Séance du jeudi 10 avril 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 7e session - 42e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Olivier Cerutti, Marc Falquet, Simone de Montmollin, Salima Moyard, Rémy Pagani, Patrick Saudan, Ivan Slatkine et Alberto Velasco, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Christophe Aumeunier, Alexis Barbey, Pierre Gauthier, Jean-Charles Lathion, André Pfeffer, Nicole Valiquer Grecuccio, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.

Annonces et dépôts

Néant.

IN 149-D
Rapport de la commission fiscale chargée de rédiger un contreprojet à l'initiative populaire 149 « Pas de cadeaux aux millionnaires : Initiative pour la suppression des forfaits fiscaux »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 19 et 20 décembre 2013.
Rapport de majorité de M. Pascal Spuhler (MCG)
Rapport de première minorité de Mme Lydia Schneider Hausser (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve)
PL 11329
Projet de loi de Mme et MM. Christophe Aumeunier, Pierre Conne, Roger Golay, Béatrice Hirsch, Christo Ivanov, Alain Meylan, Jacques Jeannerat, Pascal Spuhler, Francis Walpen, Vincent Maitre modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (D 3 08) (Contreprojet à l'IN 149)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 19 et 20 décembre 2013.

Suite du premier débat

Le président. Nous poursuivons notre débat sur l'IN 149-D et le PL 11329. Je vois que les rapporteurs ont repris leur place. Je cède la parole à M. Ronald Zacharias.

M. Ronald Zacharias (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie. Encore une fois, la gauche et les Verts, ex-marxistes et collectivistes, ayant prouvé leur capacité... (Brouhaha. Protestations.)

Une voix. Eh, ça va, il a dit deux mots !

Le président. Voilà ! Merci, Monsieur Zacharias ! (Brouhaha.)

M. Ronald Zacharias. C'est fini ?

Le président. Non, vous pouvez poursuivre.

M. Ronald Zacharias. C'est terminé ? Il n'y a plus de temps de parole ?

Le président. Sur cette note de bonne humeur, je vous cède la parole, Monsieur le député, vous pouvez continuer.

M. Ronald Zacharias. ...ayant prouvé leur capacité à la faillite universelle et n'ayant manifestement pas les moyens anthropologiques de leurs ambitions, déversent leur haine et leur volonté de détruire l'un des éléments de prospérité de notre canton. (Rires.) Usant de comparaisons abusives, de leur force de détestation et de leur amour du dogme, se réclamant, la larme à l'oeil, du principe d'égalité - soit des vérités arrêtées par décret - ils tentent inlassablement de nous prouver que la richesse est le mal et que seule une égalité mécanique, aussi implacable qu'inhumaine, est rédemptrice. (Exclamations.) Or... (Applaudissements.) Or, le scandale, c'est la misère, la pauvreté, le dénuement ! Pas la richesse ! La gauche et les Verts veulent qu'il y ait moins de riches. Nous, nous souhaitons moins de misère et moins de pauvreté. Comme le disait Aristote, si vous souhaitez être généreux et venir en aide, mieux vaut être riche.

Les forfaits fiscaux existent à Genève, car la fiscalité y est confiscatoire. A Wollerau, il n'est pas nécessaire de déployer des trésors de marketing afin d'attirer de riches contribuables étrangers: l'impôt y est dix fois moins élevé qu'à Genève. Inégalité de traitement ? Arrêtons cette mascarade ! L'inégalité de traitement, c'est traiter de manière semblable ceux qui sont confrontés à une situation différenciée. Il n'en va pas ainsi en matière de forfait fiscal, car les assujettis sont notamment privés de la possibilité d'exercer une activité lucrative en Suisse.

De plus, le terme de forfait est impropre, puisque l'assiette de la dépense, elle, est variable. Par ailleurs, les décisions ne font pas l'objet d'une discussion au coin du feu avec les autorités, mais bel et bien de procédures transparentes et prévisibles. Ne cédons pas à la haine du riche, ne répétons pas le désastre français et optons pour la raison ! L'institution du forfait doit être maintenue. Il en va de l'intérêt général et il en va de la prospérité de notre canton. Je vous remercie.

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. le député Thierry Cerutti, à qui je souhaite un bon anniversaire. (Des députés entonnent le chant «Joyeux anniversaire».)

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci pour vos voeux d'anniversaire, Monsieur le président !

Une voix. «Happy birthday to you...»

M. Thierry Cerutti. Le chant est un peu mou, j'aimerais quelque chose de plus dynamique ! (Brouhaha.)

Ce qui est intéressant venant de la gauche et notamment de M. Wenger - c'est dommage qu'il ne soit pas là, il est aux abonnés absents alors qu'il a fait des remarques plutôt fausses et totalement inappropriées à l'égard du Mouvement Citoyens Genevois et de l'UDC - c'est lorsqu'il rappelle que nous ne soutenons pas la classe moyenne ou les petites gens, selon ses propres mots.

Je dirai simplement qu'aujourd'hui, heureusement que nous avons ces forfaits fiscaux, heureusement que nous avons une certaine catégorie de gens qui ont les moyens de notre politique financière, notamment les moyens de pouvoir investir de manière parallèle, parce que ces gens qui ont de l'argent et qui ne paient pas les impôts que la gauche souhaiterait qu'ils paient réinvestissent leur argent dans l'économie locale ! Ils achètent, ils consomment, ils vont au restaurant, ils font des cadeaux, ils créent toute une dynamique autour d'eux et ils font effectivement du mécénat pour les clubs sportifs, culturels, associatifs. Sans ces gens-là, on n'arriverait pas aujourd'hui à nourrir toutes ces petites bouches et à donner des deniers à toutes les petites mains qui oeuvrent autour de ces associations caritatives, sportives et culturelles. Je pense que vouloir couper la main de la personne qui vous nourrit, c'est une erreur.

Aujourd'hui, vous prônez une politique fiscale égalitaire. J'entends la gauche qui dit qu'il doit y avoir égalité, équité envers tous. Mais qu'en est-il des 40% de gens qui sont actifs et qui ne paient pas d'impôts ? Ces mêmes 40% de gens actifs qui ne paient pas d'impôts touchent des subventions, des allocations et des aides. Au fond, ils ne donnent rien et ils tendent la main, mais c'est grâce aux 700 ou 800 personnes qui sont au bénéfice de forfaits fiscaux que les autorités genevoises et du canton peuvent donner à ces 40% de gens qui ne paient pas d'impôts - pourtant actifs professionnellement et pourvus de revenus - la possibilité de vivre avec leur famille et d'obtenir des subventions et autres ! Il est inacceptable de vouloir couper la branche sur laquelle on se repose et qui permet notamment de créer ces aides sociales pour ces petites gens.

J'ai l'impression que si l'on écoute la gauche, la classe moyenne qui est en train de dépérir va dépérir de plus en plus, et l'on aura vraiment deux classes: les pauvres et les riches. Ce n'est pas ce que nous souhaitons au sein du MCG, ni au sein de l'UDC, je présume. En tous les cas, nous pensons que votre projet, Mesdames et Messieurs de la gauche, est erroné. C'est un faux calcul de penser vouloir gratter un peu parce que ces personnes pourraient payer plus, car vous mettez de côté tout ce que ces gens apportent de manière indirecte. C'est pour cela que le Mouvement Citoyens Genevois soutiendra notre rapporteur, M. Pascal Spuhler.

Une voix. Bravo !

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, de nombreuses choses ont déjà été dites. Des députés ont entre autres affirmé que cette initiative du parti socialiste était mal nommée. Effectivement, on pourrait la renommer: «Justice pour les millionnaires suisses !» Pourquoi ? Parce que les millionnaires suisses ont le droit, comme les millionnaires qui sont au bénéfice d'un forfait, de se voir traités exactement de la même manière, et il est profondément injuste que des millionnaires suisses paient plus d'impôts que certaines personnes bénéficiant d'un forfait. Ceci met aussi fin, bien sûr, à la tirade selon laquelle la gauche veut tuer les riches, etc. Pas du tout ! Nous voulons simplement que le système soit juste et égalitaire.

Deuxième chose que je voudrais dire: on accuse la gauche d'être moralisatrice et l'on nous dit qu'on a assez entendu ce discours de morale. Pour l'ex-théologien que je suis, il faudrait soigneusement différencier la morale de la justice. La morale, c'est autre chose que la justice et ce que nous demandons, c'est la justice et non de dire qu'il n'est pas correct d'être riche - pas du tout, ce n'est pas cela. Nous voulons de la justice !

L'exemple de Zurich est très intéressant, parce que pour le moment il s'agit pratiquement d'un résultat nul. Ce n'est pas une perte. Les chiffres qu'on a cités, selon lesquels Genève va perdre 150 millions, voire plus, sont des estimations, voire des spéculations purement théoriques ! Personne ne sait ce qui va se passer réellement si le canton de Genève supprime les forfaits fiscaux. Personne ne le sait et surtout pas le PLR. C'est le deuxième exemple.

La dernière chose que j'aimerais dire, pour revenir sur le thème de la morale et quitter celui de la justice, est la suivante: effectivement, on dit que ces personnes apportent de l'argent et que l'argent n'a pas d'odeur. Mais oui, il a une odeur ! Si par exemple le canton de Genève, comme cela se passe dans certains pays que nous ne nommerons pas, avait le monopole du commerce de la drogue, on ne dirait pas: «Genève va pouvoir faire du social, soutenir les handicapés et d'autres oeuvres utiles; l'essentiel, c'est d'avoir de l'argent.» Non, on se demanderait d'où vient cet argent, comment il est utilisé et pourquoi nous en disposons ! C'est la raison pour laquelle le parti socialiste vous recommande d'accepter cette initiative.

Le dernier argument serait le suivant: il est fort probable - comme d'ailleurs certains députés l'ont dit - que l'initiative fédérale aboutisse et que la votation aille dans le sens d'une interdiction des forfaits fiscaux sur tout le territoire de la Suisse et pas seulement à Genève. A ce moment-là, ne jouons pas la carte du Röstigraben ! Pour une fois, Genève pourrait, comme canton latin, donner l'exemple et dire que, comme la plupart des cantons suisses allemands, il ne veut pas des forfaits fiscaux. Mesdames et Messieurs, je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de première minorité ad interim. Beaucoup de choses ont été dites... (Remarque.) Oui, comme rapporteur, Monsieur Stauffer, ne vous en faites pas.

Le président. Allez-y, Monsieur.

M. Romain de Sainte Marie. Beaucoup de choses ont été mentionnées ce soir, notamment le fait que les socialistes s'en prenaient aux très grandes fortunes. Je crois que cela est faux. Les socialistes ne s'en prennent pas aux très grandes fortunes. Non, les socialistes s'en prennent aux inégalités et aux injustices ici représentées par les forfaits fiscaux. (Brouhaha.) Il s'agit bien de cadeaux octroyés à la condition d'être fortuné et de nationalité étrangère. Ces cadeaux posent en effet une question morale. Beaucoup de députés de droite, ce soir, ne veulent pas se poser cette question - peut-être ne veulent-ils jamais se poser des questions morales ? - et pourtant je pense qu'en tant que députés, nous avons le devoir de poser ces questions, pour une République et canton de Genève à valeur morale, car en effet j'ai beaucoup entendu parler ce soir de richesse de Genève, de richesse de la Suisse, comme si celles-ci s'étaient uniquement fondées sur l'attraction fiscale. Or, ce n'est pas le cas, et de très loin: à mon avis, les richesses économiques de la Suisse reposent aussi sur une industrie chimique et pharmaceutique qui depuis longtemps, depuis plusieurs siècles, a amené à la Suisse de la richesse et un véritable développement économique; mais la Suisse repose également sur des richesses en valeurs, et morales, comme nous les connaissons dans le canton de Genève.

Nous avons entendu ce soir beaucoup d'arguments à propos d'une Genève qui vivrait tel un parasite se reposant sur de très grandes fortunes pour pouvoir fonctionner. Mais je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que nous nous trompons de modèle actuellement si nous pensons que Genève a uniquement besoin des fortunes pour pouvoir vivre et assurer les prestations sociales: Genève a avant tout besoin d'équité, de plus d'égalité pour ses citoyennes et citoyens; et abolir les forfaits fiscaux, c'est faire preuve d'équité, c'est rétablir l'égalité devant la loi. (Brouhaha.)

J'ai également pu entendre aujourd'hui que cette initiative détruisait les richesses de la Suisse et son économie. Je ne crois pas - et l'exemple zurichois en est la bonne démonstration - que la suppression des forfaits fiscaux puisse porter atteinte à la prospérité économique du canton de Genève. Il est intéressant de voir que les tentatives d'intimidation de la part de la droite restent toujours les mêmes. Et il est intéressant de constater qu'un exemple pouvant servir de jurisprudence et ne présentant aucune perte fiscale, le canton de Zurich - qui a connu un départ de la moitié de ses anciens forfaitaires et donc le maintien de l'autre moitié, qui s'est transformée en bons contribuables - ne vous sert pas de leçon et ne sert pas à démontrer que oui, nous pouvons avoir une fiscalité juste et équitable sans pour autant mettre en péril l'économie de notre canton. (Brouhaha.)

Je terminerai en donnant un exemple tout à fait intéressant et pratique sur les forfaits fiscaux: cet exemple est celui d'un monsieur dont je tairai le nom, propriétaire d'un grand groupe de chaînes télévisées, au bénéfice d'un forfait fiscal il y a un an encore - en l'absence, il est vrai, de toute activité lucrative tout en possédant et en étant à la tête d'un des plus grands groupes télévisés... - qui habite toujours Genève, et qui a été particulièrement heureux d'obtenir la nationalité suisse et de ne plus être au bénéfice d'un forfait fiscal pour devenir un contribuable modèle.

M. Cyril Aellen (PLR). Egalité, égalité, égalité ! On n'a que ce mot à la bouche ! Eh bien j'aimerais vous dire que je suis contre l'égalité en matière fiscale ! L'égalité en matière fiscale, c'est répartir 9 milliards de revenus entre les 466 000 personnes du canton, à savoir 19 500 F par personne. Cela, j'y suis opposé: pas d'égalité en matière fiscale !

Admettons que nous vivions dans un monde idéal: le mariage pour tous, deux enfants chacun, un salaire moyen; admettons que dans un monde idéal, le salaire moyen soit celui qui est le plus élevé, à savoir celui de la fonction publique. (Exclamations.) Admettons que quand on a deux enfants, chacun des parents ne travaille qu'à 75% pour s'occuper à temps partiel de ses bambins...

Une voix. Ce serait bien !

M. Cyril Aellen. Propriétaires ! Tous !

Une voix. Ah !

M. Cyril Aellen. Mais pas trop ! De la fortune, mais pas trop ! Pas d'impôt sur la fortune: si on paie l'impôt sur la fortune, c'est beaucoup trop. Des cotisations sociales, quand même ! Pas de dettes, pas de frais, donc, ni de déductions sur les dettes ! On habite à Carouge, une commune ni trop grande, ni trop petite. On ne paie plus d'impôt sur la fortune, on paie donc tous 15 900 F d'impôts. Si nous payons tous 15 900 F d'impôts, qu'est-ce qui se passe ? Les rentrées fiscales s'élèvent à 1,8 milliard, Mesdames et Messieurs ! Alors prenons ce qu'il y a. On n'aura plus besoin de l'Hospice général. On n'aura plus d'aide pour le logement. Mais qui paiera les 1,8 milliard pour la formation ? Qui paiera les 1,1 milliard pour la santé ? Qui paiera les 600 millions pour la sécurité ? Qui paiera les 370 millions pour les handicapés ? (Protestations.) Qui paiera la justice, pour 160 millions, Mesdames et Messieurs ?

Je suis contre l'égalité en matière fiscale, surtout contre l'égalité en matière fiscale ! Sinon, vous devez défendre, Mesdames et Messieurs de la gauche, la «flat tax». Moi, je ne la défends pas, je suis pour la progressivité de l'impôt, parce que je suis pour le fait que l'Etat conserve les moyens de payer les prestations qui aujourd'hui profitent à la plupart d'entre nous. Oui, Mesdames et Messieurs, il faut conserver les forfaits fiscaux, parce que nous n'avons pas assez de riches dans le canton pour payer tout ce que vous voulez offrir - à bon droit, souvent - aux plus démunis d'entre nous !

Des voix. Bravo !

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez aux bancs de la gauche que je constate quand même une incohérence dans leur politique prétendument sociale, car finalement ils trahissent leur électorat: quand il s'agit de voter une baisse d'impôts qui - on le sait, ce sont des faits - a finalement fait augmenter de 2,9% les rentrées fiscales entre 2009 et 2013, eh bien là, ils sont contre ! Aujourd'hui, ils sont pour supprimer 118 millions de revenus au canton ! Ces 118 millions, Mesdames et Messieurs, c'est le montant que paient les gens qui sont au bénéfice d'un forfait fiscal. Pourquoi ces gens sont-ils venus à Genève ? Ils n'ont pas le droit de travailler. Ils viennent, ils achètent des biens, ils font travailler l'économie locale et ils paient un forfait fiscal. Mais s'il n'y avait pas ce forfait fiscal, ces gens iraient ailleurs, feraient travailler une autre économie locale et paieraient ailleurs des impôts sur la base d'un forfait fiscal ! Ce sont donc bel et bien, Mesdames et Messieurs, 118 millions de moins qu'il faudra économiser dans le budget de l'Etat. Le MCG va vous faire une promesse aujourd'hui: si vous arrivez à tuer cette partie de l'économie genevoise, cette partie des revenus de l'assiette fiscale genevoise, eh bien, dès le budget du mois de septembre, nous opérerons des coupes à hauteur de 118 millions dans les subventions que vous chérissez tant pour la population, juste pour vous mettre face à vos contradictions et expliquer à la population que ces gens ne prennent pas le travail des Genevois, que ces gens contribuent à la cohésion sociale, parce que c'est grâce à leur argent que vous pouvez dépenser et mener des actions sociales. Le jour où vous n'aurez plus d'argent à dépenser, je vous l'ai déjà dit dans cet hémicycle, à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre ! C'est ce que vous êtes en train de faire ! (Commentaires.) Vous pouvez rigoler, Monsieur Vanek ! (Remarque.) Mais combien d'entre vous paient la moyenne des impôts citée par M. Aellen ? (Commentaires.) Oui, un ! Bravo ! Merci ! Parmi les députés d'Ensemble à Gauche, des socialistes et des Verts, une seule personne paie la moyenne ! Eh bien, figurez-vous, Mesdames et Messieurs, que si vous pouvez toucher des jetons de présence, aujourd'hui au Grand Conseil, c'est parce qu'il y a des gens qui paient des impôts dans ce canton, chose que vous ne faites pas, en tout cas pas à ces niveaux-là. (Remarque. Protestations.) Amenez-la, Monsieur Vanek, amenez votre déclaration d'impôts !

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Je vous amènerai la mienne...

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...mais amenez les quittances de paiement aussi, ça m'intéresse ! (Protestations. Huées.)

Le président. Monsieur Stauffer ! Tout va bien ! (Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, j'aimerais ici vous rappeler que votre modèle de société a été mis à l'épreuve par l'histoire depuis bien longtemps. C'était, à l'époque, le système communiste... (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît ! (Brouhaha.) Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. C'était, à l'époque, ce modèle d'égalité pour tous. Etes-vous allés un jour en Union soviétique, avant la chute du Mur de Berlin ? Eh bien, vous trouviez une marque de savon, parce qu'il fallait être égal pour tout le monde, une marque de shampoing, une marque de fromage, les tickets de rationnement, la même voiture pour tout le monde... (Protestations. Commentaires.) Eh oui, Mesdames et Messieurs, voilà le modèle que vous plébiscitez aujourd'hui ! (Le président agite la cloche.) Eh bien nous, nous sommes pour la diversité ! (Protestations. Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Eric Stauffer. Evidemment, quand ils n'ont plus d'arguments... A part faire du bruit et jouer les ventilateurs dans ce parlement, vous ne savez pas quoi faire ! Vous transmettrez, Monsieur le président.

Le président. Monsieur Stauffer, du calme ! Du calme, tout va bien.

M. Eric Stauffer. Aujourd'hui, je prétends que vous avez trahi votre électorat, que l'argent, effectivement, il faut le prendre là où il est et notamment dans les forfaits fiscaux... (Vifs commentaires.) ...et c'est avec ça que vous pouvez faire du social efficace. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés... (Protestations.)

Le président. Madame Wenger, ça suffit !

M. Pierre Vanek. On retient cette proposition intelligente ! (Commentaires.)

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, vous transmettrez, il y a une qualité que je reconnais aux députés de la gauche additionnée des Verts, c'est que nous avons les meilleures écoles à Genève, et eux sont tous diplômés avec mention «plus» sur «comment détruire l'économie de ce canton» ! Merci ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Forster Carbonnier, voulez-vous la parole maintenant ? (Mme Sophie Forster Carbonnier acquiesce.) Je vous en prie, allez-y.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha. Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Sophie Forster Carbonnier. Si M. Medeiros veut bien se calmer...

Le président. Allez-y, Madame la rapporteure.

Mme Sophie Forster Carbonnier. Merci, Monsieur le président. La première chose que je souhaite faire, c'est une petite correction sémantique - vous transmettrez, Monsieur le président, à la fois à M. Zacharias et à M. Stauffer. On ne dit pas: «la gauche et les Verts», on dit: «la gauche, dont les Verts» ! (Rires. Commentaires.)

Le président. Je transmettrai, Madame, je transmettrai.

Une voix. On soutient, on soutient !

Le président. Poursuivez.

Mme Sophie Forster Carbonnier. Ensuite, nous avons entendu beaucoup d'accusations dans ce parlement, à savoir que la gauche voulait priver Genève d'importantes rentrées fiscales. De quoi parlons-nous ? Nous parlons de 85 millions environ de rentrées fiscales au niveau cantonal, ce qui représente 1,4% des revenus cantonaux. Si nous abolissions les forfaits fiscaux à Genève, force est de constater que toutes ces personnes ne quitteraient pas Genève, la perte ne serait donc pas de 85 millions, mais bien inférieure. De plus, si Genève acceptait d'abolir les forfaits fiscaux au niveau cantonal, il y a fort à parier qu'ensuite l'initiative fédérale serait également acceptée, et évidemment, plus personne ne quitterait Genève, en tout cas pas pour aller dans le canton de Vaud; les pertes fiscales seraient donc réduites d'autant.

Ensuite, si vous avez tant à coeur la fiscalité et les rentrées fiscales, je vous invite à prendre connaissance de l'annexe 4 du rapport de majorité à la page 42: vous aviez une opportunité offerte sur un plateau d'augmenter les recettes fiscales de ce canton de 106 millions de francs par année. Or, vous avez choisi une option qui ne fait augmenter ces recettes que de 39 millions par année, vous avez donc fait perdre à ce canton 67 millions de francs par an. Les chiffres sont là ! Si vraiment vous vouliez résoudre les problèmes de dette et vous atteler aux rentrées fiscales, vous aviez là l'occasion de le faire et vous ne l'avez pas utilisée.

Par ailleurs, je trouve assez piquant d'entendre dans cette salle le MCG et l'UDC nous expliquer combien ils aiment les personnes au bénéfice d'un forfait fiscal. Mais depuis le 9 février, ils sont soumis aux contingents ! Je me réjouis de voir comment vous allez régler ces histoires. (Brouhaha.)

Une voix. N'importe quoi !

Mme Sophie Forster Carbonnier. J'aimerais aussi revenir sur la question de l'emploi. On nous cite des chiffres... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Sophie Forster Carbonnier. On se calme ! (Remarque.) On parle du nombre d'emplois. En commission, on nous a parlé d'emplois induits avec des chiffres absolument faramineux, mais lorsque j'ai demandé quelle était la méthodologie et comment ces chiffres étaient établis, je n'ai pas eu de réponse. En effet, je trouve pour le moins étonnant que des gens au bénéfice de forfaits, qui viennent donc ici sans être installés à l'année - on le voit bien: Johnny Hallyday vient... quoi, trois jours par an ? (Commentaires.) - génèrent autant d'emplois indirects - et même plus, si l'on considère votre calcul - que les multinationales ! Là, franchement, je pense que les chiffres avancés ne sont pas corrects, vous ne pouvez pas parler ainsi.

Enfin, on a beaucoup entendu que Genève pratiquait la fiscalité la plus lourde pour les personnes physiques. Mais pour qui ? Nous n'avons pas la fiscalité la plus lourde pour toutes les personnes physiques, parce que nous connaissons une progressivité de l'impôt... (Remarque.) ...extrêmement forte et il est vrai - écoutez-moi, Monsieur Zacharias - que les personnes très riches paient beaucoup, mais la classe moyenne paie moins que dans d'autres cantons, et je me réjouis de cela. (Protestations.) Oui, c'est vrai...

Le président. S'il vous plaît !

Mme Sophie Forster Carbonnier. ...la classe moyenne à Genève paie moins que dans le canton de Vaud, vous pouvez regarder les comparaisons.

Une voix. C'est faux !

Une autre voix. N'importe quoi !

Mme Sophie Forster Carbonnier. La forte progressivité de la fiscalité cantonale genevoise est quelque chose dont je me réjouis et que j'aimerais que nous poursuivions. Pour terminer, les Verts vous appellent à refuser ce contreprojet qui, comme je vous le rappelle, aurait pu être beaucoup plus audacieux et rapporter davantage de recettes. (Applaudissements.)

Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, j'entends depuis le début de cette discussion que les personnes qui bénéficient de forfaits fiscaux sont celles qui font Genève, que c'est grâce à leur capacité de consommation que Genève existe, que si nous nous opposons à ces forfaits fiscaux, les Genevois vont se retrouver dans la misère, seront complètement démunis et ne pourront plus payer les charges qui sont les leurs. Je trouve cette position insultante ! (Brouhaha.) Elle est insultante pour les Genevois. Pourquoi ? Genève ne serait-elle pas capable de créer des richesses ? N'existe-t-il pas des esprits qui sont capables de créer des entreprises ? Est-ce qu'il n'y a pas de gens qui travaillent ? Est-ce que cela n'est pas possible ? Or, c'est un choix que vous avez fait.

Il est vrai que nous avons un problème à Genève: nous dépendons entièrement du tertiaire et nous avons pendant des années laissé tomber une partie de l'économie extrêmement importante pour un pays ou un canton, le secteur secondaire. Or, aujourd'hui, avec vos problèmes, avec cette population riche que vous avez essayé d'attirer ici... Imaginer qu'elle s'en aille, c'est effectivement vous retrouver dans cette contradiction que vous avez créée, c'est-à-dire obtenir le résultat qu'une ville et un canton comme Genève puissent dépendre de personnes qui sont en train de... Comment dire ? ...de voler...

Une voix. Mais ça va ou bien ? (Commentaires.)

Mme Salika Wenger. Parce qu'il se peut que pour les uns et les autres, la fortune soit une fortune de droit divin. Or, personne à gauche n'imagine une seule seconde qu'elle est tombée comme ça, cette fortune. Vous savez tous ici qu'une grande partie de ces fortunes sont une richesse qui a été spoliée ! (Exclamations. Huées.) Oui, que ces richesses ont été spoliées ! (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.)

Mme Salika Wenger. Elles se sont faites au détriment de ceux... (Commentaires. L'oratrice s'arrête.)

Le président. S'il vous plaît ! (Brouhaha.) Poursuivez, Madame.

Mme Salika Wenger. Elles se sont faites au détriment des véritables créateurs de richesse que sont les travailleurs ! (Commentaires.) Alors aujourd'hui, non seulement nous pensons que les forfaits fiscaux sont particulièrement injustes - et il n'y a aucune morale là-dedans, ce n'est pas de la morale, c'est de la politique - mais nous avons choisi de construire, en tout cas d'espérer, un monde qui serait un peu plus juste. Cela n'a rien à voir avec la morale, cela a simplement à voir avec le fait qu'il y a un moment où nous disons stop ! (Commentaires.) Il n'y a pas de loi divine écrite qui dise - pour une raison que j'ignore, d'ailleurs - que les très riches ne doivent pas payer... (Vifs commentaires.) ...parce que les très pauvres ne paient pas non plus. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Salika Wenger. C'est ce que j'ai entendu tout à l'heure. (Commentaires.) Je suis absolument navrée de cet argumentaire. Je suis très respectueuse de la population genevoise, je crois que cette population est capable, créative, intelligente, travailleuse... (Brouhaha.) ...et que nous expliquer que sans ces gens qui ne font rien du tout et sans le peu d'argent qu'ils paient nous serions en difficulté, c'est dire que les Genevois sont des inutiles, et ça, je ne peux pas l'accepter ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Michel Ducommun (EAG). J'ai entendu des choses assez étonnantes ce soir, premièrement, je dirais, au niveau... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Michel Ducommun. ...de la connaissance des dossiers. Nous discutons de quelque chose d'important et j'ai entendu, concernant l'apport des forfaits fiscaux, des chiffres allant de 118 à 200 millions. J'ai entendu trois ou quatre chiffres différents ! Merci de bien connaître la réalité dont vous parlez ! Je trouve assez grave ce manque de connaissance de la réalité de la part de ceux qui sont aux commandes des lois de notre canton.

J'ai entendu parler de détestation des riches. Je vais faire un petit détour par la fiscalité en parlant entre autres - et cela ne concerne pas que Genève - du taux marginal. Qu'est-ce que le taux marginal ? Il s'agit du pourcentage d'imposition des personnes se situant dans la tranche très supérieure des revenus, qui concerne donc effectivement les très riches. Ce taux marginal se fixait, à la fin des années 50 et 60, entre 80%, 90%, et même 100% à un moment donné aux Etats-Unis: 80% à 90%, voilà ce qui était payé par les très riches. Depuis environ trente ans, ce taux est passé de 80%-90% à 45%. On a donc divisé par deux l'impôt que payaient les très riches. Le fait de dire qu'au niveau des difficultés fiscales, ces cadeaux... Je m'excuse: quand on divise par deux un impôt que doit payer quelqu'un de très riche, on lui fait un cadeau, parce que si l'on me dit de payer la moitié de mes impôts, j'avoue que je ne prendrais pas cela comme une attaque ! C'est le premier élément. (Brouhaha.)

Deuxième élément qui me semble très grave, c'est qu'on dit qu'il y aura, selon celui qui parle, 118 millions, 150 millions, et selon la «Tribune», 157 millions de pertes. Donc, si l'on supprime les forfaits fiscaux, tous ceux qui en bénéficient voudraient partir ! Voilà l'hypothèse. Dans la réalité, on reconnaît qu'à Zurich, ce sont la moitié des bénéficiaires qui sont partis. (Commentaires.) C'est exactement la même situation, surtout si l'on considère la situation genevoise au niveau des impôts: le problème est que les très riches ne sont pas seulement ceux qui bénéficient de forfaits fiscaux. Il faut savoir que c'est à Genève que se trouve la majorité des milliardaires en Suisse et que c'est à Genève qu'il y a le plus grand nombre de millionnaires et de multimillionnaires. Vous êtes incohérents... (Brouhaha.) Laissez-moi parler ! Vous êtes incohérents en disant... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qu'il y a des impôts qui sont tellement élevés pour les riches que cela est insupportable pour eux. Pourtant, c'est à Genève qu'il y a la plus forte densité de riches en Suisse ! (Brouhaha.) Cela voudrait dire que votre discours en tout cas est contradictoire.

Concernant les forfaits fiscaux et le problème de la morale et de l'égalité: le problème est qu'à situation égale, les gens devraient payer le même impôt. J'ai entendu quelqu'un dans cette salle dire que nous devrions être reconnaissants à ceux qui bénéficient de ces forfaits fiscaux de payer quelque chose qui fait du bien aux finances de Genève. Mais ils sont d'accord de payer quoi ? Simplement de payer moins que ceux qui n'ont pas les forfaits fiscaux et qui ont les mêmes revenus qu'eux. Au niveau de l'égalité, payer moins à situation égale n'est pas forcément une chose pour laquelle le merci est de rigueur.

Je terminerai en disant que c'est un mensonge d'affirmer que tout ce qui provient des forfaits fiscaux disparaîtrait si les forfaits étaient supprimés. C'est un mensonge pour deux raisons: premièrement, dire qu'ils vont tous partir - c'est ce qui a été avancé ici par des gens de droite - est un mensonge qu'on ne peut pas croire, car on a vu partout que tous ne partaient pas et, deuxièmement, il y a quelque chose que l'on ignore dans ce genre de raisonnement. Admettons que la moitié parte. Elle vit dans des villas qui valent plusieurs millions, je crois que tout le monde le reconnaît. Est-ce que vous croyez que ces villas vont rester vides ? Elles ne vont pas rester vides, d'autres riches vont venir, parce qu'ils ont envie d'habiter là-dedans, et ils paieront les impôts normaux et non diminués par les forfaits. En d'autres termes, je pense qu'il est beaucoup plus raisonnable, défendable et logique d'évaluer que la suppression des forfaits fiscaux ne va pas diminuer les recettes, mais pourrait au contraire les augmenter. (Applaudissements.)

M. Mathias Buschbeck (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce soir nous ne nous convaincrons pas. Quoi qu'on en dise, il s'agit d'une question de morale, et nous n'avons pas la même. (Exclamations. Le président agite la cloche.) Nous avons une autre vision de l'égalité de traitement. J'ai entendu notamment M. Halpérin donner une autre définition de la morale qui tiendrait plus de la possibilité de choisir son impôt. Ce soir, effectivement, nous ne nous convaincrons pas, mais je voulais quand même relever quatre points.

Le premier consiste à rendre hommage à celui qui, avant que cette initiative ne soit lancée, avait défendu l'abolition des forfaits fiscaux. Paix à son âme, c'est Soli Pardo, qui, dans le cadre des travaux de la Constituante, avait demandé cette abolition: cela nous montre le chemin parcouru par la droite nationaliste qui aujourd'hui défend le fait que les résidents étrangers paient moins d'impôts que les résidents suisses. Je trouve cela particulièrement surprenant. Comme je l'ai dit, nous, nous défendons l'égalité de traitement devant l'impôt.

Deuxième point: je voulais revenir sur l'exemple zurichois, parce qu'on a beaucoup évoqué les chiffres de ce canton, mais pas les causes de ces chiffres, même si M. Ducommun en a un peu parlé. Pourquoi Zurich n'a pas connu une baisse de rentrées fiscales avec l'abolition des forfaits fiscaux ? Cela a été dit: tout simplement parce que, d'abord, une partie des gens ne part pas après l'abolition des forfaits fiscaux, car ce n'est pas le seul critère pour rester quelque part que de savoir le montant de l'impôt que l'on paie. La deuxième raison est la suivante: étant donné la situation genevoise du logement, les villas cossues laissées par ceux qui partent restent rarement vides. Effectivement, ces villas sont réinvesties par des gens qui ont dû s'exiler en dehors des frontières de notre canton et qui reviennent, payant donc pleinement l'impôt. Dans ce sens-là, je ne suis pas sûr que cela représente une perte de revenu fiscal.

Le troisième point est plus général, il concerne la concurrence fiscale: on vous entend dire qu'on est en concurrence avec le Portugal, que l'Espagne fait la même chose, et l'Irlande, etc. Eh bien, la droite dans ces pays dit exactement la même chose: «On est en concurrence avec la Suisse, avec d'autres pays et l'on doit baisser les impôts !» C'est le discours dominant depuis les années 80, depuis Reagan et Thatcher, qui dit qu'il faut baisser les impôts pour être concurrentiel avec les autres. Partout, on a baissé les impôts et l'on s'est retrouvé dans des situations d'endettement des Etats sans commune mesure avec ce qui se passait dans les années 60 et 70, justement parce que la droite, dans tous les pays, demandait des baisses fiscales pour être concurrentiel avec les autres pays.

J'ai la chance en tant que Vert de pouvoir tenir le même discours que je sois en Suisse, au Portugal, en Espagne ou en Irlande, un discours de défense de l'Etat, du service public, sans dire qu'on doit être en concurrence avec le voisin, parce que cette concurrence nous mène aux déficits que tous les pays européens connaissent aujourd'hui.

Le dernier point est lié aux autres. Effectivement, ce débat ne concerne qu'un des points qui va changer notre fiscalité ces prochains temps. Genève est droguée, Genève est «addict» à l'argent trop facilement gagné. (Vifs commentaires.)

Une voix. Oh là là !

M. Mathias Buschbeck. Je pense que voter la suppression des forfaits fiscaux aujourd'hui... (Commentaires. Brouhaha.) C'est pour cela qu'il faudra... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mathias Buschbeck. Il faut devenir un peu moins drogué à l'argent trop facilement gagné fiscalement et en effet, demain, il faudra peut-être vivre avec moins. C'est peut-être pour cela aussi qu'il faut abolir les forfaits fiscaux. Je vous remercie pour votre attention. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Pour débuter, j'aimerais juste en guise de plaisanterie savoir qui est le riche parmi les députés de gauche, pour que cela figure au Mémorial, c'est très important que l'on sache qui est le seul riche de gauche !

Je crois qu'il faut rester à ras les pâquerettes dans ce débat: on est en train d'utiliser des termes qui dépassent tout le monde, on est en train de s'engueuler alors que le problème fondamental, c'est la fiscalité. Le point fondamental est d'affirmer, comme l'a très bien dit M. Aellen, qu'il n'y a pas de justice dans la fiscalité; il n'y a jamais eu de justice dans la fiscalité. Ce n'est pas là que vous allez trouver la justice. Et à Genève, pour être honnête, la classe moyenne paie beaucoup trop, mais si les gens riches disparaissent et que l'argent qu'on peut gagner avec les personnes à haut revenu ne revient pas à Genève, la classe moyenne paiera encore plus cher, c'est clair ! Il faudra augmenter les impôts, et est-ce que la classe moyenne veut qu'on augmente ses impôts ? Non. Je réponds pour moi: je ne veux pas qu'on augmente mes impôts ! J'en paie déjà bien assez. Il est vrai qu'on est dans un système dans lequel la minorité qui participe à l'effort fiscal le fait beaucoup, on peut le dire; c'est beaucoup lui demander et elle ne veut pas en faire plus.

Ce n'est pas un débat de méchants riches contre de méchants pauvres ou de bons riches contre de bons pauvres. Il s'agit simplement de savoir où l'on va avec notre fiscalité ! On a un budget de 9 milliards. D'accord ! Diminuons le budget ! Diminuons ce qu'on donne avec ce budget, diminuons les charges, diminuons les subventions et on baissera les impôts. Il faut savoir ce qu'on veut ! Tout le monde vit bien à Genève ! On a la chance, par rapport à d'autres pays, de pouvoir bien vivre. Il est vrai qu'il y a des problèmes, mais nom de bleu, par rapport à d'autres pays ou d'autres régions au monde, c'est obscène de venir dire qu'on vit mal à Genève ! Socialement, on a fait un effort énorme ! Les gens ne sont pas laissés dans la rue. L'Etat est là pour ça, c'est un Etat qui est peut-être parfois un peu trop grand, mais l'Etat est présent ! A gauche, on vous écoute quand vous avez besoin qu'on vous aide pour des oeuvres sociales. On le fait ! Alors ne venez pas dire que c'est la faute des riches ! Les riches n'ont rien à voir là-dedans. Les riches existeront toujours et tout le monde rêve un jour d'être riche, c'est pour cela qu'on achète un billet de loterie toutes les semaines: pour être riche ! Qui ne veut pas être riche dans cette salle ? Qui refuserait d'être riche dans cette salle ? Personne ! Voilà, c'est tout bête. Est-ce une honte d'être riche ? Non, ce n'est pas une honte. Si les gens sont riches parce qu'ils ont volé, la justice doit s'en occuper, un point c'est tout. Mais le reste des riches est là, ils paient leurs impôts, ils paient leurs forfaits fiscaux et cela nous permet, à Genève, de vivre correctement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le débat sur cette initiative a un côté assez surréaliste, parce que le discours de la droite est quand même inquiétant: c'est «sauvez les riches !» Ce n'est pas «sauvez les bébés phoques !», c'est «sauvez les riches !», comme si une initiative pareille menaçait d'une manière ou d'une autre l'existence des personnes fortunées. Bien entendu, ce n'est pas le cas ! Une initiative comme celle-ci a pour seul effet de demander une contribution un peu plus raisonnable à une certaine catégorie de personnes aisées qui, au demeurant, bénéficieront aussi des avantages fiscaux que vous leur avez accordés avec la baisse d'impôts de 2009 !

Je vous rappelle que la baisse d'impôts de 2009, qui coûte 400 millions de francs par année au canton et qui est responsable de l'augmentation massive de la dette ces trois dernières années, cette baisse d'impôts de 400 millions de francs par année est répartie à 50% sur les moins de 200 000 F et à 50% sur les plus de 200 000 F de revenus. Il y a en plus un bouclier fiscal que vous avez souhaité, qui coûte au canton 40 millions de francs par année.

En réalité, les personnes aisées et les personnes fortunées ont déjà aujourd'hui une fiscalité plus attractive que vous avez souhaitée en 2009. Du coup, j'ai beaucoup ri quand j'ai entendu M. Genecand tout à l'heure nous parler de la baisse d'impôts qui serait inconséquente parce qu'il fallait d'abord faire des économies et ensuite peut-être baisser les impôts.

En 2009, le PLR n'a pas arrêté de dire qu'on pouvait baisser les impôts, qu'il n'y avait pas de problème, que les finances cantonales étaient bonnes, qu'on s'en fichait de la dette et que même si cela coûtait 400 millions de francs par année - parce que les chiffres avaient déjà été donnés à l'époque - on s'en fichait, parce que la conjoncture allait permettre de récupérer l'argent. C'était le discours de la droite à l'époque. Ce n'est pas une autruche, c'est un dinosaure qui met la tête sous terre ! C'est ça le problème, c'est qu'il n'y a pas de conséquences, pour la droite ! Vous voulez aussi financer de nouveaux projets: vous parlez d'une traversée du lac, vous parlez de nouvelles prisons, vous parlez de fonctionnaires supplémentaires pour faire marcher toutes ces infrastructures, et en même temps vous dites qu'il ne faut surtout pas augmenter les impôts de quiconque aurait un peu d'argent, parce que la seule proposition du PLR qu'on a entendue l'automne de l'année passée était celle d'augmenter la taxe personnelle de tous les contribuables genevois, les plus pauvres compris, pour qu'ils paient 365 F de taxe individuelle au lieu des 25 F actuels.

C'est cela la réalité: c'est que le PLR veut prendre l'argent aux pauvres, à ceux qui n'arrivent déjà pas à tourner, qui n'arrivent pas à payer leur assurance-maladie ou leur loyer. Le PLR veut prendre l'argent à ceux-là, mais surtout ne pas demander le moindre effort aux bénéficiaires de forfaits fiscaux ! Je crois qu'il faut être conséquent aujourd'hui: si l'on se soucie de la dette, évidemment qu'il faut des nouvelles recettes fiscales ! Et demander un effort supplémentaire à ceux qui ont un peu d'argent, je pense que cela est raisonnable dans le temps, cela est raisonnable en attendant que la dette diminue de façon conséquente. Vous avez même déposé un projet de loi prévoyant un frein à l'endettement. On doit revenir à 8 milliards de dette. Mais on ne baisse pas les impôts si l'on veut réduire la dette ! On augmente provisoirement les impôts et quand la dette est réduite, alors on peut discuter. Il faut faire les choses dans l'ordre, et de nouveau, c'est pour cette raison qu'aujourd'hui la suppression des forfaits fiscaux prend son sens.

Le canton de Genève a besoin de recettes fiscales supplémentaires, même le Conseil d'Etat semble être capable de le reconnaître; et si l'on veut à la fois harmoniser la fiscalité des entreprises - votre nouveau dada - et harmoniser, peut-être supprimer pour certains, l'impôt sur la fortune, on ne peut pas en même temps maintenir des privilèges supplémentaires pour une catégorie particulière de personnes aisées, en l'occurrence les bénéficiaires de forfaits fiscaux. Mesdames et Messieurs les députés, c'est une question de mathématique et de bon sens que de dire: ces personnes fortunées paieront certes un peu plus d'impôt qu'aujourd'hui, mais ne seront certainement pas massacrées par la fiscalité genevoise, et que cet effort est raisonnable, compte tenu du cadre de vie dans lequel elles vivent et des avantages qu'offrent Genève et la Suisse dans beaucoup d'autres domaines, notamment en termes de vie privée et de confidentialité. On peut rester à Genève de façon très discrète pour mener toutes sortes d'affaires sans se faire embêter. Je pense que ce sont aussi des atouts de la région qu'on ne doit pas oublier, sans compter le lien de Genève avec toutes les organisations internationales.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est très clair: aujourd'hui, si l'on se préoccupe de la dette, on augmente provisoirement les recettes fiscales, on réduit cette dette et quand la dette est réduite on discute. Mais avec tous les investissements que vous voulez aujourd'hui consentir, je suis désolé, votre position n'est pas conséquente, d'autant plus que, comme cela a été dit, on ne connaît pas l'impact réel d'un tel changement. Prétendre donner un chiffre aujourd'hui est à mon avis mensonger. Cela a été dit pour Zurich, M. Ducommun l'a très bien expliqué, on ne peut pas donner un chiffre exact, et ce pari sur l'avenir est aussi un pari anticipant des décisions qui vont forcément venir. Est-ce que vous croyez que l'Union européenne et ses pays qui connaissent des situations économiques et fiscales difficiles, un endettement important, vont laisser perdurer un système qui fait qu'il existe une fiscalité différente pour les entreprises suisses et les entreprises étrangères en Suisse, et qu'il y a pour certains étrangers une fiscalité des personnes différente des Suisses ? Mesdames et Messieurs les députés, le simple bon sens et la question de l'anticipation font qu'on doit aujourd'hui se préoccuper d'harmoniser aussi la fiscalité entre les étrangers riches et les Suisses riches. (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Roger Deneys. Pour cette simple raison, Mesdames et Messieurs les députés, il faut accepter l'initiative et il faut prendre un peu d'avance pour anticiper les problèmes. Mesdames et Messieurs, il faut donc accepter cette initiative ! (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR), député suppléant. Je trouve ce débat extrêmement intéressant et important, comme nous le disait notre collègue Ducommun. Avant d'étayer un peu mes propos, je voulais revenir sur quelques interventions de certains collègues des bancs de gauche. Certains parlent beaucoup d'égalité, d'autres d'inégalité de traitement. Notre collègue Deneys a même brandi la Charte des droits de l'homme pour nous expliquer que tous naissent égaux... (Commentaires.) ...la Déclaration des droits de l'homme - merci de me corriger depuis le fond de la salle - pour nous expliquer que les gens devaient être égaux. Avant de lire la Déclaration des droits de l'homme, il aurait peut-être pu lire la loi suisse, par exemple l'article 14 LIFD ou l'article 6 LHID qui définissent clairement qu'il y a deux systèmes d'imposition différents: l'imposition ordinaire et l'imposition au forfait, parce qu'il s'agit de traiter différemment des situations différentes. Il ne s'agit pas ici d'une inégalité ou d'une iniquité, mais bien de traiter différemment deux systèmes différents. C'est écrit dans la loi suisse, il n'y avait pas besoin d'aller jusqu'à la Déclaration des droits de l'homme.

D'autres ont dit encore: «Ils ne vont pas partir.» Effectivement, on ne sait pas s'ils vont partir ou pas. (Commentaires.) Pour étayer vos propos, vous avez pris l'exemple de Zurich. Mais vous oubliez de citer certains éléments concernant le cas de Zurich ! C'est que la moitié des bénéficiaires de forfaits fiscaux est partie et que sur l'autre moitié, une moitié est effectivement restée, mais il s'agit de contribuables qui ont eu le bonheur de découvrir qu'ils payaient trop d'impôts avant. Ceux-là ne sont donc pas partis, c'est logique, et on ne peut pas leur en vouloir ! En réalité, ils seraient certainement partis s'ils avaient découvert le contraire et c'est donc bien trois quarts des contribuables qui seraient potentiellement partis.

Un autre élément que vous oubliez: si l'on abolit les forfaits fiscaux, un contribuable genevois qui a une fortune nette d'un million paierait le double d'impôts à Genève qu'un forfaitaire fiscal zurichois qui ne serait donc plus dans le régime du forfait fiscal, pour le même montant de fortune nette. Le risque qu'il parte est donc le double à Genève. On ne sait donc pas s'ils vont partir, mais la réalité zurichoise nous démontre bien que le risque est énorme et encore plus grand à Genève.

J'aimerais aussi revenir sur les propos du rapporteur de minorité, M. de Sainte Marie, qui nous dit qu'on vit à Genève une crise des recettes et pas une crise des dépenses. Quelques chiffres - comme le dirait un autre collègue - pour lui démontrer que ce n'est pas tout à fait la réalité: à Genève, pour rappel, nous dépensons chaque année 22 000 F de frais de fonctionnement public par habitant, contre 14 000 F à Zurich - puisqu'on aime bien prendre l'exemple de Zurich. (Commentaires.) C'est 57% de plus ! (Protestations.) Et l'on nous explique qu'à Genève on aurait évidemment une crise des recettes ! (Commentaires.) Notre collègue Deneys, qui aime bien citer la baisse d'impôts de 2009, M. Roger Deneys, l'inénarrable... (Protestations.)

Le président. Monsieur Deneys !

M. Yvan Zweifel. ...l'inénarrable Roger Deneys qui aime nous expliquer que la baisse d'impôts de 2009 nous coûte 400 millions par année, oublie évidemment de dire qu'il y a toujours un décalage entre le moment où l'on baisse les impôts et les conséquences engendrées. Prenons un exemple sur lequel on a plus de recul: la baisse d'impôts de 1999. (Commentaires.)

Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !

M. Yvan Zweifel. Baisse d'impôts de 12%: après dix ans, augmentation des recettes fiscales - donc de l'argent qui entre via les impôts dans les caisses de l'Etat - de 36%. Moins 12% d'impôts, plus 36% dans les caisses, c'est autant d'argent en plus pour le social que vous désirez réaliser. La démonstration est donc faite que, pour 2009, il se passera certainement la même chose. Enfin, et toujours sur ce sujet, pour répondre à M. Romain de Sainte Marie: quand bien même - et je ne le crois pas - nous serions dans une crise des recettes, pourquoi alors, expliquez-moi, vouloir supprimer une recette de plus ? Je ne comprends tout simplement pas votre propos.

Monsieur le président, permettez-moi de continuer avec une petite métaphore agricole - je vais dans le même sillon que notre collègue Amaudruz. La fiscalité, c'est un peu comme l'agriculture: c'est une grande terre que l'on doit cultiver. Evidemment, mieux on la cultive, mieux on plante les graines, plus il y a de gens qui arrosent, plus il y a de gens qui récoltent et plus il y a de subsistance pour les gens qui en vivent. Pour la fiscalité, c'est la même chose: les forfaits fiscaux sont une partie de cette terre que l'on cultive et que l'on va récolter. Ce que vous voulez faire avec cette initiative, c'est enlever une partie des subsistances. Il y aura simplement moins de terre à cultiver et donc moins de subsistance à récolter. Pour la fiscalité, c'est mathématiquement la même chose.

Une voix. Il nous prend pour des boeufs ! (Rires.)

M. Yvan Zweifel. Je dirais des pommes ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, la fiscalité est certes un outil de redistribution des richesses, mais c'est aussi un outil de promotion économique et, avec ce genre d'initiative, vous nous proposez un outil de désolation sociale.

Je terminerai en disant simplement, comme d'autres, que la différence principale entre la droite et la gauche - et M. Zacharias l'a très bien dit avant moi - est que la gauche veut combattre la richesse; nous, nous voulons combattre la pauvreté. (Exclamations.) Pour conclure, Monsieur le président, un petit proverbe chinois qui m'a été soufflé par mon excellente collègue Bénédicte Montant et qui est de circonstance...

Une voix. En chinois ?

M. Yvan Zweifel. Non, pas en chinois, car je ne le parle pas assez bien: «Quand les gros maigrissent, les maigres périssent.» (Exclamations. Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Les propos de notre collègue PLR m'ont rassuré puisqu'en entendant les rangs de la gauche, je me demandais si on était vraiment le 10 avril 2014 ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Parce que sans cesse, ils reviennent sur ce qu'a expliqué M. Zweifel - la baisse d'impôts de 1999, celle de 2009 - et je me demandais si on était bien le jour d'aujourd'hui puisqu'on revient sans cesse en arrière. Les propos de mon préopinant m'ont vraiment rassuré !

Il faut revenir sur certains points. Cette initiative est vraiment un très mauvais calcul. On a beaucoup parlé de Zurich, mais comme je le disais aussi auparavant, ce n'est pas vraiment un bon exemple, parce que le fait que seule une centaine de personnes, c'est-à-dire la moitié, ait quitté Zurich ne veut pas dire qu'il y en a forcément autant qui risqueraient de rester à Genève, où l'on paie quand même beaucoup plus d'impôts qu'à Zurich. Je défie quiconque étant imposé selon le régime ordinaire: faites le comparatif. Vous prenez votre salaire, vous vous renseignez à l'administration fiscale zurichoise pour savoir combien vous paieriez là-bas avec votre salaire genevois, je peux vous garantir que vous paierez beaucoup moins. Pour le forfaitaire qui se verrait imposer au régime ordinaire, ce serait exactement pareil. Le risque est donc encore beaucoup plus grand que ce qu'on disait avant. Il y aura, à mon sens, beaucoup moins de cas qui bénéficieront d'un régime plus favorable avec l'impôt ordinaire qu'à Zurich. De toute façon, ces personnes savent que ce régime sera beaucoup plus favorable ailleurs qu'à Genève. Sur ce point, le risque est donc réel.

J'aimerais citer M. Broulis qui est le ministre des finances en terres vaudoises. (Remarque.) L'excellent ministre, vous avez raison, Monsieur Barrillier. Il nous expliquait lors d'une rencontre à la commission fiscale qu'on peut prendre n'importe quel outil fiscal, dont celui dont il est question aujourd'hui, il n'y a pas de bons et de mauvais outils. Le forfait fiscal est un outil parmi d'autres; il plaît ou ne plaît pas, c'est selon les avis de chacun. Mais ce que disait surtout M. Broulis, c'est qu'il serait plus nuisible d'abolir un outil fiscal quel qu'il soit que de le modifier. C'est justement ce que propose le contreprojet. Il est vrai que la Confédération va aussi modifier son régime forfaitaire. C'est ce qu'on va faire ici avec ce contreprojet: on va légèrement modifier l'assiette - c'est un régime qui reste largement favorable pour les forfaits. On va l'adapter, et c'est justement ce que M. Broulis nous expliquait: mieux vaut conserver un régime quel qu'il soit et le modifier de temps à autre, en fonction de la situation actuelle, ce qui peut jouer dans les deux sens.

Concernant la position du groupe UDC, je crois que M. Wenger ne l'a pas bien comprise - vous transmettrez, Monsieur le président - et c'est bien volontiers que je lui réexplique ce que nous défendons ici. (Commentaires.) Si nous sommes pour le maintien des forfaits fiscaux, c'est justement pour défendre les classes sociales les plus faibles... (Rires.) ...puisque, je le répète, la fiscalité dans son ensemble est quelque chose de fragile, on ne le dira jamais assez. Il y a 30% de contribuables genevois qui ne paient pas d'impôts et c'est justement grâce à l'outil fiscal du forfait que ces gens ne paient pas d'impôts à Genève. C'est cela que nous défendons et c'est pourquoi nous sommes pour le maintien du forfait fiscal. Pour ces raisons, l'UDC refusera cette initiative et votera bien évidemment le contreprojet. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Renaud Gautier (PLR). Mesdames et Messieurs, je dois ce soir publiquement battre ma coulpe. (Rires. Commentaires.) J'ai été convaincu par les arguments d'une moitié de la salle, arguments que je synthétiserai par les propos tenus par l'un d'entre nous sur les réseaux sociaux: «Sauvez les riches ! Au-delà de toute raison, de tout bon sens, la nouvelle droite genevoise - modèle PPE - poursuit son combat pour les privilèges des plus nantis en défendant les forfaits fiscaux qui bénéficient aux parasites fiscaux qui ne veulent pas payer d'impôts dans leur pays d'origine.»

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier. Cette situation, Monsieur le président, est franchement dégueulasse ! On voit donc ici, dans ce parlement, celles et ceux qui sont éclairés par la lumière divine et qui savent par rapport à celles et ceux qui soutiennent ces espèces d'ordures de gens soumis au forfait fiscal. Comment peut-on défendre les forfaits fiscaux, franchement ? Ce sont, je le répète, on ne le dira jamais assez, des parasites ! Généralement, ce ne sont pas les socialistes qui utilisent ce terme-là, ce sont plutôt d'autres partis. En l'occurrence, il s'agit de défendre des parasites, par rapport à ceux qui entendent défendre un Etat lumineux. Très bien, supprimons les forfaits fiscaux ! Mais alors, je me dis, pourquoi en rester là ? Une fois que nous aurons exterminé tous ces parasites - c'est ce qu'on fait avec les parasites - on devra se poser la question, effectivement, de toutes celles et ceux qui paient un peu d'impôts. Seront-ils des parasites genevois...

Une voix. Eh bien oui !

M. Renaud Gautier. ...qui ne paient pas assez d'impôts à Genève ? Il faudra donc punir ceux-ci. A la fin du raisonnement, nous arriverons dans un état de béatitude extraordinaire, il ne restera plus à Genève que le 30% de la population qui ne paie pas d'impôts. Et là, Monsieur le président, notre ministre des finances, heureux comme jamais, se dira: «Dieu du ciel, comment vais-je faire ?»

Face à ce raisonnement, je me dis que peut-être cette idée de supprimer les forfaits fiscaux n'est pas la plus géniale. Voilà des parasites qui paient quand même un peu d'impôts - pas assez d'après certains. Mais ces impôts-là, à qui profitent-ils ? A ces gens-là ? Bien évidemment, en partie. Mais essentiellement au canton qui a la fiscalité la plus élevée, qui a les salaires les plus élevés et qui a la fonction publique la plus élevée de Suisse. Moralité: une fois que nous aurons exterminé les parasites, comment ferons-nous pour continuer à être le canton de tous les excès ? (Applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je vais tenter d'être brève, parce que beaucoup de choses ont été dites. Je ferai part d'une première réaction pour rebondir sur les propos qui viennent d'être tenus par notre collègue M. Gautier. A vous entendre, on a le sentiment que si les forfaits fiscaux venaient à disparaître, c'est tout le canton qui en pâtirait grandement. Mais je vous rappelle qu'on parle de 1,4% des rentrées fiscales du canton, à savoir 85 millions. Je me demande quels termes vous allez pouvoir utiliser, lorsque nous parlerons de fiscalité des entreprises ! Là, je vous rejoindrai sur les risques encourus, mais ici nous parlons de 85 millions de francs.

Récemment, à la commission fiscale, un projet de loi a été balayé par les mêmes personnes qui aujourd'hui s'inquiètent tellement des rentrées fiscales. Il s'agissait d'un texte visant simplement à nous mettre légèrement à niveau avec nos obligations fédérales en matière d'imposition des immeubles. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Là, vous aviez la possibilité de gagner déjà 67 millions. Vous l'avez refusé. On voit la cohérence de ce parlement !

Mais de manière plus générale, Monsieur le président, c'est d'abord pour une raison de justice et d'égalité de traitement que les Verts s'opposent aux forfaits fiscaux. Ensuite, nous dénonçons aussi une certaine dérive du système. En effet, d'une pratique qui était restreinte à quelques retraités britanniques sur la Riviera, nous voyons aujourd'hui que de nouvelles catégories de la population ont accès à ces forfaits, puisque la moitié des personnes qui en bénéficient aujourd'hui à Genève ont moins de 60 ans. Dans ces conditions, on peut en effet se demander si toutes ces personnes-là n'exercent véritablement pas d'activité professionnelle en Suisse.

J'aimerais terminer en relevant un point qui n'a pas encore été abordé dans le débat - oui, j'en ai trouvé un ! Je voudrais souligner que le fait d'être au bénéfice d'un forfait fiscal permet d'éviter de déclarer son revenu et sa fortune. Or, cela peut s'avérer problématique dans le cadre de la lutte contre la criminalité économique. Le fait de devoir déclarer l'ensemble de ses revenus et de sa fortune est un élément fort utile dans le dispositif général de la prévention de la criminalité économique. (Brouhaha.) Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts vous appelle à refuser le contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de première minorité ad interim. Ce soir, deux choses sont choquantes venant de la droite. La première est de voir à quel point le système social de notre canton est perçu par les bancs de la droite comme des oeuvres de charité et de bienfaisance sociale. (Applaudissements.) Moi qui pensais qu'il s'agissait d'un véritable système social, d'un système permettant l'égalité des chances, permettant à chacune et à chacun de pouvoir se développer librement dans la vie, de combler les inégalités à la naissance ! Je suis déçu de constater qu'une majorité de ce parlement voit comme une bonne action de sa part que de financer des services sociaux et des associations qui permettent la cohésion sociale de notre canton. (Commentaires.)

Dans le cas présent - je parlais d'inégalités - je suis également choqué ce soir de voir à quel point le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, d'égalité devant l'imposition peut être bafoué. Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Aellen que la suppression des forfaits fiscaux ne vise pas à ramener l'égalité directe entre les citoyennes et les citoyens de ce pays. Non, la suppression des forfaits fiscaux cherche à rétablir l'égalité devant la loi, devant les capacités contributives, qui n'existe pas actuellement. Aujourd'hui, l'inégalité est synonyme d'arbitraire, d'injustice et même d'anarchie. (Exclamations.) L'inégalité que vous vantez tant est justement le facteur contraire à tout système de cohésion sociale: c'est l'encouragement à un système d'anarchie, à un système dans lequel les gens ne se côtoient plus, un système dans lequel les inégalités sont très grandes, comme celles qu'il y a en Suisse, malheureusement, depuis un certain nombre d'années où les inégalités grandissent, tant au niveau salarial qu'au niveau social.

La suppression des forfaits fiscaux va dans ce sens-là, dans le sens de rétablir une véritable justice fiscale, une véritable notion d'égalité où chacun contribue de façon égale, en fonction de ses moyens, aux prestations publiques. Ces prestations ne sont pas que des oeuvres de bienfaisance, non ! L'Etat est garant de l'égalité des chances ! Le contreprojet que la majorité de droite a voté en commission n'est qu'une bonne action de la part de cette majorité, n'est qu'une bonne conscience qu'on se donne en se disant qu'on va montrer un semblant d'amélioration de ce système. En réalité, ce n'est pas du tout le cas.

J'ai entendu ce soir parler de pertes fiscales. Zurich nous a montré l'inverse. (Commentaires.)

Une voix. Ce n'est pas vrai !

M. Romain de Sainte Marie. Vous le savez très bien... (Commentaires. Protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. Vous savez très bien qu'on ne peut pas parler de pertes fiscales ! Vous savez très bien que ce sont des mensonges que de dire que le canton de Genève va subir des pertes fiscales ! On ne peut rien savoir à ce propos et pour l'instant, le seul canton proche, d'un point de vue démographique, de Genève à avoir supprimé les forfaits fiscaux n'a fait état d'aucune perte fiscale. (Commentaires. Exclamations.)

J'ai tendance à penser ce soir que vous n'avez mentionné que cela et que vous cherchez en effet un maximum de coupes dans les rentrées fiscales, et j'en veux pour preuve le nombre de projets de lois qui visent à des diminutions d'impôts. (Commentaires.) Et ce n'est pas fini, Monsieur Zacharias, je le crains bien ! La volonté des socialistes avec cette initiative est justement de rétablir la justice fiscale, le principe d'égalité devant la loi et de véritables recettes justes pour ce canton. Mais, Monsieur le président, vous transmettrez... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Cerutti, s'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. ...si la majorité de ce parlement ne vote pas cette initiative, je me réjouis de voir le vote du peuple qui, je le rappelle, en 2011, a fait preuve de sens de la justice fiscale en refusant l'amnistie fiscale proposée par la majorité de ce parlement, et je me réjouis de le voir suivre la voie donnée par tant de cantons en Suisse, et notamment le canton de Zurich, visant à supprimer les forfaits fiscaux. (Applaudissements.)

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites jusqu'à présent et j'ai vu ce soir un combat étonnant de la part de la gauche qui voulait confronter le bon riche suisse, qui paie un impôt sur son revenu, et le mauvais riche étranger - le parasite, comme elle l'a nommé - qui paie un forfait fiscal. C'est quand même extraordinaire que ce soit la gauche qui monte au créneau pour les bons riches suisses ! J'ai trouvé cela étonnant.

Ils nous parlaient évidemment à ce sujet d'égalité ou d'inégalité, d'équité ou d'iniquité. Alors je vais vous lire un petit mot que l'on m'a soufflé. Il est assez amusant d'entendre la gauche parler d'équité. L'équité est en fait une correction de la justice. Elle est là pour redonner un juste équilibre. M. Deneys - vous transmettrez, Monsieur le président - disait qu'il est injuste de demander 10 F à un pauvre et de demander ces mêmes 10 F à un riche. Il a raison, M. Deneys !

M. Roger Deneys. J'ai toujours raison ! (Commentaires. Rires.)

Le président. Poursuivez.

Une voix. Quelle modestie !

M. Pascal Spuhler. Il a raison, il applique le principe d'équité: il y a une différence à établir entre les riches et les pauvres. (Commentaires.) L'équité est plus juste que la justice, dit Aristote. Il est équitable que les riches paient plus que les pauvres. Et c'est bien ce qui se fait avec les forfaits fiscaux: les riches paient plus que les pauvres, mais dans une limite que la gauche ne peut même pas imaginer !

Une voix. Jean Romain, sors de ce corps ! (Commentaires.)

Le président. Chut !

M. Pascal Spuhler. La gauche veut perdre 118 millions en raison d'un principe qui fait fi de l'équité et est capable de mettre Genève en péril. L'égalité linéaire sans l'équité, c'est la mort de notre prospérité ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, on a parlé de chiffres. Il ne faut pas oublier que ces gens, ces riches forfaitaires engendrent environ 415 millions par année de retombées dans l'économie locale. (Commentaires.) 415 millions, Mesdames et Messieurs ! Vous pouvez les chasser, vous ne retrouverez pas ces 415 millions !

On a parlé d'emplois directs et indirects grâce à ces gens. On estime que 2800 à 3000 emplois directs et indirects sont créés grâce à ces personnes. On a parlé également de système opaque: c'est accuser clairement le Conseil d'Etat, les collaborateurs et la direction fiscale d'attribuer des forfaits au bon vouloir, à la tête du client ! Mesdames et Messieurs, il n'y a aucun flou dans ce système ! La direction nous a bien expliqué comment cela fonctionnait: il y a des calculs effectués de manière précise sur les possibilités de forfaits et il n'y a rien de flou ni d'opaque. On ne parle pas de petits arrangements entre copains !

Enfin, on a évoqué l'âge différent de ces personnes. Un bon 50% a plus de 60 ans. Logiquement, 50% auraient moins de 60 ans. On a parlé de sportifs, d'artistes fameux ou autres qui ne paieraient pas d'impôts, mais qui gagnent énormément d'argent ailleurs. Mais ces gens sont tous taxés à la source en général, lorsqu'ils vont travailler à l'étranger, selon des taxations à la source bien plus importantes qu'ici même ! Et je vous rappelle qu'ils n'ont aucun revenu en Suisse ! Ils ont décidé de s'installer chez nous peut-être, mais leurs revenus sont à l'étranger, taxés à la source. Ils paient donc doublement des impôts !

Je terminerai par une boutade: avec ce genre d'initiative, Mesdames et Messieurs, que je qualifierai d'une grande bêtise pour notre économie - mais je ne voudrais pas paraphraser un conseiller national qui s'est exprimé dernièrement - avec ce genre d'initiative on pourrait fiscaliser la bêtise et ainsi, avec la gauche, je crois qu'on renflouerait les caisses de l'Etat ! (Rires.)

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au terme de ce débat enflammé au cours duquel un certain nombre de mots, de qualificatifs ont été prononcés avec lesquels on ne peut évidemment pas être d'accord, au nom du Conseil d'Etat, je voudrais vous inviter à faire preuve d'un peu de réalisme et de pragmatisme. Je pense que le réalisme et le pragmatisme sont de mise lorsqu'on regarde la situation financière de ce canton et son niveau d'endettement, et quand on considère, au lendemain de la présentation des comptes, que ceux-ci sont en trompe-l'oeil et qu'en réalité nous connaissons, depuis un certain nombre d'années, des déficits structurels qu'il conviendra d'éliminer - nous n'avons tout simplement pas le choix.

Lorsqu'on est dans une situation comme celle-là, à la veille de différentes réformes fiscales qui seront absolument incontournables, Mesdames et Messieurs, tout simplement parce que des centaines et des milliers d'emplois seront en jeu, le Conseil d'Etat se doit de vous inviter à faire preuve de réalisme et de pragmatisme. Renoncer totalement ou partiellement - je vais y revenir dans quelques instants - à des montants d'impôts aussi importants... On parle de 100 à 150 millions par année, voire certaines années, comme en 2008, de 200 millions qui sont arrivés dans notre escarcelle presque par hasard, au titre de l'impôt sur les successions, puisque comme vous le savez les personnes bénéficiaires de l'impôt selon la dépense paient des impôts sur la succession, y compris en ligne directe; il s'agissait à titre d'exemple de 200 millions en 2008, de 80 millions en 2007, et ce sont, bon an, mal an, 20 à 30 millions. Mesdames et Messieurs, dans cette situation-là, le Conseil d'Etat ne peut pas accepter une telle initiative - d'ailleurs cette initiative, vous l'avez déjà refusée, il y a bientôt une année. Ce soir, le Conseil d'Etat vous invite à adopter ce contreprojet qui par ailleurs vient renforcer notablement la pratique actuelle avec des recettes - cela figure dans le rapport - qui sont prévues en hausse, environ 50% par rapport à la production de l'impôt courant au forfait aujourd'hui. Ces 50% représentent quand même 40 à 50 millions de plus - donc lorsqu'on dit qu'on renonce à des recettes, c'est le contraire, on vient les augmenter.

J'ai écouté ce qui s'est dit autour de la table des rapporteurs avec beaucoup d'attention, ce qui s'est passé dans la salle également d'ailleurs; et j'observe que Mme la rapporteuse de deuxième minorité nous a indiqué la nuance de la position qu'elle représente par la nécessité de répartir les pertes à venir. C'est donc bien que vous pensez qu'il y aura des pertes en supprimant l'imposition au forfait. C'est la raison pour laquelle vous proposez cette solution intermédiaire.

En ce qui concerne le canton de Zurich: on a entendu beaucoup de choses à ce propos et je souris d'ailleurs de voir que selon les bancs dans lesquels la comparaison avec Zurich est faite, on utilise les chiffres zurichois à son avantage. Je crois que personne ne peut dire aujourd'hui quelle sera la réalité si cette imposition au forfait est supprimée à Genève. On peut penser qu'il y aura une fuite de ces contribuables; pas très loin, pas en Suisse centrale, mais juste de l'autre côté de la Versoix, puisque le canton de Vaud pratique l'imposition selon la dépense, et il n'y a pas d'initiative dans le canton de Vaud pour la supprimer.

Mesdames et Messieurs, je pense que la situation actuelle doit et peut être renforcée par le biais de ce contreprojet avec une augmentation de l'assiette, avec une prise en compte de la fortune qui va conduire, comme je l'ai indiqué, à une augmentation de cette fiscalité. Nous ne pourrons tout simplement pas y renoncer, Mesdames et Messieurs. Le risque que certains d'entre vous se proposent de prendre est très dangereux.

On a entendu tout à l'heure des députés évoquer notre système social, dont nous pouvons être fiers, vraiment fiers. Il ne s'agit pas de bonnes actions, comme j'ai pu l'entendre, je pense que tous autant que nous sommes, dans cette salle, nous sommes fiers du système que nous avons dans ce canton qui ne laisse personne au bord de la route; mais ce système coûte cher, ce système doit être financé. Dans la situation actuelle du canton, renoncer ou prendre le risque de renoncer à des sommes très importantes, c'est prendre un risque pour la pérennité de notre Etat social.

Mesdames et Messieurs, au nom du Conseil d'Etat, je vous invite à accepter ce projet de loi qui servira de contreprojet à l'initiative en question et je vous inviterai en temps opportun, lorsqu'elle sera soumise au peuple, à refuser cette initiative et à accepter le contreprojet. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons au terme du premier débat, nous allons voter l'entrée en matière.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Le vote nominal est demandé. Est-il soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Il est soutenu. Nous procédons au vote sur l'entrée en matière. (Commentaires.) Du projet de loi, bien sûr.

Mis aux voix, le projet de loi 11329 est adopté en premier débat par 64 oui contre 32 non et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Deuxième débat

Le président. Nous passons au deuxième débat.

Une voix. Vote nominal pour tous les sujets !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il en sera fait ainsi. Monsieur Weiss, vous avez la parole.

M. Pierre Weiss (PLR). Merci, Monsieur le président. J'aimerais faire une brève intervention quant à l'indignation sélective de M. de Sainte Marie. Il a oublié qu'il y a un maurrassien dans cette salle, dans ses rangs. Ce maurrassien, c'est M. Deneys. Il devrait savoir que Charles Maurras a écrit «Le Parasite éliminé». Voilà les références dans lesquelles puise M. Deneys. Je le félicite. Je conseille à M. de Sainte Marie de surveiller un peu les lectures de son collègue Deneys. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Je ne suis pas surpris d'être attaqué de la sorte. Il s'agit d'une pratique récurrente chez certains élus PLR. J'aimerais rappeler pourquoi ces gens sont des parasites: en réalité ils sont ressortissants d'un Etat étranger qui les a élevés, nourris, fait grandir, aidés à faire fortune certainement... (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Roger Deneys. ...et ces personnes ne rendent rien à la société qui les a élevées... (Commentaires. Brouhaha.) ...et cela, pour moi, c'est simplement vivre aux crochets d'une société qui nous a nourris et fait grandir et je trouve... (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.)

M. Roger Deneys. ...ce comportement digne de parasites, effectivement.

Le président. Merci, Monsieur le député. (Vifs commentaires.) Monsieur Aumeunier, vous avez la parole. (Commentaires persistants.) S'il vous plaît, ça suffit maintenant !

M. Christophe Aumeunier (PLR), député suppléant. S'agissant de l'article 14, Monsieur le président, et du doublement de l'assiette: ici, on nous propose l'abrogation de l'imposition à la dépense par le fait de la méconnaissance du parti socialiste et de la mauvaise foi des Verts. Selon le titre de l'initiative, l'imposition à la dépense serait donc un cadeau, un cadeau avec une assiette fiscale portée à 600 000 F qui porte l'impôt, à n'en pas douter, à quelque 200 000 F par tête. Ce montant de 200 000 F par tête, est-ce là un cadeau ? Très franchement, dans un Etat et une république comme la nôtre, la plus dépensière de Suisse, il faut se poser la question de savoir dans quel sens va le cadeau et où il va !

C'est par méconnaissance et ignorance coupable que l'on nous dit qu'il n'y a pas de contrôle des revenus. C'est faux ! Il y a une déclaration fiscale, il y a une évaluation des revenus mondiaux, il y a une évaluation de la dépense. Cette déclaration fiscale est signée, elle est sujette à un contrôle et à une réévaluation. Il s'agit d'un système fiscal normé. C'est la même méconnaissance qui anime le parti socialiste lorsqu'il propose l'abrogation des statuts des sociétés pour éventuellement mettre en péril 50 000 emplois. Il confond le tout pour proposer la suppression des allégements fiscaux, qui permettent de sauver des entreprises en difficulté et de sauver des emplois. C'est une méconnaissance crasse de tout le système fiscal genevois.

En fait, l'emploi, vous n'en avez cure. L'emploi créé par les forfaitaires, vous n'en avez cure. Les dons que les forfaitaires amènent à raison de 450 millions à ce jour, vous n'en avez cure. Les dépenses dans l'économie, de l'ordre de 410 millions, vous n'en avez cure. (Commentaires.) Il s'agit d'une irresponsabilité, qui est nourrie par un dogme. (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Christophe Aumeunier. Votre dogme, c'est celui de «l'Internationale du fisc». Les uns et les autres, vous nous avez dit que ce que vous voulez et ce à quoi vous aspirez, c'est un système fiscal unifié européen, mondial, avec des taux d'imposition qui soient les mêmes. Une vraie «Internationale du fisc» qui mette à bas toute concurrence fiscale ! La concurrence fiscale, Mesdames et Messieurs les députés, est le garant, en définitive, d'un Etat efficient, d'un Etat qui contrôle ses dépenses et qui fournit aux citoyens des prestations efficientes.

Le système d'imposition à la dépense est un système différent, un système contrôlé et normé applicable à des cas particuliers. Il est salutaire pour l'Etat de Genève qui, sur les comptes 2013, enregistre un boni de 50 millions de francs. Si vous retranchez les 150 millions de l'imposition à la dépense, nous serions en déficit et c'est cela que vous préconisez ! Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite fortement à accepter le contreprojet et à refuser l'initiative. (Applaudissements.)

M. Michel Ducommun (EAG). J'aimerais formuler quelques remarques, tout de même. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je trouve que la certitude exprimée dans cette salle sur le fait qu'on va perdre 118 millions, que le 100% de ceux qui paient un forfait fiscal va partir, que leurs maisons resteront vides et qu'il n'y aura plus un franc qui entrera, relève du mensonge ! On ne peut pas appeler cela autrement.

Deuxièmement, je pense que la disparition de ces éventuels 118 millions est un mensonge, de même que d'affirmer que leur disparition met en danger un budget de 9 milliards. Si un manque de 118 millions met en péril les 9 milliards, cela veut dire que vraiment la politique sociale de Genève est complètement abattue !

Je crois que vous êtes très mal informés sur ce que signifient les pourcentages. Car 118 millions sur 9 milliards, je m'excuse, mais c'est une goutte d'eau dans un grand vase. (Commentaires.) Dire que cela va causer un désastre à Genève... (Le président agite la cloche.) Je pense que ceux qui sont honnêtes se rendent compte que cela est totalement impossible.

Enfin, je voulais ajouter un dernier point que j'avais laissé de côté lors de ma première intervention: j'ai entendu plusieurs de nos collègues dire que qualifier la Suisse de paradis fiscal était complètement aberrant. Or, il existe une ONG qui est prise très au sérieux et qui s'appelle Tax Justice Network. Cette dernière effectue chaque année un classement des paradis fiscaux analysant à peu près 80 pays. Dans le classement de 2013, la place numéro un des paradis fiscaux signalés par cette ONG, c'est la Suisse ! (Exclamations.)

Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je suis un peu navrée, parce qu'il me semble que lorsque nous avons été élus les uns et les autres, il s'agissait de défendre le bien commun. Or, d'après ce que j'entends ce soir, il semble que nous n'ayons pas la même notion de ce qu'est le bien commun ! Nous sommes dans une lutte de classes très claire. Ce qui m'étonne le plus, c'est que parmi toutes les personnes de droite qui sont intervenues, et même parmi celles qui ne sont pas intervenues, j'imagine que peu d'entre elles font partie de la classe sociale qui bénéficie de forfaits fiscaux.

Or, je m'étonne de voir avec quelle véhémence cette partie de l'hémicycle a défendu ces maîtres et je ne suis pas certaine que la population attende de ses députés et de ses représentants qu'ils défendent avec autant de véhémence une seule classe sociale et qu'ils l'opposent à l'autre classe sociale, celle des travailleurs, qui ont des droits et qu'on ne peut pas présenter comme de pauvres gens qui font l'aumône pour leurs droits. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Encore une fois, c'est une manière insultante de parler des gens qui travaillent. J'ai envie de dire: plutôt que de défendre vos maîtres, pourquoi ne défendez-vous pas Genève, tout simplement, et les Genevois ?

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, concernant les déclarations, entre autres, de M. Aumeunier, je suis presque positivement surprise de la dureté de ses propos, parce que dans les faits, si l'on considère l'évolution du secret bancaire ou la demande de suppression des statuts fiscaux pour les entreprises, ce n'est pas le PS genevois qui les a demandées ! Ce sont des organismes mondiaux qui se sont rendu compte qu'à un moment donné, dans une économie mondialisée, il y avait des disproportions quant aux manières de taxer soit les revenus, soit la fortune. Ce qui fait que si ces organismes-là n'intervenaient pas, peut-être qu'il se passerait autre chose que juste des réadaptations fiscales, qui sont devenues indispensables, parce qu'on ne peut pas vouloir une économie de marché la plus concurrentielle et la plus libéralisée possible sans pouvoir aussi au niveau mondial réguler cette participation fiscale soit des entreprises, soit des individus.

Pour l'instant, supprimer les forfaits fiscaux n'est pas une demande explicite des organismes internationaux, mais cela figure quand même déjà dans le pipeline de leurs demandes futures. Pour le moment, les discussions avec ces organismes internationaux concernent les statuts fiscaux des entreprises, mais les forfaits fiscaux sont déjà à la ligne trois - je pense que le ministre des finances le sait aussi.

Pouvoir nous-mêmes réguler cela, comprendre que ce problème existe et vouloir l'anticiper pour ne pas se retrouver à nouveau les derniers de classe et montrés du doigt par toute la population mondiale est préférable. Je pense que c'est une bonne proposition qui vous est faite ce soir d'abolir nous-mêmes ces forfaits fiscaux.

M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, je suis ému, j'ai même une larme, ici au coin de l'oeil... (Commentaires.) ...parce que je me disais qu'à ce rythme-là on va même entendre l'«Internationale» chantée par les bancs d'en face, parce que nous sommes dans la lutte des classes, c'est vrai ! Nous sommes au XXIe siècle à Genève, mais j'ai face à moi un discours de gens qui veulent l'égalité, de gens qui s'offusquent... (Exclamations. Le président agite la cloche.) Calmez-vous, ne vous excitez pas !

Le président. S'il vous plaît ! (Brouhaha.)

M. Carlos Medeiros. Mesdames et Messieurs, laissez-moi finir, merci. Des gens, je disais donc, qui veulent l'égalité, mais quand cela les arrange, parce que quand cela ne les arrange plus, là on ne parle plus d'égalité ! Je m'explique: quand on vote des subventions, par exemple pour certaines maisons de quartier, pour la Maison de la danse... J'ai remplacé un collègue en commission des finances...

Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !

M. Carlos Medeiros. ...et là, quand on mettait en équation que l'Hospice général dépense en moyenne 2700 F par famille - M. le conseiller fédéral... (Brouhaha.) Pas encore ! M. le conseiller d'Etat ne démentira pas... Dans ce discours-là, un discours social, quand il faut sortir de l'argent, vous êtes tous pour. Et savez-vous ce que vous dites à ce moment-là ? Vous dites: «Mais nous sommes dans un canton riche ! On a une dette de 12 milliards, mais ça ne nous intéresse pas ! On peut allonger encore un milliard ou deux, ce n'est pas grave ! Arrêtez de parler comme ça, arrêtez de parler de déficits budgétaires !»

Mais alors là, parce qu'il y a une poignée de personnes qui ont choisi d'habiter chez nous et que nous les remercions - personnellement je les remercie - de venir habiter chez nous... (Exclamations.) Savez-vous pourquoi je les remercie? Parce que ces personnes qui ont des moyens supérieurs peuvent aller où elles veulent ! Demain, elles partent pour Singapour, Londres ! En ce moment, Londres leur fait des ponts d'or, leur déroule le tapis rouge ! On leur offre des trusts et une ingénierie financière permettant de payer pratiquement zéro impôt. Que dire du Golfe persique ? Abou Dabi, Dubaï, tout le monde cherche ces gros contribuables !

Tout le monde ? Non, pas tout le monde ! Il y a des irréductibles Gaulois à Genève qui disent qu'ils n'en veulent pas et que ces gens sont des parasites ! Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Deneys qu'un parasite, pour moi, c'est quelqu'un qui ne fait rien, qui vit aux crochets de la société, qui touche des subventions et qui magouille des combines à l'Hospice général. (Protestations. Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il y en a pas mal qui sont membres d'associations, de syndicats, par exemple, et qui n'ont jamais bossé dans leur vie - vous transmettrez. Ceux-là, oui, sont des parasites. Mais ces gens qui ont de l'argent, qui ont choisi d'habiter chez nous, ils paient quand même des impôts...

Mme Salika Wenger. Ils l'ont eu comment, leur argent ? (Exclamations.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît ! (Exclamations.)

M. Carlos Medeiros. Sortez du dogme ! Parmi les personnes qui ont les moyens, qui sont riches, il y en a beaucoup qui ont travaillé dur, qui ont travaillé vingt heures par jour pour en arriver là ! (Protestations de Mme Salika Wenger.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Carlos Medeiros. Alors arrêtez, Madame ! Etre riche, ce n'est pas un péché. C'est la pauvreté qui est une malédiction ! (Commentaires.) Je préfère avoir les riches chez moi, même s'ils paient 150 à 200 millions, que d'arriver à la solution où il n'y aura plus de riches, car malheureusement, ce n'est pas vous qui allez payer à leur place ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Lionel Halpérin (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur deux éléments: d'abord, sur ce qui a été dit tout à l'heure par Mme la députée Hausser, qui nous a expliqué, au fond, que le système était en train de changer dans le monde, qu'il fallait qu'on suive ce que les grands dirigeants de partout, de l'OCDE et d'ailleurs voulaient, et qu'il fallait donc qu'on anticipe tout cela en abandonnant le forfait fiscal. Ce que la gauche semble ne pas avoir encore compris - ou peut-être l'a-t-elle au contraire très bien compris et joue-t-elle ce jeu depuis malheureusement beaucoup trop longtemps dans ce pays - c'est qu'il n'y a que la Suisse qui s'aplatit devant ces requêtes.

Aujourd'hui, les mêmes qui nous imposent des modifications du système continuent à pratiquer chez eux une absence totale de transparence notamment en matière de secret bancaire et conservent des systèmes opaques qui leur permettent de faire perdurer d'importantes sources de revenus. Cela s'appelle la concurrence entre les Etats et malheureusement il n'y a que la Suisse qui ne joue pas ce jeu aujourd'hui, parce qu'à force de battre notre coulpe, à force de croire que nous étions les méchants dans l'histoire et de l'entendre dire par la gauche, on a fini peut-être par le croire un peu trop.

J'aimerais donc qu'on revienne à la raison et qu'on essaie de se dire qu'aujourd'hui, le débat n'est pas de savoir si nous sommes plus moraux ou moins moraux que les autres; le débat est de savoir si nous voulons laisser les autres s'enrichir sur notre dos ou si nous voulons continuer à être prospères et à permettre à notre Etat social de fonctionner.

Cela dit, il y a un deuxième sujet sur lequel j'aimerais revenir ce soir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît ! Poursuivez, Monsieur.

M. Lionel Halpérin. Je disais, Monsieur le président, qu'il y a un deuxième sujet sur lequel j'aimerais revenir ce soir qui m'inquiète beaucoup plus, parce que quand j'entends le discours de la gauche ce soir, ce qui me gêne, ce n'est pas le fait que nous soyons opposés sur un sujet comme celui-là - chacun a le droit d'avoir ses opinions. Ce qui me gêne, c'est qu'à gauche, visiblement, on ne supporte pas l'idée que d'autres puissent avoir une opinion différente de la leur. (Protestations.) Moi, quand j'entends les gens parler, j'essaie de les écouter et de croire que chacun a le droit de défendre ses positions librement. Visiblement, à gauche, quand quelqu'un a le malheur d'avoir une opinion divergente, on vient nous expliquer soit qu'il est un parasite, soit qu'il est un évadé fiscal, soit qu'il est un profiteur - j'ai entendu tous ces termes - soit encore que nous serions à la solde de nos maîtres et que nous serions en train de défendre leurs positions.

Je ne pose pas la question de savoir si les personnes qui ne paient pas d'impôts doivent déterminer le montant de l'impôt que paient les autres. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce que je dis simplement... (Applaudissements.) ...c'est que le minimum du respect consiste à essayer d'écouter les gens sans forcément utiliser des anathèmes de ce genre-là. Alors quand j'entends le mot parasite, je bondis, comme M. Weiss tout à l'heure. Je bondis, mais je me dis dans un premier temps qu'effectivement c'est par erreur, par incompétence que certains ont utilisé ces mots d'un autre temps, qui n'étaient pas admissibles à l'époque et qui ne le sont pas davantage aujourd'hui. Les entendre de la part du parti socialiste, je dois vous avouer que cela m'émeut. Mais quand j'entends en plus que M. Deneys persiste et signe sur le sujet, alors je me dis que le parti socialiste est tombé bien bas et qu'il ferait bien de revoir un peu ses classiques avant d'utiliser des propos de ce type-là. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, je demande une motion d'ordre: plus de débat jusqu'au troisième débat et une déclaration par groupe de trois minutes.

Le président. Je vais soumettre au vote cette motion d'ordre qui consiste à suspendre les débats jusqu'au troisième débat inclus et à ce que chaque groupe puisse faire une déclaration de trois minutes. Je rappelle que la majorité des deux tiers est requise. (Brouhaha. Mme Salika Wenger s'exprime hors micro. Protestations.) Madame Wenger, s'il vous plaît, c'est la dernière fois que je vous avertis !

Mise aux voix, cette motion d'ordre est adoptée par 66 oui contre 20 non (majorité des deux tiers atteinte). (Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)

Le projet de loi 11329 est adopté article par article en deuxième débat.

Troisième débat

Le président. Nous passons au troisième débat, pour lequel chaque groupe peut faire une déclaration et dispose de trois minutes. Est-ce qu'on peut enlever la liste des personnes inscrites, s'il vous plaît ? Je rappelle que le vote nominal a été demandé. Monsieur Deneys, vous avez la parole.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! (Brouhaha.)

M. Roger Deneys. C'est un peu bruyant dans cette salle, mais je ne sais pas si on peut faire quelque chose.

Le président. Allez-y, Monsieur Deneys.

M. Roger Deneys. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'aujourd'hui, on a vraiment eu l'occasion de débattre - pas forcément dans des circonstances paisibles, mais cela on en a l'habitude dans ce Grand Conseil - d'une proposition socialiste qui vise à rétablir davantage d'équité fiscale entre les habitantes et les habitants de ce canton. Le débat, pour être serein, aurait quand même dû rappeler la situation des finances cantonales que les partis de droite prennent prétendument très au sérieux; partis de droite qui ont été capables, alors que la dette était déjà de 10 milliards, de voter 400 millions de baisse d'impôts sans se préoccuper du lendemain ! (Protestations.)

Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...aujourd'hui, quelques années plus tard, la dette est de 12 milliards, et c'est vrai que la question qui se pose concernant de nouvelles recettes est pertinente, parce que de nouvelles dépenses sont programmées, parce que Genève a du retard dans les investissements et aussi parce que - je crois que nous pouvons toutes et tous le regretter à défaut d'avoir les mêmes solutions - des Genevoises et des Genevois n'ont plus les moyens aujourd'hui de vivre décemment. (Brouhaha.) On le voit, je l'ai dit tout à l'heure, les chiffres concernant les personnes à l'aide sociale explosent en 2013 à Genève, dans cette cité opulente où les forfaits fiscaux sont nombreux; et, pour cette simple raison, la question d'avoir des moyens supplémentaires - quand on entretient 800 personnes en emplois de solidarité qui ont 2850 F net par mois pour vivre à Genève - la question d'avoir quelques millions de plus de revenus semble tout simplement raisonnable.

Solliciter une contribution supplémentaire de personnes qui bénéficient de forfaits fiscaux en leur demandant d'être taxés selon le barème ordinaire des résidents de ce canton ne semble pas excessif, il s'agit d'une question d'égalité de traitement. A mon sens, les craintes exprimées par certains concernant la fuite de ces bénéficiaires de forfaits fiscaux sont légitimes à court terme, mais je pense qu'on doit quand même se poser la question, à long terme, de ce que nous donnons comme signal au reste du monde quand nous entretenons un système pareil: nous sommes en train d'entretenir l'idée qu'on peut venir planquer sa fortune en Suisse au détriment d'Etats qui connaissent des situations économiques dramatiques. Les conséquences de ces actes, Mesdames et Messieurs les députés, un jour ou l'autre, il faudra les payer. C'est comme la dette: un jour ou l'autre il va falloir rembourser cet argent aux Etats qui sont producteurs de ces richesses. Je me réjouis de ce jour-là, parce que vous devrez payer les inconséquences d'aujourd'hui que vous voulez poursuivre ! C'est tout simplement normal de vouloir abolir les forfaits fiscaux. Je vous invite, dans un dernier sursaut de lucidité, à soutenir l'initiative socialiste. (Applaudissements.)

M. Michel Amaudruz (UDC). Monsieur le président, rassurez-vous, je ne vais pas rouvrir une discussion de fond. Je voudrais simplement exprimer à M. le conseiller d'Etat Dal Busco que je suis serein. Je suis serein, parce que, Monsieur le conseiller d'Etat, vous êtes une personne éclectique, car vous avez su poursuivre dans la voie de M. Hiler, un Vert. M. Hiler avait bien souligné qu'il redoutait la tâche de son successeur en raison de l'endettement du canton de Genève, et il a dit: «Même si je comprends que les forfaits fiscaux puissent heurter la conscience de certains, c'est un élément incontournable et nécessaire à une stabilité relative de notre canton qui voudrait suivre le chemin d'un désengagement financier.» Monsieur le conseiller d'Etat, je vous remercie donc pour cette mission que vous avez conduite avec succès ! (Applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai suivi avec attention et un certain recul ce débat sur les forfaits fiscaux et surtout sur ce terme d'impôt à la dépense. J'ai été heurté par plusieurs propos qui ont été tenus, notamment sur la mauvaise utilisation des termes de «cohésion sociale» que vous vantez. Respecter et vanter la cohésion sociale, c'est respecter tous les citoyens, toutes les classes de la population et non un système de castes, comme en Inde. La force de la Suisse a toujours été bâtie sur des hommes et des femmes respectueux de tous les citoyens et je pense que les propos qui ont été tenus, évoquant les parasites et la haine du riche, sont parfaitement indignes de notre constitution.

Deuxièmement, j'aimerais dire qu'il faut savoir prendre du recul sur notre histoire et savoir d'où nous venons, nous, citoyens suisses. La Suisse a connu une forte émigration de personnes en quête d'un travail; énormément de gens sont partis à l'étranger. La Suisse était alors un pays de paysans. Elle est devenue un pays industriel qui a développé son système d'inventions, basé sur les ingénieurs et sur la force de travail. Nous n'avons pas de matière première, nous n'avons que de la matière grise. Cette matière grise est également représentée par le système bancaire et le système financier. Venant du secteur secondaire, je peux vous en parler avec tout le détachement nécessaire. Je crois qu'il y a une certaine richesse produite par les citoyens. Elle n'est pas meilleure si elle vient du secteur financier, du secteur de la culture ou du secteur secondaire.

Ce qui est important - et j'aimerais assister là à un élan républicain des socialistes qui utilisent le terme parfaitement déplacé de «parasite» - c'est que je crois que votre leçon de morale sur la charité, sur l'humanité et la bienfaisance est bien loin de l'esprit de Genève qui a toujours soutenu les plus faibles, dans l'esprit de la Réforme, du calvinisme et du respect d'autrui. Je pense que le débat que nous avons mené ici sur la fiscalité est complètement dépassé.

Ce que vous faites, c'est donner un coup de canif à toute l'aide sociale, dont nous n'avons pas à juger si elle est bonne ou mauvaise, car c'est une aide qui soutient les plus faibles et c'est avec ces prestations, avec ces impôts que nous l'assurons. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Vincent Maitre (PDC). Après ce débat-fleuve, il appartient au PDC de faire sa déclaration finale en disant que nous croyons fermement aux bienfaits du forfait fiscal, que nous espérons vivement qu'il perdurera aussi longtemps que possible, parce qu'au moment où la dette va allégrement dépasser les 13 milliards de francs, notre canton ne peut tout simplement pas se permettre d'ignorer quelque rentrée fiscale que ce soit et de rejeter d'un revers de la main jusqu'au premier centime qui viendrait à être intégré dans les caisses de l'Etat par le biais de ces recettes fiscales.

Le forfait fiscal représente de notre point de vue - nous l'avons dit - non pas une iniquité ou une inégalité de traitement, mais évidemment tout le contraire, puisque, de nouveau, ces forfaitaires fiscaux doivent être considérés comme des contribuables différents du contribuable genevois et qu'il s'impose de les traiter de façon différente. Encore une fois, le canton de Genève a tout à y gagner et pour les finances de l'Etat et les prestations sociales que nous souhaitons distribuer à la population, il serait totalement suicidaire de se priver de cette manne fiscale. Le PDC vous encourage donc fortement à soutenir le contreprojet dont nous débattons ce soir.

Mme Magali Orsini (EAG). Je voudrais dire, pour conclure, que je suis bien convaincue qu'en leur for intérieur et quoi qu'ils en disent, les partis de droite savent très bien que sont bafoués, avec cette loi d'imposition selon la dépense, deux principes constitutionnels fédéraux fondamentaux, l'égalité de traitement et la capacité contributive. Il n'est pas question de morale personnelle, mais de respect de la loi suprême sur notre territoire. Nous ne haïssons ni les riches, ni les étrangers, mais l'injustice et le non-respect de la Constitution fédérale, ça oui. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'issue de ce vote était connue dès la première prise de parole. Nous avons dépensé une séance plénière du Grand Conseil au prix de plus de 50 000 F pour répéter au moins dix fois les mêmes choses. Alors je vais faire la déclaration finale au nom du groupe MCG... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et j'aimerais vous dire ceci: je souhaiterais que dans les deux prochaines années, il y ait 710 personnes de plus à Genève au bénéfice du forfait fiscal. Car 710 personnes, c'est le nombre de citoyens qui sont actuellement dans ce cas, pour 118 millions de rentrées fiscales.

Je souhaite pour le canton de Genève, je souhaite pour son économie, je souhaite pour les PME, les artisans et les commerces qu'il y ait 710 personnes de plus et que nous encaissions 236 millions de rentrées fiscales. Voilà ce qui serait positif pour le canton de Genève ! Mesdames et Messieurs de la gauche, en lieu et place de couper dans les subventions que vous voulez accorder, nous pourrions même envisager de les augmenter ! (Commentaires.) Mais cela, évidemment, vous ne le comprenez pas, parce que vous faites prétendument une bonne action pour l'égalité, mais vous prônez en réalité l'inégalité des classes sociales et vous agrandissez sans cesse la fracture sociale qui existe à Genève. Laissez-moi vous l'expliquer, Mesdames et Messieurs. Les subsides d'assurance-maladie que nous payons pour les gens qui ne gagnent plus assez pour payer leur prime à Genève représentent 300 millions de francs par année. Continuez à convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre ! C'est le destin qui vous attend: législature après législature, vous fondez comme un glaçon au soleil, car vous ne faites plus illusion parmi la population. Aujourd'hui, le MCG s'est clairement positionné... (Protestations.) ...pour une économie forte...

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...pour pouvoir faire du social efficace ! Je répète pour ceux qui n'auraient pas entendu: une économie forte pour faire du social efficace ! Vous, aujourd'hui, vous prônez la mort...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Je conclus. Vous prônez la mort de l'économie et vous finirez par voler l'argent des pauvres, sauf que vous êtes des nantis, parce que vous êtes aujourd'hui la gauche caviar ! (Exclamations. Applaudissement. Protestations.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Nous allons essayer de parler plus calmement. Après tout ce que je viens d'entendre et toutes ces visions apocalyptiques, la première chose que je voudrais dire, c'est que trop de catastrophisme tue le catastrophisme. Ici, en fait, nous parlons de 80 millions de francs de recettes fiscales. Mais si vraiment votre souci était celui-ci, il y a un certain nombre de projets de lois déposés par le Conseil d'Etat lors de la dernière législature qu'on pourrait assez facilement ressortir et qui combleraient très facilement les éventuelles pertes fiscales - je dis bien «éventuelles» parce que rien n'est prouvé - si nous devions abolir les forfaits fiscaux. (Commentaires.) Monsieur Ivanov, laissez-moi parler.

La seconde chose que je voudrais dire, c'est qu'on ne met pas à mal le système d'aide sociale si l'on abolit les forfaits fiscaux, car comme je viens de vous le démontrer, nous parlons ce soir de 1,4% des recettes fiscales. Soyons donc, s'il vous plaît, un peu plus réalistes, n'utilisons pas des termes catastrophiques qui n'ont pas lieu d'être. Ici, ce soir, nous parlons de principes de justice devant l'impôt et d'égalité de traitement devant l'impôt. Il ne s'agit pas de mettre à mal les ressources fiscales de l'Etat et vous le savez bien.

Enfin, j'ai entendu souvent l'argument: «Oui, mais ailleurs, ils font pire. Oui, mais Londres accueille les Français.» Certes, Monsieur Cuendet, c'est vrai. Mais je vous rappelle... (Remarque.) Monsieur Cuendet, je ne suis pas sourde et vous avez eu l'occasion de vous exprimer. Je vous rappelle simplement que les Anglais, contrairement aux Suisses, font partie d'un club qui s'appelle l'Union européenne et lorsqu'on fait partie de ce club... (Brouhaha.) ...c'est beaucoup plus facile de défendre ses privilèges. (Commentaires.)

Le président. Chut !

Mme Sophie Forster Carbonnier. Monsieur Cuendet, vous faites partie d'une... Enfin, vous transmettrez, Monsieur le président - beaucoup de personnes dans cette salle ont cru que le secret bancaire ne serait jamais attaqué, que la Suisse pourrait conserver ses particularismes fiscaux jusqu'à la fin des temps, par exemple les statuts fiscaux des entreprises. On voit aujourd'hui que l'isolement politique de la Suisse se paie, et se paie cash ! Tôt ou tard, que nos voisins fassent les mêmes choses que nous ou pas n'aura plus d'importance. L'isolement politique se paie, donc prenons les devants, osons adopter davantage de justice en matière d'impôts, davantage de justice sociale et d'égalité de traitement ! Je vous invite donc à refuser le contreprojet. (Quelques applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de première minorité ad interim. Monsieur le président, vous transmettrez à M. Stauffer que son discours digne d'un marchand de tapis voulant doubler les forfaits fiscaux en deux ans fait preuve d'une incohérence crasse et d'un manque réel de stratégie en matière de développement économique et de développement pour le canton de Genève. En effet, l'évolution des forfaits fiscaux dénote une dégénération... (Remarque.) Une dégénérescence... (Brouhaha.) Au vu de l'heure et de la durée du débat... !

Le président. Poursuivez, Monsieur, s'il vous plaît.

M. Romain de Sainte Marie. L'évolution des forfaits fiscaux dénote une dégénérescence de cet outil fiscal. Comme il a été rappelé en début de soirée, initialement introduit sur la Riviera vaudoise pour quelques riches retraités, cet instrument s'est rapidement transformé en outil d'attractivité fiscale, voire d'évasion fiscale. Aujourd'hui, les effets pour Genève ne sont pas forcément que positifs et il y a un aspect que nous n'avons pas abordé ce soir, celui du logement. (Commentaires. Le président agite la cloche.) En effet, la venue de ces forfaitaires et de ces riches personnes induit une surchauffe sur les prix du logement de luxe. (Nombreux commentaires.) Exactement !

Le président. S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! (Le président agite la cloche.)

M. Romain de Sainte Marie. Monsieur le président...

Le président. S'il vous plaît, on a presque terminé ce débat ! (Commentaires persistants.) Monsieur Medeiros, s'il vous plaît ! Poursuivez, Monsieur le rapporteur de minorité.

M. Romain de Sainte Marie. En 2011, une étude qui avait été relayée par la «Tribune de Genève» montrait en effet... (Commentaires.) ...que la différence de potentiel d'investissement dans l'immobilier entre de grandes fortunes étrangères et de grandes fortunes suisses était de 17% pour des appartements à Genève et de 80% pour les villas de luxe. Cela a pour effet d'augmenter les prix de l'immobilier de luxe. Cela, on ne peut pas le négliger... (Exclamations. Rires.)

Une voix. C'est un scandale !

Le président. S'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. ...et l'effet... (Exclamations.)

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Romain de Sainte Marie. ...l'effet est indéniable sur le reste du logement à Genève. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Enfin, pour conclure, Monsieur le président, je suis particulièrement heureux, cette fois, de constater l'inquiétude des bancs de la droite en termes de recettes fiscales. Je suis même rassuré de voir à quel point vous êtes inquiets: je suis rassuré pour l'avenir, notamment quant à la réforme de l'imposition sur les personnes morales et sur le fait que vous ne souhaitez pas avoir 500 millions de pertes fiscales avec un taux unique à 13% ! (Exclamations.) Je suis rassuré également que vous ne souhaitiez pas...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Romain de Sainte Marie. ...supprimer la taxe professionnelle qui ferait perdre à la Ville de Genève la somme de 120 millions de francs, sans compter les pertes pour les autres communes !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur de Sainte Marie !

M. Romain de Sainte Marie. Je suis rassuré de votre inquiétude en termes de recettes fiscales et j'espère que vous ferez preuve de raison dans le même sens lors des années à venir. (Quelques applaudissements.)

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vais juste rebondir sur les derniers propos de M. Romain de Sainte Marie et dire que je plains franchement les pauvres riches qui n'ont plus aujourd'hui les moyens de s'acheter de vraies maisons de riches ! Je suis assez malheureux pour eux, si je comprends bien les propos de M. Romain de Sainte Marie. Enfin, bref.

Ces gens bénéficiaires de forfaits fiscaux ont été fortement insultés ce soir, tant dans les termes mêmes de l'initiative et dans l'exposé des motifs - je l'avais déjà dit en son temps - que dans la bouche de certains députés qui sont intervenus ce soir, et je trouve cela regrettable. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est vraiment regrettable, encore une fois.

J'aimerais faire également une correction concernant Zurich. Beaucoup de choses ont été dites sur Zurich et l'on a fait des extrapolations. Il est vrai que Zurich a réussi à équilibrer ses comptes l'année suivant la votation sur l'abolition de ces forfaits. L'année suivante ! Grâce à quoi ? Grâce, entre autres, à un héritage. Mais, Mesdames et Messieurs, ce que vous n'avez pas pris en compte, c'est que s'ils ont réussi à équilibrer jusqu'à fin 2012, à ce moment-là, l'un de ces riches ex-forfaitaires qui payait, à la suite de l'abolition des forfaits, une grosse taxe fiscale a quitté Zurich, et les résultats de 2013 sont déficitaires ! Vous pouvez donc extrapoler sur la base des chiffres antérieurs, mais il faut considérer la réalité de ce jour.

Je terminerai en revenant sur cet esprit prétendument moraliste d'une gauche totalement irresponsable face à la fiscalité, face à cette fameuse richesse «puante» pour elle. Je représente ce soir une majorité qui se veut, elle, responsable de maintenir des rentrées fiscales importantes, des retombées énormes sur l'économie locale et un important nombre d'emplois directs et indirects.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi, au vote nominal.

La loi 11329 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11329 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 33 non (vote nominal).

Loi 11329 Vote nominal

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 149-D.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes arrivés au terme de nos travaux. En page 9 de son rapport du 25 avril 2012, le Conseil d'Etat relevait que la numérotation de l'article 72, alinéa 6 de l'initiative devrait être adaptée lors du processus législatif, afin de tenir compte des modifications apportées entre-temps aux dispositions transitoires de la LIPP figurant à l'article 72 de cette loi. Or, le 29 août 2013, le Grand Conseil a adopté les lois 10905 et 11131 qui ajoutent des alinéas 7 et 8 aux dispositions transitoires figurant à l'article 72 LIPP. Il convient donc de préciser que l'initiative populaire propose désormais une modification de l'article 72, alinéa 9, LIPP - et non plus alinéa 6 - ce qui, de fait, est en adéquation avec la numérotation de la disposition transitoire du contreprojet.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est 22h40. Je vous donne rendez-vous demain à 15h et vous souhaite une bonne soirée.

La séance est levée à 22h40.