Séance du
vendredi 16 mai 2014 à
15h
1re
législature -
1re
année -
8e
session -
48e
séance
P 1890-A
Débat
M. Jean Romain (PLR), rapporteur. Juste une petite correction onomastique pour le mémorial: au sommet de la page 10, j'ai repris malencontreusement ce qu'avait écrit le procès-verbaliste, alors qu'il ne s'agit pas de Mme Gelewsky mais Bielawski. Je voulais simplement corriger cela, je sais que vous êtes tous et toutes scrupuleux sur les noms.
Trois choses, rapidement. Vingt ans après, évidemment, on ne parle pas de la même manière des sectes, d'autant plus qu'elles sont beaucoup moins visibles; elles ne sont pas moins présentes néanmoins. La deuxième chose, c'est que pour les victimes de ces sectes commence une véritable saison en enfer. (Brouhaha.) La troisième et dernière chose, c'est qu'il ne faut pas penser - et c'est ce que nous a appris... (Brouhaha. M. Jean Romain s'interrompt.) Merci. Il ne faut pas penser que les sectes ne recrutent que des gens qui sont fragilisés, au contraire ! Elles proposent des choses intéressantes, très intéressantes même, et sont très subtiles dans l'art de piéger leurs victimes. Irions-nous même jusqu'à dire qu'elles proposent des choses intéressantes que notre société, peut-être, ne propose pas ? Quoi qu'il en soit, ce n'est pas cette discussion qu'il faut avoir, et nous préconisons à l'unanimité de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Pascal Spuhler (MCG). J'aurais juste quelques petits mots à ajouter aux propos de M. Jean Romain. Je voulais d'abord saluer l'initiateur de la pétition, qui pendant trente ans s'est battu contre les sectes parce qu'il était touché gravement dans le cadre de sa famille par ce fléau, ce mal sournois que nous n'arrivons pas à maîtriser. Ce que nous avons finalement compris au cours des diverses auditions, c'est que cette criminalité psychologique était difficile à cerner, difficile à condamner - enfin, on peut la condamner, mais elle est difficile à capturer, disons, à saisir au niveau pénal... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et du côté des services de police. Effectivement, c'est un mal qui touche les familles par des effets collatéraux, c'est un mal qui ronge, et il existe des gens qui sont des espèces de gourous, qui profitent soit de la naïveté de certains soit d'une certaine innocence. Ces gens ne méritent vraiment pas de pitié, et nous espérons pouvoir trouver une solution pour lutter contre ces criminels surtout psychologiques. Certains abusent par ailleurs, détournent de l'argent et commettent des agressions physiques, mais c'est surtout le côté psychologique qui est difficile à cerner dans cette affaire. Je ne peux donc qu'enjoindre au Conseil d'Etat de mener vraiment une réflexion sur les moyens de combattre cela. Parce que je crois que c'est l'ensemble de l'Europe qui essaie de trouver des solutions: la France, il me semble, a mis en place des mesures un peu plus strictes sur ce sujet, mais en Suisse nous avons beaucoup de peine; nous n'avons pas vraiment de législation qui permette de se battre contre le fléau que sont les sectes. Et puis on peut aussi mentionner, à l'heure actuelle, le problème dont on a parlé dernièrement dans les journaux, celui des jeunes innocents qui se font enrôler comme djihadistes, encore une fois par des gourous appartenant à ce mouvement. A mon avis, on doit vraiment avoir une réflexion de fond sur cette problématique qu'il faut combattre.
M. Christian Frey (S). J'aimerais simplement souligner qu'en effet, dans notre commission, indépendamment du sujet précis évoqué par M. Lavergnat, pétitionnaire, nous avons tous vu l'importance de cette question des dérives sectaires. Mais je voudrais peut-être insister sur trois pistes que nous aimerions voir suivies par le Conseil d'Etat.
D'abord, il s'agit d'intervenir avec la dernière vigueur pour tout ce qui concerne les enfants, les mineurs, sachant que pour les majeurs, les libertés fondamentales font qu'il est difficile de s'interposer. Ensuite, il faut aussi soutenir les organismes actifs par rapport à des problèmes de dérives sectaires, donc maintenir le soutien, voire le renforcer, au Centre intercantonal d'information sur les croyances, et peut-être envisager d'attribuer une aide, sous une forme qui reste bien sûr à déterminer, à l'Association suisse pour la défense de la famille et de l'individu - c'est la dernière entité que nous avons auditionnée - sachant qu'en cas de difficulté ce sont bien ces instances-là qui peuvent aider et conseiller. En plus, on pourrait peut-être encore mentionner le centre LAVI. Notre groupe, de manière générale, est donc en faveur du renvoi au Conseil d'Etat avec ces quelques suggestions de soutien et de développement de la lutte, non pas contre les sectes, parce que ce n'est pas possible, mais contre les dérives sectaires et leurs conséquences sur les individus. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites sur la question des dérives sectaires. Ce sur quoi j'aimerais insister, c'est le fait qu'il n'y a pas de convictions ou de mouvements religieux qui seraient plus dangereux que d'autres en la matière, et qu'il faudrait, en l'occurrence, se garder de toute assimilation malvenue. Parce qu'effectivement, nous avons entendu des choses qui ne méritaient pas d'attention et qui ne visaient finalement qu'à stigmatiser certaines croyances. Je vous invite donc à être très prudents en la matière.
En revanche, ce qui est apparu également, c'est que les mouvements qui ont une emprise malheureuse sur les personnes à la recherche de différents aspects de développement personnel sont des officines qui ont pignon sur rue; ces gens ont une enseigne commerciale, ils offrent des services, et derrière ces couvertures, ils usent de ces entrées pour développer une emprise malsaine sur un certain nombre de personnes. Et il semblerait qu'il faille réfléchir également à la manière dont on pourrait identifier ces dysfonctionnements, ces dérives qui sont, elles, économiques et sectaires, pour éviter que des gens ne deviennent la proie de ces mouvements. Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). Juste une remarque par rapport à ce que j'ai entendu: le fond du problème n'est pas l'aspect financier, tel que décrit par M. Frey. Le vrai problème, ce sont les moyens pénaux que nous voulons donner à la justice pour pouvoir intervenir sur cette question. Et c'est bien sur ce point qu'insiste la pétition, non pas sur le fait de donner plus d'argent à plus d'associations pour que légalement elles puissent intervenir, puisque de toute façon, à part pour la dénonciation, elles n'ont pas de moyens pénaux de le faire ! C'est donc bien pour cette raison qu'il faut adopter la pétition et la renvoyer au Conseil d'Etat, afin que, pénalement, il y ait des outils qui soient donnés à la justice.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix le renvoi au Conseil d'Etat de cette pétition.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1890 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 66 oui (unanimité des votants).