Séance du
vendredi 28 mars 2014 à
14h
1re
législature -
1re
année -
6e
session -
39e
séance
M 2165
Débat
Le président. Nous abordons à présent la proposition de motion 2165. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Thierry Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est le fruit d'un constat fait dans le quartier des Pâquis, notamment suite à l'écoute de doléances d'habitantes et d'habitants mais aussi de nombreuses associations qui sont désespérées par les nuisances causées par ces dépanneurs. Vous savez toutes et tous que nous ne pouvons malheureusement pas interdire aux dépanneurs de créer leur magasin. Par contre, nous avons la possibilité de freiner l'établissement de ces magasins par le biais d'un moratoire. C'est la raison pour laquelle cette motion vous est proposée, afin qu'on puisse étudier la faisabilité de la mise en place d'un tel moratoire. Il faut savoir qu'un magasin dit dépanneur, lorsqu'il s'installe dans un quartier, apporte plus de nuisances que de choses positives dans ledit quartier, notamment parce qu'il vend de l'alcool - vous savez que la vente d'alcool est prohibée à certaines heures - et attire une certaine clientèle nocturne qui crée des nuisances le soir, qui crée des dérangements pour la vie collective et sociale d'un quartier. Je rappelle que bien souvent, le lendemain, ces mêmes gens qui vivent dans le quartier retrouvent des verres cassés, de l'urine... Enfin bref, il y a des choses qui se passent et qui ne sont pas forcément agréables lorsque vous habitez dans un quartier, de surcroît avec des enfants et à proximité d'écoles. C'est la raison pour laquelle il serait intéressant de pouvoir étudier la faisabilité d'implanter un moratoire à l'égard de ces dépanneurs. Je vous invite à accepter cette motion et à la renvoyer à la commission de l'économie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je remercie mon collègue député M. Cerutti d'attirer notre attention sur cet objet. Il est vrai que, pas seulement aux Pâquis mais également dans d'autres quartiers comme les Eaux-Vives ou Rive, nous assistons à un développement impressionnant de ces dépanneurs qui, à l'époque, pouvaient en effet rendre service à des personnes étourdies ou trop occupées pour faire leurs achats pendant les heures d'ouverture normales des magasins. A l'heure actuelle, le constat qui est fait, c'est que la plupart de ces dépanneurs créent des situations de tumulte, d'attroupements, de bruit et de casse. De surcroît, ils favorisent le deal, puisque de nombreux jeunes viennent s'approvisionner en alcools divers comme la vodka, le Red Bull et autres papiers à rouler juste avant la fermeture imposée de 21h en ce qui concerne la vente d'alcool. S'ajoute à cela un autre problème, c'est-à-dire l'utilisation de personnel mineur. En effet, la plupart des dépanneurs fonctionnent en famille, et il n'est pas rare de voir de jeunes adolescents procéder à la vente de certains articles les mercredi, samedi ou dimanche. Lorsque vous entrez chez un dépanneur, vous pouvez constater qu'un tiers de la marchandise est constituée d'alcool, un deuxième tiers d'alcool distillé, un autre tiers de tabac, et qu'il reste, pour paraphraser Pagnol dans sa trilogie, un quatrième tiers absolument minime constitué de nourriture. Il s'agit en effet de l'une des conditions imposées par la loi qui, normalement, devrait permettre à une famille de pouvoir s'approvisionner. En réalité, on n'y trouve que deux ou trois pizzas congelées et quelques sandwichs.
Dans le cadre de la lutte contre les dépanneurs et les nuisances qu'ils provoquent, on a assisté tout récemment, grâce à l'action du département de l'économie et de la sécurité - ce qui montre soit dit en passant la justesse de vue de mettre l'économie et la sécurité ensemble, en tout cas dans ce cas particulier - à la fermeture de pas moins de sept officines de dépanneurs, ce qui a eu un impact considérable, puisque le bouche à oreille, dans ce milieu interlope, va relativement vite.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean-Marc Guinchard. Je vous remercie de votre générosité, Monsieur le président, que j'apprécie. J'arriverai à conclure en trente secondes. Le groupe démocrate-chrétien vous recommande toutefois de refuser cette motion, dans la mesure où le département a déjà commencé son action et va la poursuivre en faisant notamment collaborer le service du commerce et celui de la police puisque, dans ces cas-là, la présence uniformée est indispensable. J'ai terminé, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député, vous êtes parfait. La parole est à Mme la députée Sarah Klopmann.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de préserver les oreilles de quelques PLR qui se sont plaints plusieurs fois déjà aujourd'hui. Je m'excuse ! (L'oratrice rit.) Cette motion pour un moratoire sur les dépanneurs des Pâquis demande plusieurs choses, notamment de limiter les horaires d'ouverture de 8h à 20h pour les commerces qui souhaitent vendre de l'alcool. Premier problème: en imposant à quelqu'un de choisir soit les produits qu'il vend soit ses horaires, on s'oppose à la liberté de commerce. Du moment qu'on respecte la loi et qu'on ne vend pas le produit qu'on ne peut pas vendre aux heures auxquelles on ne peut pas le vendre - c'est-à-dire de l'alcool pendant la nuit - je ne vois pas quel est le problème de vendre de l'alcool la journée et de vendre autre chose plus tard dans la nuit. De plus, cela revient aussi à limiter la vente d'alcool de 8h à 20h. Si tous les commerces qui vendent de l'alcool ne peuvent ouvrir que de 8h à 20h, on ne peut alors plus acheter d'alcool dans la tranche horaire normalement permise par la loi, à savoir de 7h à 21h. En aparté, j'aurais d'ailleurs juste voulu souligner quelque chose qui m'a un peu frappée quand j'ai lu les invites de la motion, c'est de voir que la loi autorisait la vente d'alcool de 7h à 21h. On sait qu'à partir de 21h, on ne peut plus acheter d'alcool, cela nous paraît presque logique. Mais quand on voit qu'on peut en fait acheter de l'alcool de 7h à 21h, cela paraît tout à coup bizarre. Finalement, quand on parle de santé publique, de protection contre l'alcoolisme et notamment d'alcool chez les jeunes, on peut se demander s'il est vraiment plus opportun d'autoriser l'achat d'alcool à 7h30 du matin qu'à 21h30 le soir. Mais bon, à réfléchir !
La motion demande aussi de donner des moyens ad hoc, c'est-à-dire des tenues adaptées aux différents corps de police pour qu'ils puissent effectuer des contrôles sans se faire repérer par leur uniforme. Voilà qui est sympa, mais le moyen qu'on peut donner à un policier pour ne pas se faire identifier en tant que tel, c'est simplement de ne pas lui donner d'uniforme quand il veut passer incognito ! (Remarque.) On ne va pas créer un uniforme qui n'est pas un uniforme, l'uniforme civil ! (Vive remarque.)
Le président. Chut !
Mme Sarah Klopmann. On ne va en tout cas pas donner des moyens pour cela, ce serait ridicule. (Remarque.) Sans barbe ou avec ? J'aurais préféré avec ! (Remarque.)
Enfin, la motion demande - c'est le point essentiel - un moratoire. C'est inutile ! C'est complètement inutile pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le plan d'utilisation du sol est enfin entré en vigueur, et il empêche justement les changements d'affectation à tout va afin de préserver le petit commerce et la diversité en ville. Cela fige donc un peu les types de commerce qui sont dans les arcades. De toute façon...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Sarah Klopmann. Oh, ce n'est pas juste ! (L'oratrice rit.)
Des voix. Ooh ! (Rires.)
Mme Sarah Klopmann. De toute façon, on ne va pas pouvoir mettre plus de dépanneurs qu'il n'y en a maintenant. D'autres aspects seront ensuite réglés par la LRDBH, notamment quant à la vente d'alcool à l'emporter, par le fait qu'il pourra être mis sous clé. Les contrôles seront aussi réglés dans la LRDBH, qui est actuellement à l'étude. Les Verts proposent donc un amendement pour supprimer toutes les invites de la motion et les remplacer par une autre invite, qui demande d'augmenter de neuf inspecteurs le service du commerce...
Le président. Il vous faut conclure, Madame. (Remarque.)
Mme Sarah Klopmann. Oui, je vais l'écrire. Je conclurai en soulignant que, contrairement à ce que nous fait croire cette motion, des lieux ouverts dans un quartier ne sont pas une insécurité supplémentaire, mais représentent au contraire une présence. Je finirai en vous disant que j'habite aux Pâquis et que j'adore mon quartier !
M. Pascal Spuhler (MCG). Voilà qui tombe bien. J'habite aussi aux Pâquis et j'adore aussi mon quartier, mais j'en ai un peu marre, le dimanche matin quand je vais me promener avec mes enfants, de devoir esquiver des bouteilles vides, canettes et autres détritus qui traînent et jonchent le sol, sans parler des odeurs pestilentielles d'urine autour de ces dépanneurs qui fonctionnent d'une manière un peu hétéroclite. Certes, certains dépanneurs sont justifiés. Certes, certains dépanneurs sont très utiles à la population. On l'a évoqué hier quand on parlait des boulangeries et du fait de leur permettre un horaire d'ouverture un peu plus large. D'ailleurs, les Verts s'opposaient avec vigueur à cette ouverture un peu plus large. Et aujourd'hui, on s'étonne de vouloir réduire l'horaire des dépanneurs ! Il y a quelque chose d'un peu farfelu dans l'intervention de ma préopinante.
En l'occurrence, Mesdames et Messieurs - et vous transmettrez à Mme Klopmann qui habite aux Pâquis, Monsieur le président - il y a encore deux ou trois semaines à peine, une boutique de vêtements qui existait depuis 35 ans a été modifiée en un dépanneur qui vendra de l'alcool à l'emporter, peut-être en respectant l'horaire, mais peut-être pas. La prolifération des dépanneurs peut continuer librement tant qu'on ne voudra pas intervenir dans ce parlement. Effectivement, c'est le service du commerce qui doit contrôler ces dépanneurs, souvent avec l'aide de la gendarmerie ou des services de police. Pourquoi ? Parce que lorsqu'ils font leurs contrôles, ils se font agresser, Mesdames et Messieurs ! Un des inspecteurs du service du commerce s'est fait lâchement agresser par un dépanneur, qui était simplement vexé d'avoir été pris sur le fait. Ce monsieur a fini à l'hôpital avec des traumatismes assez graves. C'est juste malheureux qu'on en arrive au point que les gens qui doivent faire leur travail d'inspection soient obligés de se faire protéger par la police ! Mesdames et Messieurs, la prolifération des dépanneurs devient juste insupportable dans les quartiers populaires comme les Pâquis, les Eaux-Vives ou Plainpalais. Ça devient insupportable ! Vous pouvez continuer à vous reposer en disant qu'on ne peut rien faire, qu'on va revoir la LRDBH, etc. En l'occurrence, c'est la LVEBA qui gère ce genre de commerces. Je pense, Mesdames et Messieurs, que quand la sécurité publique est en jeu, on peut peut-être faire un peu plus que des bruits avec sa bouche !
M. Thomas Wenger (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, quand j'ai vu cette proposition de motion - un moratoire pour les dépanneurs dans le quartier des Pâquis - je me suis dit que c'était une bonne chose, qu'il s'agissait d'un moratoire contre les dépanneurs du TCS qui soutiennent la traversée de la Rade et vont amener encore plus de voitures dans le quartier des Pâquis ! (Exclamations.) En fait, j'ai compris que ce n'était pas ça. J'en profite pour dire à tous ceux qui ont une assurance dépannage au TCS que l'ATE propose aussi des assurances dépannage si vous en avez marre de la politique soutenue par le TCS. (Commentaires.) Mais après - excusez-moi, Monsieur le président - j'ai compris qu'on parlait bien des vendeurs de tabac, d'alcool et autres produits dans le quartier des Pâquis. Pour une fois peut-être - mais je pense qu'il y en a quand même d'autres - nous allons dans le même sens que le MCG, à savoir aller étudier cette proposition en commission.
Des voix. Aah !
M. Thomas Wenger. Pourquoi ? Parce que j'imagine que notre magistrat a peut-être des choses à nous apprendre, notamment sur la manière dont tout cela est géré à New York - parce qu'on a vraiment un très bon exemple de la manière dont on gère les dépanneurs à New York ! - et surtout sur les différentes invites, comme celle demandant de limiter le nombre d'établissements soumis à la LVEBA pour favoriser d'autres commerces de proximité comme les artisans et les boulangers. C'est peut-être une bonne chose. Effectivement, on constate aux Pâquis une certaine prolifération des dépanneurs avec des problèmes qui y sont liés. La limitation des heures d'ouverture, on peut en parler. Le point sur lequel nous sommes en tout cas clairement d'accord avec les Verts et le MCG, c'est l'augmentation des inspecteurs du service du commerce. Nous pensons qu'il faut plus d'inspecteurs pour pouvoir contrôler les dépanneurs, et pour pouvoir contrôler plus généralement les établissements soumis à la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement. Nous soutiendrons le renvoi à la commission de l'économie pour étudier tout cela, et nous verrons bien ce qui en ressortira. Merci beaucoup.
M. Patrick Lussi (UDC). Une fois de plus, il est dommage qu'on s'amuse à faire des jeux de mots. Monsieur Wenger, j'ai moi-même été surpris la première fois qu'on m'a recommandé d'aller voir un dépanneur au Québec. J'ai dit que ma voiture n'avait rien, et on m'a répondu que c'était pour aller acheter de la boisson et autres ! Ce n'est pas à New York mais bien au Québec que les dépanneurs sont le plus répandu. Mesdames et Messieurs les députés, oui il se passe quelque chose, oui il y a des effets, oui les invites qu'a écrites le MCG sont pertinentes. On peut simplement se demander... Il y a la liberté de commerce, il y a beaucoup de choses. Pour l'Union démocratique du centre, cette motion doit retourner en commission, parce qu'au-delà des invites, il y a peut-être quelque chose dont on parle peu, à savoir la qualité des gens qui tiennent ces officines 24 heures sur 24 et qui commencent manifestement à perturber l'ordre public ou créer des dérangements. C'est la raison pour laquelle il me semble difficile d'aller plus avant sur le siège. On peut sortir plein de paroles, plein de choses, mais il est nécessaire qu'on ait une appréciation plus fouillée, une analyse plus circonstanciée de qui est qui, qui fait quoi, où, quand et comment. On a parlé des Pâquis, on a parlé de quelques quartiers. Il se trouve que ce sont ce qu'on avait l'habitude d'appeler des quartiers chauds. Il est vrai que nous ne devons pas tuer les quartiers qui ont de l'animation. Nous devons laisser ces commerces, mais ils doivent être régulés. Peut-être que les gens qui les dirigent et les exploitent devraient être un peu plus conscients des perturbations dont ils peuvent être à l'origine. C'est la raison pour laquelle l'Union démocratique du centre demandera le renvoi de cette motion en commission.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, une fois n'est pas coutume, nous reconnaissons qu'il s'agit là d'un véritable problème à prendre au sérieux. C'est la raison pour laquelle nous nous associons au renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, à qui il reste trente secondes.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste dire encore quelques mots. J'apprécie que le groupe Ensemble à Gauche rappelle les propos de son magistrat en ville, qui s'était justement engagé à combattre la problématique des dépanneurs dans le quartier des Pâquis. Et puis je voudrais transmettre un message à Mme Klopmann en réponse à sa demande d'amendement. Qu'elle renonce à son amendement, et on pourra travailler cette motion en commission ! Ce n'est pas ici qu'on va amender une motion et commencer... Il ne faut pas oublier que nous ne sommes plus au Municipal, nous sommes au Grand Conseil, Madame Klopmann. Je vous remercie de bien vouloir retirer votre amendement et de bien vouloir étudier sérieusement...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pascal Spuhler. ...cette motion à la commission de l'économie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie, que je soumets aux votes de l'assemblée. Ah, Monsieur Maudet, je vous ai oublié, excusez-moi ! (Rires. Commentaires.)
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2165 à la commission de l'économie est adopté par 48 oui contre 16 non et 3 abstentions.
Le président. Monsieur Maudet, souhaitez-vous quand même vous exprimer ? Je ne veux pas vous en empêcher ni vous frustrer. (Remarque.) Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.