Séance du
vendredi 24 janvier 2014 à
17h05
1re
législature -
1re
année -
4e
session -
21e
séance
P 1884-A
Débat
Le président. Nous allons poursuivre notre ordre du jour et nous reprenons nos urgences laissées hier soir avec le rapport P 1884-A. Nous sommes en catégorie II, qui prévoit quarante minutes de débat. Je vais passer la parole au rapporteur de majorité. Monsieur Baertschi, vous avez la parole.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la commission des pétitions a pris connaissance de la pétition 1884 et a fait un grand nombre d'auditions de toutes les personnes concernées, notamment le syndicat SSP, la société Gate Gourmet, l'Aéroport international de Genève et la conseillère d'Etat, Mme Isabel Rochat.
Si la majorité a décidé de déposer la présente pétition sur le bureau du Grand Conseil, c'est que le Conseil d'Etat est parfaitement renseigné sur ce qui se passe à l'aéroport et le conflit Gate Gourmet. Il a paru également choquant à certains commissaires de pointer du doigt Gate Gourmet Genève qui, c'est une réalité pour certains, offre des conditions salariales meilleures que son concurrent Canonica à Genève, des conditions également meilleures que celles de Gate Gourmet Zurich et que celles du deuxième concurrent qui se trouve à Zurich également. Il a paru tout aussi choquant que les employés de Gate Gourmet soient utilisés dans un combat idéologique. N'oublions pas que six d'entre eux ont été licenciés suite à des violences à l'intérieur de l'entreprise, alors que le dialogue aurait dû l'emporter. Si la violence peut parfois être nécessaire dans le combat syndical, ça ne doit en tout cas pas être une arme utilisée à tire-larigot.
Les contrevérités qui sont lancées tous azimuts dans ce parlement et ailleurs dans le dossier Gate Gourmet n'y changeront rien. La majorité de la commission estime qu'il ne faut pas pointer du doigt des méchants patrons comme on l'a fait. Ces mêmes patrons offrent, curieusement, dans le cas précis, de meilleurs salaires. Non, il faut s'attaquer au fond du problème; il faut s'attaquer à ce qui est vraiment constitutif du problème de l'aéroport, aller vraiment au fond des choses. C'est notamment ce que propose un groupe parlementaire de la majorité de la commission dans un projet de loi.
Il y a en fait quatre éléments qui méritent d'être analysés, par ordre d'importance: les règles de concurrence imposées par Berne et l'Europe; l'impuissance des autorités genevoises, impuissance que les autorités ont elles-mêmes en partie créée et qui est due aux règles de concurrence imposées par Berne; le syndicalisme offensif que nous avons là et qui est en rupture avec la tradition de paix du travail et de syndicalisme de négociation usuel que nous avons en Suisse; finalement, il y a l'héritage Swissair.
Commençons par les règles de concurrence imposées par Berne et par l'Europe - parce que c'est ça le noeud du problème. Comme l'a indiqué le directeur général de l'AIG, l'aéroport doit respecter une concession qui est accordée par Berne, qui lui laisse hélas une très faible marge de manoeuvre. Il faut également dire que l'aéroport est tenu...
Le président. Il vous reste trente secondes !
M. François Baertschi. Ah oui ? J'aurais quelque peine à aller au bout...
Le président. C'est pour ça que je vous avertis !
M. François Baertschi. Mais, pour aller au coeur du sujet, il y a ce problème des règles concurrentielles qui exigent qu'il y ait deux concessionnaires, bientôt trois. On nous pousse à une concurrence qui est une concurrence excessive, abusive, à laquelle il faudrait s'attaquer. Ce sont ces éléments, c'est l'Europe, ce sont les frontières ou l'absence de frontières qui posent problème et non pas les salaires en l'occurrence.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. François Baertschi. Je conclus. L'impuissance des autorités genevoises vient du fait qu'elles sont réduites aux bons offices en la matière. Et, quoi que nous raconte le Conseil d'Etat, quoi que nous racontent les parties, c'est une politique de bons offices qui sera faite, alors qu'il faut aller au coeur du sujet: les conventions collectives de branches. C'est ce que propose un des groupes majoritaires.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Est-ce que vous voulez prendre la parole maintenant, Madame Haller ? (Remarque.) Je vous la cède, pour quatre minutes.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, silence complice ou silence coupable ? C'est ainsi que force est d'interpréter ce que se sont évertués à dire jusqu'ici tant le Conseil d'Etat, la direction de Gate Gourmet et les responsables de l'aéroport. Pourtant la grève de Gate Gourmet et les mouvements de lutte qui l'ont précédée ces dernières années sur le territoire de l'aéroport auraient dû alarmer les autorités - l'inspection du travail notamment. Non, chacun s'est contenté en substance de dire que tout cela était regrettable, mais que, pour conserver les emplois en question, il fallait bien consentir à quelques sacrifices. En fait, c'est pour leur bien qu'on porte atteinte aux conditions de travail des salariés. Aucun dumping salarial, pas l'ombre d'un choix politique de dérégulation ! Aucune volonté, finalement, de faire des économies sur la production pour mieux servir les ressources, les revenus des actionnaires !
Mais où donc se portait le regard des autorités pour ne pas voir qu'on a contraint les employés de Gate Gourmet à signer un contrat à la baisse par un honteux chantage au licenciement ? La direction de Gate Gourmet a indiqué vouloir uniformiser les conditions de travail genevoises et zurichoises. D'accord, mais pourquoi fallait-il qu'elle le fasse à la baisse ? Pourquoi niveler par le bas ? Qui a pu penser un seul instant que le signal d'impunité donné à Gate Gourmet n'allait pas susciter d'autres vocations à la sous-enchère ? Naïveté des uns ou fourberie des autres, le résultat est le même: la porte est ouverte, d'autres vont pouvoir s'y engouffrer. Preuve en est la dénonciation récente de sa convention par SR Technics et la tentative de Swissport de dénoncer la sienne. Le personnel oeuvrant sur le territoire de l'aéroport l'avait bien compris, lui qui avait signé massivement la pétition «On est tous des Gate Gourmet», déclaration prémonitoire s'il en est. Ils ont signé par solidarité, mais aussi par crainte d'être les prochains à passer par le tourniquet, et c'est bien ce qui arrive pour certains d'entre eux.
Cette situation nous confronte à l'absolue nécessité de traiter avec célérité - mais sans complaisance - les abus patronaux, notamment en matière de sous-enchère salariale. Les autorités politiques doivent garantir le respect de la législation sur le travail et faire de l'emploi et de la protection des travailleurs une priorité.
Déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, comme le demande la majorité de la commission, reviendrait à donner un signal désastreux au monde patronal, ce dont d'aucuns pourraient se réjouir, mais cela signifierait surtout une démonstration de désolidarisation des autorités politiques à l'égard des travailleurs et de la population.
Aussi, compte tenu de la gravité des faits auxquels nous sommes confrontés, cette pétition ne saurait avoir d'autre destination que son renvoi au Conseil d'Etat, ce à quoi vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission.
Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans rappeler au rapporteur de majorité qui s'est plu à faire l'apologie de la paix du travail qu'elle n'est pas le fleuron, forcément, de l'histoire syndicale et, surtout, qu'elle ne lie que ceux qui l'ont signée. Alors, de grâce, que l'on cesse de vouloir constamment, en son nom, décrier tout mouvement de lutte des travailleurs ! Quant à fustiger ce que M. Baertschi qualifie de syndicalisme de combat post-soixante-huitard, je lui rappellerai quand même que les conquêtes ouvrières ne se sont pas faites dans le calme et la sérénité et qu'elles ont souvent été acquises de haute lutte.
Enfin, là n'était pas mon premier propos; j'aimerais quand même apporter une précision en ce qui concerne les violences dont M. Baertschi a fait état tout à l'heure et qui renvoient aux plaintes pénales déposées contre un certain nombre de grévistes.
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Jocelyne Haller. Aujourd'hui, le tribunal n'a pas encore statué et il convient d'accorder la présomption d'innocence aux personnes qui ont été accusées !
M. Bernhard Riedweg (UDC). Monsieur le président, l'ouverture du marché du travail, le développement de la concurrence avec les règles européennes ont péjoré les conditions salariales et sociales des employés de Gate Gourmet. La défense des droits acquis souffre actuellement par rapport au temps de leur promulgation, quand Gate Gourmet était dans le giron de Swissair. Les conditions salariales à Genève sont meilleures qu'à Zurich et c'est une des raisons pour que Gate Gourmet fasse des ajustements à Genève. Cet employeur tient le couteau par le manche, il est en position de force car il trouve suffisamment de personnel pour assurer ses services compétitifs avec une qualité de produits reconnue malgré les désordres qu'attisent les syndicats. Les conditions-cadres de Gate Gourmet sont les meilleures des quatre entreprises suisses actives dans le domaine. Gate Gourmet est confronté aux prix agressifs de plusieurs compagnies orientales. Notre gouvernement n'a qu'un rôle de bons offices entre deux parties en conflit et sa marge de manoeuvre est très étroite voire faible puisque les décisions déterminantes sont prises à Berne et à Bruxelles. Ce sont les conditions européennes qui génèrent cette situation dont nous discutons aujourd'hui. On mentionne des salaires de 3335 F, mais si on compte les indemnités et les primes, on arrive bien au-delà d'un salaire de 4000 F. Il n'est pas absolument nécessaire de vivre à Genève pour travailler chez Gate Gourmet, se déplacer depuis le nord vaudois est tout à fait envisageable !
Ne nous laissons pas influencer par des syndicats qui essaient par un grand tintamarre médiatique de déstabiliser le politique dans une affaire concernant une personne morale privée qu'est Gate Gourmet.
M. Jean Romain (PLR). Monsieur le président, chers collègues, personne ne nie qu'il y ait de sérieux problèmes à l'aéroport, notamment autour de Gate Gourmet, mais nous refusons l'alternative entre silence complice d'une part et silence coupable de l'autre, parce qu'au fond il ne s'agit pas de cela. Il n'y a pas d'un côté des méchants patrons mus par les actionnaires et de l'autre côté des gentils employés contre lesquels on a tout de même déposé plainte pour une violation de domicile. Je crois que les gens - nous les avons entendus en commission - ont pu s'exprimer. Ils ont énoncé les griefs qu'ils avaient. Nous avons écouté ces griefs, nous avons bien compris qu'une convention collective de travail cantonale avait été remplacée par une CCT fédérale. Une CCT fédérale d'ailleurs acceptée par les syndicats zurichois et, au fond, on comprend aussi qu'elle est moins avantageuse.
Nous avons eu ce débat hier, chers collègues. Une décision a été prise. Nous revenons aujourd'hui, nous pourrions agiter les mêmes arguments, mais cette pétition ne méritait pas l'urgence et je propose donc, étant donné tout ce qui a été dit et redit et qui pourra encore être redit une fois de plus, de suivre le rapport de majorité, à savoir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Christina Meissner pour deux minutes vingt.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, hier nous avons dû traiter une motion sur le dumping salarial qui est en train de prendre des dimensions incroyables à l'aéroport. Aujourd'hui, nous traitons à nouveau du problème du dumping salarial à l'aéroport. Peut-être ne le savez-vous pas, mais il y a déjà une résolution ! La proposition de résolution 746, qui a été renvoyée en commission le 28 novembre, avec le soutien de l'UDC, eh oui ! Elle traite justement du dumping salarial, du cas de Gate Gourmet et des autres. Est-il véritablement nécessaire de multiplier les textes ? De toute façon, il y en a un qui est en commission et qui va nécessiter de se pencher sur la question. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas encore renvoyer une pétition ou un autre texte. C'est la position que nous avons eue hier, c'est la position que nous maintenons.
Ça ne veut pas dire que nous ne sommes pas conscients du problème. Au contraire, il devient catastrophique, mais vous savez que, pour nous, pour l'UDC, il est évident que le dumping salarial est une conséquence salariale directe de cette ouverture, de cette libre circulation, du fait d'avoir une quantité énorme de travailleurs sous la main, prêts à travailler pour n'importe quel prix dans n'importe quelles conditions. Et je ne peux que me répéter pour dire qu'il faut absolument que nous ayons de nouveau le contrôle sur nos emplois et les gens qui les occupent. C'est la raison pour laquelle je vous invite une fois de plus à voter oui à l'initiative de l'UDC, mais en ce qui concerne cette pétition, eh bien non, nous ne la renverrons pas: il y a déjà un texte et il est en commission et nous l'avons soutenu. (Commentaires.) La proposition de résolution 746, déposée le 16 septembre 2013 est en commission de l'économie depuis le 28 novembre 2013. Alors, Mesdames et Messieurs qui siégez dans cette commission, faites votre boulot avec le conseiller d'Etat !
M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai bref, puisqu'on ne va pas refaire le débat qu'on a fait hier. La position du parti démocrate-chrétien était très claire: il était pour la résolution qui, malheureusement, n'a pas été votée hier. Donc, pour cette pétition, nous demanderons le renvoi au Conseil d'Etat, parce que nous soutenons la position sur Gate Gourmet.
Je rappelle ici qu'avec un petit salaire comme ça, on doit faire des heures supplémentaires ou travailler la nuit et le samedi et le dimanche pour augmenter ce salaire et obtenir un salaire décent. Ce n'est pas vraiment le but que d'obliger les gens à avoir un travail qui empêche d'avoir une vie de famille.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Je souhaiterais appeler mes estimés collègues du PLR à faire preuve de cohérence. A ma connaissance, votre parti combat l'initiative UDC contre l'immigration massive.
Une voix. Comme au Tessin d'ailleurs !
M. Jean-Michel Bugnion. Toutefois, il ne s'agit pas seulement de rejeter ce texte, encore faut-il, par des actes, démontrer à la population qu'il existe d'autres réponses concrètes, ici et maintenant, pour prendre en compte les problèmes de la population. Et deux des problèmes les plus importants sont présents dans nos débats: le dumping salarial et le logement. Or, hier, à ma grande surprise, je vous ai vu refuser d'envoyer la résolution au Conseil d'Etat, malgré l'invite de son président. En ce qui concerne le logement, vous avez joué la montre, alors même qu'il y a autant d'urgences dans ce domaine-là de montrer à la population que nous avons une volonté politique commune d'aller de l'avant et de répondre à ces problèmes.
Alors j'ai envie de vous dire que vous avez maintenant une possibilité de sortir du flou et de montrer que vos actes reflètent vos paroles. Ne la manquez pas !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il ne faut pas se tromper. Hier, nous avons parlé d'une nouvelle résolution parce que de nouveaux cas de dumping sur les salaires ont été évoqués à l'aéroport, notamment chez SR Technics et chez Swissport, alors que cette pétition est antérieure et a été déposée, il y a quelques mois, dans un contexte où il me semble que, si j'ai bien compris le rapporteur de majorité, la commission des pétitions n'a même pas lu la pétition. Parce que dans cette pétition, il est écrit, je lis, à la page 25 du rapport: «Partout à l'aéroport, des attaques sont faites sur nos conditions de travail, sur notre charge de travail, sur nos horaires, sur nos retraites, parfois aussi sur nos salaires. Il est grand temps que des règles saines et équitables soient établies durablement, de façon à empêcher les spéculateurs de faire leurs profits sur notre dos. Nous réclamons des conventions collectives de travail fortes, négociées avec les syndicats [...]» Je crois qu'il faut bien se souvenir que cette pétition ne concerne pas que le cas de Gate Gourmet: 2000 personnes sur le site de l'aéroport qui signent une telle pétition ! Il s'agit d'employés d'entreprises actives sur le site de l'aéroport qui expriment un malaise, réitéré, parce que leurs conditions de travail se dégradent, jour après jour, mois après mois, année après année. Et l'Aéroport international de Genève, Mesdames et Messieurs les députés, rapporte de l'argent à notre canton ! Mais c'est une poudrière sociale qui va exploser prochainement si ce Grand Conseil n'en prend pas la mesure !
La multiplication des textes est aussi le résultat de l'autisme d'une majorité de ce Grand Conseil. Renvoyer au Conseil d'Etat une résolution que le Conseil d'Etat appelle lui-même de ses voeux, comme c'était possible de le faire hier, eh bien, c'était peut-être un signal pour dire que le Grand Conseil est conscient qu'il y a des problèmes sur le site de l'aéroport. Nous n'avons pas de baguette magique, certes. Il n'empêche, nous souhaitons que le site de l'aéroport soit socialement le plus responsable et le plus équitable possible, pour toutes les Genevoises et tous les Genevois. Je crois que c'est notre responsabilité de députés, comme propriétaire, comme représentants des propriétaires, que de demander cela sur le site de l'aéroport.
Et quand j'entends qu'il y aurait eu des violences ou que les syndicalistes seraient des affreux gauchistes des années 68, comme c'est marqué dans ce rapport, je crois rêver ! Lisez la pétition, ne faites pas de procès d'intention: il n'y a pas 2000 gauchistes sur le site de l'aéroport. Il y a 2000 personnes au moins qui souffrent, mais elles n'ont peut-être pas toutes osé signer et c'est ça le problème. Le malaise à l'aéroport est généralisé. Si vous parlez avec des employés qui ne sont pas du tout syndiqués, qui ne sont pas du tout dans le champ politique, ils exprimeront aussi le malaise qui règne sur le site de l'aéroport en ce qui concerne les conditions de travail. Et je crois que le nier au niveau de ce Grand Conseil, c'est faire preuve d'une grande irresponsabilité; les socialistes ne comprennent pas cette position.
Au demeurant, cette pétition reflète un malaise qui n'a rien à voir avec l'Europe. Oh, je sais que l'amie des abeilles en face de moi croit peut-être que c'est ce genre de problèmes. En réalité, c'est bien la mondialisation le problème, ce n'est pas l'Europe ! C'est l'ouverture générale des marchés, c'est la concurrence à l'échelle internationale qui pousse effectivement des entreprises multinationales à proposer des conditions de travail toujours plus basses. Dire qu'ils seraient toujours mieux traités qu'à Zurich...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...est-ce que ce serait une raison suffisante pour balayer la pétition ? Ça ne m'étonne pas de la part de certains, parce que tant qu'on sera meilleur qu'au Bangladesh, ils seront contents, peut-être ? C'est une honte que de vouloir déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour donner un signal clair: l'aéroport doit cesser d'exploiter les travailleuses et travailleurs de cette façon ! (Applaudissements.)
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, à écouter M. Deneys, ici, dans cette pétition, on devrait gérer les finances à travers le monde entier et on devrait pouvoir régler ça avec cette pétition. Non, le problème de fond, c'est peut-être bien les bilatérales européennes, mais le problème de cette pétition, ce n'est pas ça et c'est pour ça que la majorité de la commission a décidé de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. C'est parce que les syndicats ont bien utilisé la force plutôt que de parlementer ou d'essayer de négocier. Ils ont pénétré des locaux, ils ont bousculé du monde, ont blessé une personne et je pense que cette attitude est totalement lamentable et qu'on ne peut pas entrer en matière. Si, effectivement, on doit soutenir la présence d'un syndicat, ceux-ci sont là pour négocier, pour discuter, pour trouver des accords et non pas pour faire un coup de force dans une entreprise de la place. L'aéroport, pour négocier les concessions des entreprises qui y sont, vérifie bien que les entreprises en concurrence aient des conventions collectives de travail. Donc, il n'est nullement question ici de sociétés qui n'ont plus de conventions collectives de travail, mais bien d'une société qui a décidé d'adopter une convention collective de travail zurichoise plutôt que genevoise, effectivement, à cause de la concurrence du marché actuel. Les employés qui sont à l'heure actuelle chez Gate Gourmet ont tous signé un contrat, le nouveau contrat qu'on leur proposait. Il est vrai que certains employés - les nouveaux entre autres - ont perdu quelques petites dizaines de francs, même pas une centaine ! Quelques petites dizaines de francs sur le salaire de base ! Mais encore une fois, je vous dis bien qu'il s'agit des nouveaux venus qui ont eu une minorisation de leurs salaires, tous les autres salaires sont supérieurs aux salaires d'avant.
Donc, pour ces raisons diverses, nous pensons qu'il était justifié de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais comme l'a rappelé Mme Meissner tout à l'heure, pour le principe de la concurrence générale et les problèmes de dumping salarial, nous avons déjà une résolution à la commission de l'économie. Pourquoi vouloir ajouter un deuxième objet, voire un troisième objet à ce principe à étudier ? Nous soutiendrons probablement cette résolution à la commission de l'économie, parce que nous voulons avoir une discussion sur le fond du problème. Toutefois, en ce qui concerne Gate Gourmet, nous estimons que ce problème est réglé et que nous pouvons déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Baertschi, vous avez la parole pour une minute trente sur le temps du groupe.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vais être très court, parce que d'autres personnes de notre groupe veulent aussi intervenir. Donc, je vais faire très très court. C'est vraiment le bal des hypocrites actuellement. C'est ce qu'on a, parce que c'est vraiment faire du bruit pour ne rien obtenir. On se retrouve avec six personnes qui ont perdu leur job à cause des âneries qui ont été faites dans cette affaire. On se retrouve aussi dans une chose: on nous dit que l'aéroport fait des bénéfices. Oui, il en fait, mais Gate Gourmet, il ne faut pas l'oublier, vient de perdre un client qui représentait 7% de son chiffre d'affaires. On est dans des situations différentes. On peut regretter la fin de Swissair, parce que si Gate Gourmet faisait encore partie de Swissair actuellement, merci les partisans de l'Internationale et de la mondialisation ! Si on avait été dans cette situation-là, on ne se trouverait pas dans la situation actuelle. J'ai terminé, Monsieur le président.
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, je ne parlerai pas de complicité, mais seulement de paix du travail, le cas échéant, de mesures d'accompagnement. La force de la Suisse est, je l'espère pour encore longtemps, la paix du travail, qui nous est enviée par bon nombre de nations. Chères et chers collègues, notamment entrepreneurs, pour ne pas détruire la force et l'exemplarité de la Suisse, je me dois de vous encourager à transférer cette pétition au Conseil d'Etat car l'entreprise est bien composée d'employeurs et d'employés qui doivent s'entendre.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer, pour quarante petites secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, ça sera largement suffisant pour dénoncer l'hypocrisie de la gauche dans l'affaire Gate Gourmet, l'hypocrisie des syndicats qui en ont rajouté et qui ont politisé cette affaire. Oui, Monsieur le député Deneys, la situation des employés de Gate Gourmet est dramatique, mais non, ce n'est pas illégal, non, il n'y a pas de dumping salarial. Ils sont conformes à la loi, et quand vous arrêterez de plébisciter l'Europe et les accords bilatéraux, eh bien, je pense qu'on pourra vraiment améliorer la qualité de vie de nos concitoyens. (Commentaires.) C'est la réalité, mais vous ne voulez pas l'entendre !
Le président. Dix secondes !
M. Eric Stauffer. Oui, je vais conclure, Monsieur le président. Et quand on arrêtera de mettre la pression sur les salaires des résidents genevois avec les frontaliers, ça ira bien et mieux aussi ! (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, je m'exprime sur le temps de mon groupe.
Le président. Exactement, il vous reste quatre minutes.
Mme Jocelyne Haller. Simplement, pour répondre à M. Romain, cette pétition ne méritait pas l'urgence à ses yeux ? Eh bien, oui ! L'actualité a montré qu'il était nécessaire de traiter rapidement cette pétition et de donner un signal très fort aux patrons de Gate Gourmet, mais aussi aux autres employeurs de l'aéroport.
Deuxième chose, pour contredire M. Stauffer, ce ne sont pas les travailleurs d'outre-frontière, ce n'est pas l'Europe qui a conduit à une baisse des conditions de travail du personnel de Gate Gourmet ! C'est la volonté de Gate Gourmet d'aligner les conditions de travail et de salaires du personnel de Genève sur Zurich. Alors, jusqu'à preuve du contraire, la frontière ne passe pas encore entre Genève et Zurich et ce ne sont pas l'Europe et les travailleurs étrangers qui y sont pour quelque chose !
Ensuite, sur la question de la violence, j'ai dit tout à l'heure, je l'ai rappelé, que la question n'avait pas été jugée et que la présomption d'innocence devait prévaloir. J'aimerais aussi rappeler à M. Spuhler que ces heurts qu'il mentionne sont survenus à la fin du processus et qu'autant les syndicats que les grévistes ont essayé d'établir un dialogue, mais la direction de Gate Gourmet n'en a pas voulu, pas plus qu'elle n'a voulu de l'arbitrage de la CRCT ! Pas plus que n'a répondu la conseillère d'Etat en charge à l'époque de ce domaine. Il y avait une demande et aujourd'hui il semble qu'il y ait une ouverture par rapport à cette question, mais ça n'était pas le cas à la fin de la dernière législature.
Enfin, on dit que finalement le personnel de Gate Gourmet bénéficie d'avantages mirobolants: vous l'avez entendu comme moi dans le cadre de la pétition, le salaire d'engagement est 3553 F et ce qui a été particulièrement affecté, ce sont les primes et diverses indemnités et il y a une véritable perte pour le personnel de Gate Gourmet. Il y a donc urgence, aujourd'hui, de donner un signal clair.
M. Spuhler a dit aussi tout à l'heure que la pétition serait soutenue par son groupe, mais je vous rappelle simplement que la résolution ne traite pas du même objet que la pétition dont il est question ici. De même que la problématique de la sous-enchère salariale et des risques d'épidémie étaient à l'ordre du jour hier. Si vous êtes sensibles à cette question de la sous-enchère salariale et à la détérioration des conditions de travail d'une partie des travailleurs de ce canton, eh bien soutenez cette pétition et renvoyez-la au Conseil d'Etat ! C'est la seule destination digne que ce Grand Conseil puisse lui réserver !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, écoutez bien pour la question du vote, parce que je vais vous faire voter la conclusion de la commission.
M. Pierre Vanek. Vote nominal !
Le président. Le vote nominal est demandé. Vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal. Je vous fais voter les conclusions de la commission qui préconise le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1884 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 50 oui contre 42 non (vote nominal).