Séance du
vendredi 28 mars 2014 à
8h
1re
législature -
1re
année -
6e
session -
37e
séance
PL 10983-A
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent le PL 10983-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Madame la rapporteure de majorité, je vous cède la parole.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais commencer par expliquer la configuration un peu particulière des rapporteurs aujourd'hui. En effet, tant la rapporteure de majorité que le rapporteur de minorité partagent en fait la même position par rapport à ce projet de loi. (Brouhaha.) Voilà... Monsieur Leyvraz, vous pouvez aller boire un café dehors ! (Le président agite la cloche.) Ouh-ouh ! Nous sommes en effet tous deux convaincus par l'excellent travail effectué par le CCSI et Camarada, et soutenons donc pleinement ces deux associations. Lors des travaux de la commission des finances, les Verts et les socialistes se sont opposés à la réduction sur deux ans du contrat de prestations de ces deux organismes. Pour nous, ce genre d'amendements est en effet extrêmement contre-productif et générateur de beaucoup de bureaucratie. De plus, il jette la suspicion sur des organismes qui ne le méritent pas. Il crée également un sentiment d'insécurité auprès de deux organisations qui sont connues pour effectuer un excellent travail. Là où l'appréciation de M. Deneys et moi-même a différé, c'est que les Verts, ne voulant pas priver le CCSI et Camarada de subventions, ont voté ce projet de loi. Personnellement, et comme je l'indique dans mon rapport de majorité, je regrette par contre infiniment que ceux qui ont voté cet amendement n'aient pas assumé leur position, voté ce projet de loi et pris le rapport de majorité. Enfin, je tiens à souligner que les Verts ont fortement regretté la manière dont tous les travaux ont été menés à la commission des finances. Il s'est plutôt agi de mener une instruction à charge à l'égard de ces deux associations, sans qu'elles puissent être entendues ou justifier certaines attaques. Beaucoup de choses fausses ont été dites et affirmées, ce qui nous a laissé un certain goût amer dans la bouche. Fort heureusement, il semble aujourd'hui que la nouvelle composition de la commission des finances soit revenue à de meilleurs sentiments, qu'elle ait visité ces deux associations et revu sa position en leur faveur. Je vous appelle donc à cesser ce psychodrame stupide et à voter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai qu'en l'occurrence, la position des socialistes est la même que celle des Verts dans ce débat. C'est vraiment dû à un concours de circonstances et à la lâcheté du PLR... (Exclamations.) ...et de ses amis du MCG, qui n'ont malheureusement pas assumé leur position en commission. C'était ça, le problème ! Ils n'ont pas assumé le fait de défendre quelque chose qui est quand même assez curieux, à savoir la réduction de la durée du contrat de prestations. Si vous lisez le titre du rapport sur ce projet de loi, il est indiqué: «deux aides financières annuelles pour les années 2012 à 2015». On peut donc penser que ce projet de loi est un projet de loi LIAF habituel d'une durée de quatre ans. Or, malheureusement, ce n'est pas le cas. Un amendement qui vise à réduire la portée de ce contrat de prestations à deux ans, en l'occurrence 2012 et 2013, a été accepté. On est en train de faire un retour vers le passé, puisqu'on parle d'années qui sont déjà écoulées. Pour les socialistes, c'est là qu'il y a un vrai problème de méthode de travail au sein de la commission des finances de l'ancienne législature. Parce que je tiens aussi à rappeler, tout comme ma collègue l'a fait, que les débats qui se déroulent depuis le début de la nouvelle législature sont bien plus sereins et factuels - en tout cas pour le moment - ne serait-ce que parce que nous sommes allés visiter les associations. Si vous lisez mon rapport de minorité qui se trouve aux pages 54 et suivantes, j'ai cité quelques interventions de députés de ces partis, qui contestent la légitimité de ces associations et prétendent qu'elles dépensent de l'argent à tort et à travers et font le même travail. En réalité, la commission des finances n'était même pas allée voir ce que font ces associations ! Et certains députés, notamment de l'UDC ou du MCG, ont reconnu qu'ils ne connaissaient pas ces associations. C'est d'autant plus regrettable que la commission des Droits de l'Homme avait donné un préavis unanime. Parce que c'est aussi ça, le problème ! Dans ce Grand Conseil, il y a des commissions spécialisées qui vont voir le travail qui s'accomplit sur le terrain. Dans la logique actuelle, ces commissions spécialisées rendent un préavis pour la commission des finances. Et que fait la commission des finances ? Elle prend le préavis et le jette à la poubelle ! Ce n'est tout simplement pas sérieux, c'est aussi une manière de gaspiller l'argent public, parce que le travail se fait à double. On pourrait donc dire que si la commission des finances va voir ce qu'il se passe sur le terrain - comme c'est le cas maintenant - il n'y a peut-être plus besoin de préavis. On peut certainement travailler dans de meilleures conditions sur les faits, et pas sur les préjugés. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont réellement regretté le fait qu'on ramène un contrat de prestations à deux ans, alors que le but des contrats de prestations est justement de permettre une prévisibilité au monde associatif pour une durée de quatre ans. Ici, on est en train de multiplier le travail administratif, de faire des contrôles supplémentaires, du travail parlementaire supplémentaire pour un résultat...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...franchement pas satisfaisant. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas d'amendement socialiste. On aurait pu reproposer de revenir à quatre ans. Mais comme on est déjà en train de parler du passé et qu'on aura l'occasion de parler du futur prochainement, c'est inutile de faire un amendement. C'est vraiment une méthode de travail qui n'honore pas...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Roger Deneys. ...ce Grand Conseil. Je vous demande simplement de mieux prendre en compte le travail du monde associatif.
M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs, lors des débats, l'UDC avait refusé en troisième débat ce projet de loi à cause de Camarada. Lors de l'audition, l'association Camarada ne s'était en effet pas montrée très coopérative, les réponses qui nous avaient été données n'étaient pas satisfaisantes et nous n'avions pas encore vu les nouveaux statuts. Bref, la situation ne nous convenait pas. Il faut cependant reconnaître que Camarada, de même que le Centre de Contact Suisses-Immigrés et contrairement à d'autres associations, a fait l'effort de nous recevoir, de nous montrer les travaux qu'ils effectuaient. Cela a duré toute une après-midi. Pour Camarada, cela a été la même chose. Ils ont répondu avec franchise à toutes nos questions et ont un peu levé les oppositions que nous avions, parce que les questions qui avaient été posées lors de la séance de commission n'avaient pas trouvé de bonnes réponses. Je dois dire que j'ai été convaincu par les réponses apportées et par la visite que nous avons faite. Et nous sommes capables de changer d'avis ! Concernant Camarada, je dois dire que le travail effectué m'a paru excellent. L'UDC vous recommande donc cette fois-ci, en changeant son avis de départ, d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les deux associations dont il est question aujourd'hui font toutes deux un travail admirable, quoique très différent. Le Centre de Contact Suisses-Immigrés offre une aide aux migrants et également aux Suisses qui souhaitent par exemple se marier avec un étranger ou une étrangère et doivent effectuer des démarches. Et surtout, il s'occupe des démarches d'affiliation à l'assurance-maladie nécessaires à la scolarisation des enfants sans papiers, ce qui répond à une exigence légale. Quant à Camarada, cette association offre des cours de français à très bas seuil pour des femmes migrantes. Là, on s'adresse à un public migrant mais légal - c'est-à-dire qui a un permis de séjour - et on aide ainsi ces personnes à établir les bases de la démarche d'intégration que l'on exige d'elles. Comme l'ont rappelé les deux rapporteurs, la commission des finances avait refusé d'auditionner ces associations l'an dernier, se basant sur des on-dit et des préjugés négatifs à leur égard, afin de limiter la durée du contrat de prestations sur deux ans au lieu de quatre, ce qui est totalement contraire à l'esprit de la LIAF - je vais y revenir. Cette année, pour le nouveau projet de loi - à savoir le contrat de prestations 2014-2017 - la commission a non seulement accepté de les auditionner, mais elle s'est rendue sur place, dans leurs locaux, pour le faire. Cela a donné aux commissaires l'occasion de voir que ces locaux n'étaient pas pavés de marbre blanc avec des robinetteries en or, comme certains semblaient le penser l'année dernière. Au contraire, ce sont des locaux modestes et des conditions de travail que personne, je crois, n'a enviées. Le nouveau contrat de prestations a d'ailleurs été accepté à une large majorité.
Outre le côté vexatoire de cette diminution de la durée du contrat de prestations envers ces deux associations, la décision - de plus en plus fréquente - de diviser la durée par deux remet en question le principe même qui a été voulu par la LIAF. Ce principe, c'est celui d'un partenariat sur plusieurs années, qui permet, d'une part, aux associations d'avoir une vision à moyen terme et une stabilité financière et, d'autre part, à l'Etat d'avoir une prévisibilité sur plusieurs années de même qu'une stabilité puisque, en général, ces sommes sont fixes sur quatre ans. En divisant le temps des contrats de prestations par deux, on multiplie le travail, non seulement pour les associations - qui ont autre chose à faire, puisqu'elles ont des prestations à délivrer sur le terrain - mais aussi pour l'administration, qui doit négocier, refaire des contrats de prestations et des projets de lois, revenir devant la commission des finances. C'est un non-sens en termes d'efficience de l'Etat. De manière plus générale, l'attitude de défiance envers le monde associatif - alors que ce dernier accomplit pour l'Etat des tâches extrêmement importantes que celui-ci ne pourrait pas accomplir lui-même ou alors peut-être pour le double du coût - pose problème. En effet, les associations ont des compétences de terrain mais aussi un engagement, un engagement bénévole de la part des membres du comité, mais également de nombreux intervenants qui travaillent bénévolement ou à des tarifs défiant toute concurrence. Et cela, on ne pourra jamais le remplacer en créant un service de l'Etat. Le rapporteur de minorité a rappelé en exergue de son rapport l'article de la constitution qui consacre le soutien au monde associatif, et je crois que nous devons y être extrêmement attentifs. Car si le Grand Conseil continue à se comporter de cette manière, on risque de voir des associations abandonner purement et simplement leur travail et laisser l'Etat...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Emilie Flamand-Lew. Oui. ...et laisser l'Etat s'organiser pour offrir ces prestations, ce qui coûtera plus cher pour des prestations de moins bonne qualité. Je vous encourage donc, vu que le contrat de prestations suivant est en bonne voie, à accepter le présent projet de loi et à continuer de travailler dans l'esprit de la LIAF en évitant ce genre d'amendements tout à fait vexatoires qui nuisent à l'efficience de l'Etat.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Il semble que ce projet de loi ait été traité par des commissaires survoltés lors de quatre séances assez sportives et houleuses. (Commentaires.) Il s'agissait tout de même de libérer 2 674 000 F d'aide financière sur quatre ans accordés d'une part au Centre de Contact Suisses-Immigrés - dont le nombre de dossiers à traiter explose - et d'autre part à l'association Camarada, active dans l'intégration des étrangers, dont une part est constituée de clandestins. (Exclamations. Commentaires.) Il a été mentionné que Camarada est une association qui encourage la venue des sans-papiers et vit du problème qu'elle crée. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est inscrit dans le rapport !
Le président. Chut ! Poursuivez, Monsieur.
M. Bernhard Riedweg. Camarada s'occupe essentiellement de femmes, parfois accompagnées de leurs enfants. Comment ces gens-là sont-ils arrivés en Suisse, et particulièrement à Genève ? (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Bernhard Riedweg. On sent nettement l'exaspération de certains commissaires dans l'octroi de subventions, ce qui les incite à vouloir diminuer les contrats de prestations de quatre à deux ans. Il a été demandé que ces deux associations fusionnent afin de diminuer les subventions non monétaires concernant les locaux occupés. L'Etat est dans une situation financière difficile et doit également en faire porter les conséquences à des associations telles que celles mentionnées dans ce projet de loi. Tout le monde, Mesdames et Messieurs, doit et devra faire des efforts en ce qui concerne les finances. La question de l'aide financière pour 2014 et 2015 sera posée dans le courant de cette année, et il est à espérer qu'elle sera traitée de manière plus sobre. Bien que l'UDC ait des doutes concernant la gouvernance, elle va tout de même approuver ce projet de loi. (Exclamations.)
M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, après l'intervention du député Leyvraz, je me disais: « Voilà enfin quelque chose de positif ! Voilà des personnes qui, après avoir auditionné des associations, changent d'avis !» Mon enthousiasme a été un peu modéré suite à la dernière intervention. Néanmoins, l'essentiel est que les choses avancent. A titre personnel, je voudrais juste vous dire que j'ai travaillé dans le domaine social pendant environ trente ans et côtoyé au quotidien ces deux associations, qui font un travail clairement différencié: le Centre de Contact Suisses-Immigrés travaille dans le conseil individuel, tandis que Camarada oeuvre dans la formation avec des groupes. Il est d'ailleurs un peu étonnant de voir qu'on propose ici un seul projet de loi pour deux associations tellement différenciées. Ma foi, je n'étais pas là et ne sais donc pas quelles sont les raisons profondes qui ont poussé à cela. Maintenant, l'essentiel est effectivement d'avancer, d'offrir notre aide financière à ces associations qui font un travail remarquable, un travail remarquable avec beaucoup de bénévolat. Je pense en particulier aux comités et aux présidents de ces associations, dont le travail coûterait effectivement quelque chose s'il n'était pas fait à ce niveau-là. L'essentiel est donc d'avancer, et il me semble que dans cette noble assemblée, nous arrivons à quelque chose de positif. Bravo et merci !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer, qui n'est pas là. Madame von Arx-Vernon, c'est donc à vous.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Face à certaines interventions, ma mère aurait dit: «Il vaut mieux entendre ça que d'être sourde !» Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'avantage de ce qui a failli être un psychodrame - par méconnaissance du monde associatif incarné par le Centre de Contact Suisses-Immigrés et Camarada - c'est que cela a permis à certains de découvrir ces associations. D'aucuns ont d'ailleurs eu l'honnêteté de reconnaître qu'ils ont appris quelque chose, ce qui est tout à leur honneur. Cela nous a également permis de comprendre que ces deux associations faisaient un travail complémentaire, et non en doublon. En effet, elles s'adressent à deux types de population tout à fait différents qui, si ces associations n'existaient pas, seraient encore plus dans la méconnaissance de leurs droits et devoirs, et de leurs possibilités d'intégration dans les conditions les plus simples, les plus légères d'accompagnement. Mais surtout, Mesdames et Messieurs les députés, cela permet d'éviter une exclusion et des problèmes de grande précarisation, qui coûtent toujours beaucoup plus cher à l'Etat, non seulement en souffrance, mais aussi et surtout en argent. C'est un moyen de travailler de manière extrêmement respectueuse de ces populations, et en même temps extrêmement respectueuse des deniers de l'Etat. Pour le parti démocrate-chrétien, ce type de projets de lois et de soutien est l'incarnation de ce qui nous tient très à coeur, à savoir la subsidiarité, Monsieur le président. La subsidiarité entre l'Etat et les associations - qui travaillent de manière extrêmement concrète sur le terrain - fait que nous y sommes tous gagnants, et c'est cela qui fait Genève. Le parti démocrate-chrétien vous invite à soutenir ce projet de loi avec beaucoup d'enthousiasme. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Renaud Gautier (PLR). Mesdames et Messieurs, permettez à un survolté - bonjour, Monsieur Riedweg ! - voire à un lâche - bonjour, Monsieur Deneys ! - de venir très simplement rappeler ici que le débat que nous avons aujourd'hui porte sur la durée, non pas sur le montant. Effectivement, un certain nombre de questions d'ordre organisationnel ont permis à quelques lâches survoltés de se demander si on ne pouvait pas faire la même chose, mais mieux. Le débat que nous avons ici est un débat sur l'organisation, ce n'est pas un débat financier, puisque tout le monde est d'accord de soutenir ces institutions.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je souhaiterais que dans notre pays, il soit obligatoire pour les jeunes - ou les moins jeunes - de voyager pendant un an, afin qu'ils puissent ouvrir les yeux pour bien voir ce qu'il se passe dans des pays différents du nôtre. A croire qu'on est en train de découvrir l'accueil à Genève ! Et on ose demander d'où viennent ces gens. Ces gens ? Mes compagnons, mes compagnes ! D'où viennent-ils ? Eh bien, tout comme nous, ils viennent d'un pays, d'une terre. Mais ils ont simplement été maltraités, ils ont été poursuivis, ils ont dû se déplacer. Et les pauvres arrivent à Genève, à Camarada. Personnellement, je me suis demandé pourquoi la commission des finances avait tellement travaillé sur Camarada en particulier. Ça m'a vraiment... Tout simplement parce que je vais assez souvent chez Camarada. J'aime bien manger avec eux, autour de la table ronde, au milieu de leurs locaux. Ces locaux font d'ailleurs plutôt penser à des locaux d'orphelinats catholiques ou protestants que j'ai bien connus, où on met des affiches, on essaie de cirer les parquets, mais ça a toujours une odeur un peu vieillotte. L'ambiance de Camarada devient gaie quand les femmes africaines amènent leurs tissus, quand les femmes indiennes viennent apprendre l'alphabet et que - Dieu merci ! - il y a beaucoup d'enfants autour d'elles. C'est un vrai bonheur de les entendre parler, rire et chanter, comme le dit d'ailleurs Resnais dans son dernier film, ce n'est pas nouveau. Ce que je trouve quand même incroyable, c'est cette difficulté à accepter que des associations puissent oeuvrer de cette manière-là. Il faut qu'on essaie de trouver où ça ne va pas. Alors soit il y a des doublons - puis après, on constate que ce n'est pas le cas - soit on se dit qu'ils ne font pas grand-chose, soit c'est subversif. Il y a là un côté assez pervers. On pourrait peut-être conseiller aux membres de la commission des finances de considérer plutôt ces associations comme des associations ouvertes au monde, même si elles accueillent des gens sans papiers. Forcément qu'ils sont sans papiers ! Et alors ? Peut-être est-ce nous qui avons trop de papiers ! (Rires. Applaudissements.) Quand on va dans ces pays-là, on est en général bien accueillis. Moi, je souhaiterais que Genève reste un peu généreuse, ce qui n'empêche pas qu'on contrôle les finances, ce qui n'empêche pas qu'on lise les rapports. Je suppose que la commission des finances n'avait peut-être pas lu les rapports de Camarada qu'on a reçus de M. Gardiol et autres, et que je me fais un plaisir de lire chaque année. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Marie-Thérèse !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Cyril Aellen pour trois minutes.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. J'aimerais dire que je regrette ce débat de forme, de position entre les représentants de l'Alternative et le reste du parlement. Ils savent parfaitement - et M. le rapporteur de majorité en priorité - qu'en réalité, les membres de la commission des finances, lors de l'ancienne législature, avaient quelques doutes quant à la pertinence de cette subvention et que, finalement, ils ont décidé de réduire de moitié la durée, pour examiner l'autre moitié de façon plus approfondie. C'est ce qui a été fait ! En réalité, la divergence reposait précisément sur la façon de travailler. Le parti socialiste et les autres de l'Alternative souhaitaient que nous n'approfondissions pas plus la situation et que nous votions les yeux fermés. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas comme ça que ça a été fait. Le travail a été fait différemment dans la législature suivante s'agissant des deux autres années pour ce contrat de prestations. Il a été clairement mis en évidence les éléments suivants: Camarada fait un excellent travail. Le Centre de Contact Suisses-Immigrés fait un excellent travail. C'est un travail d'intérêt public, effectué selon la forme adéquate, parce que ce sont deux associations qui travaillent avec une quantité importante de bénévoles. Ils arrivent à avoir une implantation sociale indispensable dans le cadre des travaux qui sont faits. Le montant qui leur est alloué est tout à fait adéquat et profitable à la communauté genevoise. Par voie de conséquence, nous aurons la seconde partie du contrat de prestations qui a été voté en commission à l'unanimité - moins une abstention - et le rapporteur sera un PLR. Voilà.
M. Michel Ducommun (EAG). Il est intéressant pour moi d'intervenir juste après M. Aellen, parce qu'une bonne partie des choses qu'il a dites ont été observées par l'ensemble de la commission des finances et se sont révélées correctes. Il est clair qu'au moment du premier débat, il y avait des doutes, des remises en cause, la volonté de diminuer ce qui était offert à Camarada ou au Centre de Contact Suisses-Immigrés. Ces réticences, ces craintes et ces critiques, je ne les comprenais personnellement pas, parce que je connaissais déjà un peu ces organisations. Le fait qu'il y ait eu des visites à Camarada a aidé - je crois que cela a été dit, je n'ai pas besoin de le répéter. Mais, effectivement, pour l'intégration d'étrangers qui arrivent dans des conditions souvent difficiles, le problème du langage est fondamental. L'essentiel de ce que fait Camarada, c'est d'apprendre le français à des étrangers qui n'ont à peu près pas de formation scolarisée, ce qui soulève aussi des réflexions sur la manière d'apprendre le français à ce type de populations. Je pense en effet... D'accord, je ne vais pas revenir sur le constat que c'est très positif. S'agissant du Centre de Contact Suisses-Immigrés, je rappelle que même les enfants de parents qui n'ont pas de papiers ont droit à l'éducation, c'est à mon avis la chose la plus importante ! Il y a des démarches à entreprendre pour respecter ce droit. Voilà ce que fait en grande partie le Centre de Contact Suisses-Immigrés. Il est vrai que si on n'avait affaire qu'au projet de loi qui est proposé aujourd'hui... Je l'ai combattu en commission, je le combattrais si ce n'était que... C'est un peu du passé. Monsieur Riedweg, concernant vos remarques de tout à l'heure, j'ai l'impression que vous avez raté un train ! Nous accepterons ce projet de loi essentiellement en fonction du suivant qui a reçu l'unanimité à une exception près. Il s'agissait de quelqu'un qui voulait faire un rapport de minorité sur un sujet que j'allais qualifier d'annexe, même si ce n'est pas tout à fait vrai. Il y a donc eu unanimité pour le projet suivant que nous vous présenterons dans cette salle. Voilà pourquoi nous acceptons aussi celui-ci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer pour quarante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Pour un sujet aussi important, quarante secondes, c'est évidemment... C'est tout le problème de ce parlement ! Je vais simplement dire que je fais miens les propos de ma collègue Marie-Thérèse Engelberts, parce qu'il est vrai que ces associations sont d'utilité publique. Mais il y a un sujet qui est tabou dans ce parlement, un sujet qui est tabou lorsqu'on parle de ces associations, c'est l'hypocrisie qui règne s'agissant des sans-papiers qui travaillent dans des conditions inacceptables, souvent sans assurances sociales...
Le président. Il vous reste dix secondes.
M. Eric Stauffer. Oui, c'est ce que je disais: bâcler un sujet aussi important, je trouve ça absolument antidémocratique. Je vais donc me taire.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Mais je n'en penserai pas moins.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de majorité. Je ne vais pas être longue, mais je voudrais réagir à certains propos qui ont été tenus dans ce parlement. La première chose, c'est que je suis ravie de l'intervention de M. Aellen, qui admet en effet que ces deux associations font un travail extrêmement utile. Par contre, je ne peux pas le laisser dire que l'Alternative a voulu empêcher la droite d'investiguer ces deux associations. Au contraire ! Pendant tout le traitement de ce projet de loi, nous n'avons cessé de répéter: «Auditionnons ces deux associations ! Faites part à leurs membres de vos griefs, et ils pourront ainsi répondre !» La majorité de la commission ne voulait pas auditionner les associations et avait une attitude extrêmement dogmatique et critique, sans vouloir entendre les réponses. Au contraire, nous appelions de nos voeux ces investigations, parce que nous pensions que si des accusations sont formulées, il faut y répondre ! Et il faut amener des réponses ! (Remarque. L'oratrice rit.) Arrête de me parler !
Pour répondre ensuite à M. Riedweg: Monsieur, mon collègue a gentiment dit que vous aviez raté un train, mais c'est bien plus que ça ! En fait, ces deux associations - et cela s'adresse aussi à M. Stauffer - ne travaillent pas avec des sans-papiers ! Là, vous posez un faux problème. Ces associations ne travaillent pas avec des sans-papiers, mais avec des gens qui vivent ici avec un permis de travail, et elles visent soit à donner des cours de langue, soit à aider les familles à accéder à des assurances-maladie et à scolariser des enfants. Il s'agit de familles qui habitent à Genève avec des papiers ! Vous ne pouvez donc pas accuser ces associations de travailler avec des sans-papiers, c'est faux !
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame.
Mme Sophie Forster Carbonnier. Enfin, M. Riedweg mentionnait aussi qu'il fallait fusionner ces associations. On ne peut pas les fusionner, parce qu'elles font un travail extrêmement différent et incompatible l'un avec l'autre. De plus, les locaux sont différents, les besoins en locaux sont différents, le besoin d'accueil est complètement différent.
Le président. Vous avez terminé, Madame.
Mme Sophie Forster Carbonnier. J'ai terminé, Monsieur le président, et je me félicite que ce parlement soit revenu à de meilleurs sentiments et vote ce projet de loi.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je vais rapidement prendre acte de la conclusion heureuse de ce long processus. Long, parce qu'il a commencé au Conseil d'Etat en 2011 pour un renouvellement de contrat de prestations - qui est normalement un peu anticipé - s'agissant de la période 2012-2015, et qu'il a nécessité de multiples auditions auxquelles je me suis livré de bonne grâce. Je constate qu'il a fallu un certain temps pour admettre des réalités qui avaient pourtant été clairement exprimées dès le début. J'aimerais dire toute l'importance que le gouvernement porte à l'action du Bureau de l'intégration des étrangers. A travers son action, il y a l'idée que l'Etat ne doit pas tout faire tout seul, mais peut se reposer, à intervalles réguliers et en s'interrogeant sur son efficacité, sur ce tissu associatif indispensable s'agissant de la prise en charge de populations particulières, ici de populations migrantes. C'est une notion de pragmatisme - le député Aellen l'a dit tout à l'heure - de proximité et d'efficacité dans l'action de tous les jours. Au nom du gouvernement, je veux souligner la qualité du travail de ces associations qui, certes - il n'était pas inutile de se poser quelques questions à la commission des finances - ne recoupaient à l'époque pas toutes les conditions exigées par la loi, notamment la LIAF qui préside à l'attribution de subventions. Dans l'intervalle, ces associations ont fait un petit effort de forme.
Mais j'aimerais dire en écho aux propos du député Stauffer qu'on ne doit pas opposer une hypocrisie à une autre et que l'enjeu, dans notre cité, est d'identifier des populations particulièrement vulnérables, qu'elles soient sans papiers ou non. Je parle notamment des populations de femmes et d'enfants qui, si on les laisse à la marge, si on entretient leur vulnérabilité, présentent ensuite des problèmes de sécurité majeurs, comme la traite d'êtres humains ou l'exploitation. Ce sont des phénomènes réels dans notre cité, contre lesquels on ne se battra pas par des aspects de forme, mais par une action d'ensemble des acteurs - des acteurs privés et publics - qui, de façon concertée, doivent permettre de sortir ces populations de la vulnérabilité. Voilà l'enjeu ! C'est là-dessus que le gouvernement reviendra bientôt, notamment s'agissant de la question des sans-papiers. Lorsque l'on constate véritablement, à la lecture quotidienne - c'est mon cas - des mains courantes de la police, l'exploitation de ces vulnérabilités, il y a des situations intolérables. De ce point de vue là, je vous invite - parce que cela va contribuer à les résoudre - à voter des deux mains...
Une voix. Dès demain ?
M. Pierre Maudet. ...des deux mains - donc aujourd'hui - ce contrat de prestations ainsi que les suivants. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Stauffer, c'est pour le vote nominal ?
M. Eric Stauffer (MCG). Non, Monsieur le président, c'est pour rétablir mes propos. Ma collègue s'est méprise et n'a pas bien interprété mes propos et, conformément à l'un des articles de notre règlement, j'ai le droit de les rectifier. J'ai simplement parlé des conditions de travail des sans-papiers, dont M. le conseiller d'Etat vient de faire état. Je n'ai pas dit que ces associations travaillaient avec des sans-papiers.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous en avons pris note. Nous passons maintenant au vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10983 est adopté en premier débat par 81 oui et 8 abstentions.
La loi 10983 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10983 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui et 9 abstentions.