Séance du
vendredi 28 mars 2014 à
10h15
1re
législature -
1re
année -
6e
session -
38e
séance
PL 11209-A
Premier débat
Le président. Nous arrivons au point suivant, le PL 11209-A. (Brouhaha.) Le rapport est de M. Guy Mettan, remplacé par Mme von Arx-Vernon, à qui je cède la parole.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...voici un projet de loi comme on aimerait ne plus en voir. Ce fut un accouchement dans la douleur, avec des travaux tout à fait sérieux à la commission des finances. Il a été relevé des difficultés de mise en place de cette réinformatisation de la gestion des bibliothèques; il a été relevé des plaintes des utilisateurs; il a été relevé des insatisfactions lors de la mise en place, et il a surtout été relevé des améliorations... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...encore à venir. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il s'agit de problèmes issus d'une certaine période où les projets informatiques nous semblaient encore mal maîtrisés, trop coûteux, et où l'Etat était un client captif qui subissait ces coûts exorbitants et affichait ce que nous estimions être un manque de contrôle. Alors je vais faire bref, Monsieur le président, parce que finalement une majorité s'est dégagée, même si on ne peut pas parler d'une grande majorité puisque c'est du bout des doigts, du bout des lèvres, avec une certaine méfiance - et c'est un euphémisme - que la commission a voté. Mais c'est en faisant contre mauvaise fortune bon coeur que je vous invite à voter ce projet de loi, en espérant que l'on ne nous y reprendra plus ! Je vous remercie.
M. Eric Leyvraz (UDC). Eh bien voilà une fois de plus un projet de loi qui nous montre la dérive de l'Etat concernant tout ce qui est informatique. Le bouclement est quand même tardif, ce projet de loi concerne la loi 9871, c'est vieux, il y a un dépassement de crédit et le résultat final n'est pas satisfaisant. Je veux bien dire que le Conseil d'Etat actuel, ma foi, a pris en main ces difficiles projets informatiques, s'est rendu compte très rapidement de ce qui ne jouait pas, qu'il y a maintenant un nouveau responsable du service informatique, à qui on peut faire toute confiance, je crois, qui est un homme capable qui nous a montré qu'il n'avait pas la langue de bois, qu'il prenait les choses bien en main et qu'il voyait parfaitement tout ce qui ne marchait pas. Nous espérons simplement que ces dérives sont terminées. Ces dernières années, nous avons dépensé des dizaines de millions dans l'informatique, si ce n'est plus, pour rien; il faut que cela cesse, il faut que l'informatique soit performante au prix le plus juste, et je dois dire que nous avons bon espoir d'y arriver avec la nouvelle direction.
M. Pierre Weiss (PLR). Je suis heureux d'entendre, ce matin, sur un objet qui concerne l'informatique, Mme von Arx-Vernon être moins lyrique qu'hier et faire état de son esprit critique. (Brouhaha.) Je rejoins ce qui vient d'être dit: nous avons eu affaire, au fil des ans, à des investissements qui se sont transformés, malheureusement, en argent jeté pour les contribuables. Les retours sur investissement n'étaient pas au rendez-vous, ce que l'on nous annonçait en matière de réduction des dépenses, hélas, ne se confirmait pas, et l'amélioration de la qualité du service était peut-être là mais à des prix qui allaient au-delà de l'imaginable. Donc aujourd'hui, il convient, même si ça n'a pas d'effet, de refuser ce qui nous est proposé pour montrer qu'il y a un moment où il faut mettre le holà à des dérives. Et le changement des responsables informatiques au fil des ans a bien montré que l'Etat lui-même avait des difficultés pour trouver des responsables. Mais il n'est pas le seul en cause ! Dans des entreprises privées aussi c'est difficile, les investissements peuvent aussi être faits de façon dispendieuse, voire sans prendre en considération, dans un premier temps, le résultat, et les travaux doivent finalement être interrompus. Voilà ce qui se passe quand l'évolution de la société nous fait croire que l'informatique peut répondre à toutes les difficultés que nous rencontrons. Seulement au Grand Conseil, finalement, on trouve les informaticiens qui sont en mesure de résoudre nos problèmes, et je tiens à féliciter les services compétents. Mais malheureusement le Grand Conseil ce n'est pas l'Etat, et il y a probablement d'autres méthodes de gestion qui mériteraient d'être améliorées. Il faudra donc dire non à ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit par les précédents intervenants, ce projet est vraiment emblématique des nombreuses années de dysfonctionnement de l'informatique de l'Etat. On a vu, dans ce projet BiblioDIP, des problèmes dans la phase de définition des besoins par les futurs utilisateurs, mais aussi dans la gestion du projet par le CTI de l'époque puisque le projet a été développé hors de la procédure Hermès, qui est normalement le logiciel utilisé pour gérer ces projets informatiques. (Brouhaha.) Tout a donc été fait de travers avec ce projet. Aujourd'hui, le CTI est devenu la DGSI, un nouveau directeur a été mis à sa tête, et comme cela a été relevé par un précédent orateur, il est vrai que M. Favre a un franc-parler, une volonté de transparence qui ne peuvent que nous inciter à l'optimisme. Cela dit, ce projet de bouclement relève du passé, relève de cette période de l'informatique de l'Etat qu'on pourrait qualifier de sombre, que nous espérons révolue, mais nous attendons encore de voir des preuves; pour le moment nous avons eu des discours et des promesses, mais nous n'avons pas encore eu de preuves tangibles que les choses allaient véritablement changer. Nous ne souhaitons pas cautionner ces dysfonctionnements, et puisque le refus d'un crédit de bouclement ne fait pas tellement de sens, les Verts poursuivront sur la voie de l'abstention dynamique. (Exclamations. Commentaires.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera ce projet de loi, mais il le fera vraiment avec un enthousiasme plus que modéré, parce que c'est un projet de bouclement et parce qu'il faut le voter. J'entends ici que tout le monde est positif, optimiste quant à l'évolution des problèmes liés à l'informatique à l'Etat; je dirai, comme saint Thomas, que j'attends pour voir, parce qu'honnêtement le nombre de rapports que l'on a reçus de l'Inspection cantonale des finances, le nombre d'heures de séances que l'on a passées à la commission de gestion - et, je pense, à la commission des finances aussi - sur les problèmes d'informatique à l'Etat, et le nombre de millions qui ont été dépensés inutilement me font croire qu'on a encore beaucoup de pain sur la planche. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Renaud Gautier, pour trente secondes.
M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, il ne faut pas dire que parce que c'est un projet de bouclement, on l'adopte. Je vous suggère la lecture de ce rapport: personne n'est responsable, tout le monde a pris le train en route, et on ne sait pas pourquoi on a claqué autant d'argent. On a claqué autant d'argent il y a de cela sept ans ! On nous demande maintenant de considérer que ce n'est pas grave, que ça a changé, qu'on doit accepter cette dépense qui ne sert à rien. Non, Mesdames et Messieurs ! On ne peut pas fonctionner comme ça, le monde réel ne marche pas comme ça: sept ans pour un crédit de bouclement, la réponse est non !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, un député socialiste, ou une députée socialiste, à la commission des finances, avait refusé ce projet de loi de bouclement... (Brouhaha.) ...et en fait cette personne exprimait un certain mécontentement quant à la mise en oeuvre de ce projet informatique, notamment au niveau des utilisatrices et utilisateurs de ce logiciel, parce qu'il ne fonctionnait pas à satisfaction pendant plusieurs années et que les coûts de ce logiciel n'intégraient pas cette inefficacité sur le terrain ! Dans les écoles, quand un logiciel est installé, il y a les coûts informatiques, il y a les coûts d'installation, mais en réalité, si les personnes ne peuvent plus utiliser le logiciel pour gérer leur bibliothèque et qu'elles doivent faire des petites fiches en carton ou des tableaux Excel à côté pour organiser les prêts, eh bien c'est tout simplement du gaspillage de deniers publics. Et le paradoxe c'est qu'en plus il s'agit d'un logiciel qui n'est pas compatible avec celui des bibliothèques romandes, le fameux RERO. Le problème, c'est que ce RERO coûte très cher; annuellement on évoque le coût de plus d'un million de francs en licence, et c'est ce qui expliquait le choix de développer un autre outil sur la base d'un logiciel français qui en réalité, je pense, n'était pas adapté aux besoins genevois. Mais c'est vrai que ce n'était vraiment pas satisfaisant d'avoir un dépassement pareil et une situation pareille pour un tel logiciel.
Maintenant, ce qu'on peut dire, c'est que dans tous les projets informatiques il y a des responsables, mais ils sont plutôt multiples; c'est ce qui fait qu'on ne peut pas en désigner un seul. Il y a peut-être le département qui, quand il donne des ordres, n'établit pas forcément un cahier des charges assez clair, et il y a peut-être les entreprises qui ne comprennent pas exactement les besoins formulés et qui ne sont pas capables de poser les bonnes questions - et évidemment, si elles cherchent des marchés elles ne vont pas poser de questions mais prendre le marché, et surtout ne rien dire avant que ça soit installé. Donc cela n'est pas du tout satisfaisant. Comme c'est un bouclement on pourrait le refuser factuellement, mais en même temps ça ne changerait rien, et c'est ça le problème. En tout cas je crois qu'il y a un mécontentement généralisé quant à la façon dont ce dossier a été géré.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup l'ont dit, il y a quelque chose d'irritant dans ces projets de bouclement qui viennent moult années plus tard. Et ici, quand même, si on lit la page 6 du rapport, on voit que ce n'est pas loin de plus de 45% d'augmentation qu'on nous demande, comme ça, sur le siège, en disant que tout va très bien, Madame la marquise. Il y a eu des erreurs, on a entendu, en commission des finances, que le projet n'est pas satisfaisant, mais enfin, parce que c'est un projet de bouclement on ne peut pas faire autrement ! Eh bien peut-être que l'Etat ne peut pas faire autrement, Mesdames et Messieurs les députés, mais en ce qui me concerne, je trouve que ça va trop loin. S'il n'y avait qu'un cas, on pourrait à la rigueur s'abstenir pour peut-être marquer une désapprobation, mais là, non, ça ne va plus; l'informatique n'est pas la déesse que tout le monde veut nous décrire, qui résout tous nos problèmes, bien au contraire ! Il semble que plus on va de l'avant, plus elle nous crée des problèmes et des fossés financiers. Mesdames et Messieurs les députés, pour ma part je refuserai ce projet de bouclement.
M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Je voulais juste amener un élément concret, on va dire, par rapport à cette demande de crédit de 715 000 F. On parle de logiciel informatique pour les bibliobus; moi je voulais juste rappeler qu'à l'heure actuelle, au département de l'instruction publique, dans les écoles primaires, nous avons déployé 2200 machines avec des logiciels totalement libres type Ubuntu pour Linux - pour ceux qui connaissent un petit peu. Donc des économies, on en fait en mettant des logiciels libres ! Alors après on est pour ou on est contre, mais personnellement, quand je vois qu'il faut 715 000 F pour effectuer la réinformatisation des bibliobus... (Brouhaha. Commentaires.) ...je trouve qu'on est complètement à côté de la plaque. Nous devons mettre l'argent là où il faut et arrêter de faire des dépassements inutiles. Servons-nous de ce qui se fait actuellement, il y a des écoles qui utilisent des logiciels pour gérer leur bibliothèque qui ont été faits à la demande des communes et qui ont coûté beaucoup moins cher. Je pense qu'on devrait donc d'abord regarder ce qu'on a avant d'aller chercher ailleurs ce que l'on n'a pas.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, à qui il reste deux minutes.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. En effet, je me suis déjà permis d'intervenir sur ce genre de sujet concernant l'informatique et ses coûts puisqu'on a dépensé plusieurs millions de francs entre les années 2000 et maintenant pour des projets, des systèmes et des programmes informatiques, et bien souvent on a dû assumer des dépassements, ce qui est regrettable. C'est regrettable d'autant plus - et si je me rappelle bien, Monsieur le conseiller d'Etat, vous m'aviez approuvé à l'époque, lorsque j'avais parlé de ça au dernier budget - qu'on pourrait éventuellement essayer de développer, par rapport à l'informatique, ce «pool» d'excellence que nous avons entre autres au CHUV. Il y a des informaticiens très compétents qui pourraient éventuellement travailler sur des programmes informatiques, donc s'il vous plaît, Monsieur le conseiller d'Etat, essayez de voir s'il n'y a pas un projet à mettre en place afin qu'on évite de dépenser vraiment inutilement de l'argent pour des programmes qui, souvent, sont ballots parce qu'ils ne fonctionnent pas comme on voudrait. Merci !
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je n'avais pas prévu d'intervenir sur ce sujet mais je suis interpellé donc je vous réponds volontiers. Je risque simplement de vous donner la même réponse qu'il y a deux ou trois mois, et que je vous redonnerai encore dans deux ou trois mois. Pourquoi ? Parce qu'on est dans cette phase de purge - et j'emploie le terme vraiment à dessein - d'une quarantaine de projets de lois qui datent, comme vous le voyez, de la décennie précédente, projets de lois sur lesquels nous avons fait un travail méticuleux de constat quant au dépassement dans certains cas, et d'autres pour lesquels, parfois - et c'est peut-être plus grave - nous avons respecté l'enveloppe financière mais pas le périmètre prévu, c'est-à-dire que nous n'avons pas atteint l'objectif. Mais nous avons considéré, depuis bientôt deux ans que je dirige sur le plan politique cette importante entité de l'Etat qu'est la DGSI, que nous devions mettre un coup d'arrêt, faire un état des lieux général, et, à la faveur de ces projets de bouclement, vous donner la possibilité de faire tous ces constats, que je partage - quand j'entends M. Lussi, je suis d'accord avec ce qu'il dit. Mais de grâce, ne nous faites pas le grief d'accélérer le rythme dans cette direction; nous purgeons le passé ! Et cette purge aura lieu encore cette année, après ce sera fini. Nous avons le dernier train de projets de lois de bouclement qui arrivera dans le courant de ces prochains mois, qui nous permettra de vraiment marquer un coup d'arrêt, parce que nous n'avons pas, dans l'intervalle - vous le savez puisque c'est vous qui votez les projets de lois - relancé toute une série de projets informatiques. Il y aura besoin d'argent, mais là on vous fera la démonstration, sur les prochains projets de lois, d'abord qu'on ne réinvente pas la roue - et vous avez raison, Monsieur le député, il y a des cantons voisins qui parfois ont des solutions de série qu'on peut reprendre et qui sont beaucoup moins coûteuses, on n'a pas besoin d'être toujours les premiers en tout, ici on peut aussi reprendre des solutions que d'autres ont adoptées. On n'a pas la nécessité non plus, je le redis très clairement, de tout externaliser; on a des capacités, des forces internes, notamment lorsqu'il s'agit - je sais que vous y êtes sensibles - de domaines informatiques qui ont trait à la sécurité, de données importantes, et il s'agit de préserver cette capacité interne de développer des projets. Et puis parfois il y a aussi - je le dis franchement, et ce n'est pas le ministre des finances qui va me contredire, les autres on le leur transmettra - la question qui peut se poser, comme cela vient d'être émis, de savoir si vraiment l'informatique est nécessaire dans tel ou tel domaine ! L'informatique est souvent perçue, aujourd'hui, comme la solution absolue, alors qu'en amont on n'a pas défini clairement quel était le problème. Là aussi, c'est un exercice utile que nous faisons et que nous allons continuer de faire. Mais s'il vous plaît, votez ce projet de loi comme les autres projets de bouclement; on a compris le message, ce n'est pas nécessaire de nous compliquer encore la vie avec des refus. Cette purge une fois faite... (Commentaires.) ...nous démontrerons à quel point nous fonctionnons sur d'autres paradigmes.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11209 est rejeté en premier débat par 47 non contre 21 oui et 13 abstentions.