Séance du
vendredi 20 décembre 2013 à
14h
1re
législature -
1re
année -
3e
session -
16e
séance
M 2081-B et objet(s) lié(s)
Débat
M. François Lefort (Ve). Le Conseil d'Etat répond ici à une motion que cette assemblée avait très largement soutenue, motion qui demandait d'augmenter la dotation horaire en sciences expérimentales au cycle d'orientation: très simplement, au minimum deux heures de biologie et une heure de physique-chimie d'ici 2016. Vous voyez que ce n'était pas une motion extrêmement inventive ou exigeante. Elle demandait aussi des moyens pour des cours en effectif restreint en 9e du cycle - comme c'est déjà le cas en 10e et 11e pour ces matières-là - ainsi que de rétablir des cours de sciences expérimentales, mais facultatifs, seulement pour les volontaires des filières non prégymnasiales, c'est-à-dire ceux qui vont dans les centres de formation professionnelle ou dans les écoles de culture générale où il n'y a plus de sciences expérimentales.
Le Conseil d'Etat, dans sa réponse, nous dit qu'il n'y est pas opposé, bien sûr, et nous en sommes heureux, mais qu'il a décidé d'attendre l'évaluation à l'horizon 2016-2017 de la nouvelle réorganisation du cycle d'orientation. Il nous dit également qu'il veut attendre d'évaluer les effets de l'introduction du mercredi matin à l'école primaire, et cela pour reconsidérer l'organisation de la grille horaire du cycle d'orientation. Cette réponse, pour nous - en particulier les motionnaires, mais aussi tous ceux qui ont soutenu cette motion - est totalement insatisfaisante dans la mesure où nous avons constaté qu'à Genève la dotation horaire pour les sciences est déjà très inférieure à la moyenne de l'OCDE - 12% d'un plan horaire sur trois ans - mais également aux exigences du plan d'études romand. Si elle est inférieure, il faut y remédier, et s'atteler à cela assez rapidement d'ici 2016.
Cette réponse est insatisfaisante aussi parce qu'on n'offrira pas les cours de sciences expérimentales aux filières non prégymnasiales également. Cette demande ne concernait d'ailleurs - je vous le rappelle - que des cours optionnels pour ces filières. Nous aurons donc de nombreux élèves dans des filières de formation professionnelle, technique ou scientifique, comme les laborantins en chimie ou en physique, les préparateurs en physique, qui n'auront jamais fait de sciences expérimentales au cycle d'orientation, ou très peu. Enfin, le Conseil d'Etat remarque également dans sa réponse que satisfaire à la deuxième invite, c'est-à-dire les groupes restreints, susciterait des envies dans les autres disciplines qui ne failliraient pas à demander aussi des effectifs limités, ce qui serait tout autant justifié. Alors évidemment, mettre le latin ou les textiles sur le même plan que les sciences expérimentales, c'est faire peu de cas de celles-ci.
Les sciences expérimentales devraient donc attendre maintenant des années pour voir peut-être augmenter leur dotation horaire, de manière à satisfaire pourtant aux recommandations minimales du plan d'études romand. Ceci n'est pas acceptable; nous ne sommes pas du tout satisfaits, nous sommes déçus de cette réponse du Conseil d'Etat. Le groupe des Verts vous propose donc de renvoyer au Conseil d'Etat ce rapport accompagné de la pétition afin d'obtenir une action plus déterminante pour augmenter la dotation horaire en sciences expérimentales au cycle d'orientation. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on a fait dire beaucoup de choses au Programme international de suivi des acquis des élèves, les études PISA; on a exploité ces résultats pas toujours à bon escient. Mais disons, sans trop entrer dans les détails, que si l'on a pu voir que les écoliers genevois ne péchaient pas trop du côté des mathématiques et du français, en revanche, le point un peu faible était indiscutablement les sciences. Cette pétition est donc doublement légitime parce que, d'abord, la réponse du Conseil d'Etat est insatisfaisante, notamment quand elle prétend en gros qu'il faut attendre de voir ce qui va se faire au primaire pour éventuellement ajuster ce qui se fera ensuite au cycle d'orientation. Ce n'est pas une réponse très honnête; il n'y a aucune raison que l'école primaire supplée les déficiences du cycle d'orientation. A certains âges, on apprend certaines matières, et ce n'est pas en chargeant les élèves de 8 à 12 ans avec des sciences expérimentales qu'on pourra s'en passer ensuite au cycle d'orientation. Ce n'est donc pas une réponse correcte.
Le deuxième point où la réponse du Conseil d'Etat laisse fortement à désirer et traduit une certaine hypocrisie est - je cite - le suivant: «Le Conseil d'Etat estime que l'introduction généralisée d'une 33e période [...] pour aller dans le sens souhaité par les motionnaires et les pétitionnaires surchargerait en particulier les élèves mentionnés ci-dessus», c'est-à-dire les élèves du cycle. Or, Mesdames et Messieurs les députés, vous devez le savoir, on s'apprête à la rentrée 2014 à imposer un horaire aux écoliers du primaire qui sera supérieur à 33 périodes de 45 minutes. Je ne vois donc pas pourquoi on pourrait dire comme cela qu'il n'y a aucun problème pour les élèves de 8 à 12 ans à endosser 33,16 périodes de 45 minutes - pour être précis - et que ce serait insurmontable pour les élèves du cycle d'orientation. Le groupe Ensemble à Gauche demande donc qu'une meilleure réponse soit rendue et que le Conseil d'Etat revoie sa copie.
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, j'ai lu comme vous la réponse du Conseil d'Etat. Evidemment, on ne peut qu'être d'accord sur le principe d'augmenter la dotation horaire en sciences expérimentales; plus les élèves se frotteront à ces branches complexes, difficiles et formatrices, mieux on se portera. Cependant, vous le savez, la grille horaire n'est pas extensible à l'infini. A un moment donné, lorsqu'on ajoute d'un côté, on retranche de l'autre. Et si l'on ajoutait ou octroyait trop rapidement ou trop généreusement des heures, même au contenu important, toute une série de disciplines seraient à même de se croire fondées elles aussi à formuler la même demande.
Quand je lis les trois invites, je ne peux pas être tout à fait d'accord avec la première pour les raisons que j'ai dites. Pour la deuxième - multiplier pour ces élèves-là les cours en demi-classes - elle a un coût. Sommes-nous prêts à le payer ? C'est la question que nous devons nous poser. En revanche, la troisième invite me paraît tout à fait intéressante puisqu'elle demande, au fond, de rétablir la possibilité de suivre des cours complémentaires pour ceux qui veulent en faire plus. Dès lors qu'on veut en faire plus, c'est possible, mais évidemment c'est en dehors de la grille horaire. Le PER - programme d'études romand - donne des fourchettes, non un nombre d'heures exact; il est possible que, selon les années, selon l'ordre d'enseignement, on soit plus ou moins au sommet ou au bas de la fourchette. Il se trouve que dans ce cas-là nous sommes très bas, j'en conviens, mais enfin, nous restons dans la fourchette.
J'aimerais maintenant répondre à ce qui a été dit tout à l'heure: il n'y a pas de relation directe, chers collègues, entre le nombre d'heures, la dotation horaire et les résultats PISA. Ce n'est pas la dotation horaire qui en elle-même pourrait faire en sorte que ces résultats soient moins catastrophiques par certains côtés pour Genève. Je crois que c'est aussi une question de méthode, une question d'attitude. Etant donné ce que je viens de dire, je vais accepter cette réponse - sans en être satisfait, évidemment, mais il y a un principe de réalité - et je vous suggère d'en prendre acte. Je vous remercie.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont favorables à un renvoi au Conseil d'Etat. Je crois qu'on ne peut pas se contenter des réponses de mon préopinant qui dit que le programme est déjà chargé, que si l'on veut introduire une nouvelle discipline il faut enlever des heures aux autres. Ces propos un peu fatalistes contrastent fortement, il me semble, avec le discours des mêmes bancs quand il s'agissait du latin, dont l'utilité dans la vie quotidienne et le rapport à la réalité du monde me semblent tout de même moins évidents que ceux des sciences. (Brouhaha.) Je pense donc que le Conseil d'Etat devrait tout de même, dans une pesée d'intérêts bien comprise, essayer de nous apporter une réponse plus concrète pour offrir la possibilité d'avoir ce supplément d'enseignement dans des délais raisonnables. Nous sommes donc pour un renvoi au Conseil d'Etat.
M. Stéphane Florey (UDC). C'est vrai, nous avons tous été d'accord à propos du latin et avons largement soutenu cette motion, mais le problème est que nous avons créé une porte ouverte à ce moment-là: depuis le fameux soutien au latin, les professeurs de travaux manuels sont venus demander des heures supplémentaires, puis les professeurs de textiles sont eux aussi venus avec des demandes d'heures supplémentaires, et nous avons actuellement pour les sciences la même demande. Mais comme l'a dit mon collègue Jean Romain, les heures ne sont pas extensibles. (Brouhaha.) Finalement, il faudrait se demander s'il faut prolonger les horaires pour tout le monde, mais alors on devrait supprimer le congé du mercredi après-midi et réintroduire le samedi matin - ou alors les professeurs se contentent de ce qu'ils ont, nous suivons le plan d'études romand, et on s'arrête là. Pour ma part, la réponse apportée par le Conseil d'Etat me convient et j'en prendrai également acte. Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat comprend bien évidemment les motivations des motionnaires et des pétitionnaires, mais je crois que la grille d'étude des élèves n'est pas extensible, comme certains d'entre vous l'ont très bien dit. Je pense que, si l'on demandait à M. Weiss, on y ajouterait du latin; si l'on me demandait mon avis, très clairement, c'est l'histoire qui serait ajoutée, et notamment l'histoire nationale qui plaît beaucoup aussi à Mme Brunier, je crois; si je demande à Mme Caroline Marti, c'est l'éducation citoyenne et civique qu'on élargirait à tout le monde; et, simplement, si le Conseil d'Etat et Genève respectaient le droit fédéral, on aurait une heure supplémentaire de gymnastique pour les élèves de tous les ordres d'enseignement. (Remarque.) Vous voyez donc bien la problématique: comment satisfaire tout le monde ? Je ne dis pas qu'il ne faut absolument pas ajouter des heures de sciences, peut-être faut-il le faire, mais c'est extrêmement difficile, et je ne suis pas sûre, très honnêtement, que ce soit le rôle du parlement ou d'un parlement quel qu'il soit de se mêler des détails d'une grille horaire.
Deuxième remarque qui me paraît presque plus capitale, plus fondamentale, et en vertu de laquelle je pense qu'il serait plus judicieux d'attendre un peu: on vient d'entrer dans un processus de réforme, notamment au niveau du cycle d'orientation. Avant de bouleverser la grille horaire, il me paraît utile d'attendre les résultats de cette réforme, de voir aussi quels sont les résultats en matière de réussite ou d'échec des élèves par la suite. Et je me permettrai de rappeler ici quelques chiffres que j'ai récemment donnés à la commission de l'enseignement à propos des élèves qui sortent du cycle d'orientation: savez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, qu'actuellement, sous le système de l'ancien cycle d'orientation, si je puis dire, 29% des élèves qui en sortent et qui vont au collège échouent et que, par exemple pour la section commerciale CFC intégré de l'école de commerce, ce sont 75% des élèves sortant du cycle d'orientation qui échouent en première année ? On a des chiffres entre ces deux bornes pour les autres ordres d'enseignement. L'important pour moi, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'on puisse évaluer les effets du nouveau cycle d'orientation, qu'on voie ce qui se passe avant de bouleverser la grille horaire.
Pour répondre à M. Baud, je ne crois pas qu'il ait été dit à aucun endroit du rapport que l'école primaire doit suppléer au cycle d'orientation. A la limite, si l'on parle de suppléer, ce devrait être l'inverse. Qu'est-ce qui va se passer avec l'introduction du mercredi matin ? On le sait en théorie, mais non encore en pratique. En théorie, on est censé permettre aux élèves de développer leurs apprentissages dans les langues - puisque l'anglais va être introduit et l'allemand un peu plus poussé - et l'on devrait avoir du temps à dégager notamment pour l'apprentissage de la langue maternelle, le français. Ce qu'on espère également, ce sont des résultats ensuite au cycle: si les élèves ont commencé l'anglais en primaire, en théorie tout au moins - et j'espère aussi en pratique, sinon on aura totalement échoué - on devrait peut-être avoir moins d'heures d'anglais au cycle. La logique du Conseil d'Etat est donc de ne pas se précipiter. Prenons le temps d'une réflexion globale sur les taux d'échec, sur l'orientation des élèves, sur la grille horaire, mais n'ajoutons pas une heure par-ci ou une heure par-là, parce qu'alors je vous assure que j'ai des tas d'autres propositions à vous faire en matière de grille horaire.
Je vous invite donc à prendre acte de ce rapport, en tout cas pour l'instant, et je suis prête à revenir devant vous, notamment en commission de l'enseignement, avec des propositions et des évaluations un peu plus tard. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je soumets cette demande de renvoi au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2081 et la pétition 1825 est rejeté par 53 non contre 23 oui et 6 abstentions.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2081 et la pétition 1825.