Séance du
vendredi 11 avril 2014 à
20h30
1re
législature -
1re
année -
7e
session -
45e
séance
RD 1041 et objet(s) lié(s)
Suite du débat
Le président. Nous poursuivons notre débat de tout à l'heure sur les objets liés RD 1041, R 748, M 2197, M 2199 et R 760, qui concernent le CEVA. Je passe la parole à M. le député Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Beaucoup de choses ont été dites. Je vais donc essayer de ne pas me répéter. J'aimerais juste avouer que quand j'ai découvert toutes ces motions et résolutions qui concernent le CEVA, mon premier réflexe a été d'avoir peur. J'ai eu peur, et je me suis dit: voilà de nouveau la ronde des intérêts particuliers qui se battent contre l'intérêt général, les uns qui veulent défendre leurs PME, les autres qui défendent leur conception anti-frontalière en s'opposant par exemple à un centre de maintenance en France voisine. Or, qu'est-ce qui importe vraiment dans ce débat ? De conserver une vision de l'intérêt général. Cet intérêt général, c'est celui de la région. Il s'agit de donner à Genève les moyens de transport dont le canton a besoin pour éviter la paralysie qui nous frappe depuis une quinzaine d'années. Si on veut arriver à ce but, il faut qu'on passe au-delà des intérêts particuliers. J'ai été un peu rassuré en entendant M. Hiltpold et les défenseurs de ces textes: ils ont effectivement posé un problème - un problème légitime car il ne faut pas que nos PME soient pénalisées - mais ils l'ont fait avec mesure. Ils ont même proposé de renvoyer ces objets en commission pour avoir une réponse adéquate du Conseil d'Etat et, à partir de cette réponse, prendre position. Tant mieux, parce que c'est ce qu'il faut faire. Dans ce parlement, il y a beaucoup trop de gens qui ont intérêt à ce que le CEVA ne marche pas. Il y a beaucoup de députés qui font tout pour saboter la progression du CEVA, pour saboter le chantier par différentes formes de recours. Pourquoi ? Parce qu'ils ont tout intérêt à ce que les coûts augmentent, afin de pouvoir dire à la fin: «C'est la faute du Conseil d'Etat, on vous l'avait bien dit !» Il est évidemment hors de question que nous entrions dans cette logique falsificatrice vis-à-vis des citoyens de Genève.
Concernant les appels d'offres, on peut en effet les remettre en question. Mais à quoi cela sert-il ? Les appels d'offres sont faits par les CFF, obéissent à une loi fédérale et, en plus, doivent correspondre aux exigences techniques posées par l'offre. Or, on a vu que les entreprises du second oeuvre qui, par exemple, devaient assurer la construction des vitrages des gares n'existaient pas à Genève. C'est malheureux, mais c'est comme ça ! Là aussi, j'espère que les réponses qui seront apportées rassureront les auteurs de ces textes.
Un dernier mot pour conclure. J'ai entendu des gens critiquer le fait qu'on construise un centre de maintenance en France. Mais si on achète le matériel roulant entièrement en Suisse et que c'est la maison Stadler qui le produit, il est logique que la France obtienne une compensation ! La France met 190 millions d'euros dans le CEVA, il est logique que des emplois... (Brouhaha.) Il est logique que la France ait aussi droit à des emplois ! C'est comme ça qu'on construit une région équilibrée, c'est comme ça qu'on construit pour le futur. Et si ces emplois doivent être créés en France, on doit s'en réjouir aussi. Pour ceux qui critiquent les frontaliers, c'est autant de frontaliers en moins ! (Exclamations. Commentaires.) C'est autant d'emplois en plus créés dans l'ensemble de la région. C'est comme cela qu'il faut raisonner, et pas autrement. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est dommage, parce que lorsque nous avons ouvert le débat... Je dois dire que ce que je viens d'entendre de la part de M. Mettan me navre. Il ne s'agit pas de critiquer le CEVA, en tout cas pas en ce qui concerne l'Union démocratique du centre. Quand le vin est tiré, Monsieur Mettan, il faut le boire. Quand le vin est tiré et commence à prendre du bouchon parce qu'il tarde, Madame Mazzone, et qu'il va nous coûter un milliard de plus, grosso modo, cela veut dire que la traversée de la rade aura de la peine à se faire. Mais je n'ai rien mis de tel dans le débat. Mesdames et Messieurs les députés, il y a peut-être des intérêts à prendre en compte pour la région, c'est vrai. Mais je rappelle simplement que pour le moment et tant que nos amis socialistes n'auront pas réussi à convaincre le peuple suisse d'abolir nos frontières et de tomber dans l'Union européenne, la frontière existe toujours. J'invite chacun des députés à se poser la question suivante, parce qu'en définitive, on est d'un côté de la frontière, on fait un pas de 50 centimètres et on change de monde: est-ce que les gens sont plus bêtes de l'autre côté de la frontière ? Est-ce qu'ils sont moins bien que nous ? Non, absolument pas ! Simplement, Mesdames et Messieurs les députés, il y a une différence notable. Cette différence est politique. Ils ont un système politique différent, un système centralisé, un système avec moins de libertés, ce qui fait que notre canton et la Suisse ont quand même des résultats économiques bien plus prospères que de l'autre côté de la frontière. Je constate avec plaisir que le PLR signe - même si j'ai trouvé qu'il était venu après par fort opportunisme - parce que c'est l'emploi genevois qui est en jeu, ce sont nos entreprises. Il ne s'agit pas simplement d'empocher des marchés pour faire des bénéfices. Si les entreprises font des bénéfices, c'est largement redistribué chez nous par le travail donné aux employés.
Mesdames et Messieurs les députés, je voulais aussi répondre à Mme Mazzone, qui n'est plus là. Oui, c'est vrai, c'est un grand conseiller national qui est propriétaire d'une bonne partie de la maison Stadler. Soyons bien clairs, et c'est sans honte et sans aucune retenue que je le dis ce soir: à Genève, l'Union démocratique du centre fait de la politique pour les Genevois. La maison Stadler a peut-être un conseiller national comme patron qui regarde l'intérêt de son entreprise. Pour le moment, il se peut que l'intérêt de son entreprise entre en contradiction - ou du moins pas en corrélation - avec nous. Certes, l'entreprise Stadler est une entreprise européenne de haut niveau avec des implantations un peu partout. Si elle décide de s'installer en France pour fabriquer des rames de train, bien lui en prenne ! Même s'il s'agit de quelqu'un de l'UDC, la section genevoise n'a pas honte de dire que s'il y a des emplois à perdre, s'il faut délocaliser, s'il faut, Mesdames et Messieurs de la gauche, maintenir et soutenir l'emploi de nos ouvriers - parce qu'il ne s'agit pas là de travailler pour la promotion immobilière mais bien pour les emplois - eh bien l'Union démocratique du centre n'a pas honte de dire... C'est la raison pour laquelle cette proposition de motion a été déposée. Alors il y a peut-être le Grand Genève, il y a des principes. Mais est-ce que l'emploi des gens qui vous ont élus est en dessous de ces principes ? Est-ce que l'emploi pour vivre à Genève, pour travailler à Genève, pour nourrir sa famille à Genève, pour élever ses enfants à Genève, doit passer à l'as par rapport aux belles théories de M. Mettan sur le Grand Genève ? L'Union démocratique du centre, sans faire de racisme ou autre, vous dit que non. Nous devons d'abord penser à nos citoyens, à leur donner à manger, à leur donner de l'emploi, à leur donner un logement. Si, après, il y a du surplus, allons voir de l'autre côté. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Christina Meissner (UDC). Ce qui me désole, à Genève, c'est qu'on fait preuve d'un enthousiasme absolument délirant pour les grands projets. Plus ils sont grands, plus on se dit qu'on va y aller...
Une voix. La traversée de la rade, notamment ! (Rires.)
Mme Christina Meissner. Malheureusement, on découvre ensuite les normes de sécurité, le problème des remblais, la géologie, la décontamination, les règles internationales et intercantonales... Bref, on oublie l'essentiel. Voilà le problème dans tous ces grands projets, qu'il s'agisse du CEVA, du Grand Genève ou du PAV. On oublie l'essentiel et on fait preuve d'une légèreté insupportable et totalement irresponsable. Mesdames et Messieurs les députés, il est tard pour se réveiller s'agissant du CEVA. Je remercie d'ailleurs mon collègue Patrick Lussi d'avoir déposé cette motion qui, semble-t-il, nous a à tous imposé un réveil un peu brutal. (Commentaires.) Est-il trop tard ? Je ne le pense pas. Il nous appartient maintenant de donner un signal à notre Conseil d'Etat. Le CEVA tel qu'il se présente pour l'instant, ça ne va pas ! Il est absolument nécessaire de reprendre les rênes et de se demander ce qu'on peut faire, qu'il s'agisse de nos emplois ou de financements. Mesdames et Messieurs, le CEVA pèse lourd, extrêmement lourd sur nos finances cantonales, sur les investissements que nous pourrions faire ailleurs.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Christina Meissner. Il pèsera sans doute beaucoup plus lourd encore. Je fais le pari qu'il nous coûtera largement plus de deux milliards ! Il n'est cependant peut-être pas trop tard. Nous devons absolument envoyer un signal et renvoyer toutes ces résolutions, que ce soit au Conseil d'Etat ou en commission. Nous devons le faire, quelle que soit l'origine de ces motions.
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Christina Meissner. Peut-être nous éviterons-nous ainsi un mea culpa avec un audit plus tard.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Alberto Velasco, pour quatre minutes. (Exclamations. Commentaires.)
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je constate que les libéraux adhèrent au protectionnisme.
Une voix. Quoi ?!
M. Alberto Velasco. Vous adhérez au protectionnisme ! (Commentaires.) Pendant toute votre histoire ici, vous n'avez fait que mettre en place toute une série de dispositions pour libéraliser l'économie. Et voilà que maintenant, vous êtes pour le protectionnisme ! Je vous le dis, chers collègues, je suis pour le fait que nos entreprises genevoises reçoivent des commandes. Mais quand on fait du protectionnisme pour les entreprises, il faut aussi faire du protectionnisme pour les travailleurs. Or, quand il s'agit des travailleurs, le protectionnisme ne vous intéresse pas ! Mais quand il s'agit de vos entreprises, vous prenez des mesures. Surtout quand il s'agit d'entreprises spécifiques, à savoir les vôtres !
J'aimerais maintenant vous dire, chers collègues, que j'ai participé, au sein de la commission des travaux du Grand Conseil, avec d'autres collègues - notamment M. Büchi à l'époque - aux accords cantonaux AIMP. Qui a voté les AIMP au niveau national ? C'est la majorité qui a eu ses représentants à Berne. A Genève, Mesdames et Messieurs, j'avais pris le rapport de majorité et l'avais bloqué pendant une année. Ce rapport de majorité voulait remonter le toit maximal pour protéger les entreprises genevoises. Pendant une année, j'ai bloqué ce rapport. Ce sont les gens de la droite qui m'ont obligé, à un moment donné, à le déposer. Je l'ai déposé, mais leur ai dit la chose suivante: «Si je dépose ce rapport, vous allez en prendre plein la figure, parce qu'avec l'amendement que vous proposez, vous allez baisser le toit pour lequel on doit faire des AIMP.» C'est vous qui l'avez fait ! A l'époque, vous n'avez pas mesuré les conséquences. Aujourd'hui, vous les mesurez. A l'époque, j'étais effectivement pour le fait que le toit soit relevé dans le cadre des accords intercantonaux, comme le font d'ailleurs les Valaisans. Eh bien non ! Vous avez estimé qu'il n'en était pas question, que les Genevois voulaient être meilleurs que les autres. Vous avez baissé le toit pour les grands travaux, et même pour les travaux de moindre importance. Aujourd'hui, les conséquences sont là. Les conséquences sont là, Mesdames et Messieurs ! Que voulez-vous faire ? Voulez-vous que le Conseil d'Etat édicte maintenant des lois de protectionnisme ? Est-ce qu'on pourrait le faire, Monsieur Maudet ? Vous nous expliquerez si vous pouvez le faire. Je ne sais pas ! Parce que si vous faites cela, la France peut tout à fait le dénoncer à l'OMC ! Elle peut le faire ! (Remarque.) Oui, Monsieur, elle peut le faire ! Ces motions et résolutions, c'est bien gentil, mais ce ne sont pas des dispositions. Ce ne sont pas des lois. C'est un voeu pieux que vous allez faire, puis le Conseil d'Etat va vous dire: «Oui, merci, on va voir.» Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez rien faire. Monsieur Lussi, qui siégez avec moi à l'aéroport, vous avez certainement vu le terminal est dernièrement ? C'est l'entreprise Vinci qui en a obtenu les travaux ! Eh oui ! On n'a rien pu faire. On n'a rien pu faire ! Mesdames et Messieurs, vous avez construit à l'époque un système qui nous dépasse aujourd'hui, et qui nous amène tous - y compris les entreprises - dans une situation extrêmement difficile. Vous devez donc assumer vos responsabilités. Je regrette que vous veniez avec ces documents-là; il aurait fallu penser beaucoup plus à la République et canton de Genève à l'époque. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, c'est trop tard !
Ensuite, vous parlez des Français. Evidemment, puisque les Français sont impliqués dans le CEVA ! Ils sont impliqués dans le CEVA jusqu'au bout ! Ils ont le droit d'avoir une part du gâteau !
Une voix. Ils l'ont déjà eue !
M. Alberto Velasco. J'aimerais maintenant répondre - si vous le permettez, Monsieur le président - à M. Stauffer qui se plaint du coût du CEVA. J'aimerais lui rappeler que les recours que son groupe a faits... (Remarque.)
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco. ...ont induit un retard conséquent. Il faut l'assumer ! En politique, il faut assumer ses gestes, Messieurs. En politique, il faut assumer ses gestes !
Une voix. Ce n'est pas vrai !
M. Alberto Velasco. Ayez le courage de dire que vous vous êtes battus parce que vous y croyiez...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Velasco !
M. Alberto Velasco. Cela a coûté 500 millions, et vous devez les assumer, Mesdames et Messieurs ! Soyez cohérents. La cohérence est importante en politique.
Le président. C'est terminé, Monsieur Velasco, merci. (Commentaires.) Je passe la parole à Mme Béatrice Hirsch, à qui il reste une minute et treize secondes. (Brouhaha.) Madame Hirsch, allez-y.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a quand même une question un peu étrange: pourquoi est-ce que ces problèmes de soumission sortent maintenant ? Les lots ont été soumis en juin 2012 avec possibilités de recours. Pourquoi est-ce que personne n'a fait recours à cette époque-là ? Certes, il faut reconnaître que la répartition des lots est problématique. Le parti démocrate-chrétien, toujours soucieux des PME genevoises...
Une voix. Quoi !
Mme Béatrice Hirsch. ...relève aussi, comme d'autres ici, le fait que les CFF ont taillé un certain nombre de lots sur mesure pour des grandes entreprises, empêchant ainsi les entreprises genevoises de soumissionner.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Béatrice Hirsch. Certes - et cela a été dit - il est déjà un peu tard. Nous espérons que nous saurons en tirer les leçons qui s'imposent et que cela ne se reproduira pas à l'avenir. Bon nombre de questions subsistent, et nous attendons avec impatience qu'un certain nombre de réponses nous soient données, afin d'apporter un peu de transparence sur l'opacité des procédures des CFF. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Luc Barthassat.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour reprendre de manière assez résumée tout ce qui s'est dit ce soir, je commencerai simplement par le rapport. Quand je suis arrivé dans ce département, j'ai été confronté au rapport annuel qui, comme son nom l'indique, est censé arriver chaque année. Il y était notifié qu'il y avait un retard. J'ai pris sur moi d'organiser une conférence de presse, qui aurait pu avoir lieu tout simplement à la salle des Fiefs, noyée au milieu d'autres sujets. Mais non, j'en ai organisé une uniquement sur le CEVA, de sorte qu'on puisse faire le point sur le retard qui avait été pris et en expliquer la raison. Ceci non pas seulement entre conseillers d'Etat enfermés dans une salle, mais avec les gens de la direction du chantier et toutes les personnes des CFF. On a reparlé des retards, les CFF les ont expliqués, de même que la direction du chantier. Le Conseil d'Etat a écouté, à travers les services du génie civil. On a parlé de recours. Mon collègue M. Poggia a un peu confondu, parce qu'on ne parlait justement pas des recours qui étaient intervenus avant le début du chantier, mais bien de ceux qui sont intervenus après, c'est-à-dire quand on a commencé à couper les arbres à l'endroit du tunnel de Champel. Là, il y a eu des recours qui ont fait que les services n'ont pas pu effectuer les relevés géologiques. On ne va pas revenir sur ce détail.
Passons au point suivant, à savoir tout ce qui concerne le matériel roulant. Nous avons deux solutions aujourd'hui. Tout d'abord, une solution qui prévoit que, sur les quarante rames prévues, il y en ait 21 qui soient achetées par les CFF et 19 par la région Rhône-Alpes - et non pas par la SNCF. Le problème, c'est que si on agit chacun de notre côté, les trains ne pourront pas être accrochés, pour des raisons de technologie. En effet, s'ils s'accrochent, la technologie pourrait passer d'un wagon à l'autre et dévoiler des secrets de fabrication trop importants pour les uns et les autres. Quand je me suis renseigné sur ce qui se passait à propos du matériel roulant, je me suis rendu compte qu'un certain M. Montebourg, pour ne pas le nommer, aujourd'hui ministre français, agissait de manière peu correcte quant à ce qui se fait au niveau des marchés publics, et faisait pression sur Alstom pour participer à l'achat des 19 rames.
La deuxième solution, c'est que les CFF, conjointement avec l'entreprise Stadler, basent le tout sur une flotte unique, ce qui permettrait d'économiser un manque à gagner sur les deux flottes d'un million et demi, voire sept millions et demi. Le marché des CFF, c'est de passer par M. Stadler pour avoir cette flotte unique. Cela peut paraître normal, puisque le CEVA touche toute la région genevoise et française. Cette flotte unique coûterait 10 millions par rame ! C'est-à-dire à peu près 400 millions de retombées pour l'entreprise Stadler. Ce qui veut dire que ces trains, qui auraient dû être payés par la France, représentent 193 millions qui retomberaient dans l'entreprise Stadler, 193 millions pour une trentaine de postes dans le centre de maintenance qui se ferait à Valleiry. Ce seraient 193 millions en plus dans la caisse d'une entreprise suisse qui forme des gens, qui a une technologie bien à part répandue dans toute l'Europe. Certains ont dit que Valleiry n'est pas raccordé au tracé. Or il s'agit d'un ancien emplacement de Conforama, qui se situe le long de la voie ferrée. Il suffirait de faire un aiguillage et 200 mètres de voie pour régulariser l'histoire. Prétendre que la commune n'est pas raccordée n'est donc pas tout à fait correct. A travers ce centre de maintenance, l'entreprise Stadler Suisse pourrait avoir un pied dans notre région mais du côté français, ce qui pourrait générer à brève et longue échéance des retombées économiques sur toute la région.
Je suis étonné de voir que le PLR s'oppose à une privatisation, s'oppose de par ce fait à la vision dont on parle à travers l'arc lémanique, à savoir la métropole lémanique ou le Grand Genève. Il s'agit justement de faire fructifier cette région, alors que le MCG et l'UDC se plaignent de tous les frontaliers qui vont et viennent. Il est possible de créer ces postes à Genève ! Vous parlez de chômage. Mon Dieu, il faut sauver les chômeurs ! Bien sûr, on a tous envie de sauver les chômeurs. Mais aujourd'hui, au chômage, il n'y a pas une seule personne qui serait capable d'aller travailler sur ces rames. (Exclamations. Protestations.) Oui, c'est vrai ! Eh oui, c'est vrai ! C'est bien la preuve que vous vous souciez peu...
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !
M. Luc Barthassat. ...de ce que vous racontez, parce que vous n'avez même pas eu le souci de vérifier, alors que vous avez un conseiller d'Etat qui aurait pu vous avertir de la chose. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, on ne répare pas une rame comme on répare un Solex ou une Peugeot ! Il faut réfléchir à ce que vous dites et arrêter de dire des bêtises ! (Brouhaha.) Le centre de maintenance des CFF...
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Medeiros, ça suffit !
M. Luc Barthassat. ...ne sera en aucun point raboté quant à ses emplois ou à la transmission de son savoir-faire. Quoi qu'il arrive, il y aura au moins vingt rames qui seront achetées par les CFF et qui seront dans le centre de maintenance. C'est vrai, il y a la place. Mais dans une enveloppe globale et une façon de voir globale, vous ne vous imaginez quand même pas que les quarante rames vont rentrer au dépôt des CFF tous les soirs ? Le but, c'est qu'ils soient prêts à partir le lendemain matin. Et pour 193 millions et quelques postes en France, ainsi qu'une meilleure organisation, avec une même formation des gens qui conduisent ces rames d'un côté ou de l'autre de la frontière... (Protestations. Le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur Medeiros, ça suffit !
M. Carlos Medeiros. J'ai rien dit, moi ! (Vives exclamations. Protestations.)
Le président. La prochaine fois, je vous donne un avertissement ! Poursuivez, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Luc Barthassat. On peut s'opposer, on peut crier, on peut faire semblant de défendre les uns et les autres, mais il arrive un moment où il faut avoir une vision un peu plus large que celle du bout de son nez. Si je ne peux pas vous offrir une machine à remonter le temps, Mesdames et Messieurs de l'UDC, on peut toujours vous offrir un billet de train pour aller voir ce qui se passe au-delà de Nyon ! (Commentaires. Rires.) S'agissant de ce matériel roulant, on est tout simplement en train de mettre à mal une négociation qui est en train de se faire, et vous êtes peut-être en train de faire perdre plus de 200 millions à un constructeur suisse qui travaillerait aussi à Genève.
En ce qui concerne les AIMP, le chantier du CEVA en fait partie. C'est un chantier européen, ce qui fait que ce sont des entreprises d'une certaine taille qui peuvent s'en occuper. Par exemple, il n'y a pas d'entreprise à Genève qui serait capable de fournir le premier lot, à savoir les escalators. Oui, il y a des entreprises suisses. D'ailleurs, certaines entreprises suisses se sont réunies en consortium pour pouvoir répondre aux appels d'offres. Quant au deuxième lot, soit les fameux panneaux de verre bétonnés conçus par l'architecte Nouvel, on ne sait pas les faire à Genève. Mais peut-être sait-on les faire à Fribourg ? Les entreprises romandes peuvent former des consortiums ! Il y en a d'ailleurs certains qui se sont déjà montés pour le CEVA. Si on veut être à la hauteur des grands chantiers et faire la nique aux Européens, on peut toujours se mettre en consortium. J'en ai faits à l'époque où j'étais entrepreneur. Je me suis retrouvé du jour au lendemain avec soixante personnes sur un chantier au lieu des dix qui travaillaient d'ordinaire avec moi. Ce sont des choses qui demandent un certain effort, une certaine concertation avec d'autres entreprises, mais cela fonctionne très bien. La preuve, c'est qu'il y en a qui le font déjà sur le chantier.
J'aimerais maintenant évoquer l'attribution et la distribution des lots de travail après les appels d'offres. Sachez une chose, c'est que cela a été décidé au sein du COPIL - comité de pilotage - du CEVA, où le Conseil d'Etat, les CFF, la direction du chantier ainsi que l'Office fédéral des transports sont présents. Ces lots et la manière de les distribuer ont été décidés en juin 2012 ! Je m'excuse à nouveau, Mesdames et Messieurs du PLR, mais lisez le Mémorial ! Je n'étais pas encore là à l'époque, et c'était quelqu'un qui émanait de votre parti ! Il ne faut pas venir pleurer maintenant un peu trop fort pour masquer ce qui s'est passé avant ! Je ne suis pas du style à aller déterrer les morts du cimetière, mais quand même ! J'ai repris ce chantier d'une manière que je voulais claire, avec l'explication des uns et des autres sur les retards pris. Pour l'instant, tous les rapports disent la même chose. A un moment, sur ce chantier, on a économisé une partie de l'argent des appels d'offres pour pouvoir combler ce qui pourrait aujourd'hui coûter plus cher, à savoir la troisième couche de béton de ce tunnel. Sur ce qui a été économisé, on a pu prendre cette troisième couche et la payer normalement à 10 ou 12 millions près, mais il en reste encore 8.
Concernant les appels d'offres, il reste aujourd'hui encore vingt lots à distribuer. Je vais vous lire la petite note qu'on m'a donnée: «Pour les travaux de génie civil actuellement en cours, de nombreuses entreprises genevoises, locales et suisses sont en activité, et en quantité majoritairement représentées. Quant aux entreprises sous-traitantes, le recensement de mars 2014, dans tous les domaines d'activité en cours sur les chantiers du CEVA, relève 52 entreprises genevoises, 12 vaudoises et 21 autres, dont 12 françaises, principalement actives dans le domaine des transports. Selon la future stratégie, une vingtaine de lots à mettre en soumission est adjugée dans le cadre des travaux du second oeuvre.»
Si je résume, on a un COPIL qui se réunit tous les trois mois, où je vais maintenant pouvoir siéger. On a un rapport annuel. Quand j'ai fait ma conférence de presse, je me suis aperçu qu'il y avait quelques petits doutes. J'en ai aussi, je dois le dire. Mais ces doutes peuvent être assouplis avec une meilleure concentration de la surveillance. Je peux vous dire que j'accorderai une attention toute particulière à ce chantier. Tous les trois mois, je ferai un point de situation sur tout ce qui pourrait relever de dépassements de temps ou de coût, le tout dans une totale transparence, dans l'heure qui suivra le COPIL. Par ailleurs, il existe aussi une commission tripartite composée des syndicats patronaux et ouvriers, de l'Etat et de la direction du chantier, qui vise à surveiller tout ce qui se passe au niveau des entreprises. Certaines n'ont d'ailleurs pas pu passer entre les gouttes et se sont déjà fait avoir. Malheureusement, il y avait une genevoise dans le lot. Voilà qui est aussi d'une grande importance pour le suivi du chantier du CEVA. En outre, j'ai commencé à mettre en place une commission d'experts extérieurs à nos parlements et à nos habitudes. Ce sont des gens de haut vol qui viendront supputer, regarder, examiner tout ce qui peut se passer quant aux nouvelles adjudications et distributions des lots, pour qu'on ait une plus grande transparence et qu'on voie avec quels moyens on peut faire en sorte que nos entreprises participent d'une meilleure façon, et peut-être avec une meilleure information. Cette commission est en train de se mettre sur pied dans l'immédiat. J'ai déjà pris contact avec certains grands ingénieurs qui ont travaillé sur des chantiers, à l'étranger ou ailleurs, ainsi que des gens de la finance et peut-être aussi de la politique. La commission ne dépassera pas six personnes. Ces personnes feront le lien entre vous, moi, mes services et tout ce qui se passe sur le chantier. Voilà où on en est aujourd'hui.
En attendant, et pour répondre à la majeure partie de vos questions, vous pouvez m'envoyer le tout en commission ou au Conseil d'Etat, je vous y répondrai dans le détail et en toute transparence. Je me réjouis de venir avec les gens des CFF et du chantier pour vous répondre. A l'interne même du chantier, j'ai demandé qu'un COPIL extraordinaire se tienne dans les prochains jours pour faire la lumière sur tout cela et qu'on arrête ces agitations stériles. Si on continue avec nos petites enquêtes interparlementaires, nos audits et compagnie, on va semer un trouble inimaginable, on va prendre du retard. Et ça, Mesdames et Messieurs, ça nous coûtera de l'argent. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis de demandes de renvoi à la commission des travaux pour le rapport divers 1041, la proposition de résolution 748, ainsi que les propositions de motion 2197 et 2199. Par contre, il n'y a pas de demande de renvoi en commission pour la proposition de résolution 760. Nous la voterons donc juste après.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1041 à la commission des travaux est adopté par 89 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 748 à la commission des travaux est adopté par 72 oui contre 11 non.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2197 à la commission des travaux est adopté par 81 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2199 à la commission des travaux est adopté par 82 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, la résolution 760 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui contre 12 non et 1 abstention.