Séance du
jeudi 15 mai 2014 à
20h30
1re
législature -
1re
année -
8e
session -
47e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Jean-Louis Fazio, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Philippe Joye et Salima Moyard, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Florian Gander, Françoise Sapin, Nicole Valiquer Grecuccio, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante:
Pétition contre la suppression d'une année d'études dans la formation des futur-e-s enseignant-e-s à l'Université de Genève (P-1900)
à la commission de l'enseignement supérieur.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons poursuivre avec le prochain objet, qu'il faudrait que je puisse trouver... Voilà ! Nous sommes dans un débat classé en catégorie II, il s'agit de la résolution 762. Je passe la parole à la rédactrice de la proposition de résolution, Mme Hirsch.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vraiment et franchement avec bonheur que j'ai pu constater que la quasi-totalité des partis représentés dans cette enceinte avaient estimé, en signant cette résolution, que la définition du viol dans notre code pénal était dépassée. Même si une modification du code pénal ne peut être effectuée que par notre Parlement fédéral, cela vaut la peine que notre Conseil use de son droit d'initiative cantonale pour demander à Berne de modifier les articles 189 et 190 du code pénal.
De quoi s'agit-il ? Ces articles traitent des contraintes sexuelles et du viol. Le violeur y est défini dans l'article 190 de la manière suivante: «Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans.» Et donc, tout autre acte sexuel forcé - sodomie, fellation - tombe sous le coup de l'article 189 comme une contrainte sexuelle et non un viol. Il est aujourd'hui avéré que les victimes de violences sexuelles ont besoin que leur statut de victime soit reconnu pour traverser les étapes difficiles qui suivent une agression. L'échelle des valeurs de notre code pénal laisse à penser que subir une sodomie forcée est moins grave que subir une pénétration vaginale forcée. Quelle méconnaissance crasse de ces traumatismes ! Il est aussi à souligner que selon cette définition fort restrictive, un homme ou un petit garçon, dans notre code pénal suisse, ne peut pas être violé ! Force est de reconnaître que lorsqu'on parle d'abus ou de contrainte sexuelle, chacune et chacun d'entre nous tous, Mesdames et Messieurs les députés, imaginons des actes infiniment moins graves et moins violents que lorsqu'on parle de viol. Et si la peine maximale est la même pour les deux infractions - dix ans de peine privative de liberté - la peine minimale n'est pas du tout identique: pour un viol, il s'agit d'une année de peine privative de liberté, alors que lors d'une contrainte sexuelle, la peine n'est que pécuniaire. Je répète, en cas de contrainte sexuelle, elle n'est que pécuniaire.
Il y a un an, le conseiller national Hugues Hiltpold a déposé une interpellation au Conseil fédéral demandant cette même modification législative. Une des raisons invoquées par le Conseil fédéral pour rejeter l'extension de l'infraction aux victimes de sexe masculin était que le viol constitue depuis longtemps une infraction ne pouvant être commise que sur une femme, et ayant par ailleurs toujours été comprise ainsi. Sur la base d'une argumentation comme celle-là - plus passéiste et plus conservatrice, ce n'est pas possible ! - l'interpellation avait été rejetée par le Conseil fédéral. J'ai pu citer dans mon exposé des motifs moult conventions internationales, dont plusieurs auxquelles la Suisse a adhéré et qui recommandent que ces actes sexuels forcés soient également reconnus comme des viols et non juste comme des contraintes ou des abus sexuels.
Pour la reconnaissance de ces victimes de violences tout aussi graves qu'un viol proprement dit, pour que les hommes puissent enfin être reconnus comme victimes de viol, le groupe démocrate-chrétien vous demande donc de renvoyer cette résolution à notre Assemblée fédérale. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'est pas demandée, je vais soumettre cette résolution à vos votes. Ah ! Monsieur Mizrahi, vous avez la parole !
M. Cyril Mizrahi (S). Mille mercis, Monsieur le président. Je prends la parole simplement, chers collègues, pour soutenir cette résolution proposée par le PDC ainsi que d'autres signataires. Cela a été dit, il s'agit d'une question d'égalité; non seulement une égalité entre femmes et hommes, mais aussi entre les différentes victimes de violences à caractère sexuel grave. Et la distinction faite, qui nous a été bien expliquée par Béatrice Hirsch, avec une peine uniquement pécuniaire comme minimum pour les contraintes sexuelles, est quelque chose qu'on ne peut plus admettre aujourd'hui. Nous avons une définition du viol d'un autre âge, et je pense que véritablement il serait très positif que le canton agisse auprès des autorités fédérales pour faire changer cette situation. Je vous remercie de votre attention et vous invite à soutenir cette résolution.
Mme Beatriz de Candolle (PLR). Qu'importe le genre, le sexe: le viol ou l'acte sexuel forcé doit être reconnu et puni, qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme. La Suisse est rétrograde sur ce sujet. Tant le Conseil de l'Europe que la Cour pénale internationale définissent le viol autant pour un homme que pour une femme. Je vous rappelle que le conseiller national PLR Hugues Hiltpold avait déposé, au mois de juin de l'année dernière, une interpellation au Conseil fédéral sur cette thématique-là. Or, la réponse du Conseil fédéral est inadmissible ! C'est la raison pour laquelle le groupe PLR demande que cette résolution soit renvoyée au Conseil d'Etat ou qu'elle soit renvoyée immédiatement au Conseil fédéral. (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, nous revendiquons l'égalité dans de nombreux domaines. Nous revendiquons l'égalité pour le meilleur, et il nous incombe aujourd'hui de l'invoquer également pour le pire. La définition du viol, de l'atteinte à l'intégrité physique des personnes, sous quelque forme que ce soit, est non seulement archaïque telle qu'elle est construite aujourd'hui, elle est aussi fondée sur une conception patriarcale des rapports sociaux. Il y aurait donc un sexe faible et un sexe fort, qui ne sauraient être victimes de la même manière. C'est un non-sens ! C'est un déni de droit ! Un déni du droit des victimes à voir l'outrage reconnu et sa violence dramatique estimée à sa véritable valeur. Il est temps de corriger cette injustice, cette incongruité. C'est pourquoi nous vous appelons à accepter cette proposition de résolution et à la renvoyer à l'Assemblée fédérale.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, on ne peut que souscrire aux propos tenus jusqu'ici et les Verts soutiennent cette résolution. Celle-ci tombe d'ailleurs sous le sens. En la lisant, j'étais personnellement un peu étonnée qu'on n'ait pas eu cette idée auparavant. On doit considérer que le viol, quel qu'il soit, que ce soit sur un homme ou une femme, est un crime, et qu'il s'agit ici de donner un statut et une reconnaissance par la justice aux victimes de sexe masculin et une reconnaissance de ces actes par notre société. C'est là l'accent que je souhaitais mettre. Chacune et chacun, ici, sait que le chemin de la guérison, que cela concerne l'entourage ou les victimes de crimes de guerre, passe par une reconnaissance du statut de la victime. Deuxième élément: je voulais quand même souligner la frilosité du Conseil fédéral. Puisqu'il est gêné aux entournures pour faire une proposition, le canton de Genève soumet une résolution, espérant que d'autres cantons lui ont emboîté le pas ou le feront, car nous appelons de nos voeux la réalisation de cette égalité-là dans notre droit et notre procédure pénale.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). J'aimerais juste dire que le MCG soutiendra complètement cette résolution. Effectivement, il semble qu'il y ait un décalage et qu'on ait un train de retard, au niveau fédéral, par rapport à la définition de la situation de viol. Il est vrai qu'on peut s'étonner qu'aujourd'hui encore, on doive défendre ce genre de proposition. Nous soutiendrons donc cette résolution.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, quelques UDC ont bien entendu signé cette proposition de résolution. Tout le monde n'a pas pu le faire, étant donné les délais. Je tenais simplement à vous apporter mon témoignage, ayant passé près de dix ans à la brigade des moeurs de la Police judiciaire de Genève - certains le savent. Notre tâche principale était d'entrer dans les détails scabreux de certaines situations pour être certains du traumatisme que la victime venait de subir et pour que la suite judiciaire puisse se faire. A mon sens, nous avons jusqu'à présent, dans le code pénal, une dichotomie entre ce que subissent les gens, la réalité, et ce que font les grands experts du droit - je m'en excuse auprès des avocats. Ils arrivent à vous dire que ceci n'est pas aussi grave que cela. Personnellement, je trouve ce genre de texte très encourageant et, bien entendu, nous le soutiendrons.
M. Michel Amaudruz (UDC). En fait, je me suis inscrit comme ça, parce que j'ai constaté que beaucoup de dames s'étaient exprimées... (Exclamations.) ...et qu'il fallait aussi que la gent masculine apporte son soutien à cette proposition de résolution. Je crois que personne ne la contestera, mais d'ici à ce que l'on débouche sur un résultat concret, je crois que beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts.
Il est clair que la définition actuelle du viol est archaïque, non pas parce qu'elle est réservée à la femme au détriment de l'homme, mais parce qu'elle se résume à un acte de pénétration sexuelle forcé, tel qu'il est conçu dans le code pénal. Pourtant, c'est peut-être le terme même de viol qui est impropre, parce que finalement, c'est beaucoup plus que cela. Je crois que c'est en droit canadien - M. Mizrahi est un spécialiste du droit canadien, peut-être qu'il nous le dira - qu'on occulte le terme de viol pour parler d'agression. Et à partir de là on va plus loin que l'agression physique; parce que la contrainte peut être physique, mais elle s'exprime aussi d'une autre façon, qui peut être morale. Il y a donc tout un champ d'action qui mérite d'être exploré et qui nécessite que les dispositions du code pénal relatives à cet aspect de déliquescence soient revues dans un spectre beaucoup plus large. N'oubliez pas que les contraintes morales peuvent être aussi graves, voire même parfois pires que les contraintes physiques; n'oubliez pas que le mot même de viol est peut-être suranné et que c'est une agression qui doit être traduite en des termes...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.
M. Michel Amaudruz. Oh, bien ça suffit, Monsieur le président, vingt secondes pour un viol c'est beaucoup ! (Quelques applaudissements.)
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai très bref sur ce sujet éminemment problématique des agressions sexuelles, qui sont malheureusement en augmentation, comme vous avez peut-être pu le constater lors de la production annuelle de la statistique policière, qui est le reflet de l'activité criminelle. C'est dire si le gouvernement partage la préoccupation exprimée sur tous les bancs relative à ce type d'agression, caractérisée dans le cas du viol. (Brouhaha.) Et je rejoins totalement le préopinant UDC quant à la nécessité d'un débat un peu plus large aux Chambres fédérales sur la qualification de ce type d'agression, sur l'intégration d'éléments nouveaux qui, à la lumière d'une actualité récente, montrent à quel point les différents types d'agression ou de viol peuvent aujourd'hui porter préjudice non seulement, évidemment, aux victimes, mais à l'ensemble de la société.
J'aimerais dire ici que le gouvernement a anticipé votre désir, puisqu'il a porté ce débat à la Conférence des directeurs de justice et police et que mes collègues des vingt-cinq autres cantons et demi-cantons ont convenu qu'il y avait là matière à discuter, qu'il y avait un véritable problème de définition dans le code pénal. Nous allons, par ce canal-là, appuyer, je l'espère, le député Hiltpold aux Chambres fédérales, mais d'autres également, pour faire en sorte que le code pénal évolue, et évolue rapidement. Parce qu'au rythme où le code pénal change, il y a urgence ! Inutile de rappeler ici que c'est en 2007 que l'on a évoqué, dans la partie générale, la réforme du droit des sanctions sous l'angle des jours-amendes, et qu'on n'y est toujours pas sept ans plus tard. Si c'est à cette vitesse-là qu'on travaille sur les qualifications d'agressions sexuelles relatives au viol, on n'est pas sortis de l'auberge ! Donc vous pouvez compter sur nous, Mesdames et Messieurs, pour soutenir cette résolution, pour l'appuyer fortement auprès des Chambres fédérales, pour le faire également avec les autres cantons, et espérer, à brève échéance, une modification de notre code pénal. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette résolution.
Mise aux voix, la résolution 762 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 82 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous poursuivons nos urgences avec la M 2179-A. Nous sommes toujours en catégorie II, cinquante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas faire très long, je reprendrai peut-être la parole par la suite sur ce vaste serpent de mer qu'est la traversée du lac.
Ce qui m'impressionne le plus, c'est que dans ce débat - qui pour nous est un vrai débat sur ce qu'est un PPP - certains, dans ce parlement, s'arrêtent sur le fait qu'ils ne veulent tout simplement pas de la traversée du lac. Disons-le très clairement, il ne faut pas attaquer le PPP en tant que tel, puisque le partenariat public-privé est une occasion unique d'essayer de financer des projets d'intérêt public de grande importance, avec des chances de succès nettement supérieures à celles que l'on aurait si l'Etat seul était impliqué. (Brouhaha.) Nous avons, depuis mars 2011, un rapport de synthèse avec des études de faisabilité suite au vote d'un crédit d'étude de trois millions et demi de francs. Je tiens d'ailleurs à saluer les partenaires économiques, parce qu'ils ont fait un travail extrêmement important; c'est remarquable, et je pense que cela doit être souligné. La présentation, la qualité, le professionnalisme de cette étude ont été salués en commission, et les variantes proposées nous ont apporté, en tout cas à nous, majorité, une grande satisfaction.
Le PPP, c'est tout d'abord une garantie de durabilité et de rentabilité du cycle de vie; le PPP est déjà permis par la Constitution fédérale, et rien n'empêche de réaliser un PPP, contrairement à ce qui a pu être dit. Contrairement à ce qui a été dit également, Berne, aujourd'hui, n'a pas complètement recalé la traversée du lac: elle l'a simplement reportée. On peut le comprendre, nous ne sommes déjà pas d'accord entre nous ! Donc inévitablement, à Berne on se dit qu'il faut d'abord qu'on se mette d'accord, et puis qu'ensuite ils reverront la situation. Et quoi de mieux que cette motion pour montrer, après l'avoir évalué, que le PPP est possible, et pour confirmer la faisabilité technique et économique d'un PPP sur la base du rapport de synthèse ? Il ne s'agit pas de réinventer la roue; il s'agit de proposer des alternatives de financement et d'accélérer la réalisation de cette traversée du lac, chère à toute la région. C'est une motion, Mesdames et Messieurs ! Ce n'est pas un crédit d'investissement. Nous demandons simplement d'étudier la chose. Cela ne va pas coûter plus que ce qu'on pourrait avoir à payer pour l'évaluation, je ne sais pas, d'une nouvelle ligne de tram ou de la prison des Dardelles - qui va d'ailleurs nous coûter 16,5 millions en crédit d'étude, si je me souviens bien. Il s'agit juste d'étudier la faisabilité de cette solution qui nous a été présentée, encore une fois, de manière très professionnelle.
On a parlé des risques de surcoûts. Les surcoûts, Mesdames et Messieurs, si le contrat est bien ficelé - et c'est vrai qu'il y a un gros travail à faire à ce niveau - sont assumés par l'investisseur ! Les arguments donnés par M. Buschbeck, selon qui les PPP c'est «pour payer plus», ne correspondent pas à la réalité. (Commentaires.) Ça ne coûtera pas plus cher puisque tout est déterminé au départ. Et le risque de surcoûts est assumé par l'investisseur. Donc ce que nous demandons aujourd'hui, c'est qu'on étudie cette possibilité-là, qu'on ne jette pas à la poubelle ce qui a été fait; ce rapport de synthèse existe, c'est sur cette base-là, encore une fois, que cette étude a été effectuée. Et au bout des quarante ans que ce PPP prévoit, la propriété de l'ouvrage reviendrait à la collectivité publique.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jacques Béné. Cette question est une des pierres d'achoppement du projet, c'est un point qui a été soulevé, mais la maîtrise reste à la collectivité publique que nous sommes. Donc Mesdames et Messieurs, on reviendra sûrement sur certaines thématiques par la suite, mais contrairement à ce que M. Buschbeck dit, le PPP ce n'est pas «Pour Payer Plus», mais c'est «Proposons Pour Progresser». Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Lydia Schneider Hausser, rapporteure de première minorité. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Votre micro ne marche pas ? Il faut vous déplacer. (Remarque.) Voilà, ça marche, parfait. Allez-y, Madame !
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qui a été dit ici, nous n'aborderons pas la question de la pertinence de la traversée du lac, mais nous nous focaliserons surtout sur le mode de financement et de gestion qui est proposé pour ce projet, c'est-à-dire le PPP. La proposition de motion 2179 fait suite à une étude de faisabilité réalisée sur un projet de traversée du lac en PPP. Le projet prend en compte l'ensemble du cycle de vie de l'infrastructure, soit la construction et l'exploitation durant une période allant de trente à cinquante ans - ce n'est encore pas défini, mais disons quarante ans. J'aimerais dire que tous les auditionnés dont la venue a été acceptée par la commission des travaux soutenaient fortement le PPP, et que les deux propositions d'audition visant à évoquer potentiellement des éléments critiques - ce n'était même pas sûr - ont été rejetées.
Pourquoi les socialistes refusent-ils d'entrer dans un PPP ? Parce que nous parlons ici d'un projet d'une ampleur énorme, celui de la traversée lacustre. En plus des risques financiers très importants, cela veut dire que nous allons soustraire cet ouvrage durant environ quarante ans à des processus démocratiques, voire à des processus d'évolution liés non pas à l'ouvrage lui-même, mais même à la société et à ses besoins. Prenons l'autoroute de contournement: des changements ont été acceptés récemment, et dans ce cas-là je ne sais pas comment on aurait fait. Cela soulève justement un des problèmes du PPP: ce PPP ne pourrait démarrer que lorsqu'un contrat serait formulé. Cela veut dire que l'Etat, pour ce contrat, devrait penser à tous les scénarios possibles d'ici quarante ans, à toutes les questions que pourraient susciter la construction, l'entretien, l'exploitation d'un tel ouvrage. Et il devrait introduire des clauses pour chacune de ces problématiques. En gros, on demande aux fonctionnaires et à l'Etat de penser à tous les risques potentiels avant l'ouverture du chantier, car si pas pensé, eh bien dommage, tu paies ! Et je parle du contribuable !
A Genève, on a actuellement un parlement et un gouvernement majoritairement en faveur de la traversée lacustre, et cela crée une pression. Comme les travaux pour une construction potentielle ne pourront pas être accélérés outre mesure, ce sera donc durant la phase de négociation du contrat qu'il faudra se dépêcher. Or, c'est justement pendant cette phase de négociation et de définition exhaustive des conditions de partenariat qu'il faudrait prendre du temps - en tout cas, c'est ce que montrent tous les projets internationaux qu'on a menés en PPP.
Par ailleurs, il est illusoire et faux de prétendre que le PPP permettrait à l'Etat de construire de manière plus économique qu'avec une méthode classique d'investissement. Financièrement, le PPP autorise juste l'Etat à différer le paiement de l'ouvrage. Et il est bien évident que le coût est ensuite plus important que dans une maîtrise d'ouvrage publique. Pour notre traversée, il y aurait une étape de construction financée par le privé, et une deuxième étape qui serait la mise en exploitation, avec des apports d'une seconde série de privés. Et c'est là que l'Etat entrerait en piste, en versant une redevance fixe tout au long du contrat, qui serait liée à l'amortissement de l'ouvrage.
L'étude qui nous a été présentée en commission nous dit que tout le monde est gagnant. Mais si on la lit bien dans les détails, on voit un glissement vers des pronostics d'utilisation, et donc d'utilité, moins convaincants. Du coup, la possible introduction d'un péage est vue comme un transfert de risques de l'exploitation uniquement sur le privé. Cela montre au passage la nécessité et la pertinence de l'ouvrage, qui ne sont pas si évidentes malgré ce que la majorité veut bien nous dire. Bon. Face à ce risque, l'étude propose alors que l'Etat paie une rémunération supplémentaire...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !
Mme Lydia Schneider Hausser. ...sur un modèle de disponibilité. En gros, il s'agirait d'une rémunération en plus de la redevance, qui serait demandée à l'Etat sous forme d'annuité constante, une sorte de loyer qui couvrirait les intérêts de la dette et les frais d'exploitation. Au-delà de l'étude, l'Etat devrait investir avec la deuxième série de financiers, lorsque l'ouvrage serait ouvert. Sans parler des risques majeurs non mentionnés par l'étude, comme les conséquences sur l'écosystème général du lac ou la faillite d'une entreprise importante du consortium qui aurait lieu.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. En gros, si tout va bien, ce projet rapportera à des privés, et si quelque chose se passe mal, l'Etat passera à la caisse une deuxième fois. Donc rien de nouveau sous le ciel lémanique. Les tenants du PPP sont aussi ceux qui disent que la dette est insupportable et qu'elle ne doit pas être creusée. Mais quelle différence entre agrandir la dette tout de suite en payant le prix coûtant d'un ouvrage et en en ayant un contrôle total, ou en entretenant un ouvrage dont l'Etat n'a pas la maîtrise ? (Brouhaha.) Le coût serait le même, simplement il serait différé. Voilà, je m'arrêterai là. (Applaudissements.)
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, chers collègues, je voulais tout d'abord revenir sur les travaux de la commission, que j'ai trouvés un peu particuliers. En effet, on se retrouve avec un projet qui pourrait impacter de plusieurs milliards le budget de l'Etat, et la seule audition que nous avons faite est celle de partenaires privés qui sont venus nous expliquer à quel point cette idée était la meilleure du monde. Alors je ne vais pas leur reprocher de vouloir vendre leur bifteck, mais je pense que nous aurions pu au moins avoir un esprit un petit peu plus critique et simplement procéder à une autre audition pour connaître les risques que fait courir ce projet à la collectivité. Nous avons demandé de nombreuses auditions, dont celle - qui nous semblait la plus élémentaire - de la cellule risk management de l'Etat, simplement pour connaître les risques financiers que ce projet pouvait comporter pour l'Etat. Cela nous a été refusé, pourtant je pense que c'était le minimum; c'est la raison pour laquelle nous allons demander le renvoi de cette motion en commission, afin de procéder à cette audition.
Alors pourquoi, sur ce projet-là, faut-il un PPP ? C'est la question sur laquelle nous avons travaillé en commission. J'espérais avoir des réponses pertinentes, intelligentes, mais j'ai été surpris de voir les raisons pour lesquelles on voulait financer ce projet par un PPP: premièrement - et cela a été dit avec une telle franchise que c'en était presque touchant - cela permettrait de contourner le frein aux investissements. En effet, on a voté un mécanisme qui prévoit que quand on a trop d'investissements, ceux-ci sont bloqués; on voit que celui-là sera très important, donc on le fait passer par un PPP afin de pouvoir contourner le mécanisme de frein. C'est à mon avis une justification assez terrible ! On vote des mécanismes pour éviter des déficits, puis quand on a un projet qui nous plaît beaucoup, eh bien on le sort des investissements pour pouvoir le financer autrement.
Deuxièmement - cela a été rappelé - normalement, cette infrastructure devrait être financée par la Confédération. Mais Berne, malheureusement, a dit non ! (Brouhaha.) Non pas parce que, comme l'expliquent les considérants, il y a de moins en moins d'argent à Berne pour la route - il y en a plutôt de plus en plus, et un nouveau fonds, le fonds FORTA, va être mis en place pour financer les infrastructures routières afin que les autres collectivités de Suisse en profitent - mais parce qu'à Berne on ne veut pas de la traversée du lac. Pourquoi ? Tout d'abord parce qu'on pense que s'agissant du rapport coûts-bénéfices, l'élargissement de l'autoroute de contournement est plus intéressant. Mais surtout - et je pense qu'il faut le dire - Berne trouve que les hypothèses de travail sur lesquelles nous nous basons pour justifier une traversée du lac sont incohérentes - pour le dire gentiment - et fausses ! A Berne, on estime simplement que les prévisions de circulation ne méritent pas une traversée du lac.
Par rapport au prix, j'ai effectivement traduit l'acronyme PPP par «Pour Payer Plus». Pourquoi ai-je dit cela ? Quand on détaille les documents que nous ont remis les partenaires privés, on y voit qu'on peut avoir un loyer par année qui se situe entre 100 millions - si on a un péage - et 200, 220 ou 230 millions selon la variante maximum, ce qui nous fait un prix total de 9,5 milliards ! Je répète, 9,5 milliards ! Pourtant, avec toutes les variantes qu'on nous a proposées, avec les projets qu'on nous a soumis jusqu'aujourd'hui, on dépassait rarement les 3, 4, voire 5 milliards ! Aujourd'hui, on double quasiment ce prix. Effectivement, il faut bien que les partenaires privés s'y retrouvent, avec un bénéfice à la clef. Je pense que si on avait un financement entièrement public dès le départ, on aurait un prix moindre. Aujourd'hui, le prix avoué pour ce PPP est de 9,5 milliards - au maximum, bien sûr, puisque c'est la variante sans péage. Cela veut dire que nous paierons, dès 2030 et jusqu'en 2070, 200 millions par année pour financer cette traversée: à mon avis c'est un beau pari sur l'avenir, quand on sait qu'il n'y aura plus de pétrole d'ici quarante ans, de vouloir continuer à payer la traversée du lac jusqu'en 2070 ! (Commentaires.) Alors effectivement, j'ai dit que 200 millions c'était le maximum; on pourrait peut-être se retrouver avec 100 millions, mais à ce moment-là il faudrait installer un péage. Et le péage est aussi soumis à condition, c'est-à-dire que si les règles venaient à changer, si par exemple on prenait des mesures de restriction de circulation ou ce genre de choses, le privé pourrait se retourner contre nous et nous dire que l'investissement n'est plus assez rentable et qu'il faudrait donc que nous le dédommagions - c'est écrit noir sur blanc. Il est aussi écrit noir sur blanc, et à plusieurs endroits - et c'est peut-être la raison fondamentale qui fait qu'il faut refuser ce projet - que les partenaires privés n'ont pas l'intention de prendre le risque financier à leur compte. Ils ne sont pas intéressés à assumer le risque lié à cet investissement !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Mathias Buschbeck. Je pense que quand on a dit ça, on a à peu près tout dit; ils sont prêts à construire si on paie, mais si le projet n'est pas rentable, ça ne les regarde pas. Je reviendrai peut-être sur les amendements plus tard. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG), rapporteuse de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons d'emblée constaté que l'UBS faisait partie des trois groupements qui ont financé cette étude, et nous sommes heureux de constater qu'alors que des fonds publics ont permis de sauver cet établissement de la faillite, il s'estime maintenant en mesure de se substituer à l'Etat pour sa politique d'investissement. (Brouhaha.) Petite remarque, ironique, bien entendu, pour ceux qui ne l'auraient pas remarqué.
Le dossier présenté reflète le point de vue et les intérêts des investisseurs potentiels. Il nous aurait paru indispensable, comme à mon préopinant, de le faire étudier par une entité alternative, par exemple la Cour des comptes ou la cellule de risk management du Conseil d'Etat. On nous cite comme exemple de PPP réussi, celui - français - du viaduc de Millau; ce n'est pas moi qui le mentionne, ce sont les présentateurs de cette étude. Or, ce viaduc a été financé, certes, par des fonds privés dans le cadre d'un contrat de concession, l'ouvrage étant la propriété de l'Etat français, et les dépenses pour la réalisation et l'exploitation de l'ouvrage à la charge du concessionnaire. Les revenus du péage étaient attribués aux concessionnaires, mais il y avait un risque de sur-rentabilité qui faisait que les parties avaient mis en oeuvre un dispositif de fin anticipée de la concession. Or, dans la proposition qui nous est faite, non seulement aucun risque de sur-rentabilité n'est prévu, mais on voudrait la garantie de l'Etat uniquement en cas de sous-rentabilité. Quand on nous dit que les investisseurs privés sont prêts à assurer la totalité de l'investissement, on ne voit pas très bien où est le partenariat. Certes, on promet à l'Etat un strapontin au conseil d'administration, mais il y serait totalement minoritaire. Non seulement il ne faut pas accepter la garantie de l'Etat pour l'encaissement des péages, mais il serait inouï que l'Etat paie un loyer à hauteur de 100 à 118 millions pendant quarante ans sur un espace qui lui appartient. Il nous semble que ce serait au contraire aux investisseurs de payer un droit de superficie.
On nous explique également que la productivité que peut offrir un opérateur privé risque d'être meilleure que celle d'une collectivité publique; nous avons noté, parmi les arguments, que lorsque les mêmes entreprises travaillent pour l'Etat plutôt que pour le secteur privé, elles sont moins pressées de réaliser les travaux dans les délais. Nous saurons aussi nous en souvenir.
Enfin, le cas des autoroutes françaises qu'on nous présente est un bon exemple de profits juteux fait par des entreprises privées, au lieu que cela bénéficie aux caisses de l'Etat. (Commentaires.) Il nous paraît un peu facile de mener une politique des caisses vides par des cadeaux fiscaux permanents aux plus fortunés, et ensuite, parce que les caisses sont vides, de faire la fortune des investisseurs privés. Pour toutes ces raisons, le groupe EAG vous demande de refuser cette proposition de motion.
M. Ivan Slatkine (PLR). Je pensais qu'il y aurait peu d'interventions mais finalement elles sont nombreuses; cela va être intéressant. Ecoutez, je crois que les rapporteurs de minorité ont mal lu cette proposition de motion; elle demande au Conseil d'Etat d'évaluer la possibilité de créer un partenariat public-privé. Parce que je vous rappelle - Ensemble à Gauche n'était pas au parlement, mais les Verts et les socialistes y étaient - que vous avez voté Mobilités 2030, et que dans Mobilités 2030 il y a la traversée du lac. (Commentaires.) Et compte tenu de l'état des finances publiques, on se rend compte qu'il y a un problème pour assumer la traversée du lac aujourd'hui. Si on souhaite le développement de ce canton, eh bien il faut trouver des solutions différentes pour pouvoir financer une infrastructure majeure, clef de voûte du développement de Genève. Cette motion demande donc au gouvernement d'étudier la possibilité de mettre en place un partenariat public-privé.
Bien sûr, pour Ensemble à Gauche, c'est le dogme du public: les privés, mon Dieu, quelle horreur ! Seul l'Etat est sain ! Cette position permet de comprendre le rapport de minorité. Et puis les Verts et les socialistes sont, par définition, opposés à toute traversée; ils nous l'ont dit, ils nous l'ont redit, cela fait des années qu'on les entend. Pour eux, il ne faut plus se déplacer, la liberté de mouvement est quelque chose de complètement dépassé, il faut être à pied, à vélo... Mais enfin, c'est nier la réalité de l'économie ! Et jusqu'à nouvel avis, ceux qui font aujourd'hui la richesse de l'Etat, ce sont les privés, ce sont les entreprises; elles engagent du monde, elles créent de l'emploi, elles paient des impôts, et je crois qu'il faut remercier les entreprises d'être là... (Commentaires.) ...plutôt que de constamment les critiquer. Cette motion demande au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'un partenariat public-privé pour l'un des investissements certainement les plus importants que notre canton devra assumer après celui du CEVA. Nous savons tous aujourd'hui que l'économie ne rapporte plus suffisamment d'impôts pour pouvoir permettre à l'Etat de s'autofinancer et d'assumer cette traversée du lac; on a une dette absolument gigantesque, raison pour laquelle le partenariat public-privé peut représenter une solution, une solution intelligente si elle est correctement étudiée, et nous avons toutes les compétences, au sein de l'Etat, pour le faire. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demande non pas de vous arrêter à vos dogmes, mais de penser à l'avenir des Genevois, de notre canton et de notre région, et vous invite à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la traversée autoroutière du lac est à nouveau à l'ordre du jour de notre parlement; on pourrait dire qu'une session du Grand Conseil sans elle, c'est un peu comme un père Noël sans barbe. (Brouhaha.)
Nous allons rappeler quelques éléments. D'abord, le coût: il se situe entre 3 et 3,5 milliards selon la variante. Et puis, pourquoi Berne refuse-t-elle, pour l'instant, de financer un kopek ou un franc de cette traversée ? En résumé, l'Office fédéral des routes dit que la traversée ne résorbe pas les goulets d'étranglement, que la rive gauche n'est pas assez urbanisée et que cela pose énormément de problèmes en termes d'environnement - on en a largement parlé dans cette enceinte. Dès lors, je pense qu'on peut se concentrer, effectivement, sur la question du PPP.
Par rapport à cela, deux choses nous sont proposées - c'est ce qu'on a étudié à la commission des transports et des travaux: la première option, c'est le loyer payé par l'Etat. Cela a été dit, le coût annuel pour l'Etat serait de 150 à 230 millions, selon le prix de la variante retenue et le capital investi par le public. C'est un petit peu comme si on voulait s'acheter une belle voiture mais qu'on n'avait pas l'argent, et que du coup on prenait un leasing en sachant qu'on n'aura pas plus d'argent après, et qu'on va donc s'endetter sur quarante ans. Mais non ! On nous annonce que c'est une chance unique - le rapporteur de majorité nous l'a dit ! Pour nous, ce n'est pas du tout une chance unique, parce qu'au bout de quarante ans - même si on peut faire un combat de chiffres - cela aura coûté entre six et huit milliards et l'Etat, au final, aura payé le 100% de cette traversée autoroutière du lac. C'est évidemment inacceptable pour les socialistes; on peut dire que le PPP, dans ce cas, c'est «Payé Par le Public !» (Commentaires.)
La deuxième variante, c'est le péage versé par les usagers eux-mêmes. On nous parle, dans le projet, d'un péage à huit francs la traversée. Il faudrait donc qu'il y ait environ 30 000 véhicules par jour pour pouvoir rentabiliser cet investissement ! Et si on n'a pas les 30 000 véhicules, qu'est-ce qu'on va faire ? On va faire de la communication ! On va faire de la promotion ! Alors on se réjouit déjà de voir les affiches: à partir de 200 trajets, vous aurez un rabais sur la traversée et un taux préférentiel sur l'ouverture d'un compte à l'UBS, qui est notre partenaire privilégié ! (Rires.) Non ! Pour nous ce n'est pas possible. Et ce péage pose un autre problème: c'est une inégalité de traitement au niveau suisse. Pourquoi moi, habitant du grand Genève, prenant ma voiture, je devrais payer pour traverser un bout d'autoroute alors que je ne dois pas le faire pour le Gothard, alors que les autres citoyens suisses ne doivent pas le faire pour prendre les viaducs qui vont en Valais, etc. ? Pourquoi payerait-on à Genève et pas dans le reste de la Suisse ? C'est une inégalité. Pour toutes ces raisons-là, le PS refusera, bien entendu, cette motion. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, tout à l'heure j'ai pris la parole pour dire que j'étais dans le comité d'initiative de la gare souterraine...
Une voix. Eh bien là aussi !
M. Guy Mettan. ...et je reprends la parole pour préciser que je suis dans le comité d'initiative pour la traversée du lac. Pourquoi ? D'abord, parce que ce n'est pas du tout incompatible de voter pour les transports publics, en l'occurrence pour le ferroviaire, et de voter pour les transports privés, en l'occurrence pour la traversée du lac. Je rappelle quand même que le peuple genevois a accepté, en votation populaire, la complémentarité des transports, et qu'il nous incombe de réaliser ce voeu. Ensuite, encore ce matin, à l'occasion du Forum des 100 de «L'Hebdo» à Lausanne... (Commentaires.) ...nous avons eu la chance d'écouter M. Andreas Meyer, patron des CFF, qui nous a vanté les mérites des transports publics suisses et leurs performances. Il a aussi insisté sur le fait que les différents modes de mobilité sont complémentaires; le rail est complémentaire des transports privés - que ce soit pour le fret ou le transport des passagers - tout comme le reste des transports publics, donc le tram, le bus, etc. Et je crois qu'à Genève, on n'arrive pas à se rentrer dans la tête qu'il faut qu'on travaille sur cette complémentarité. Donc on ne peut, sur le fond - sur le fond ! - de cet objet, que vous inviter à prendre en considération la nécessité de la traversée du lac.
Ensuite, concernant les considérations de l'OFROU, oui, c'est vrai, l'OFROU n'a pas retenu la traversée du lac comme option prioritaire, parce qu'il a favorisé la construction d'une troisième voie pour le contournement de l'autoroute. Très bien ! Il a jugé qu'effectivement, pour les transports internationaux et nationaux, la réalisation de la troisième voie autoroutière avait la préséance. Mais il n'a pas du tout exclu la traversée du lac ! Elle vient en deuxième place. Donc rien ne nous empêche de prendre des initiatives, de contacter les entreprises privées pour accélérer, au fond, le désengorgement de la circulation à Genève, le désengorgement des infrastructures de transport du canton de Genève, et de confier au secteur privé un mandat de participation à la construction de cette traversée du lac. Un PPP, ce n'est pas quelque chose de fixe, ça se négocie avec le privé; c'est un partenariat, comme son nom l'indique. (Brouhaha.) Rien n'empêche donc l'Etat de confier la réalisation au secteur privé, et de négocier aussi durement et sévèrement que possible avec ces entreprises les conditions d'une utilisation rationnelle pour l'ensemble des citoyens, à des coûts qui soient naturellement supportables et compétitifs comparés à n'importe quelle autre réalisation.
Je terminerai en disant que le PPP, ce n'est pas juste une invention en l'air: nous sommes à Genève, on parle souvent de la Genève internationale, et il y a chaque année des réunions, au sein des Nations Unies, sur la problématique du PPP, parce que justement, les organisations internationales, qui ne sont pas toujours les plus ouvertes au changement et au progrès, ont pris conscience de l'intérêt de ces partenariats public-privé pour promouvoir des objectifs communs, par exemple en matière de santé publique. Quand la fondation Bill Gates travaille avec l'OMS pour éradiquer les maladies infectieuses - celles qui tuent le plus de monde sur cette planète - c'est un PPP ! C'est un PPP ! (Commentaires.) Donc pourquoi nous, à Genève, qui voulons souvent donner des leçons au reste du monde, nous ne pourrions pas, à l'échelle cantonale, prendre aussi en considération ce type de partenariat ? Pour toutes ces raisons, le PDC vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Frédéric Hohl, pour deux minutes et dix-neuf secondes.
M. Frédéric Hohl (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que demande cette motion ? De l'argent ? Non. Une autorisation de construire ? Non. Le choix d'un constructeur ? Non. Lisez la motion ! La motion demande d'évaluer le risque pour l'Etat d'une certaine forme de financement. Voilà !
Je dois dire qu'en neuf ans au parlement, c'est la première fois que je vois un rapport si bien réalisé. Il est magnifique ! On nous a vraiment montré toutes les pistes intéressantes pour l'Etat en matière de PPP. Le PPP, c'est évidemment quelque chose qui est fait sous le contrôle de l'Etat; le PPP, c'est également l'obligation, pour l'entreprise, d'entretenir l'ouvrage. Si nous construisions un ouvrage par le biais de l'Etat, nous voterions un crédit d'étude, ensuite un crédit de construction, mais rarement nous voterions un crédit d'entretien pour les quarante prochaines années. Pourtant, il faut s'occuper de l'ouvrage; voyez l'état, par exemple, de nos écoles.
Dès la première minute des séances de commission, les Verts, les socialistes et Ensemble à Gauche étaient très opposés à ce projet. On le sait ! Ce n'est pas une nouveauté, et on le voit bien parce que vous le tournez en boutade; c'est un peu comme une grande farce. Et un des arguments que vous avez mis en avant pour vous opposer à cette motion, c'est que nous n'avions pas pu recevoir le risk manager de l'Etat. Mais justement ! Le risk manager travaille au département des finances, et c'est bien le département qui va s'occuper de cette motion quand on va la renvoyer au Conseil d'Etat ! Alors, Mesdames et Messieurs, je vous encourage vivement à suivre le rapporteur de majorité et à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien.
M. Stéphane Florey (UDC). Le rapporteur a clairement expliqué le fond, je n'y reviendrai donc pas. Simplement, je dirai deux choses. D'abord, ce débat est complètement dogmatique et stérile; il ne sert absolument à rien, puisque c'est justement le rapport du Conseil d'Etat qui nous indiquera clairement si les possibles risques évoqués par la gauche existent, combien on paierait si c'était un loyer, si c'était un péage, et qui nous expliquera quelle est la meilleure solution. C'est pour ça que cette motion ne coûte absolument rien ! Comme l'a dit M. Hohl, on demande une simple étude, et c'est pour ça que l'UDC a soutenu cette motion: justement pour en savoir un peu plus que cette fameuse présentation faite par les milieux économiques sur le PPP, pour qu'il y ait une vraie évaluation des risques et qu'on sache combien, potentiellement, ça pourrait nous coûter. Parce que si une chose est sûre - et ça je l'ai dit en commission, ça a même été rappelé à plusieurs reprises - l'UDC, de prime abord, n'est pas favorable au péage urbain. Elle ne l'a jamais été et elle ne le sera probablement jamais. Mais ce n'est pas ce que demande cette motion ! C'est, je le rappelle, une simple étude ! L'enjeu, c'est le rapport qui viendra après. (Brouhaha.) Le vrai débat aura lieu sur le rapport de cette motion, et potentiellement sur les crédits d'étude et les crédits de construction qui suivront. Mais le débat, aujourd'hui, ne sert à rien. C'est pour cela que l'UDC renverra cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Daniel Zaugg, pour vingt-deux secondes.
M. Daniel Zaugg (PLR). Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être bref. Je pense que l'étude des milieux économiques a fait certains dégâts auprès de la gauche, dans le sens où cette étude a présenté deux solutions pour réaliser le PPP, le péage ou le loyer. J'ai eu la chance de discuter avec le directeur du centre d'excellence PPP des Nations Unies, qui m'a expliqué qu'il y avait une vingtaine de façons différentes de créer des PPP. Aujourd'hui, nous disposons d'une étude des milieux économiques; pourquoi ne pas demander aussi une étude de l'Etat, qui nous permettra peut-être de voir une autre solution ? Parce que je sens bien que la crainte, pour la gauche de ce parlement, c'est que les milieux privés ne s'enrichissent sur le dos de l'Etat. Mais un PPP, Mesdames et Messieurs...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Daniel Zaugg. ...c'est un contrat entre deux parties - absolument, je conclus, Monsieur le président - un contrat entre l'Etat et des entrepreneurs privés, et l'Etat peut parfaitement dicter également ses conditions; il faut que le contrat soit signé par tout le monde. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Donc laissez l'Etat étudier la possibilité de réaliser des PPP !
Le président. Vous avez épuisé votre temps, Monsieur le député.
M. Daniel Zaugg. Je vous remercie !
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'aimerais aborder le sujet de cette traversée sous l'angle de son impact sur l'environnement. Les promoteurs de ce partenariat public-privé nous ont remis, en commission des transports, un rapport, ma foi, très intéressant. Je me suis arrêté sur les deux options préconisées, à savoir la traversée sous forme de modules et l'autre sous forme d'un creusement de tunnel sous le lit du lac. Il est important de considérer que le lit du lac est formé de l'ancienne moraine du glacier du Rhône, sur laquelle on trouve dix mètres de vase issue de déchets organiques et d'argile fluviale. La solution dite des modules consisterait à déposer des morceaux de tunnel en béton alignés au fond du lac. Or - et c'est dit dans le rapport de synthèse - à chaque dépose, un vaste nuage se soulèverait, envahirait et polluerait toute la rade durant des semaines ! Je n'invente rien ! (Brouhaha.) Imaginez ce qu'il en serait pour l'ensemble des modules; ce serait absolument catastrophique ! Notre jet d'eau en deviendrait brun. Sans parler du débouché dans la réserve naturelle de la Pointe à la Bise, qui serait éventrée par les modules. Je n'ai pas eu le sentiment que, du côté des promoteurs, la décision était vraiment prise, en particulier parce que le tunnel foré limiterait la traversée aux seules automobiles. A voir. Nonobstant, il me paraît essentiel de relever que le projet de PPP, selon l'option choisie, pourrait avoir des effets majeurs sur la beauté du lac et sur la flore et la faune aquatique. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi. Vous avez deux minutes et trente secondes, Monsieur le député.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...en tant que fervent adhérent à la traversée de la rade, je tenais quand même à vous donner l'avis de notre groupe, parce que comme l'a dit mon préopinant UDC, nous ne sommes pas contre la traversée du lac. Je rappelle simplement, même si le conseiller d'Etat vous dira autre chose, que pour le moment, la traversée du lac n'est qu'un très joli concept présenté dans cette motion; un partenariat d'entreprise nous a fait une présentation et a proposé une idée de réalisation, et ça ne va pas plus loin. Mais s'agissant de l'Union démocratique du centre, il nous semblait important de poser les jalons d'un partenariat public-privé à une époque où les fonds publics sont en déshérence et presque inexistants. Est-ce que cela doit nous empêcher de mener des réalisations indispensables pour la population ?
Mesdames et Messieurs les députés, que demande cette motion ? On l'a dit, c'est uniquement de regarder si cette solution, dans le cas d'une hypothétique réalisation de la traversée du lac, serait bonne. J'ai entendu beaucoup de choses, de nombreuses critiques, des gens qui nous disaient avec beaucoup de véhémence que tout ce qui était proposé n'était pas possible. Mais non ! On n'en est pas là, soyons peut-être un peu visionnaires, et comme l'a dit, je crois, mon préopinant Mettan, pour une fois, ayons le courage d'ouvrir un peu notre esprit et de voir que la solution du partenariat public-privé peut être une bonne solution. Pour le moment, on ne vote pas un projet, on vote sur l'étude d'une idée concernant, c'est vrai, la traversée du lac. C'est très bien, et l'Union démocratique du centre vous enjoint d'accepter cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Alberto Velasco pour une minute et quinze secondes.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais dire à mon collègue Frédéric Hohl que ce n'est pas parce qu'un rapport est magnifique qu'il est politiquement acceptable ! (Commentaires.) On est d'accord ! Parfait. (Brouhaha. Remarque.) Non, non, vous avez dit qu'il était magnifique et que vous vouliez qu'on le vote. Donc voilà.
Mesdames et Messieurs, vous savez, au Moyen Age, chaque fois qu'on empruntait un chemin ou une route, il fallait payer. Eh bien, ce qui se passe avec mes collègues libéraux, c'est qu'ils nous renvoient au Moyen Age, avec leur politique ! C'est extraordinaire ! (Remarque.) Oui, cher Monsieur Béné ! Sauf que l'histoire a fait que plus tard, l'Etat a repris cette fonction pour que nous puissions nous déplacer sur les routes sans devoir payer à chaque fois de notre poche. C'est devenu la mission de l'Etat. Or, qu'est-ce qui se passe ? Ici, dans le PPE que vous nous proposez...
Une voix. Pas PPE, PPP !
M. Alberto Velasco. PPP ! (Commentaires. Brouhaha.) Voilà. Vous décomptez le temps, Monsieur le président, là ! Vous décomptez le temps !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Normalement, une traversée doit être financée par l'impôt, disons, contributif, c'est-à-dire que ceux qui ont le plus de moyens participent plus à l'ouvrage que ceux qui n'en ont pas assez. En l'occurrence, ici, vous ne faites pas intervenir les fonds de l'Etat, vous faites intervenir les citoyens par un péage, et là chacun paiera exactement la même chose.
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Et ça, c'est une injustice sociale. Donc on ne peut pas accepter ce type de disposition; vous avez mené une politique de baisse fiscale pendant des années...
Le président. C'est terminé !
M. Alberto Velasco. ...maintenant vous voyez que vous ne pouvez plus investir et vous faites en sorte que l'Etat soit obligé de s'adresser à quelqu'un d'autre pour réaliser ce que lui doit assumer ! Merci ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Mathias Buschbeck. Il vous reste onze secondes, Monsieur le député, au-delà vous prenez sur le temps du groupe.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Oui, je vais prendre sur le temps du groupe pour présenter mes deux amendements. Tout d'abord, on nous dit de lire le texte de la motion, que celle-ci demande simplement à étudier, évaluer, ce genre de chose. Eh bien on ne doit pas avoir le même texte, parce que pour ma part j'ai une invite qui dit: «à engager sans tarder la discussion avec les partenaires privés en vue du financement et de la réalisation de la traversée du lac dans les quinze ans à venir». Je n'appelle pas cela étudier, j'appelle cela prendre déjà rendez-vous pour savoir comment on va payer. (Commentaires.) Si vous êtes sincères dans votre volonté de simplement étudier la chose, je vous invite donc à supprimer cette proposition et à soutenir l'amendement qui demande justement la suppression de cette invite.
Le deuxième amendement qui vous est soumis demande la suppression de la première invite. J'ai écouté avec attention M. Lussi, qui nous a fait un triple salchow par rapport aux propos qu'il a tenus il n'y a pas trois mois dans cet hémicycle, lorsque nous débattions de la traversée de la rade et que nous parlions du contreprojet. Il nous expliquait alors que la traversée du lac était un projet onéreux, inutile, et - je lis son rapport de minorité - il nous disait: «Notre Berne fédérale a conclu qu'une traversée autoroutière du lac telle que présentée par le Conseil d'Etat genevois n'est pas prioritaire, ne résoudrait pas et n'améliorerait pas l'engorgement de notre autoroute de contournement actuelle.» Ainsi, ils étaient opposés à la traversée du lac il y a deux mois, ils étaient opposés au contreprojet, mais maintenant ce n'est pas si mauvais, c'est un projet relativement intéressant ! (Commentaires.) De nouveau, dans un souci de cohérence, j'invite le MCG et l'UDC à supprimer cette invite, pour être conséquents par rapport à la position qu'ils tenaient il y a deux mois, qui était celle de soutenir la traversée de la rade. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Lisa Mazzone, à qui il reste trois minutes et trente secondes.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, faut-il le rappeler, augmenter la voirie routière crée un appel d'air et une augmentation parallèle du trafic. On nous dit que le débat ne porte pas sur la traversée du lac; néanmoins, si on se réfère à la première proposition qui dit que le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à maintenir son engagement en faveur de la réalisation de la traversée du lac à moyenne échéance, on se dit qu'il s'agit effectivement d'un débat sur la traversée du lac.
Dans ce contexte, il me semble important de rappeler que nous avons des enjeux de santé publique et des enjeux environnementaux à relever, alors que cet hiver il y a eu des cas de pics de pollution aux particules fines à répétition... (Commentaires.) ...ce qui entraîne des désagréments et des dégâts sur la santé des habitantes et des habitants. Chaque citoyen a le droit de vivre dans un environnement sain, d'être protégé des nuisances sonores, chaque habitant a le droit d'être protégé de la pollution de l'air et du danger routier, et les Verts s'engagent pour la qualité de vie de toutes et tous en maintenant leur position contre la traversée du lac.
Mais venons-en au PPP. Il y a deux questions que je retourne sans cesse dans ma tête, sans réussir à leur trouver de réponses: pourquoi est-ce que, par principe, l'Etat serait moins efficace que des partenaires privés ? Et pourquoi est-ce que l'Etat, qui est pourtant gouverné par une majorité de l'Entente, ne parviendrait pas à faire du travail de qualité ? Je ne trouve toujours pas les réponses à ces questions. Pourquoi s'obstiner, d'ailleurs, à payer plus en faisant croire que cela coûtera moins ? Cela a été dit, nous avons deux possibilités: soit nous sommes soumis à un loyer qui, sur le long terme, entraînera des dépenses supplémentaires, soit nous instaurons un péage et nous verrons des affiches qui vanteront les mérites d'une traversée du lac routière. Les Verts s'opposeront donc à toute extension de la voirie routière et à une privatisation - ne serait-ce que temporaire - de cette voirie, qui implique un engagement financier sur le long terme pour l'Etat. Ce d'autant plus qu'aujourd'hui nous sommes incapables de dégager 20 millions pour mettre en place des mesures pour la mobilité douce. Mais tout cela n'est qu'hypothèse, puisque les Verts, comme je l'ai dit, s'opposent à la traversée du lac, quel que soit son mode de financement. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, oui, cette motion appelle un certain nombre de commentaires, mais beaucoup de choses ont déjà été dites et je ne voudrais pas les répéter. J'aimerais simplement rappeler à notre assemblée qu'il existe déjà, à Genève, un prototype de pont qui a été réalisé en partenariat public-privé ! Et ça marche ! Le pont Wilsdorf est bien un pont...
Des voix. Privé !
M. Jean-François Girardet. Oui, privé ! Presque complètement ! Mais puisque cette motion demande au Conseil d'Etat d'étudier le projet, il étudiera aussi la possibilité d'effectuer une traversée du lac totalement privée, si c'est possible ! Et je pense que si M. Hodgers, qui est chargé des constructions, arrive à trouver des fonds pour réaliser cette traversée, eh bien les Genevois applaudiront et le rééliront à l'unanimité aux prochaines élections. (Exclamations. Brouhaha.) Donc je vous encourage à voter cette motion pour que le Conseil d'Etat se mette au travail...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. J'aimerais que la députée qui est à la tribune en descende. (Commentaires.)
M. Jean-François Girardet. Elle fait des ponts !
Le président. Poursuivez, Monsieur.
M. Jean-François Girardet. Je souhaite donc que notre Grand Conseil vote cette motion; elle demande simplement au Conseil d'Etat d'étudier des possibilités de partenariat public-privé, et il pourra prendre pour exemple ce qui a été fait pour le pont Wilsdorf. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler... qui n'est pas là. La parole est donc à M. le député Bertrand Buchs, à qui il reste quarante-deux secondes.
M. Bertrand Buchs (PDC). Ce sera suffisant, Monsieur le président. J'aimerais juste dire qu'on fait preuve d'un manque d'imagination terrible et que j'observe que chacun est extrêmement coincé dans ses certitudes. Dans la vie, si on veut avancer, il faut toujours se remettre en question. Et lorsqu'on propose quelque chose, on peut peut-être attendre d'avoir des résultats et des études claires et nettes pour prendre une décision ! Donc c'est du simple bon sens que de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour pouvoir en discuter après. Quant au péage, je vous rappelle simplement que vous payez le péage du tunnel du Grand-Saint-Bernard... (Remarque.) ...que ça ne vous pose aucun problème de le faire, et que je n'ai pas vu de manifestation à l'entrée. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste trente-cinq secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Juste pour dire que bien évidemment, nous refuserons les deux amendements qui ne visent qu'à vider la motion de sa substance. Et puis j'aimerais relever deux ou trois petites inepties de la part des rangs d'en face: on nous dit qu'il n'y aura bientôt plus de pétrole, et on nous demande donc qui roulera sur ces routes. Eh bien les voitures qui rouleront sans pétrole, à savoir les voitures électriques, probablement. Et quant aux entreprises qui soi-disant s'en mettront plein les poches...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !
M. Stéphane Florey. ...peut-être préférez-vous que ce soient les banques qui s'en mettent également plein les poches par un financement de l'Etat... (Commentaires.) ...et un crédit ?
Le président. C'est terminé, Monsieur !
M. Stéphane Florey. Peut-être que c'est la solution que vous préconisez ? Enfin nous, nous...
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pascal Spuhler, qui est de retour.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, en effet le MCG soutiendra cette motion. Nous pensons que le partenariat public-privé représente l'avenir pour le financement des grandes structures de l'Etat. (Brouhaha.) C'est un moyen pour éventuellement avancer plus vite dans les constructions et les projets d'envergure. Il ne faut pas oublier qu'on parle d'une projection, allez, soyons optimistes, pour 2030-2050 si on est un peu moins généreux, avec le vent en poupe et de bonnes conditions. Nous soutiendrons donc ce projet, même si nombre d'entre nous ne verront même pas sa réalisation, peut-être même pas celle de la traversée de la rade, que nous soutenons également parce que, pour nous, les deux ne sont pas incompatibles. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Lisa Mazzone, pour une minute et dix-neuf secondes.
Mme Lisa Mazzone (Ve). J'ai bien économisé mon temps, je vous remercie, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur deux éléments. D'une part, l'exemple du pont Wilsdorf: faut-il le rappeler, le pont Wilsdorf est un don, qui n'implique pas de retour sur investissement. On n'est absolument pas dans le cas d'un PPP... (Brouhaha.) ...car c'est un simple don à la collectivité; on n'a pas une ardoise que l'on devra régler durant les années à venir. Voilà le premier élément de rectification.
Deuxième élément, qui concerne le manque d'imagination: personnellement, je suis étonnée d'entendre le terme «imagination» de la part de l'Entente, qui fait effectivement preuve d'un manque d'imagination criant en s'obstinant à demander depuis plus d'un siècle une traversée du lac. Mais mon Dieu, n'est-il pas possible d'imaginer les choses autrement ? (Commentaires.) N'est-il pas possible d'imaginer un avenir différent, un avenir plus doux, plus respectueux de l'environnement, plus respectueux de celles et ceux qui habitent notre canton de Genève...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.
Mme Lisa Mazzone. ...un avenir tourné vers la mobilité durable, un avenir plus vert ? Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous venons d'entendre ma préopinante nous parler de l'enfer vert ! Celui que les Genevois vivent quotidiennement sur le canton de Genève, avec les bouchons, j'en passe et des meilleures. Et évidemment, quand on vient parler traversée de la rade, ah non, le financement ne va pas du tout ! Par contre, payer 240 millions d'euros pour les parkings-relais en France, pour les Verts, il n'y a aucun problème... (Protestations.) ...et c'est bien connu ! Donc moi, j'invite nos amis Verts - et vous transmettrez, Monsieur le président - à aller se présenter aux élections dans les municipalités de Saint-Julien et d'Annemasse, parce que les Genevois, le MCG va s'en occuper !
Mesdames et Messieurs, le désengorgement de la circulation ne va pas se régler en un seul acte; c'est une multitude de choses sur l'ensemble du canton, ce sont aussi des parkings-relais en France - mais excusez-moi, financés par les Français - qui feront qu'un jour, à Genève, on pourra circuler d'une manière un petit peu plus agréable. Nous avons dit, au MCG - malheureusement le conseiller d'Etat, M. Barthassat, n'est pas là - que nous attendrions jusqu'au mois de septembre pour voir s'il y a une amélioration dans la synchronisation des feux à Genève. Car c'est aussi une des mesures qui fera que la circulation sera plus fluide. Parce que je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que la conseillère d'Etat précédente, la regrettée Michèle Künzler, avait donné comme instruction de désynchroniser les feux; vous le constatez tous les jours, c'est un fait, ce n'est pas une supposition. On s'arrête donc à peu près tous les 35 mètres à cause d'un feu rouge, parce qu'on a mis des feux et qu'il faut bien qu'ils servent à quelque chose, c'est-à-dire à empêcher les automobilistes de rouler. La seule chose pour laquelle nous serions un peu verts, au MCG, c'est en ce qui concerne la réfection des voies vertes sur le canton, ces grands axes où l'on roule à 35 kilomètres à l'heure; ce n'est pas vite, mais il n'y a pas de mise en danger, les feux sont verts, et on peut enfin circuler sur Genève.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. Alors pour les Verts, évidemment, la traversée du lac, mon Dieu... ça pourrait déranger quelques filets de perche pendant les travaux ! En revanche, les Genevois, ça passe au second plan ! (Protestations.) Mais on sait bien que pour les Verts, ce sont d'abord les écrevisses...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...les grenouilles et les filets de perche qui comptent !
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, avec mes différents collègues ici présents et en l'absence de M. Luc Barthassat, retenu par une séance communale, j'aimerais vous inviter, au nom du Conseil d'Etat, à une petite relecture du discours de Saint-Pierre, qui vous permettra de connaître notre position. Nous vous disions, il y a quelques semaines, en la magnifique cathédrale toute proche, qu'il s'agissait d'étudier si un péage ou un partenariat privé nous permettrait de réaliser la traversée du lac, sachant que son financement exclusif par le seul canton était irréaliste dans les conditions budgétaires et d'endettement d'alors. Cinq mois plus tard, le Conseil d'Etat, qui est en train d'avoir des réflexions approfondies en vue du budget 2015, ne va pas vous indiquer que les conditions budgétaires ont changé, mais c'est fort volontiers qu'il se verra renvoyer cette proposition de motion afin de faire quelque chose qui n'est, à ce stade, qu'une étude. Vous ne vous engagez à rien d'autre qu'à cela en nous renvoyant cette motion, et cette étude nous permettra de vous donner toutes les informations nécessaires non pas sur le partenariat public-privé, mais, comme cela a été dit, sur les possibilités qui existent, sachant que nous serons évidemment attentifs à la préservation des intérêts publics, et notamment de nos intérêts financiers, dans ces périodes où les moyens ne sont pas illimités. C'est la raison pour laquelle je vous invite, au nom du Conseil d'Etat, et en l'absence du conseiller d'Etat en charge du département des transports, à nous renvoyer cette motion afin que nous puissions vous donner, dans les délais idoines, les réponses nécessaires.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre un premier amendement de M. Buschbeck, qui consiste simplement à supprimer la première invite. Les chefs de groupe l'ont reçu à leur place, sauf erreur.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 28 oui.
Le président. Je mets maintenant aux voix un deuxième amendement de M. Buschbeck, qui figure aussi à la page 62 du rapport, et qui consiste à supprimer la quatrième invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 30 oui.
Le président. Il me reste à vous faire voter la motion dans son ensemble.
Mise aux voix, la motion 2179 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 30 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Le président. Nous abordons le point suivant, la P 1874-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de minorité ad interim est M. Christian Frey. Je passe la parole au rapporteur de majorité, s'il souhaite s'exprimer ? (Remarque.) Monsieur Aellen, vous avez la parole.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Une pétition, si elle est infondée, on la classe; si elle révèle un problème qui n'est pas traité par l'Etat ou qu'elle fait part d'une carence grave, on la renvoie au Conseil d'Etat en demandant à ce dernier d'agir rapidement; si elle met en évidence un souci légitime mais correctement pris en charge par l'Etat, on la dépose sur le bureau du Grand Conseil, et c'est cette dernière solution que la commission, dans sa majorité, propose. En effet, la seule invite de la pétition se réfère à l'article 39, alinéa 2 de la nouvelle constitution, et demande à l'Etat d'appliquer la loi. Nous avons donc procédé à l'étude de cette pétition, à l'audition des pétitionnaires, à l'audition du département, et nous sommes arrivés à la conclusion que même si l'Etat pouvait faire mieux - l'Etat peut toujours faire mieux - la loi était correctement appliquée. C'est la raison pour laquelle, en application des principes énoncés en début de mon exposé, il est proposé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Christian Frey (S), rapporteur de minorité ad interim. Le 27 juin 2013, la pétition intitulée «Des places en institution pour les personnes qui en ont besoin», portant 3102 signatures, a été apportée au Grand Conseil par plus de cent personnes, essentiellement des membres de familles concernées. Le président du Grand Conseil d'alors, M. Gabriel Barrillier, a accueilli les pétitionnaires pendant une pause du Grand Conseil, et leur a assuré que ce cénacle ferait tout pour répondre aux besoins légitimes des parents et des familles en question.
La pétition de la FéGAPH repose sur des bases légales claires; le rapporteur de majorité en a cité une, c'est la constitution genevoise. Il n'a pas cité la loi fédérale sur les institutions en faveur de l'insertion des personnes handicapées qui, depuis la nouvelle RPT, donne aux cantons l'obligation de faire face aux besoins dans le domaine du handicap. La question qui se pose maintenant est celle de savoir si, d'une part, les besoins à Genève sont couverts, et d'autre part si le département concerné a pris les mesures nécessaires. Nous n'allons pas nous embarquer dans une bataille de chiffres; effectivement, en 2013, les pétitionnaires disaient qu'il manquait cinquante places en internat, en résidence - je dis bien en résidence, nous ne parlons pas de places en atelier ni en centre de jour. Actuellement, la FéGAPH et les pétitionnaires indiquent qu'il manque cent places dans la perspective de 2015. De quoi s'agit-il ? L'ouverture de 24 places dans une fondation bien connue qui s'appelle Clair Bois était prévue en 2015. Ces 24 places ne vont pas être ouvertes en 2015, elles le seront au minimum au deuxième semestre 2016. Il y a donc effectivement un problème qui se pose, non pas de manière générale mais par rapport aux places de résidence. Les personnes les plus en difficulté sont effectivement celles qui sont en clinique psychiatrique, comme les pétitionnaires l'avaient relevé, c'est-à-dire les personnes qui ont une déficience mentale liée à des problèmes de comportement, des problèmes psychiatriques. La commission des affaires sociales, dans sa première séance de la nouvelle législature, a eu l'occasion de visiter Kaolin, une unité spécialisée des EPI qui accueille justement ces cas extrêmement difficiles. Cela a fait froid dans le dos à certains; c'est ce type de places qui manque à Genève. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, il s'agit de trouver des solutions; il n'y en a ni pour 2014 ni pour 2015, et nous devons renvoyer cette pétition...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Frey. ...au Conseil d'Etat. Il faut donner des réponses concrètes et non pas affirmer que les besoins sont couverts et que le département s'en occupe.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Nous, les Verts, avons un peu de peine à comprendre pourquoi la majorité ne souhaite pas renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Tout le monde en commission a admis, d'après le rapport, qu'il y avait effectivement un manque de places en résidence pour les personnes handicapées qui en ont besoin. Mais certains préfèrent ne rien faire ! Et ce n'est même pas une question d'argent, parce qu'il a été expliqué en commission que finalement cela coûtait beaucoup plus cher d'avoir des solutions intermédiaires telles qu'actuellement et d'envoyer les gens dans des structures inadaptées - qui, très souvent, se trouvent être l'hôpital psychiatrique - plutôt que de les placer dans une institution adéquate et spécialisée qui leur conviendrait beaucoup mieux. Donc si ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de quoi ? On peut se demander si c'est de l'hypocrisie ou du non-respect, j'espère que ce n'est aucun des deux mais j'attends toujours de comprendre.
Placer des personnes dans des structures inadaptées coûte cher, comme je l'ai expliqué, et socialement cela représente aussi des difficultés pour elles. Vous imaginez bien que si vous avez besoin d'être dans une institution spécialisée pour votre problème, l'hôpital psychiatrique ne va pas vraiment vous aider, au contraire; cela va vous couler encore un peu plus. C'est très difficile aussi pour les familles, qui soit se retrouvent à devoir s'occuper de la personne concernée, soit sont dans l'incompréhension quant à la prise en charge de leurs proches. Ce n'est pas possible. La constitution et la loi fédérale demandent un accès aux soins pour tous, mais comme d'habitude rien ne se fait parce que la majorité ne veut pas utiliser les moyens nécessaires pour vraiment améliorer la situation des personnes qui ont besoin de se faire traiter ou soigner.
Ce qui est vraiment essentiel, il faut quand même le rappeler, c'est de pouvoir intégrer les personnes en situation de handicap dans la société; d'ailleurs, si on le faisait correctement, cela libérerait des places en plus grand nombre, ce qui serait bien. Malheureusement, certains ont besoin, soit pour des périodes courtes soit pour des périodes plus longues, de séjourner dans une structure d'accueil et de résidence. Le rôle de notre société, normalement, est de ne pas laisser les gens de côté; c'est finalement ce qu'on est en train de faire de plus en plus souvent, hélas. Pourtant, cette pétition ne demande pas grand-chose; elle demande une prise en charge adéquate et une place en institution pour chaque personne qui en a besoin. Je pense que la renvoyer au Conseil d'Etat n'a vraiment rien d'audacieux, c'est simplement normal. Et si c'est le choix entre une structure ou une autre qui vous fait peur, et le fait qu'on ne puisse pas accepter de toutes les financer, nous avons pour notre part quelques propositions à vous soumettre...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.
Mme Sarah Klopmann. ...et nous nous réjouissons de les partager avec vous ! (Quelques applaudissements.)
M. Jean Romain (PLR). Monsieur le président, chers collègues, Mme Klopmann vient de dire: «Comme d'habitude, rien ne se fait.» Je ne crois pas que sur un pareil sujet il y ait lieu de créer une polémique. C'est un sujet délicat, un sujet difficile, et fort heureusement des choses se font. Ces dernières années, on a constaté une augmentation des places et des montants de subventions. Il y a encore actuellement des places vacantes dans le dispositif en faveur des personnes handicapées, et ces places vont continuer à être ouvertes dans les années à venir. Le département oeuvre à trouver des solutions de prise en charge de ces personnes, et le Conseil d'Etat fait son travail tout à fait correctement, à ce que nous avons pu voir en commission. Je ne suis donc pas d'accord de dire que d'habitude rien ne se fait, et on se référera, pour s'en convaincre, aux deux objets dont les rapports ont été signés par Mme von Arx-Vernon, le projet de loi 11294 pour jeunes mineurs et pour les personnes majeures, et le projet de loi 11295 seulement pour les personnes majeures: l'un demande 295 millions et l'autre 513 millions, et nous les avons acceptés. Certes, nous pouvons sans doute faire beaucoup mieux, mais dire que nous ne faisons rien, je crois, n'est pas juste, et le dépôt est la voie que nous réserverions, en tout cas au sein du PLR, à cette pétition.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Saudan pour une minute et vingt-sept secondes.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'éthique d'une société se mesure à la manière dont elle s'occupe des personnes les plus fragiles qui la composent, et la pétition 1874 a mis en exergue le fait qu'il manquait environ cinquante places pour des personnes handicapées dans les structures appropriées. On a un problème de démographie, qui est aussi lié au fait que l'Etat s'est beaucoup mieux occupé des handicapés au cours des dernières années, et donc que ceux-ci vivent plus longtemps ! Je vous rappelle que les trisomiques 21 n'arrivaient simplement pas à l'âge adulte il y a encore trente ans, alors que maintenant ils arrivent à l'âge AVS.
Par ailleurs, le problème est aussi celui de la structure des ressources humaines. Comme tous les membres de la commission des affaires sociales, j'ai été très ému par la visite de l'appartement Kaolin, que vous avez cité, Monsieur Frey. Mais vous avez oublié de dire que l'appartement Kaolin, ce sont six résidents, des autistes graves, et 12,5 équivalents plein temps. Donc ce n'est pas qu'une question financière, c'est aussi une question de structure de ressources humaines. L'Etat ne peut pas tout - en tout cas il ne peut pas tout, tout seul, nous en sommes persuadés. De nombreuses solutions intercantonales ont été mises en place, mais c'est vrai que quelquefois, les autres cantons...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député.
M. Patrick Saudan. ...ont les mêmes problèmes qu'à Genève et doivent nous renvoyer des résidents genevois. De 2009 à 2013 - et là je m'inscris en faux quant aux propos de Mme Klopmann - l'Etat genevois a augmenté de 15% ses subventions...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Patrick Saudan. ...et ses places, tant en hôpital de jour qu'en résidence. (Commentaires.) Pour nous, cette pétition doit donc être déposée sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG soutiendra les propos du rapporteur de minorité, M. Frey, qui a très bien expliqué la situation. Aujourd'hui, on ne reproche pas à l'Etat de ne pas faire le nécessaire, parce que l'Etat le fait; mais il ne le fait pas assez. On a besoin d'aller de l'avant. Vous venez de le dire, Monsieur Saudan, les personnes victimes de handicap vieillissent, donc cela crée un plus grand besoin; la population augmente, mais malheureusement on ne va pas au même rythme et on ne fournit pas les institutions nécessaires. On a parlé, il y a encore quelque temps, des appartements adaptés aux handicaps, car l'Etat en manque également; et vous aviez soutenu, Mesdames et Messieurs, le renvoi de la pétition sur ce sujet au Conseil d'Etat. Alors pourquoi ne soutenez-vous pas celle-là? Pourquoi ne pas fournir un peu plus de places à ceux qui en ont besoin ? Vous appuyez les appartements mais pas la mise à disposition de places ? Nous, au MCG, nous tenons à ce que nos concitoyens victimes d'un handicap aient un endroit pour se loger, un endroit pour vivre, car ils méritent le soin de l'Etat. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, je crois que les autres membres de la commission des affaires sociales l'ont précisé, effectivement, la visite de la résidence Kaolin était particulièrement émouvante. J'aimerais cependant dire ici que Kaolin est une belle structure, que les gens peuvent y vivre de manière décente, mais que ce n'est pas une suite au Kempinski ! Ce n'est pas un duplex au centre-ville ! C'est une institution qui permet à des adultes d'avoir une vie un minimum convenable.
Maintenant, j'entends que vous refusez le principe de la création de places supplémentaires pour adultes, et je précise bien qu'il s'agit du principe. Mais alors, quel est le plan B ? Si effectivement une société se mesure à l'aune de la façon dont elle traite les plus faibles, alors à ce moment-là, notre société doit au moins avoir un plan B. Et le plan B, pour ces personnes frappées par la malchance dans leur chair ou dans leur santé mentale, il est simple: c'est la camisole de force et l'hôpital psychiatrique, quand ce n'est pas l'enchaînement à un lit ! C'est ça, le plan B ! Je ne comprends donc pas votre réticence. Ici on ne parle pas d'un problème budgétaire; on sait qu'il va y avoir un coût, mais la pétition demande déjà qu'on entérine le principe. Ce principe, c'est un principe humain qui est la base de notre société, et à mon sens on doit absolument l'accepter ! On ne peut pas aller contre !
Sur le problème du budget et de la dépense, ou sur le problème de l'argent en général, peut-être que cela va sembler un peu bizarre dans la bouche d'un UDC mais je tiens quand même à vous dire - et mon groupe me soutient en la matière - que depuis qu'il n'y a plus de parité sur l'or, c'est du papier qu'on échange tous ! Alors je veux bien qu'on le sacralise, mais quand on sait que les échanges internationaux représentent douze fois ce que peut produire la planète à l'heure actuelle, on doit avoir une réflexion sur la vraie valeur de l'argent et la vraie valeur de l'humain. (Commentaires.) Je pense que sur l'aspect budgétaire et financier de ces structures, nous pouvons montrer nos réticences à vouloir faire des économies. Et si des groupes comme l'UDC veulent que l'Etat fasse des économies sérieuses dans sa gestion, ce n'est pas forcément pour mettre l'argent de la poche droite à la poche gauche; c'est justement pour que l'Etat puisse remplir ses missions prioritaires. Et s'occuper des plus faibles en fait partie. L'UDC soutiendra donc ce projet. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Chères et chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites, et je me suis réjoui de les entendre. J'aimerais déjà remercier ce parlement d'avoir accepté de traiter cette pétition en urgence. Pourquoi ? Parce que comme on l'a dit, elle a été déposée il y a presque un an, et le problème devient de plus en plus pressant. Et il nous a semblé, au sein du groupe socialiste, qu'elle méritait un traitement rapide et sans délai. La date d'aujourd'hui est également symbolique à d'autres titres, notamment par rapport à l'entrée en vigueur, aujourd'hui, pour la Suisse, de la convention de l'ONU sur les droits des personnes handicapées. Cette convention prévoit en particulier à son article 19, lettre b, que les Etats parties veillent entre autres à ce que les personnes handicapées aient accès à des «services à domicile ou en établissement [...] y compris l'aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s'y insérer et pour empêcher qu'elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation». Dans cette convention, il y a quand même l'idée première de l'intégration; c'est évident qu'on va privilégier l'hébergement à domicile - on a parlé des logements tout à l'heure - et on va privilégier aussi les solutions intermédiaires. Mais ce n'est pas valable pour tout le monde; il y a malheureusement des personnes qui ne peuvent pas être prises en charge dans un tel cadre et pour lesquelles des places en résidence doivent être prévues.
Le rapporteur de majorité a cité l'article 39, alinéa 2 de la constitution, je me permets de préciser sa citation. L'article 39, alinéa 2 de la constitution genevoise, qui dans quinze jours sera entrée en vigueur depuis une année, dit que «toute personne a droit aux soins et à l'assistance personnelle nécessaires en raison de son état de santé, de son âge ou d'une déficience». Comme cela figure aussi dans le rapport de majorité, le directeur chargé du handicap au département de l'action sociale, M. Blum, a déclaré clairement que la pétition pointait des problèmes réels. Et ce que l'on observe, c'est que depuis son introduction, ce ne sont plus cinquante personnes qui sont en liste d'attente mais plus d'une centaine. Face à cela, on nous parle de 47 places prévues dont 24 ne viendront qu'en 2016. On voit donc qu'il ne s'agit pas de dire que l'Etat ne fait rien, mais que l'effort n'est pas suffisant et qu'il doit se poursuivre. Certains ont mentionné les deux lois de crédit qui ont été votées...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. ...pour les indemnités - je vais conclure, Monsieur le président - c'est-à-dire les PL 11294 et 11295: j'aimerais simplement rappeler qu'il s'agit d'indemnités de fonctionnement, et un effort supplémentaire est demandé aujourd'hui à l'Etat pour créer de nouvelles places. Je vous remercie donc de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je suis indignée, et je me suis un peu emportée tout à l'heure parce que j'ai entendu quelque chose d'absolument scandaleux de la part de ma charmante collègue Verte, qui voulait faire croire qu'on ne faisait rien ! Monsieur le président, c'est inacceptable de laisser dire une chose pareille. Cette pétition a été étudiée avec attention, avec respect, avec une réelle prise en compte des besoins, et personne ne refuse de les reconnaître. Des crédits ont été votés, cela a été dit, et ce sont des choses qui sont d'une évidence telle que je ne connais pas, ici, un seul groupe politique qui dirait qu'il ne faut pas voter de crédits pour ce type de problème et les besoins de ces personnes en situation de handicap. Alors aujourd'hui, Monsieur le président, que l'on dépose cette pétition sur le bureau du Grand Conseil ou qu'on la renvoie au Conseil d'Etat, c'est la même chose ! Les projets sont dans le pipeline... (Commentaires.) ...et ça reviendra au même ! En réalité, on peut très bien faire croire qu'on va aller plus vite si on renvoie cette pétition au Conseil d'Etat, mais c'est faux ! Les choses sont déjà engagées par le Conseil d'Etat, les crédits sont déjà votés ! On peut avoir besoin de crédits supplémentaires, mais tout ça va se faire, c'est une évidence. Alors Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous sommes face à une réalité et qu'il faut arrêter de faire semblant; que ce soit renvoyé au Conseil d'Etat ou déposé sur le bureau du Grand Conseil, c'est exactement la même chose, parce que nous sommes tous convaincus qu'il faut continuer à développer ce qu'il y a de mieux pour les personnes en situation de handicap. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Si voter le renvoi au Conseil d'Etat ou voter le dépôt était la même chose, je ne vois pas très bien ce que nous ferions ici, ou alors nous perdrions énormément de temps. (Commentaires.) Il y a bien une différence fondamentale, à la fois dans le traitement mais aussi dans le signal qui est donné, et c'est la vraie question aujourd'hui. Je crois que nous nous accordons tous à dire que l'Etat ne fait pas rien, mais l'Etat ne fait pas suffisamment pour répondre aux besoins de la population qui aujourd'hui est en situation de handicap, et ne trouve pas de réponse aux besoins qui sont les siens. Alors quel est le message qu'on veut transmettre ? Qu'on a déjà assez donné et qu'on ne peut pas faire plus ? Cela alors que dans ce même parlement, il nous est arrivé d'entendre des choses quand même relativement surprenantes: qu'est-ce que c'est que quelques millions pour couvrir le déficit de la traversée de Vésenaz ! La traversée de la rade, on en a absolument besoin, qu'importe le coût, il nous la faut ! Par contre, pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, aujourd'hui on dit qu'on a assez fait et qu'on n'a pas les moyens de faire plus. C'est inacceptable ! Un parlement comme le nôtre ne peut pas se satisfaire de ce type de réponse; il y a des gens qui sont en situation de détresse aujourd'hui, et des familles sont épuisées parce qu'elles n'ont pas le support dont elles devraient pouvoir bénéficier ! Alors puisqu'il vous arrive de pouvoir dire «qu'est-ce que quelques millions», il s'agit ici, dans ce parlement, de décider à quoi on les attribue, à quels besoins ils doivent répondre en priorité. C'est pourquoi nous vous invitons à renvoyer ce texte au Conseil d'Etat ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts, pour une minute et quarante-deux secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Combien ?
Le président. Une minute et quarante-deux secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste compléter ce qui a été dit par mon collègue. Evidemment, nous sommes complètement d'accord de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Cependant, il nous semble qu'après avoir entendu un certain nombre de familles à la commission des affaires sociales, en ayant regardé et évalué les besoins, on se rend compte qu'on apporte quand même un type de réponse totalement insatisfaisant. Ce n'est pas que le Conseil d'Etat fasse ceci ou cela bien, un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie. Personnellement je dirai que le problème qu'on a aujourd'hui est passionnément important. La détresse des familles qui ont des enfants dans le canton de Vaud, un autre ailleurs, trois à la maison, est invraisemblable; c'est un gymkhana incroyable pour arriver tout simplement à ce qu'on prenne en charge, à un moment donné, leur enfant. L'enfant devient adolescent, il devient adulte, et il devient adulte vieillissant; qu'est-ce qu'on a prévu pour cette population ? Il me semble qu'il y a dix ans, quinze ans, vingt ans, puisqu'on est champions de la planification, on a fait une planification socio-sanitaire très importante. Mais qu'est-ce qu'on a fait - et vous dites qu'on a déjà fait beaucoup - pour les personnes handicapées ?
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. J'ai envie de dire que par rapport à la souffrance existante et à la situation des parents qui sont à côté, on a fait juste ce qu'on pouvait pour assurer une sorte de minimum. Tout le reste est absent et à créer. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bertrand Buchs, pour une minute et trente-six secondes.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je pense que quoi qu'on vote ce soir, c'est la suite qui est importante. Il faudra être attentifs à ce que le Conseil d'Etat nous propose, et comme nous devrons faire des arbitrages au niveau du budget, des investissements, et que les choses ne sont pas évidentes, eh bien le Grand Conseil devra accepter de faire des choix et privilégier certaines choses par rapport à d'autres. On ne pourra pas tout faire. Et moi je suis extrêmement sensible au fait qu'on aide les gens et les familles non seulement des personnes handicapées, mais aussi les familles de personnes qui ont une maladie, les familles qui se sentent dépassées par les événements et qui ont besoin d'aide. Mais il faudra bien vous rappeler que si vous demandez ça, il y a d'autres choses qu'on ne fera pas parce qu'il faut mettre des priorités. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur, vous voulez prendre la parole ? (Remarque.) Il vous reste une minute et quarante-huit secondes.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Vous m'avez volé une séance complète, donc je prendrai un peu plus qu'une minute et quarante-huit secondes. (Rires.) J'ai entendu certaines choses que je n'ai pas dites: je n'ai jamais dit que l'Etat ne pouvait pas faire mieux; j'ai même spontanément précisé, au début de ce débat, que l'Etat pouvait faire mieux, et j'espère qu'il fera mieux. Certains ont affirmé que nous avions peur. Mais non ! Nous n'avons absolument pas peur. Ce que nous ne voulons pas, c'est utiliser la cause des handicapés pour prendre des postures politiques, comme le font en particulier ceux assis sur le banc situé derrière moi... (Commentaires.) ...qui, dans le cadre des commissions, proposent et votent le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, mais qui, quand il faut aller devant l'ensemble du Grand Conseil, le cas échéant devant les journalistes, viennent nous expliquer que finalement ils ont changé d'avis, uniquement par posture.
Nous avons eu l'occasion, depuis la nouvelle législature, de nous prononcer trois fois sur la cause des handicapés. Une première fois dans le cadre du budget, où deux modifications ont été demandées: d'abord par la droite au profit des plus faibles à l'Hospice général, mais cela a été refusé par la gauche, et par la gauche pour des annuités, ce qui a été refusé par la droite. La deuxième fois, c'était pour des subventions aux personnes handicapées...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Cyril Aellen. ...pour quatre ans, et cela a été voté aux extraits, sans qu'aucun de ceux qui donnent aujourd'hui des leçons pour dire qu'on ne fait pas assez ait déposé un seul amendement. Aujourd'hui, les handicapés méritent beaucoup plus que cette versatilité de certains; ils méritent beaucoup plus que cela, et je compte sur le Conseil d'Etat pour continuer à prendre en charge correctement la cause des handicapés. Je pense qu'il fera plus, je pense qu'il fera mieux...
Le président. Je vous remercie...
M. Cyril Aellen. ...pas forcément avec plus de budget, mais j'ai confiance. Raison pour laquelle cette pétition doit être déposée sur le bureau du Grand Conseil. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Anne Emery-Torracinta. ...en l'absence de Mauro Poggia, qui participe à une conférence intercantonale, je vais vous donner la position du Conseil d'Etat, qui accueille avec bienveillance cette pétition et vous recommande de la lui renvoyer pour que nous puissions vous donner toutes les explications sur ce qui se fait actuellement, et surtout sur ce qui devra se faire ces prochaines années, peut-être dans l'urgence ces prochains mois. Qu'en est-il réellement ? Je crois, Madame Klopmann, qu'on ne peut effectivement pas dire que le Conseil d'Etat ne fait rien; le gouvernement a agi, depuis des années, mais on assiste au vieillissement de la population handicapée - M. Saudan l'a d'ailleurs bien dit - et donc à une réelle augmentation des besoins.
De surcroît - et cela n'a peut-être pas été assez dit ici - ce qui est frappant, c'est que la population handicapée qui a besoin de places en institution est essentiellement composée de personnes ayant à la fois une grosse déficience intellectuelle et des troubles importants du comportement. Ils ne peuvent donc pas rester dans leur famille. Et ce type de situation est plutôt en augmentation. Ce qu'on constate depuis quelques années, c'est l'accroissement des handicaps lourds, des handicaps qui nécessitent des prises en charge toujours plus importantes. Pour ces personnes, c'est par dizaines, effectivement, que les places manquent. Et plus on tarde, plus cela deviendra compliqué, plus cela deviendra coûteux de les créer. Il est donc urgent, effectivement, que l'on se saisisse de cette problématique, et il me semble, par rapport à cela, que la meilleure chose à faire est que vous nous renvoyiez cette pétition.
Enfin, une remarque encore, même si vous avez dit beaucoup de choses et que je ne veux pas revenir sur les différents points: le manque de places dans les institutions pour adultes a des incidences dans le département que je dirige. En l'occurrence, actuellement, nous constatons, dans les structures pour adolescents, notamment à l'office médico-pédagogique, que nous avons un certain nombre de jeunes de 18, 19, 20 ans, qui devraient quitter ces structures, qui devraient aller dans des structures pour adultes, mais que nous devons garder. Et en réalité, nous avons un manque de places maintenant, et je vais certainement devoir revenir prochainement, avec le Conseil d'Etat, pour demander des moyens aussi pour les structures pour adolescents. Soyons donc clairs: si on veut répondre aux besoins, cela ne va pas se faire sans moyens. Cela nécessitera aussi des choix politiques, et je souhaite également que dorénavant - parce que j'ai le sentiment qu'une majorité d'entre vous va accepter le renvoi au Conseil d'Etat - une majorité d'entre vous puisse soutenir les budgets que le Conseil d'Etat lui présentera à ce propos. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. (Remarque.) Monsieur Spuhler, vous n'avez plus de temps de parole. (Commentaires. Exclamations.) Vous n'avez pas été mis en cause. S'il vous plaît ! (Remarque.) Non, vous n'avez pas été mis en cause. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter les conclusions du rapport de majorité, qui sont le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1874 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 64 non contre 21 oui et 3 abstentions.
Le président. Je vais donc vous faire voter les conclusions du rapport de minorité, c'est-à-dire le renvoi au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1874 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 67 oui contre 5 non et 17 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous arrivons à la M 2194-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur de cette motion, M. Jean Romain.
M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Il s'agit de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement supérieur, comme tout à l'heure pour la pétition 1900. En gros, que se passe-t-il ? Il se passe qu'à Genève, pour devenir instituteur, il faut quatre ans, alors que dans tous les autres cantons de Suisse romande il faut trois ans. (Brouhaha.) Quatre ans ou trois ans, cela fait une grande différence, d'autant que les deux sortes de diplômes ouvrent exactement aux mêmes prestations.
Le deuxième problème, c'est qu'à Genève tout comme dans certains cantons - mais pas tellement en Suisse romande - on obtient sa maturité à 19 ans et non à 18 ans. Alors si, à Genève, les étudiants ont leur maturité à 19 ans, plus quatre ans de formation, nous perdons deux années par rapport aux autres candidats au travail d'instituteur. C'est pourquoi nous demandons de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement supérieur, afin que nous puissions étudier à la fois la pétition et la motion pour voir ce qu'il en est et faire une pesée d'intérêts. Je vous remercie.
Présidence de M. Antoine Droin, président
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la formation des enseignants ne doit pas être proportionnelle à la taille des élèves ! Plus les élèves sont jeunes et plus l'enseignement implique des difficultés, si on le prend au sérieux. C'est Jean Piaget qui disait cela en 1971. Vingt ans plus tard, en 1991, Jacques-André Tschoumi, alors directeur de l'IRDP, signait un article dont le titre était formulé comme une question: «Moins qu'un canari ?» Il faisait ainsi allusion au fait que si l'on n'hésite pas à faire appel à un vétérinaire qui a fait de longues études universitaires pour soigner un quelconque volatile jaune, en revanche, nous ne voyons pas trop de problèmes à confier nos enfants à une nurse, à une jardinière d'enfants ou à un maître enfantin, tous moins bien formés. Pendant combien de temps encore le soin d'un canari va-t-il postuler plus de compétences que le soin des enfants ? Vingt-trois ans après cette interrogation, on continue à appeler le vétérinaire pour faire euthanasier sa perruche, alors qu'un simple coup de talon suffirait. (Exclamations.) Mais pour enseigner aux enfants du primaire, certains prétendent que c'est avant tout le bon sens qui compte, l'amour du métier, des enfants, et autres balivernes, niant l'importance de la recherche en éducation, la complexité du métier et surtout le fait que vu la somme impressionnante d'acquisitions que vont réaliser les enfants entre quatre et six ans - peut-être apprendront-ils davantage pendant cette période que durant le reste de leur vie - c'est à ce moment-là qu'ils devraient être entourés par des professionnels de l'éducation qui ont suivi les études les plus longues et complètes possibles. (Brouhaha.) Il est, Mesdames et Messieurs les députés, particulièrement absurde et irresponsable de simultanément exiger l'élévation du niveau de formation des élèves... (Remarque.) ...et de prôner la réduction de celui des enseignants. Comment peut-on, d'une part, se plaindre de manière récurrente...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Je rappelle à tous les députés qu'ils ne sont pas autorisés à aller à la tribune ! (Commentaires.) Voilà, vous pouvez poursuivre.
M. Olivier Baud. C'est fort intéressant, Monsieur le président ! Je disais, comment peut-on, d'une part, se plaindre des résultats moyens de Genève aux tests PISA de manière récurrente, pour ne pas dire monomaniaque, et de l'autre mépriser le métier d'enseignant, notamment en minimisant l'importance de la formation initiale ? Mesdames et Messieurs les députés, cette motion sera sûrement étudiée par la commission de l'enseignement supérieur, mais il convient, pour Ensemble à Gauche, de la refuser et d'arrêter de tirer à tout va sur les enseignants primaires... (Protestations.) ...alors que c'est peut-être la chose la plus importante...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Olivier Baud. ...pour les enfants en bas âge que d'avoir l'enseignement le plus adéquat possible. (Applaudissements.)
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que les amis des animaux auront apprécié la petite remarque de M. Baud disant qu'on peut tuer sa perruche d'un coup de talon; je l'ai trouvée très sympathique. (Rires.) Effectivement, c'est plus facile avec le talon qu'en appelant le vétérinaire !
Mis à part ça, Monsieur le président, pour revenir sur cette motion 2194, nous avions demandé l'urgence pour qu'elle rejoigne une pétition qui traitait du même sujet et que la commission des pétitions a décidé de renvoyer à la commission de l'enseignement supérieur. Nous pensons qu'effectivement, il sera plus utile de travailler ces deux objets ensemble, de les lier et de nous faire un joli rapport circonstancié, approuvant cette motion que notre ami Jean Romain nous a proposée, avec laquelle nous sommes tout à fait d'accord et que le MCG va soutenir.
Juste une petite remarque, Monsieur le président, concernant les propos de M. Cyril Aellen tout à l'heure... (Exclamations.) ...qui reprochait au groupe qui était dans son dos d'avoir changé de position entre son vote en commission et celui d'aujourd'hui. Si on se met à la place de M. Aellen, on se dit que visiblement il nous visait, mais malheureusement, soit M. Aellen a un dos large, soit il vise très mal, parce que nous n'avons pas changé d'avis et nous maintenons la position que nous avions en commission, c'est-à-dire le renvoi de la motion au Conseil d'Etat, ce que nous avons défendu d'ailleurs. Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Si on pouvait rester sur le sujet en cours, ce serait parfait ! Je passe la parole à M. le député Philippe Morel.
M. Philippe Morel (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous voulons des enseignants de qualité et ne pas brader la formation des enseignants de l'école primaire, afin qu'ils permettent à nos élèves d'être parmi les meilleurs du pays. Mais cette formation ne se mesurera pas en années, pas en quantité, mais en qualité. Et de l'avis d'un certain nombre de spécialistes, la première année de ces quatre ans de formation à Genève paraît superflue, alors que la dernière année, actuellement la quatrième, est très importante. Il faut donc redimensionner ce cursus, il faut l'adapter à ce que d'autres cantons font, et plus que de favoriser la quantité, nous préférons favoriser la qualité, avec des enseignants dont les performances vont dépendre de l'intensité de leur formation. Nous recommandons donc de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement supérieur pour qu'elle soit évaluée... (Remarque.) ...et discutée dans l'optique de diminuer la quantité, tout en maintenant ou en augmentant la qualité de la formation des enseignants du primaire.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Daniel Sormanni, à qui il reste une minute et quarante secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'effectivement, il n'y a pas de raison qu'à Genève le cursus soit beaucoup plus long que dans les autres cantons. Je ne pense pas que dans les autres cantons les enseignants soient mal formés et pas capables d'assumer leur mission ! Il me semble que souvent, à Genève, on a l'impression qu'il faut rallonger les cursus; or, à mon avis, la qualité de l'enseignement ici n'est pas supérieure à celle de la Suisse ou des autres cantons suisses ! C'est malheureux, peut-être, mais c'est tout de même une réalité. Donc je pense qu'il faut aussi savoir raison garder, que c'est une très bonne motion, et nous vous invitons à la renvoyer à la commission de l'enseignement supérieur de façon que nous puissions l'étudier plus en détail. Je vous en remercie.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, réduire d'une année la formation des enseignants du primaire, c'est clairement en changer le statut; on passe d'un statut universitaire de bachelor +1 à un statut de HEP. Cela a donc beaucoup d'incidences variées, qu'il va falloir étudier en détail. D'autre part, si on sait ce qu'on gagne en termes d'économies, on ne sait pas ce qu'on perd en termes de contenu. Là encore, avant de conclure, il s'agit de réaliser une analyse détaillée et d'auditionner les personnes qui pourront répondre à ces questions. Les Verts ne soutiennent pas cette motion mais acceptent son renvoi à la commission de l'enseignement supérieur.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes prennent acte que l'objectif est de renvoyer cette motion en commission pour un traitement simultané avec une pétition qui, semble-t-il, se trouve à la commission des pétitions. Donc il faudra déjà se mettre d'accord... (Protestations.)
Des voix. Non !
M. Roger Deneys. Non ? C'est déjà renvoyé ? C'est parfait. Donc ce sera traité simultanément. Il n'empêche que si, a priori, nous sommes prêts à étudier une proposition comme celle-ci - pourquoi pas - nous avons quand même quelques doutes et quelques craintes quant aux intentions réelles des auteurs, en tout cas du premier signataire de cette motion. On peut effectivement se demander si c'est vraiment nécessaire d'avoir des formations pour les enseignants plus longues à Genève que dans certains autres endroits de Suisse - peut-être pas partout, d'ailleurs - ce d'autant plus que c'est ce Grand Conseil qui, il y a quelques années, a souhaité cette formation de quatre ans, avec le soutien du PLR, d'ailleurs. (Remarque.) Oui, du parti libéral. En l'occurrence, je crois que c'était vraiment une volonté de disposer d'enseignants capables de gérer les particularités d'un canton-ville comme celui de Genève, qui connaît des caractéristiques socio-économiques bien précises et dont la population ne s'apparente en tout cas pas à celle d'un canton de la Suisse primitive. Donc de ce point de vue là, la gestion de la diversité des élèves des écoles genevoises mérite sans doute une attention spéciale de la part des enseignants et une capacité particulière d'apprendre à apprendre. Dans ce sens-là, M. le premier signataire de cette motion est aussi un partisan de l'école du XIXe siècle ! (Protestations.) Il a déjà eu à maintes reprises l'occasion de dire que ce qu'il souhaitait, c'était des notes, de la discipline stricte comme au XIXe siècle, du latin partout... (Brouhaha. Commentaires.) ...et un certain nombre de projets éducatifs qui sont complètement dépassés dans une société comme la nôtre ! (Protestations.) Mesdames et Messieurs les députés, on peut se poser la question des coûts, de l'efficacité de la formation, de la pertinence de certains enseignements: cela, on pourra peut-être y réfléchir en commission, mais si le but est de faire des économies, de faire comme easyJet, de la easyFormation pour des résultats easyCatastrophiques, eh bien, Mesdames et Messieurs, les socialistes seront contre !
Une voix. Il y a déjà des résultats easyCatastrophiques ! (Rires.)
M. Stéphane Florey (UDC). Genève, à l'époque, avait le choix entre un IUFE et une HEP, elle a fait le choix d'une HEP sur quatre ans. (Exclamations. Commentaires.) D'un IUFE, pardon, sur quatre ans. Or, on s'aperçoit, comme le dit le texte, que les cantons qui, eux, ont choisi l'option d'une HEP le font sur trois ans. Divers témoignages dont on nous a fait part durant l'élaboration de cette motion nous ont clairement démontré que bon nombre d'étudiants de l'IUFE en première année se sentaient totalement démotivés, pour la simple raison qu'ils estimaient que la moitié des cours suivis cette année-là n'apportaient absolument rien à la formation d'enseignant. Pour cette raison, une grande partie de ces élèves démissionnent de l'IUFE et se réinscrivent dans une HEP, parce qu'ils jugent que la formation y est meilleure et que le contenu des cours est supérieur à ce que leur offre l'IUFE. C'est donc essentiellement pour cette raison qu'il vaut la peine de faire le point sur cette motion en commission et d'étudier quelles sont les réelles différences entre l'IUFE et la HEP, ainsi que de savoir ce qui a conduit Genève à se croire toujours mieux que les autres et à faire croire à la population que ses profs sont mieux formés, alors que ce n'est absolument pas vrai ! Il n'y a qu'à voir les résultats de nos élèves qui sont catastrophiques... (Brouhaha.) ...contrairement à des cantons qui, eux, offrent des formations sur trois ans et dont les élèves ont des résultats nettement supérieurs à ceux que nous obtenons ici. C'est pour ça que nous soutiendrons le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement supérieur, et nous nous réjouissons de l'étudier. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (PLR). A qui il reste trente secondes, j'imagine, Monsieur le président ? (Commentaires.) Que je calibre mon intervention...
Le président. Non, non, vous avez de la marge car il y avait le temps réservé à l'auteur du texte.
M. Patrick Saudan. D'accord, merci, Monsieur le président, je serai très bref. Mesdames et Messieurs les députés, juste pour répondre à M. Deneys - qui n'est pas là - j'aimerais dire que le projet de loi sur la formation des enseignants avait été soutenu, à l'époque, par un grand nombre de députés radicaux et libéraux dont je faisais partie, et personnellement je suis opposé à la motion de M. Jean Romain - que je respecte énormément - et je me réjouis d'en débattre à la commission de l'enseignement supérieur. (Remarque.) Je pense qu'on peut discuter du contenu de la formation, mais à mon avis c'est donner un très mauvais signal que de vouloir réduire sa durée à trois ans, alors qu'on a alourdi l'enseignement des enfants à l'école primaire en leur imposant deux langues étrangères. Par ailleurs, nous en discuterons en commission mais j'aimerais simplement vous faire remarquer qu'on a aussi voté une loi d'autonomie pour l'Université, et que notre Grand Conseil n'est pas censé s'occuper de la pertinence des programmes. Mais nous en discuterons en commission. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-Charles Rielle, pour quarante secondes.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président, il ne m'en faudra pas plus. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que je suis content de parler après M. Bugnion, qui a été directeur d'un cycle d'orientation. On ne veut pas d'une formation au rabais. Oeuvrant dans quarante écoles primaires et quatre cycles d'orientation en tant que médecin scolaire, je peux mesurer l'importance de ce cursus de quatre ans. Je vous rappelle qu'à présent il y a une direction générale de l'enseignement obligatoire, et qu'il ne s'agit pas de créer un fossé qui serait extrêmement important entre les enseignants du primaire et ceux du cycle d'orientation.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean-Charles Rielle. Quatre ans est une durée nécessaire. (Brouhaha.) Nous serions pour évacuer ce genre de motion, mais nous irons en commission de l'enseignement supérieur où nous pourrons traiter cela de manière plus poussée. Merci, Monsieur le président.
M. Jean Romain (PLR). Je ne veux pas en rajouter quant au débat, nous l'aurons durant les semaines où nous en discuterons. Simplement, nous ne voulons pas revenir au XIXe siècle, nous ne voulons pas l'école traditionnelle, mais nous voulons la tradition scolaire. Quand j'écoute les arguments de M. Deneys, je m'aperçois que ce sont pratiquement les mêmes qu'on nous a vendus contre les notes, pratiquement avec les mêmes notions ! Je crois que maintenant nous devons aller de l'avant; renvoyons cette motion à la commission de l'enseignement supérieur, étudions-la, entendons les sons de cloche différents, votons et nous verrons bien ce qui se passera. Mais je crois que le débat ne pourra pas être fait ici de manière sereine. Voilà, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer, pour cinquante et une secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Selon la vision des socialistes sur l'enseignement, on a toute la Suisse qui forme ses enseignants en trois ans, Genève en quatre, donc la traduction des propos de M. Deneys - vous transmettrez, Monsieur le président - c'est qu'en Suisse ce sont tous des imbéciles qui ne savent pas instruire ! Mais rappelez-moi, Monsieur Deneys, qui était en charge de l'instruction publique quand, dans les scores PISA, Genève était en dernière place et avait le bonnet d'âne ! (Brouhaha.) Alors vous voyez, Monsieur le député socialiste, c'est bien la démonstration que tout ce qui vous intéresse dans l'enseignement public, c'est de mettre des fonctionnaires, et encore des fonctionnaires, des directeurs d'école et encore des directeurs d'école...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît.
M. Eric Stauffer. ...pour contrôler les directeurs d'école ! Nous, ce dont on a besoin, c'est d'enseigner de manière performante, de former en trois ans, comme dans le reste de la Suisse ! Merci ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bertrand Buchs. Il vous reste deux minutes, Monsieur le député.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je crois que ce sera très intéressant de débattre de cette motion à la commission de l'enseignement supérieur, parce qu'à mon avis il n'y a pas de relation entre la longueur de la formation et sa qualité. Personnellement j'ai suivi seize ans de formation. (Rires.) Est-ce que je suis de bonne qualité ou pas ? On ne peut pas le savoir ! J'ai l'impression qu'on parle de temps universitaire; à l'université, il faut toujours du temps supplémentaire. Mais je signale qu'il faudra aussi demander l'avis des personnes qui ont été formées en trois ans - ma soeur est institutrice et s'est formée en trois ans avec l'ancien système - pour savoir si elles ont eu l'impression d'avoir été mal formées et d'avoir dispensé un enseignement au rabais. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Weiss.
M. Pierre Weiss (PLR). J'ai quelques secondes ?
Le président. Il vous reste une minute et quarante-huit secondes.
Des voix. Oh là là !
M. Pierre Weiss. Merci beaucoup, Monsieur le président. Monsieur le président, il se trouve que lorsque nous avions décidé de ce projet de loi à l'époque, je faisais partie, pour d'excellentes raisons, de ceux qui pensaient qu'il fallait une formation en quatre ans. Je ne vais pas revenir ici sur les motifs, je le ferai en commission. Je dirai simplement que quand j'entends ce soir M. Deneys faire, lui, la critique de la motion déposée par mon admirable collègue Jean Romain, j'aurais plutôt tendance à changer d'avis. Et j'expliquerai aussi en commission pour quelle raison il conviendrait maintenant de faire un bilan des pour et des contre du système actuel et du système que nous n'avons pas voulu, de s'intéresser à ceux qui vont faire des études à Lausanne ou en Valais et à ceux qui viennent des autres cantons romands à Genève, attirés par l'excellence de notre système. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, pour quarante secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Il y a juste un élément que j'aimerais ajouter, qui est à mon sens assez surprenant: quand nous avons adopté cet IUFE avec une formation sur quatre ans alors que dans les autres cantons elle était de trois ans, il a fallu au Conseil d'Etat bon nombre d'années de négociation avec les autres cantons, parce que la formation sur quatre ans que vous jugez vous-mêmes meilleure n'était même pas reconnue ! Donc là il y a quand même un problème, et savoir si c'est mieux en quatre ans ou en trois ans, ce sont les résultats des travaux de la commission qui le diront. (Commentaires.) Et pour ce qui est de l'école du XIXe siècle - vous transmettrez à M. Deneys, Monsieur le président - c'est quand même cette école-là qui a fait qu'aujourd'hui nous sommes ici...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. ...et que nous sommes devenus ce que nous sommes. Alors pourquoi dénigrer cet enseignement, je vous le demande ? Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Baud, il vous reste huit secondes.
M. Olivier Baud (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, juste pour vous rappeler que le peuple a voulu le mercredi matin supplémentaire à l'école parce qu'on lui a vendu qu'il fallait du temps supplémentaire...
Le président. Voilà, il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Olivier Baud. ...pour les élèves parce qu'effectivement il y a plus de matières, et il faut donc évidemment que les profs soient aussi mieux formés. Merci ! (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai qu'il y a quelque chose d'un petit peu étonnant dans le fait de voir ressurgir, quatre ans et demi après, le débat sur cette formation: trois ans, quatre ans, université, HEP... C'est un peu cyclique. Cela dit, le renvoi en commission aura au moins l'avantage de permettre de faire un bilan, et d'ailleurs - je me fais un peu l'avocat du diable - on aurait peut-être dû élargir cela à la question du secondaire, parce que fondamentalement c'est toute la question de la formation des enseignants qui est posée. Mais j'aimerais quand même vous dire qu'il y a quelque chose d'un peu paradoxal dans le fait d'en attendre toujours plus de l'école, toujours plus des enseignants, et puis de penser qu'on va pouvoir les former en moins de temps. Actuellement, on demande aux enseignants de devenir des spécialistes de l'enseignement des langues, on leur demande aussi - c'était le sujet de tout à l'heure - d'intégrer des enfants en situation de handicap, des enfants qui viennent parfois de milieux sociaux qui présentent de grandes difficultés, etc. On confie une mission de plus en plus éducative à l'école, et plus seulement une mission d'instruction, donc ça complique les choses ! Et si on veut une école de qualité, il faut certainement former les gens suffisamment. Vous avez d'ailleurs parlé de PISA; on aura l'occasion de revenir sur les chiffres, parce qu'on a entendu beaucoup de choses un peu étonnantes ce soir, mais je crois savoir qu'en Finlande et en Corée du Sud, pays qui avaient les meilleurs résultats PISA, la formation des enseignants dure cinq ans ! Alors peut-être, Monsieur Romain, que c'est cinq ans qu'il faudra nous proposer... (Commentaires.) ...à l'issue des travaux de commission ! Cela dit, trêve de plaisanterie: si une majorité de ce parlement renvoie la motion en commission, nous aurons l'occasion, tranquillement et sereinement, de faire le bilan de l'expérience IUFE.
Une dernière remarque, peut-être, pour M. Saudan: même si c'est l'Université qui forme, en réalité c'est le DIP qui confie cette formation à l'Université. En conséquence, cela se fait par le biais de conventions d'objectifs, et l'Université n'est pas libre d'inventer ce qu'elle veut n'importe comment. On n'est pas tout à fait dans la même situation que celle d'autres facultés.
Je me réjouis donc d'en parler avec vous en commission, si tel est votre souhait.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous avons donc une demande de renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement supérieur.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2194 à la commission de l'enseignement supérieur est adopté par 60 oui contre 24 non et 3 abstentions.
Débat
Le président. Nous allons traiter notre dernière urgence, la proposition de résolution 765. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution 765... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...a pour but d'alerter les autorités fédérales quant à un accord qui est actuellement en négociation secrète en marge de l'OMC et qui vise à fixer de nouvelles règles sur la gestion des services publics entre les Etats, éventuellement dans le but de privatiser certains de ces services en fonction de ce qui se passe dans un pays ou un autre. On peut être pour ou contre la privatisation de certains services publics - je crois que cette question mérite débat - mais je pense que fondamentalement, dans un pays comme la Suisse qui est très attaché au respect de la volonté populaire, il est particulièrement choquant de constater que ces négociations TiSA se font sans consultation de la société civile, sans consultation du Parlement fédéral, et sans même information aux corps constitués, aux parlements, aux associations, aux citoyens. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il y a moins de trois semaines, une négociation se tenait à la mission d'Australie, du côté du Grand-Saconnex, et les vingt-cinq pays qui se sont réunis pour cette négociation secrète ont discuté de savoir comment on allait permettre des privatisations, et surtout inclure des mécanismes d'arbitrage qui soient supranationaux. Or, si de tels mécanismes étaient acceptés via un accord, les juridictions nationales n'auraient plus la capacité de s'opposer à des décisions prises. Cette résolution demande donc en particulier, Mesdames et Messieurs les députés, que ces négociations soient rendues publiques, qu'on soit informé de leur contenu en détail, et que des représentants des milieux économiques et syndicaux y soient associés. Et bien entendu, nous vous invitons à donner le signal montrant que ce n'est pas possible pour un Etat démocratique comme la Suisse que ces négociations aboutissent à un accord sur lequel la Suisse ne pourrait pas s'exprimer de façon traditionnelle, c'est-à-dire avec l'aval de l'Assemblée fédérale et la possibilité pour le peuple de s'y opposer par référendum. Compte tenu des dangers que cet accord peut faire courir à l'indépendance de la Suisse, nous vous invitons donc à soutenir et à renvoyer aux autorités fédérales et au Conseil d'Etat cette initiative cantonale sous forme de résolution. (Quelques applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG). Les négociations dont il s'agit nous ramènent quelques années en arrière, quand des villes telles que Genève avaient déjà dû attirer l'attention du public sur des accords ultra-secrets, en se déclarant hors AGCS - je ne sais pas si tout le monde se souvient de cette période. L'AGCS, c'était l'Accord général sur le commerce des services, et il s'agissait déjà de privatiser en douce des secteurs entiers; pendant que nous nous battions pour faire admettre un premier projet de caisse maladie unique, notre ambassadeur auprès de l'OMC, qui se disait socialiste au demeurant, était en train de négocier la privatisation définitive du secteur des assurances ! Rien que cela ! Il était d'ailleurs aussi socialiste que Pascal Lamy, avec qui j'avais eu l'occasion de m'entretenir, et qui m'avait répondu cyniquement que cet accord avait été ratifié par nos Chambres fédérales et que c'était à elles qu'il fallait que je m'adresse. Si bien que je ne suis même pas certaine que l'exigence que les Chambres fédérales soient au courant suffise pour alerter l'opinion sur le danger de tels accords, qui sont de véritables poisons concoctés par les USA pour permettre aux multinationales de faire des procès aux Etats qui auraient indûment maintenu certains services en dehors du marché. (Brouhaha.) Et il s'agit bien des écoles, des hôpitaux, des prisons, etc. ! J'attire votre attention sur le danger énorme que représentent de tels accords, gardés aussi secrets que possible. Tout est destiné à y passer et des cours de justice spéciales sont prévues, comme l'a dit M. Deneys, pour faire des arbitrages dans un système juridique supranational. Nous vous invitons donc vivement à soutenir cette proposition de résolution.
M. Edouard Cuendet (PLR). Il ne faut pas se leurrer: cette résolution ne fait au fond que relayer les thèses d'ATTAC, groupuscule d'extrême gauche qui lutte avec énergie contre l'économie et le libre-échange. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que l'Alliance de gauche, les socialistes et les Verts soutiennent cette résolution, parce que ce sont des adeptes de la décroissance - de la décroissance économique je précise, mais pas de la décroissance des dépenses budgétaires étatiques; il y a là une petite contradiction qu'ils ont de la peine à gérer. En revanche, le ralliement de l'UDC à cette thèse, par la signature d'un de ses membres, me surprend un peu. Cela démontre un glissement de ce parti, à Genève, vers les formations politiques hostiles à l'économie, et cela est un peu inquiétant. Parce que la négociation dont il est question ici vise à faciliter les échanges de services au niveau mondial. Et le projet est assez clair sur ce qui est englobé par ces négociations: cela comporte les services de télécommunications, les services financiers, les services informatiques, la distribution de détail, le transport, les livraisons express, les services professionnels - comptabilité, avocats, architectes - et j'en passe. Il n'est à aucun moment - mais à aucun moment ! - question d'une privatisation des services publics ! Donc c'est un leurre, c'est un fantasme que de nous brandir cette menace.
Il faut aussi préciser que les négociateurs ne sont pas une espèce de groupuscule - contrairement à ATTAC - mais représentent le plus important marché de services du monde. Cela regroupe plus de 1,6 milliard de personnes qui affichent un PIB global de 48 billions de dollars, soit plus de deux tiers de l'économie mondiale. La majorité des économies sont représentées, aussi bien celles des pays développés que des pays en voie de développement. La Suisse, en toute bonne logique, participe à ces négociations, et elle le fait en toute transparence ! Preuve en est que le SECO a publié sur son site, en janvier 2014, l'offre initiale de notre pays, comme cela se fait dans toute négociation. C'est un mensonge éhonté de dire que cela se fait secrètement.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Edouard Cuendet. Et puis, cette négociation se justifie pleinement pour la Suisse, qui est une exportatrice de services à grande échelle et qui vit de son exportation. En conclusion, le Grand Conseil ne doit en aucun cas se laisser instrumentaliser par une ONG comme ATTAC, une ONG d'extrême gauche, fondamentalement hostile à l'économie et à la libre circulation des services. Et surtout...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Edouard Cuendet. ...notre Grand Conseil ne doit pas se ridiculiser une fois de plus en outrepassant ses compétences. Alors même que notre canton est l'hôte de l'OMC, l'hôte de nombreuses organisations internationales, il serait absurde de soutenir cette résolution hostile à cette Genève internationale...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Edouard Cuendet. ...que nous promouvons. Je demande le renvoi à la commission de l'économie ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député, je prends note. Je passe la parole à M. le député Boris Calame.
M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, chères et chers collègues, nous avons voté tout à l'heure, quasi à l'unanimité, la résolution 739 qui demande à la Confédération, à juste titre, de s'engager pour une révision partielle des accords de l'OMC afin de protéger une composante de notre économie. Et nous savons que la tâche ne sera pas facile. Avec cette résolution 765, il s'agit de prévenir la réalisation d'un accord occulte sur le commerce des services, dont les tenants et aboutissants sont confidentiels et pourraient engager les Etats bien au-delà de ce que nous pouvons vivre - et parfois subir - avec les accords de l'OMC. Pourquoi des négociations secrètes, alors même que cet accord sur le commerce des services pourrait nous entraîner dans l'inconnu, avec le risque que cela engendre une libéralisation sans limite des services ? A quand des polices privées, qui occuperaient les tâches régaliennes de l'Etat en matière de sécurité ? (Commentaires.) A quand une administration publique externalisée et délocalisée ? A quand un corps des pompiers professionnels réalisé sous la forme d'une entreprise de droit privé, domiciliée légalement à l'étranger, qui interviendrait selon les capacités de l'appelant, le cas échéant selon le contrat qui la lierait avec les collectivités, mais aussi qui définirait son intervention selon sa rentabilité ? Monsieur le président, chères et chers collègues, il s'agit, avec les accords sur le commerce des services, d'un projet potentiellement démesuré qui exige que l'on puisse être informé avant que la matière ne soit définitivement adoptée. (Brouhaha.) Nous ne pouvons déléguer à quiconque le droit de décider ou de négocier de façon occulte un accord qui pourrait hypothéquer notre avenir et engager les générations futures. La confidentialité qui règne dans le cadre de la négociation de ces accords démontre qu'à terme, notre système de démocratie est mis en péril. Le groupe des Verts vous encourage donc vivement, chères et chers collègues, à soutenir cette résolution 765 en l'adressant aux autorités fédérales. Je vous remercie.
M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, le groupe MCG prend note de cette résolution. Encore une fois, nous sommes très étonnés par les considérants et l'exposé des motifs, parce qu'on nous parle d'accords occultes; apparemment, M. Deneys est très au courant - vous transmettrez, Monsieur le président - il doit être dans le secret des dieux, à Berne ! On nous dit donc qu'il y a des choses cachées. Alors c'est simple: je vous invite à aller sur Internet, à taper «Accord TiSA Suisse», et vous tomberez tout de suite sur une page, www.seco.admin.ch, où tout est très bien expliqué, notamment les positions suisses, ce qui est très important. Vous avez même cela en anglais et en français.
Cela dit, le MCG l'a toujours affirmé, nous ne sommes pas pour une globalisation de tout et de n'importe quoi; nous sommes pour un service public performant, et donc nous voulons quand même un contrôle de l'appareil étatique sur certains aspects du service public, notamment les tâches régaliennes de l'Etat comme la sécurité, la santé. Mais ce n'est pas une raison non plus pour avancer toutes ces histoires comme celle de la théorie du complot, très chère à la gauche, selon laquelle ça passe par des martiens, on nous cache tout et on ne sait rien ! Donc le MCG vous propose de renvoyer cette résolution à la commission de l'économie, pour qu'on puisse connaître un peu mieux les tenants et aboutissants de ces accords. Mais de grâce, arrêtons avec ces théories selon lesquelles, soi-disant, on nous cache tout. (Brouhaha.) D'ailleurs j'invite vraiment tout le monde à aller sur cette page du SECO. Elle est très bien faite, et vous allez voir que la position de la Suisse est loin d'être extrémiste, au contraire: elle met beaucoup de réserves dans ces négociations. Et au vu du cycle de Doha qui a commencé en 2000, à mon avis, par rapport à ce que je connais de cette affaire, on est loin, mais vraiment loin, d'un accord quelconque sur la privatisation du service public.
Mme Christina Meissner (UDC). Certains préopinants ont dit que nous allions chercher ces idées sur Mars, chez ATTAC. Personnellement, j'ai été sur le site du SECO... (Brouhaha.) ...et j'ai notamment consulté l'étude qui a été faite par l'un des Pôles de recherche nationaux. Ça, ce n'est pas un groupe de gauche ! Et je suis désolée, mais à ce niveau-là, il faut quand même un petit peu ouvrir les yeux et ne pas se laisser berner. Vous savez très bien que depuis 2000, les négociations sur l'Accord sur le commerce des services piétinent dans le cycle de Doha. C'est la raison pour laquelle certains pays ont décidé de se lancer dans des négociations qu'on peut qualifier de secrètes, parce qu'on ne sait pas exactement ce qui s'y passe. Mais ces négociations portent, vous l'avez dit, Monsieur Cuendet, sur l'ensemble des services, y compris les services publics... (Commentaires.) ...sur la gestion des déchets, de l'énergie, du transport, le rail, les finances, les procédures d'octroi de licences, l'accès au réseau de communication, le courrier, la poste, bref, finalement l'objectif... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...est d'ouvrir l'ensemble des marchés, y compris celui des entreprises publiques, à la négociation. Evidemment, on le sait, le GATT est pour la libéralisation. Tous les secteurs de services sont potentiellement concernés et couverts, chaque pays décide du degré d'ouverture qu'il souhaite. Mais attention ! Au début ce ne sont que les pays qui négocient qui sont concernés, mais l'objectif de l'accord - et c'est clairement énoncé - serait une application multilatérale ! Cet accord-là va donc fixer l'agenda de la réglementation, de la libéralisation toujours plus étendue; et elle sera étendue automatiquement et inconditionnellement. Vous imaginez la position de l'UDC: nous n'acceptons pas ces accords, qu'on nous force à adopter. En tout cas il est absolument nécessaire d'en savoir davantage. Nous avons une responsabilité car ils se négocient à Genève, et nous voulons de la transparence de la part de gens qui, finalement, décident de notre futur. Dès lors, nous serions pour un renvoi direct à l'Assemblée fédérale, dont on doit attirer l'attention; c'est le gouvernement fédéral et non pas le gouvernement cantonal...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Madame la députée.
Mme Christina Meissner. ...qui est impliqué dans l'accord, et c'est donc pour cela que nous soutiendrons le renvoi direct à l'Assemblée fédérale. (Quelques applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Ce qui me frappe d'abord dans cette résolution et dans ce que j'ai entendu jusqu'à présent, c'est la capacité de Genève à vouloir se mêler de tout et de rien, que ce soit sur le plan international ou sur le plan national, là où, la plupart du temps, ce n'est pas nécessaire.
La deuxième chose, c'est que si la frilosité face à des organismes internationaux, des accords ou des tractations internationales ne m'étonne pas de la part de l'UDC... (Brouhaha.) ...elle m'étonne un peu plus de la part de la gauche, de l'extrême gauche et des Verts. J'ai de la peine à comprendre qu'on nous brandisse le spectre de cours internationales susceptibles de rendre des arbitrages alors que de telles instances existent déjà, rendent des arbitrages, et souvent facilitent bien les choses.
Le troisième point, c'est que je suis impressionné par le fait que les auteurs de la résolution soient beaucoup plus au courant - ou en tout cas semblent l'être - de tractations soi-disant secrètes, sordides, qui se tiendraient sur le territoire genevois sans que personne n'en sache rien. J'en conclus donc que les auteurs de la résolution sont mieux informés que le SECO et en savent plus que ce que l'on peut apprendre sur un site officiel de la Confédération. Il s'agit d'une affaire fédérale, la Suisse participe à ces négociations, et vous avez, sur les bancs des auteurs de cette résolution, suffisamment de conseillers nationaux - et en tout cas un conseiller aux Etats - susceptibles d'intervenir devant l'Assemblée fédérale et de garantir un suivi correct de ces négociations. Nous ne pouvons donc pas vous suivre sur ce terrain et nous ne soutiendrons pas cette initiative adressée aux Chambres fédérales, pour ne pas couvrir, une fois de plus, Genève de ridicule !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai pris bonne note des observations des représentants des partis PLR et PDC. (Brouhaha.) Ce que j'aimerais dire, c'est que Genève est un centre de négociation reconnu au niveau international et le siège d'organisations onusiennes. A partir du moment où le siège de l'OMC se trouve ici, c'est vrai qu'un certain nombre de négociations ont lieu à Genève, et on peut se dire qu'il est assez curieux que ces négociations, si elles sont si anodines que cela, ne se déroulent pas directement au sein de l'OMC. Cette question mérite au moins une réponse, et effectivement, ne sachant pas exactement ce que contient cet accord ou les propositions pour un tel accord, on peut peut-être fantasmer sur des risques qui n'existent pas. Il n'empêche qu'une fois que l'on a signé un tel accord, s'il n'est pas soumis aux Chambres fédérales... (Remarque.) ...s'il n'est pas soumis au référendum facultatif au minimum... (Remarque.) ...eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, le problème est que c'est trop tard !
Tout à l'heure on a eu une excellente proposition qui venait de l'UDC concernant les questions viticoles, et je crois qu'on doit se poser la même question aujourd'hui ! L'ouverture des marchés peut comporter des avantages en termes de coûts pour certains, mais elle a aussi des conséquences locales dramatiques...
Une voix. Et sociales !
M. Roger Deneys. ...et sociales aussi, pour certains habitants de ce pays ! Donc je crois que cette pondération mérite une certaine transparence, pour qu'on puisse prendre des décisions en toute connaissance de cause. Le fond, on peut l'étudier en commission de l'économie ici, mais c'est vrai que c'est un sujet fédéral, donc logiquement on devrait demander que la Confédération et les Chambres fédérales donnent des informations suffisantes pour qu'on puisse se prononcer. Je n'ai pas de problème si on me dit qu'il n'y a aucun danger, aucun souci, et qu'en toute connaissance de cause tout le monde pourra se faire son opinion. Mais aujourd'hui, je crois que nous devons alerter les autorités fédérales sur le fait que les informations ne sont pas assez précises, pas assez complètes. Je vous rappelle que concernant le secteur bancaire... (Brouhaha.) ...ce parlement s'est opposé à la transmission des noms des banquiers aux Etats-Unis...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...et je crois que c'est notre rôle de parlementaires que de se préoccuper des intérêts nationaux. En l'occurrence, le MCG et l'UDC avaient soutenu cette démarche. Je crois que ça ne pose aucun problème, c'est comme pour la viticulture tout à l'heure...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. ...que nous avons soutenue, c'est une question de cohérence et d'intérêt local.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour terminer, je passe la parole à M. Jean-Michel Bugnion, à qui il reste cinquante-huit secondes.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Merci, Monsieur le président, je renonce. Je crois qu'on a atteint l'heure... (Exclamations.) ...et le taux de réceptivité n'est plus garanti ! Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter la demande de renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 765 à la commission de l'économie est adopté par 54 oui contre 30 non et 2 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite une très bonne nuit et vous donne rendez-vous demain à 15h. La séance est levée.
La séance est levée à 23h.