève Arnold, Alexis Barbey, André Pfeffer, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.
Le président. L'ordre du jour appelle la prestation de serment des magistrates et des magistrats du Pouvoir judiciaire. Nous allons tout d'abord procéder à la prestation de serment du Ministère public.
Monsieur le procureur général, Mesdames et Messieurs les procureurs, vous êtes appelés à prêter serment avec entrée en fonction le 1er juin.
Je vais vous donner lecture du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée. Lorsque la lecture sera terminée, vous baisserez la main. Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Vous pouvez baisser la main et je prie toute l'assemblée de bien vouloir s'asseoir. (L'un des deux huissiers du Grand Conseil reste debout jusqu'à la fin des prestations de serment.)
Monsieur le procureur général, Mesdames et Messieurs les procureurs, à l'appel de votre nom, vous voudrez bien vous lever, puis lever la main droite et prononcer les mots «Je le jure» ou «Je le promets». Ensuite, vous pourrez vous rasseoir.
Procureur général:
M. Olivier JORNOT
Procureurs:
Mme Alessandra ARMATI
Mme Caroline BABEL CASUTT
M. Yves BERTOSSA
M. Niki CASONATO
M. Pierre-Alain CHATELAN
M. Walther CIMINO
Mme Olivia DILONARDO
M. Johan DROZ
M. Endri GEGA
M. Stéphane GRODECKI
Mme Marion HEYER
M. Adrian HOLLOWAY
Mme Anne-Laure HUBER
Mme Fabienne HUGENER
Mme Anne JUNG BOURQUIN
M. Philippe KNUPFER
Mme Diane KRONBICHLER
M. Fabrizio LA SPADA
Mme Judith LÉVY OWCZARCZAK
M. Olivier LUTZ
Mme Dania MAGHZAOUI
M. Julien MAILLEFER
M. Claudio MASCOTTO
M. Yves MAURER-CECCHINI
Mme Iana MOGOUTINE CASTIGLIONI
Mme Brigitte MONTI
M. Dario NIKOLIC
M. Gregory ORCI
Mme Laurence PIQUEREZ
M. Marco ROSSIER
M. Frédéric SCHEIDEGGER
M. Jean Bernard SCHMID
M. Joël SCHWARZENTRUB
Mme Rita SETHI-KARAM
Mme Francesca SPINUCCI
M. Marc TAPPOLET
M. Mario-Dominique TORELLO
M. Patrick UDRY
Mme Gaëlle VAN HOVE
Mme Laurence VIOLLIER
Mme Karin WIRTHNER ZINGGELER
Mme Josepha WOHNRAU
Mme Marine WYSSENBACH
(A l'appel de leur nom, M. le procureur général et Mmes et MM. les procureurs répondent par les mots «Je le jure» ou «Je le promets».)
Le président. Monsieur le procureur général, Mesdames et Messieurs les procureurs, je vous remercie. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite plein succès pour vos activités.
Le président. Nous allons procéder maintenant à la prestation de serment des autres magistrates et magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie toute l'assemblée de bien vouloir se lever.
Mesdames et Messieurs les magistrates et magistrats, vous êtes appelés à prêter serment avec entrée en fonction le 1er juin.
Je vais vous donner lecture du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée. Lorsque la lecture sera terminée, vous baisserez la main. Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Vous pouvez baisser la main et je prie toute l'assemblée de bien vouloir s'asseoir.
Mesdames et Messieurs les magistrates et magistrats, à l'appel de votre nom, vous voudrez bien vous lever, puis lever la main droite et répondre soit «Je le jure», soit «Je le promets». Ensuite, vous pourrez vous rasseoir.
Juges à la Cour de justice:
Mme Juliana BALDÉ
Mme Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE
Mme Paola CAMPOMAGNANI
Mme Corinne CHAPPUIS BUGNON
M. Patrick CHENAUX
Mme Daniela CHIABUDINI
M. Christian COQUOZ
Mme Maya CRAMER
M. Jacques DELIEUTRAZ
Mme Sylvie DROIN
M. Daniel DUMARTHERAY
Mme Pauline ERARD-GILLIOZ
Mme Alix FRANCOTTE CONUS
Mme Doris GALEAZZI
Mme Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ
Mme Christine JUNOD
Mme Florence KRAUSKOPF
Mme Valérie LAEMMEL-JUILLARD
Mme Nathalie LANDRY-BARTHE
M. Pierre MARQUIS
M. Raphaël MARTIN
Mme Sabina MASCOTTO
M. Cédric-Laurent MICHEL
Mme Valérie MONTANI
Mme Yvette NICOLET
M. Blaise PAGAN
Mme Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN
Mme Verena PEDRAZZINI RIZZI
M. Laurent RIEBEN
Mme Karine STECK
M. Jean-Marc STRUBIN
M. Philippe THÉLIN
M. Jean-Marc VERNIORY
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Juges suppléants à la Cour de justice:
M. Eric ALVES DE SOUZA
Mme Carole BARBEY
M. Jean-Louis BERARDI
M. Yves BONARD
Mme Laurence CRUCHON
M. Daniel DEVAUD
M. Giuseppe DONATIELLO
Mme Danièle FALTER
M. Serge FASEL
M. Robert FIECHTER
Mme Elisabeth GABUS-THORENS
M. Adriano GIANINAZZI
M. Werner GLOOR
M. Blaise GROSJEAN
M. David HOFMANN
M. Douglas HORNUNG
Mme Marguerite JACOT-DES-COMBES
M. Nicolas JEANDIN
M. Vincent JEANNERET
M. Romain JORDAN
M. Philippe JUVET
M. Pierre KOBEL
Mme Marie-Laure PAPAUX VAN DELDEN
M. Peter PIRKL
M. Pierre SCHIFFERLI
M. Guy STANISLAS
M. Thierry STICHER
M. Guy ZWAHLEN
Juges assesseurs à la Chambre des baux et loyers:
M. Grégoire CHAMBAZ
Mme Laurence CRUCHON
M. Pierre DAUDIN
M. Alain MAUNOIR
Mme Laurence MIZRAHI
M. Mark MULLER
M. Serge PATEK
M. Bertrand REICH
M. Pierre STASTNY
M. Thierry STICHER
Juges assesseurs à la Chambre de surveillance:
Mme Valérie CARERA
M. Christian CHAVAZ
M. Philipp GANZONI
M. Mathieu HOWALD
M. Denis KELLER
M. Claude MARCET
Mme Marilyn NAHMANI
Mme Natalie OPPATJA
M. Georges ZUFFEREY
Juges assesseurs à la Chambre pénale d'appel et de révision:
M. Navid ALIZADEH
Mme Isabelle AUBERT
M. Tristan BALMER MASCOTTO
M. Léon BENUSIGLIO
Mme Monique CAHANNES
Mme Nicole CHENEVIERE
Mme Myriam GIRARDET
Mme Alexandra HAMDAN
M. Pascal JUNOD
M. Claude PERROTTET
Mme Marie-Louise QUELOZ
M. Marco REALINI
Mme Michèle ROULLET
Mme Marie SAULNIER BLOCH
M. Roland-Daniel SCHNEEBELI
M. Samir SENOUCI
M. Dorian ZAUGG
Juges assesseurs à la Chambre des assurances sociales:
M. Michael BIOT
Mme Evelyne BOUCHAARA
Mme Diane BROTO
Mme Christine BULLIARD MANGILI
Mme Claudiane CORTHAY
Mme Dana DORDEA
Mme Rosa GAMBA
M. Willy KNÖPFEL
M. Olivier LEVY
Mme Christine LUZZATTO
M. Pierre-Bernard PETITAT
M. Christian PRALONG
Mme Anny SANDMEIER
Mme Teresa SOARES
Mme Maria SPEDALIERO
Mme Monique STOLLER FÜLLEMANN
Mme Christine TARRIT-DESHUSSES
M. Jean-Pierre WAVRE
M. Georges ZUFFEREY
Présidence de M. Antoine Droin, président
Juges au Tribunal civil:
Mme Laurence AELLEN
M. Stéphane ASCHER
M. Claude AUER
Mme Maud BAETTIG
Mme Anne-Marie BARONE
M. Ivo BUETTI
Mme Joëlle COTTIER-KNOBEL
Mme Aude CRITTIN-KUSTER
Mme Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE
Mme Lucia GERMANI
Mme Catherine HEKIMI
Mme Véronique HILTPOLD
Mme Hanna KALA
Mme Miranda LINIGER GROS
M. Pierre-Yves MAURON
Mme Xenia MINDER
Mme Renate PFISTER-LIECHTI
Mme Nathalie RAPP
M. Jean REYMOND
M. David ROBERT
Mme Sandrine ROHMER
Mme Elena SAMPEDRO
Mme Séverine TERRIER
Mme Sophie THORENS-ALADJEM
Mme Sandra VIGNERON
M. Fabien WAELTI
M. Dario ZANNI
Juges suppléants au Tribunal civil:
M. Pierre-Olivier ALLAZ
M. Ronald ASMAR
Mme Brigitte BESSON
M. Antoine BÖSCH
Mme Corinne CORMINBOEUF HARARI
M. Yves DE COULON
M. Alessandro DE LUCIA
M. Sébastien DESFAYES
Mme Stella FAZIO
M. Christian FISCHELE
Mme Karin GROBET THORENS
Mme Dominique HENCHOZ
Mme Barbara LARDI PFISTER
Mme Aude LONGET-CORNUZ
M. Patrick MALEK-ASGHAR
Mme Raffaella MEAKIN
M. Chris MONNEY
M. Nicolas MOSSAZ
Mme Michèle PERNET
Mme Sandrine TORNARE
M. Olivier WEHRLI
Mme Rabab YASSEEN
Juges assesseurs au Tribunal des baux et loyers:
M. Gordon AESCHIMANN
M. Alexandre AYAD
Mme Cécile BERGER MEYER
M. Jean BLANCHARD
Mme Claire BÖLSTERLI
Mme Emmanuelle BUGNA
Mme Sibel CAN
Mme Marozia CARMONA FISCHER
Mme Simone CARTIER
M. Constantin CASO
Mme Nadia CLÉRIGO CORREIA
Mme Sophie COLLÉ
M. Aldo COMMISSO
M. Stéphane CROZET
Mme Isabelle DUBOIS-DOGNON
Mme Florence EIMANN
M. Laurent EXTERMANN
Mme Silvia FENIELLO
M. Daniel Louis FERRIER
M. Eric FULD
M. Bernard GANTY
Mme Zena GOOSSENS-BADRAN
Mme Catherine GUIGNARD
Mme Marie-Claire GUINAND
Mme Mays HUSSAMI
Mme Astrid JACQUOT
M. Jean-Pierre JANIN
Mme Uzma KHAMIS VANNINI
M. Boris LACHAT
M. Franco MAURI
Mme Valérie PACHE HAVEL
M. Michel PENET
M. Alexandre SCHMID
Mme Clara SCHNEUWLY
Mme Yasmina SONDEREGGER
Mme Nathalie THÜRLER
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Juges assesseurs à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers:
M. Gordon AESCHIMANN
M. Pierre ASCHIERO
M. José AUBAREDA
M. Yvan BALLIF
M. Marko BANDLER
M. Mark BAROKAS
Mme Laïla BATOU
M. Adrien BODINIER
Mme Nadine BOLLE
Mme Sibel CAN
Mme Coralie CHAILLOT
M. Pierre CHARPILLOZ
Mme Karine CLERC
Mme Gladys Maria CORREDOR CASTRO
M. Pierre-Alain CRISTIN
Mme Gisèle DI RAFFAELE
Mme Anabela DOS SANTOS KRAMER
M. Cruz Melchor EYA NCHAMA
M. Frédéric FANCELLO
M. Jean-Philippe FERRERO
M. Eric FULD
M. Etienne GAILLARD
M. Antonio GARZON
M. Eric Roger GENTON
M. André GIGON
M. Patrick HAUPTLIN
M. Frédéric HERRERAS
Mme Astrid JACQUOT
M. Jean-Claude JAQUET
M. Alain-Pierre JEANNERET
M. Pierre-François KOULL
Mme Marie KREIS
Mme Raija LAHLOU
M. Sylvain LEHMANN
Mme Mareva MALZACHER
Mme Mélanie MATHYS DONZÉ
M. Yves MATRINGE
Mme Angélique MAURER-CARRON
M. Pierre MAURON
Mme Nadia MÉRIC
M. Aldo NABULSI
Mme Sabrina NATHAN
M. Nicolas PEREZ
Mme Hanumsha QERKINI
M. Surane RAGAVAN
Mme Julie RAVESSOUD
M. Claude ROEDER
M. Guy SAVARY
Mme Ghislaine SAVOY
Mme Stéfanie SIDLER
Mme Carine SIMOES
M. Marc SNEIDERS
M. René STADELMANN
M. Bertrand TOURNIER
M. Arnaud TURRETTINI
Mme Katia ZUFFEREY
Présidence de M. Antoine Droin, président
Juges au Tribunal pénal:
Mme Tatiana ALIBERTI
Mme Alexandra BANNA
M. Pierre BUNGENER
Mme Isabelle CUENDET
M. Stéphane ESPOSITO
M. Vincent FOURNIER
Mme Catherine GAVIN
Mme Delphine GONSETH
M. Michel Alexandre GRABER
M. François HADDAD
Mme Anne-Isabelle JEANDIN POTENZA
Mme Valérie LAUBER
M. Patrick MONNEY
M. Fabrice ROCH
Mme Françoise SAILLEN AGAD
Mme Catherine TAPPONNIER
M. Stéphane ZEN-RUFFINEN
Juges suppléants au Tribunal pénal:
M. Yann ARNOLD
M. Thomas BARTH
Mme Lorella BERTANI
M. Alexandre BÖHLER
M. Manuel BOLIVAR
M. Claudio FEDELE
M. Antoine HAMDAN
M. Eric HESS
Mme Virginie JORDAN
M. Michaël LAVERGNAT
Mme Lisa LOCCA
M. Yves MAGNIN
Mme Monika OCHSENBEIN NNANNA (DIT BERTHOLET)
M. Jacques ROULET
Mme Laura SANTONINO
M. Raphaël TREUILLAUD
M. Reza VAFADAR
Juges assesseurs au Tribunal criminel:
Mme Geneviève BAUMGARTNER
Mme Loly BOLAY
Mme Nicole CASTIONI
M. Claude ETTER
M. Alain GALLET
Mme Nelly HARTLIEB
M. Marcel IMHOF
M. Patrick MUTZENBERG
Mme Christine OTHENIN-GIRARD
Mme Josiane STICKEL-CICUREL
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Juges au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant:
Mme Pauline BRUN SOFIA
Mme Linda CHABAL
Mme Emmanuelle DE MONTAUZON
M. Philippe GUNTZ
M. Henri LEU
Mme Fabienne MICHON RIEBEN
Mme Isabelle UEHLINGER
M. Thierry WUARIN
Juges suppléants au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant:
M. Roland BURKHARD
Mme Audrey HELFENSTEIN
Mme Astrid MARTIN
M. Yves MERMIER
M. Adriano Claudio REALINI
Mme Francine RIEKER VARIN
Mme Tirile TUCHSCHMID MONNIER
M. Christophe ZELLWEGER
Juges assesseurs au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant:
Mme Bérénice ALBERTI
Mme Laurence BAGNOUD-ROTH
Mme Suzanne BARRAS-SKUPIENSKI
Mme Agnès BAVAREL
M. Jean-Guillaume BAVAREL
Mme Erika BECK-TUSKE
Mme Brigitte BERTHOUZOZ
Mme Elisabeth BIRO
M. Jean-Luc BOSS
Mme Jacqueline CAILLAT LAMBELET
Mme Annick CAMPART
Mme Anouk CHANSON
M. Jean-Marc CHAUVIN
M. Frédéric CHEVALLEY
Mme Alexandra CHRISTINAZ-BERNARDI
M. Christophe DALLON
M. Jacques DUBUIS
Mme Christine EMERY
Mme Christine ESTOPPEY
M. Dario GIACOMINI
Mme Sibylle GMÜR
M. André GOBELI
Mme Emmanuelle GRANZOTTI
Mme Caroline GRODECKI
M. Jean-Paul GUISAN
Mme Tania KNOCH
Mme Eveline KOLATTE
Mme Fanny LECHENNE
Mme Nadia LEUZZI BOARETTO
Mme Christine LÉVY
M. Christian LIENGME
Mme Anne LOUVRIER
Mme Dominique MAGNENAT-BARBERAT
M. Denis MARTIN
M. Andri MEILER
Mme Laurence MISEREZ
Mme Véronique MONTFORT
Mme Paola MORI
M. Alain PERRET-GENTIL
M. Nicolas PERRIN
M. Julian PETITPIERRE
Mme Marie PIN
Mme Sylvia QUAYZIN HOOTON
Mme Alexandra RAGETH
M. Georges SALOUKVADZE
M. Daniel SMAGA
M. Alain SOUCHE
Mme Danièle SPEIERER
M. Rolf STAUFFER
Mme Tatiana TENCE
M. Vincent TOURNIER
M. Philippe André VADI
M. Urs WALTHER-BUEL
Présidence de M. Antoine Droin, président
Juges au Tribunal des mineurs:
M. Olivier BOILLAT
M. Olivier DEFERNE
Mme Christine LOMBARD
Mme Nathalie MAGNENAT-FUCHS
M. Serge MILANI
Mme Fabienne PROZ JEANNERET
Mme Silvia TOMBESI
Juges suppléants au Tribunal des mineurs:
Mme Alexandra CLIVAZ-BUTTLER
M. Pierre GASSER
Mme Saskia GOLOVTCHINER-DITISHEIM
Mme Véronique MAURON-DEMOLE
Mme Valérie MENTHA
Mme Sylvie WEGELIN
Juges assesseurs au Tribunal des mineurs:
Mme Elsbeth CUNNINGHAM
M. Pascal EMERY
Mme Marion GARCIA
M. Marc KAPLUN
M. Xavier MAGNIN
M. Per MAHLER
Mme Marianne MATHEZ-ROGUET
Mme Madeleine PINGET
M. Henri SCHAERER
Juges au Tribunal administratif de première instance:
M. Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Mme Sophie CORNIOLEY BERGER
Mme Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
M. Yves JOLIAT
Mme Quynh STEINER SCHMID
Mme Marielle TONOSSI
Juges suppléants au Tribunal administratif de première instance:
M. Malek ADJADJ
M. Antoine BERTHOUD
M. André MALEK-ASGHAR
M. Christian PIRKER
M. Sandro VECCHIO
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Juges assesseurs au Tribunal administratif de première instance:
Mme Suzanne AUBERT-LEBET
M. Julien BARRO
M. Manuel BARTHASSAT
M. Hervé BASSET
M. Damien BLANC
M. Damien BONVALLAT
M. Marc BRUNN
M. Christian BUONOMO
M. Alain CARLIER
Mme Alia CHAKER MANGEAT
M. Blaise CROUZIER
M. Pascal DE LUCIA
Mme Laurence DEMATRAZ
M. François DULON
M. Bruno FLORINETTI
M. Philippe FONTAINE
Mme Nicole FRAGNIERE MEYER
Mme Julie GABUS
M. Michel GROSFILLIER
M. Jean-Marie HAINAUT
M. François HILTBRAND
M. Jean-Michel KARR
M. Philippe MANTEL
M. Didier MOTTIEZ
M. Etienne NAGY
M. Julien PACOT
M. Jean-Luc RICHARDET
M. Joseph RIEDWEG
Mme Diane SCHASCA
M. Jean-Marc SIEGRIST
M. Stéphane TANNER
M. Jacques WICHT
Présidence de M. Antoine Droin, président
Juges à la Cour d'appel du Pouvoir judiciaire:
Mme Ursula CASSANI BOSSY
Mme Eliane HURNI
M. Matteo PEDRAZZINI
Juges suppléants à la Cour d'appel du Pouvoir judiciaire:
Mme Dominique AMAUDRUZ
M. Philippe PRETI
M. Christian REISER
(A l'appel de leur nom, les magistrats répondent par les mots «Je le jure» ou «Je le promets».)
Le président. Mesdames et Messieurs les magistrates et magistrats, je vous remercie. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite plein succès pour votre carrière.
Je prie l'assemblée de se lever pour chanter le «Cé qu'è lainô». (L'assemblée, debout, chante le «Cé qu'è lainô» accompagné à l'orgue.)
Veuillez vous asseoir. J'invite maintenant M. le procureur général à prononcer son discours.
Discours du procureur général
(Un huissier du Pouvoir judiciaire accompagne le procureur général au micro et se tient à côté de lui pendant l'allocution.)
M. Olivier Jornot, procureur général. Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Monsieur le président du Grand Conseil,
Madame et Messieurs les conseillers d'Etat,
Mesdames et Messieurs les députés aux Chambres fédérales,
Monsieur le président du Tribunal fédéral,
Mesdames et Messieurs les juges fédéraux,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires des cantons confédérés et de France,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités fédérales, cantonales, municipales, universitaires, militaires et ecclésiastiques, Mesdames et Messieurs les présidents de juridiction,
Mesdames et Messieurs les vice-présidents de juridiction et premiers procureurs,
Mesdames et Messieurs les magistrats du Pouvoir judiciaire,
Chers collègues,
Tous les six ans, dans cette cathédrale Saint-Pierre transformée, l'espace d'une cérémonie, en temple laïc, les magistrats du Pouvoir judiciaire, qu'ils soient de carrière, suppléants ou assesseurs, prêtent devant le Grand Conseil le serment prévu par la loi, en présence du Conseil d'Etat et des corps constitués.
Election par le peuple
Cette prestation de serment fait suite à l'élection des magistrats par le peuple, élection qui fait de notre canton un cas tout à fait particulier. Lorsqu'en 2010, le ministre français de l'Intérieur a lancé l'idée de l'élection de certains juges au pénal par le peuple, sa proposition a été unanimement décriée et qualifiée de gravement démagogique. Ce serait, disait-on, une dérive à l'américaine. On aurait aussi bien pu la qualifier de dérive à la suisse, puisque, avec les Etats-Unis, notre pays est l'un des rares à connaître l'élection populaire de certains juges. Et mieux qu'à la suisse, on aurait pu dire à la genevoise, puisque notre canton est le seul à ne pas confier l'élection de ses magistrats au parlement ou au gouvernement cantonal.
A Genève, dès la création de la fonction en 1534, le procureur général est élu par le peuple. Puis le système évoluera au gré des changements de régime. La constitution radicale de 1847 confiera l'élection des juges au Grand Conseil, et ce n'est que dès 1904 qu'elle reviendra au peuple. Depuis lors, la plupart des élections seront tacites, à quelques exceptions près, qui concerneront le plus souvent le poste de procureur général.
Les constituants de 2012 ont bien failli remettre le système en cause. Il était question de confier l'élection des magistrats au Grand Conseil, à l'exception du procureur général. Le pire des systèmes possibles, puisqu'il aurait contribué au mythe d'un procureur général exerçant une magistrature à part, de nature quasiment politique. Puis les constituants ont résolu de ne rien changer. Ils n'ont pas suivi les avis de ceux pour qui l'élection des magistrats par le peuple est une relique du passé, à l'instar de ce professeur de droit américain qui, il y a quelques années, considérait que l'élection des juges par le peuple convenait au New Jersey de 1795, et non au monde d'aujourd'hui. Les citoyens, disait-il, ne savent rien des gens pour qui ils votent, et ils se contentent de choisir selon leur étiquette politique. Rien à voir, bien sûr, avec la Genève de 2014 !
De l'étiquette politique des juges, on débat régulièrement. Les juges genevois, comme les juges fédéraux d'ailleurs, sont présentés par un parti. Cela les rend-il pour autant moins indépendants ? L'expérience genevoise permet de répondre catégoriquement par la négative. Le respect des équilibres politiques au sein de la magistrature donne certes lieu à des négociations et à des arbitrages quelque peu triviaux au regard de la charge briguée. Mais une fois élus, les juges sont invités à oublier leur appartenance politique et à agir exclusivement dans le respect de leur serment. Bien malin qui saurait dire, à la lecture d'un arrêt de la Chambre administrative ou d'un acte d'accusation du Ministère public, si son inspiration est de droite, de gauche, du centre ou d'ailleurs. Pour parodier Churchill, l'élection des magistrats par le peuple est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres.
Indépendance du Pouvoir judiciaire
De toutes les vertus que les magistrats doivent revêtir au long de leur carrière, la plus importante est sans nul doute l'indépendance. Le procureur général du XVIe siècle était déjà non seulement l'accusateur, mais de façon plus générale le gardien indépendant de la loi et de l'ordre public. Dès son origine, la fonction se conçoit donc comme un contre-pouvoir face aux autorités politiques. La fonction a évolué, les juridictions se sont multipliées, mais l'idée centrale est restée: la justice est indépendante du pouvoir politique. La création, au milieu du siècle dernier, du conseil supérieur de la magistrature a marqué une étape importante dans la reconnaissance de l'indépendance des juges. Des juges qui doivent résister à toutes les pressions, y compris à celle qui est sans doute la plus puissante de nos jours: celle de l'opinion publique.
Dans notre canton, la justice a mené depuis plusieurs décennies un combat méthodique pour que l'indépendance des juges se concrétise dans une véritable indépendance du Pouvoir judiciaire. Jadis rattachée administrativement au Conseil d'Etat, l'administration judiciaire a progressivement conquis une large autonomie, notamment par la création de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire. Composée de magistrats et d'un membre du personnel de l'administration judiciaire, la commission de gestion gère les moyens alloués par les pouvoirs publics à la justice et les affecte aux juridictions et aux services centraux. Elle présente son budget au Conseil d'Etat et le défend devant la commission des finances du Grand Conseil. Elle est l'employeur des collaborateurs de justice.
La constitution de 2012, plutôt laconique en ce qui concerne le Pouvoir judiciaire, consacre toutefois expressément son autonomie. Une autonomie dont les contours sont à réinventer chaque jour, tant il est vrai que la tentation existe pour les uns de l'oublier et pour les autres de l'exagérer. Une autonomie qui trouve sa véritable limite dans le pouvoir des autorités politiques de décider des moyens financiers alloués au Pouvoir judiciaire. Sans le nerf de la guerre, toutes les velléités d'indépendance s'estompent. Sans compter qu'à la différence de la plus petite association subventionnée, sans parler des grands établissements publics autonomes, le Pouvoir judiciaire ne conclut pas avec l'Etat, dont il fait partie intégrante, de contrat de prestations qui lui assurerait un financement prévisible sur plusieurs années.
L'autonomie du Pouvoir judiciaire ne lui donne pas seulement des droits, mais aussi nombre de devoirs. Le premier étant de rendre compte de l'utilisation des deniers publics et de son efficience. La commission de gestion doit, à cet égard, résoudre la quadrature du cercle: garantir à l'autorité politique que chaque franc alloué à la justice est effectivement utilisé avec efficience. Un défi que la commission entend loyalement assumer, dans le respect de la loi.
Hommage aux partenaires
Qui dit indépendance ne dit toutefois pas isolement. Le Pouvoir judiciaire ne gravite pas sur une orbite si éloignée qu'il en viendrait à oublier son ancrage au coeur même de l'Etat. Ne serait-ce que parce que l'Etat finance la justice et met à sa disposition les bâtiments qu'elle occupe. Le dialogue institutionnel avec le Conseil d'Etat et le Grand Conseil s'impose comme une évidence. Je remercie ici l'une et l'autre de ces institutions pour l'attention qu'elles prêtent au Pouvoir judiciaire et pour leur écoute. Les frictions vécues ici ou là en la matière ne doivent pas occulter la qualité et l'intensité de ces relations, vitales pour les uns et pour les autres.
Mais évoquer le dialogue institutionnel, c'est aussi se référer à la collaboration fructueuse des juridictions avec leurs administrations partenaires. Je salue ici le travail approfondi et loyal de ces administrations, sans lesquelles l'action de la justice serait purement académique. Que serait le Ministère public sans la police ? A quoi servirait l'oeuvre des juridictions pénales sans les autorités chargées de la détention ? Impossible d'ailleurs de les évoquer sans rendre un hommage appuyé aux cadres et collaborateurs des prisons - dont plusieurs ont été associés à cette cérémonie - qui accomplissent un travail délicat et risqué dans des conditions pour le moins difficiles. Que serait l'oeuvre des juridictions civiles sans l'appui des administrations chargées de la protection des adultes et des mineurs ? A tous, et à tous ceux que je n'ai pas mentionnés, j'adresse les plus vifs remerciements de la justice pour tout le travail entrepris.
Mais évoquer le dialogue institutionnel, c'est aussi mentionner les relations de la justice genevoise avec ses homologues extérieurs. Je salue - à tout seigneur tout honneur - la présence du président du Tribunal fédéral, qui exerce sur notre jurisprudence la sévère surveillance d'un père sur ses enfants. Je salue la présence de plusieurs procureurs généraux et présidents de tribunaux cantonaux de Suisse romande, avec lesquels nous entretenons des relations à la fois fructueuses et cordiales. Et je salue la présence des autorités judiciaires françaises, des procureurs généraux et présidents des Cours d'appel de Lyon et Chambéry, ainsi que de plusieurs procureurs de la République et présidents de tribunaux de grande instance.
Votre présence, Mesdames et Messieurs, marque la réalité concrète de l'espace judiciaire transfrontalier. L'imbrication de nos communautés se reflète immanquablement dans l'activité de nos juridictions civiles et pénales. Les contacts professionnels et souvent amicaux que magistrats français et genevois entretiennent sont le gage d'une meilleure efficacité de nos justices respectives, pour lesquelles la frontière, si elle reste une réalité, tend à s'estomper lorsqu'il s'agit de poursuivre un criminel d'un pays à l'autre ou de liquider un régime matrimonial plurinational. Puissent ce dialogue et ce travail commun se poursuivre et se développer, dans le meilleur intérêt de nos concitoyens.
Les défis de la justice
Toute cette félicité ne doit pas dissimuler le fait que la justice est aujourd'hui confrontée à des défis de taille. Le premier est - sans surprise - celui de ses moyens. Dans une société démocratique comme la nôtre, dans un Etat fondé sur le droit, le rôle de la justice est central. Qu'il s'agisse de résoudre des litiges entre particuliers ou avec l'Etat, ou qu'il s'agisse de réprimer les infractions, la justice assume un rôle qui n'échoit à nul autre. Il n'est guère besoin de décrire ce que serait notre société si l'Etat ne prêtait pas son concours à la résolution des litiges et à la répression des transgressions. Pourrait-on d'ailleurs encore parler de société si chacun devait se faire justice lui-même ? Nous connaissons tous la réponse: sans une justice forte, efficace et rapide, la vie en société est impossible.
On pourrait penser, au vu de l'importance qualitative et quantitative de l'action judiciaire, que cette dernière coûte cher à l'Etat. Il n'en est rien. Malgré une hausse importante, au cours des dernières années, des moyens alloués à la justice, cette dernière n'a représenté, en 2013, que 1,7% des dépenses de l'Etat. Un rôle central, pour un prix dérisoire.
Cette augmentation passée des moyens alloués au Pouvoir judiciaire ne répondait pas à un besoin de confort. Les choix du législateur fédéral en matière de procédure pénale, par exemple, ont exigé une adaptation conséquente, toujours en cours, des moyens alloués à la justice pénale. On l'oublie vite, mais c'est bel et bien l'insuffisance de ses moyens qui a conduit le Ministère public, en 2011, au bord du gouffre. Et c'est la même insuffisance qui étrangle aujourd'hui le Tribunal pénal et qui menace la cour pénale de la Cour de justice.
La création en 2013 du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant n'avait pas davantage pour but de satisfaire un besoin de confort. Le choix du législateur cantonal, appuyé par le Pouvoir judiciaire, de conserver une autorité de protection à caractère judiciaire a conduit à la mise en place d'une juridiction complexe, la multidisciplinarité voulue par le législateur fédéral se traduisant par l'introduction en nombre de juges assesseurs aux compétences et aux profils variés. Une solution sur mesure, adaptée aux besoins nombreux des Genevois en la matière, mais qui a exigé un accroissement des moyens consacrés à cette juridiction.
Mais ce n'est pas tout. L'Assemblée constituante a voulu que notre canton se dote d'une juridiction constitutionnelle propre. Dans quelques mois, la Cour de justice accueillera une nouvelle chambre, la Chambre constitutionnelle, qui examinera sur recours la constitutionnalité des lois et règlements, et se chargera en outre du contentieux des droits politiques. Une nouvelle chambre, ce sont des magistrats supplémentaires, des greffiers et des juristes supplémentaires, ainsi que des locaux supplémentaires. En résumé, ce n'est pas gratuit.
Il serait illusoire d'imaginer que la justice puisse constamment absorber des tâches nouvelles et créer de nouvelles juridictions à coût constant. Sans compter qu'à ces tâches nouvelles s'ajoute l'augmentation du nombre des causes portées devant la justice, les juridictions pénales et de droit public absorbant actuellement les hausses les plus notables. Il serait illusoire de penser que la justice puisse constamment faire plus sans une adaptation correspondante de ses moyens. Sans que cela ne doive effrayer: même augmenté, le budget du Pouvoir judiciaire restera ce qu'il est aujourd'hui, une goutte d'eau dans l'océan des dépenses de l'Etat.
Parler de moyens, c'est aussi parler de locaux. Doté d'une tour de 160 mètres, il rassemblera toutes les juridictions civiles et pénales de la région. Dessiné par l'un des plus grands architectes de notre temps, il sera inauguré en 2017 pour un coût estimé de 2,7 milliards d'euros. Je parle bien sûr du nouveau palais de justice de Paris. J'aurais pu, dans un registre plus modeste, évoquer la magnifique rénovation, pour 50 millions d'euros, du Palais des vingt-quatre colonnes, le palais de justice de Lyon. Une rénovation respectueuse de l'histoire de ce bâtiment achevé en 1847, mais qui a été l'occasion d'améliorer les conditions de travail des magistrats et collaborateurs et l'accueil du public, ainsi que la sécurité des utilisateurs du bâtiment.
Pendant ce temps, à Genève, notre vieux palais se dégrade. Construit un siècle plus tôt que celui de Lyon, en 1712, sur l'emplacement d'un ancien couvent, il sert d'abord d'hôpital général avant d'être affecté, dès 1860, à la justice. Des architectes et des ouvriers, il n'en a pas vu depuis bien longtemps. Les salles d'audience ont le charme désuet des années 1970, le toit menace ruine et la cour centrale est enlaidie par la présence d'une verrue à caractère provisoire. Provisoire à la façon suisse: le célèbre provisoire qui dure. Quant à la sécurité, elle est tout simplement inexistante, l'organisation du moindre procès à risque se transformant en casse-tête sécuritaire.
Pour répondre aux besoins de la justice en locaux, on a procédé au coup par coup: en louant à prix d'or tel hôtel particulier, dont les velours et les dorures accueillaient des justiciables consternés. Puis en logeant tel tribunal au beau milieu de l'administration dont il contrôle les décisions. Enfin, en exilant le Ministère public dans un immeuble aussi clinquant qu'inconfortable. Avec le résultat que la justice est aujourd'hui éclatée sur huit sites. Un éclatement qui coûte. La seule nécessité de déplacer des détenus d'un site à l'autre revient à quelque 10 millions de francs par an. De quoi financer un joli investissement.
Au fil des années, les projets de nouveau palais de justice se sont succédé pour être tous abandonnés. Le dernier en 2013: trop haut et trop cher. Un peu comme le palais de justice de Paris qui, lui, se fera. Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, le Pouvoir judiciaire est conscient de la masse des investissements à financer et de l'ampleur des moyens qu'exigent l'entretien et la rénovation du parc immobilier de l'Etat. C'est pourquoi la commission de gestion du Pouvoir judiciaire s'est accordée avec le Conseil d'Etat, en ce début d'année, sur l'idée d'un projet de nouveau palais redimensionné. Un palais destiné aux juridictions pénales et au Tribunal administratif de première instance, qui les unes et l'autre accueillent des détenus. Un projet redimensionné, mais qui doit maintenant impérativement voir le jour dans le délai prévu. Ce que nombre de villes d'Europe, petites, moyennes ou grandes, ont su faire ces dernières années, Genève doit pouvoir l'accomplir aussi: marquer à sa justice l'importance que lui accorde l'Etat, montrer son attention et son respect envers tous ceux qui la fréquentent.
Il y a bien d'autres défis que j'aurais encore aimé évoquer. Et parmi eux, sans doute, le défi le plus menaçant pour les justices cantonales: cette invraisemblable complexité que le législateur fédéral s'ingénie à introduire avec un pervers bonheur dans chacune de ses réformes. Que l'on songe à la réforme du droit des sanctions, qui aurait fait la joie d'un théologien byzantin. J'aurais aussi eu à coeur d'évoquer toutes ces initiatives et lois nouvelles qui limitent le pouvoir d'appréciation du juge, ce juge que l'on infantilise, à qui l'on entend dicter la solution, de peur, apparemment, qu'il ne se complaise dans une laxiste mollesse. Et je n'aurais pas manqué d'évoquer le dernier avatar de cette tendance à la mode, l'initiative visant à juger les juges pour le comportement de ceux qu'ils ont jugés. Mais il ne serait pas de bon goût d'assombrir la fête, et il est temps de conclure.
Je ne saurais le faire sans remercier le Grand Conseil, son sautier et ses collaborateurs pour l'organisation de cette belle cérémonie.
Et je ne saurais encore moins le faire sans vous adresser à vous tous, Mesdames et Messieurs les magistrats qui venez de prêter serment, mes plus vives félicitations et mes voeux de bonheur et de succès dans l'exercice de votre charge. Mes chers collègues, la justice genevoise est belle et les citoyens de ce canton peuvent en être fiers. A nous de faire en sorte, avec l'appui du parlement et du gouvernement, qu'il en soit ainsi demain et toujours.
Vive la justice genevoise, vive la République et canton de Genève ! (Applaudissements.)
(L'air «Dann werden die Gerechten leuchten», tiré de l'oratorio «Elias» de Felix Mendelssohn, est interprété par M. Laurent Dami, accompagné à l'orgue par M. François Delor. Applaudissements.)
Discours du président du Grand Conseil
(L'un des deux huissiers du Grand Conseil accompagne le président au micro et se tient à côté de lui pendant l'allocution.)
M. Antoine Droin, président. Nous sommes tous égaux devant la loi, que nous soyons avec ou sans charge et fonction. Les salutations protocolaires ayant été faites, il ne me reste qu'à vous saluer en vous honorant d'un chaleureux «Mesdames et Messieurs, chères concitoyennes, chers concitoyens».
Platon le premier attribue à la puissance publique le droit de punir. L'intérêt de la cité impose de mettre le criminel hors d'état de nuire, évitant à autrui de commettre les mêmes infractions par l'exemple de la punition infligée. Depuis Platon, le monde a largement légiféré et s'est donné, pour pouvoir vivre ensemble, des textes de lois, de morale, de bonne conduite, de normes à respecter, de gestion, d'administration, de règles de bienséance... L'évolution de la société et des politiques judiciaires ainsi que le rôle et l'importance accrus du droit international ont justifié, ces dernières années, des refontes approfondies des législations dans notre pays, qu'il s'agit d'appliquer.
J'ai déjà eu à relever le moment privilégié de ce début de législature, qui voit ses trois pouvoirs renouvelés, témoins du fonctionnement d'une réelle démocratie pour élaborer, ajuster et mettre en oeuvre les lois et la nouvelle constitution entrée en vigueur en 2013.
Il me plaît de relever que les prochaines fois que les trois pouvoirs seront renouvelés simultanément, nous serons en 2038, puis en 2068. Cette donnée mathématique me permet de souligner de manière significative l'aspect solennel de ce que nous vivons aujourd'hui.
Le Pouvoir judiciaire fait donc peau neuve par des élections tacites pour tous et ouvertes seulement pour celle du procureur général. Pour certains, l'élection tacite écorne peut-être le droit populaire de l'accès au choix, mais cela ne remet heureusement pas en cause la légitimité des élus. Il est vrai que, pour les électeurs, nommer plusieurs centaines d'acteurs judiciaires ne peut se faire dans une véritable connaissance de ce que sont les uns et les autres. Cela est inhérent au choix de l'élection des juges par le peuple.
Dans notre démocratie, le pouvoir suprême appartient donc à celui-ci, qui délègue son exercice quotidien à trois autorités distinctes: législative, exécutive et judiciaire. L'étude et le choix des candidatures par les partis politiques, suivis par le travail de la commission informelle interpartis, sont en quelque sorte une application de démocratie déléguée à des acteurs représentant les diversités d'opinions. Actuellement, c'est le choix en vigueur en matière d'élections judiciaires dans notre canton qui permet d'aboutir à un résultat adapté.
Plus de cinq cents d'entre vous, novices ou expérimentés, connus ou méconnus, viennent de prêter serment. Gageons naturellement que le nombre en fera aussi la qualité. La justice genevoise n'a donc jamais été aussi étoffée, signe, pour les optimistes, que notre société met en avant un besoin de justice ou, pour les pessimistes, que les causes judiciaires sont en augmentation.
Vous tous ici rassemblés avez en commun l'idéal d'assurer la suprématie de la règle de droit, de contribuer à réaliser notre Etat de droit. Vous êtes maintenant appelés à rendre justice de manière neutre et impartiale. Alors je souhaite évoquer ici plus en profondeur l'importance du serment que vous venez de prêter.
Prêter serment consiste à affirmer votre volonté de rechercher la vérité, de rendre la justice, de remplir votre mission selon les lois et de respecter les règles avec droiture, sans succomber aux tentations, sans fléchir.
Ce bref rappel de l'engagement que vous venez de valider par ces trois mots, «je le jure» ou «je le promets», vous oblige. Il vous oblige d'attester de ce qui est juste, de pleinement et impartialement remplir les devoirs de votre fonction, d'exercer un pouvoir sans défaillance au plus proche de votre conscience, avec droiture, et d'en respecter les cadres normatifs. Il vous oblige de remplir votre tâche irréprochablement et avec fidélité, fidélité pour vous aussi face aux institutions, à vos charges et devoirs. Celui qui appartient à l'un des pouvoirs ne prend-il pas une valeur morale et intellectuelle aux yeux de ses concitoyens ? Il n'a que peu d'espace à consacrer à autre chose qu'aux devoirs de sa fonction.
Votre responsabilité comporte une finalité: la capacité d'avancer vers ce qui est juste, de réparer les torts causés, d'éviter des conflits futurs, d'offrir des perspectives de réinsertion dans la société selon ses règles. Ce devoir, vous venez de l'accepter. Vous êtes maintenant appelés à l'assumer en toute indépendance.
L'indépendance ! Que l'indépendance de la justice soit un droit pour le justiciable est une chose et une évidence. Bernard Bertossa, ancien procureur général de notre canton, écrivait: «L'indépendance, c'est d'abord dans la tête et aliéner son indépendance en faveur d'un comportement partisan est un danger personnel et non structurel.» Il ajoutait que l'indépendance des juges est en danger lorsque les magistrats eux-mêmes se laissent influencer dans leurs décisions par des critères étrangers à la justice et à la loi. Finalement, le devoir d'indépendance est aussi de vous assurer, dans votre sphère de compétences, que les intérêts des citoyennes et des citoyens tout autant que ceux des collectivités soient adéquatement pris en compte, d'autant plus que l'indépendance du troisième pouvoir est garantie par notre constitution. Cela se manifeste notamment par la possibilité que l'Etat et son administration puissent être mis en cause devant le juge.
Pourtant, indépendance ne signifie pas manque de dialogue. Il reste la nécessaire interpellation réciproque des trois pouvoirs pour qu'ils puissent, de manière concertée, se parler, s'écouter et s'entendre pour se mettre en harmonie en matière:
- de stratégies préventive, répressive et carcérale;
- d'accompagnements sociaux et de santé;
- de promotion de la médiation;
- de mise à disposition des ressources humaines et matérielles nécessaires pour que les décisions soient applicables dans chaque juridiction et égales pour tout un chacun, en tout temps et en tout lieu.
Mais revenons-en à votre engagement de rechercher la vérité. Permettez-moi de citer ici Romain Rolland, prix Nobel de littérature en 1915. Il écrivait: «Il faut aimer la vérité plus que soi-même et les autres plus que la vérité.» Son exigence de justice le poussa à se situer «au-dessus de la mêlée», selon les termes de ses écrits publiés en 1944. Il est donc impératif pour vous de prendre de la distance, du recul, de l'impartialité, lesquels mènent à la vérité, seul élément permettant d'envisager une approche équilibrée envers les justiciables, avec toutes les contingences inhérentes à une activité humaine. Pour répondre à votre désir de faire le bien, vous devez donc être au-dessus de la mêlée, rendre la justice uniformément pour qu'elle reste accessible à chacune et à chacun, quel qu'il soit.
Mesdames et Messieurs, vous avez promis ou juré solennellement. Vous voici acteurs et actrices de la vie de la cité et de la collectivité, actrices et acteurs du bien vivre en commun. Vous êtes les garants de l'égalité devant la justice pour tous les habitants de notre canton. Qu'il me soit permis, au nom du parlement, de vous souhaiter une heureuse carrière. Même si nous la savons pleine de difficultés, nous ne doutons pas que vous saurez l'exercer avec compétence, dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité.
Que vive une Genève juste pour le pauvre tout autant que pour le riche, pour le faible comme pour le puissant, pour le Suisse et pour l'étranger ! (Applaudissements.)
(Le «Salve Regina» de Giacomo Puccini est interprété par M. Laurent Dami, accompagné à l'orgue par M. François Delor. Applaudissements.)
Clôture de la cérémonie
Le président. Les deux pièces que vous avez entendues ont été interprétées par M. Laurent Dami, accompagné à l'orgue par M. François Delor. (Applaudissements.)
Je déclare la cérémonie de prestation de serment des magistrats du Pouvoir judiciaire close. Je vous invite à vous rendre dans la cour de l'Hôtel de Ville et sous l'ancien Arsenal où une réception vous sera offerte.
(Jeu d'orgue pendant la sortie des corps constitués. A l'extérieur, relais musical par le corps de musique d'Elite. L'organiste, M. François Delor, joue le «Grand dialogue» en ut majeur de Louis Marchand pendant que l'assemblée quitte la cathédrale Saint-Pierre.)
La séance est levée à 18h30.