Séance du
jeudi 19 décembre 2013 à
14h
1re
législature -
1re
année -
3e
session -
11e
séance
PL 11292-A
Premier débat
Le président. Nous allons attaquer le projet de loi du budget, le PL 11292-A. Nous sommes en premier débat, avec cinq minutes par groupe, cinq minutes pour le rapporteur et cinq minutes pour le Conseil d'Etat. Le rapporteur, M. Eric Stauffer, est remplacé par M. Jean Sanchez. Je passe la parole à M. le rapporteur ad interim.
M. Jean Sanchez (MCG), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Comme il est mentionné dans l'excellent rapport de M. Eric Stauffer... (Remarque.) Certes ! Je persiste, excellent !
Le président. S'il vous plaît, asseyez-vous et faites silence !
M. Jean Sanchez. Force est de constater, comme l'a donc mentionné M. Stauffer dans son rapport, que le canton de Genève, avec moins de 500 000 habitants, a des problèmes de riches. Ce budget concède une dépense d'environ 18 800 F par habitant pour 2014. Il est clair que si la recherche d'un budget équilibré s'impose, les différents projets qui ont été discutés amenaient un certain consensus au sein de la commission, et l'objectif et la volonté de la majorité de la commission a été de donner les moyens à ce nouveau gouvernement. Plusieurs réformes importantes devront être pilotées par ce gouvernement, et il était essentiel pour la majorité de la commission de lui donner les moyens. Je ne vais pas paraphraser le reste de ce que le rapporteur a rédigé dans son rapport et je pense que le groupe interviendra ultérieurement.
M. Eric Leyvraz (UDC). Voilà le neuvième vote du budget auquel j'assiste, et c'est toujours la même chose: on cherche un budget à l'équilibre, et franchement, on bricole pour arriver à cet équilibre ! On nous a dit: «Pendant six ans de suite, on a eu des budgets bénéficiaires !» Mais si l'on avait couvert convenablement les caisses de pension, ça n'aurait jamais été le cas. Et de plus, on vient de voir que le vote que nous venons de faire rend ce budget tout à fait déficitaire; vous verrez par la suite, je pense, quand nous aurons fini ce tour de table, deux amendements généraux à propos du budget en général, pour la couverture totale des investissements et le problème révélé à la commission des finances concernant l'Hospice général.
Les chiffres de celui-ci, contrairement à ce que nous dit le Conseil d'Etat, ne varient pas de +4% à -4% sur un budget de 250 millions. Nous avons reçu ce matin - et c'était très intéressant - un rapport universitaire concernant les observations de l'Hospice général, qui, ces trois dernières années, se montre extrêmement juste dans ses estimations de dépenses. Ces trois dernières années, entre les estimations de dépenses qu'il a faites et le résultat final, il y a un écart de 0,8% à 1%. Alors quand l'Hospice général nous dit qu'il manque 16 millions dans le budget qu'on lui alloue cette année - le Conseil d'Etat reconnaît d'ailleurs qu'il n'y aura pas de baisse, mais une stabilité pour cette institution - d'abord, il nous est difficile de comprendre pourquoi le budget de l'Hospice général est plus faible que celui de l'année précédente, et puis, rappelons aussi que cette année, l'Hospice est venu devant la commission des finances pour réclamer un dépassement de crédit de 35 millions... Il est donc clair et net qu'il manque de l'argent, qu'on n'a pas voulu inscrire cette somme en se basant sur cette fluctuation qui n'existe pas de +4% à -4%, ce qui ferait 20 millions sur 250 millions... Cela n'existe pas !
Les prévisions de l'Hospice, malheureusement, vu la situation générale, sont certainement exactes et peut-être même encore trop optimistes. Eh bien, cela va encore plomber le budget. Alors il est bien clair que nous ne pouvons accepter un budget déficitaire, et un budget déjà déficitaire par le fait... Alors qu'on nous annonce avec un grand sourire qu'il est, certes à peine, dans les chiffres noirs, mais quand même dans les chiffres noirs !
Je crois qu'à un moment donné, il faut avoir le courage politique de prendre les choses en main. Le directeur financier nous a clairement dit: «Messieurs, la dette que nous avons devient insupportable, il ne faut surtout pas l'augmenter.» Cette année, déjà pour le petit Etat, il manque 261 millions: 81 millions non couverts pour les investissements, à quoi s'ajoutent l'augmentation de la dette et les caisses de pension du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes et des magistrats; il faut encore fournir là 180 millions ! Ça veut dire 261 millions de dette en plus, c'est-à-dire 5,5 millions d'intérêts en plus par année, avec les taux les plus bas qu'on ait jamais eus - on est à 2,2%, mais ces taux vont remonter; nous allons être plombés par cette dette dans les années à venir, de manière dramatique. Cela va nous empêcher de faire les investissements nécessaires, de développer ce canton de façon réaliste. Il nous faudrait 200 à 300 millions en plus pour arriver à peu près à tourner, c'est-à-dire couvrir les investissements et commencer à rembourser cette dette. Même avec 300 millions, nous rembourserons cette dette en soixante ans ! Ce n'est pas crédible, on ne peut pas continuer comme ça ! Nous sommes en train de préparer à cet Etat un lit d'épines, nous sommes en train de le plomber de façon définitive, dangereuse, nous mettons en danger cet Etat en n'ayant pas le courage politique de dire que maintenant ça suffit, qu'il faut que ce budget soit largement positif et qu'il faut absolument diminuer les dépenses de cet Etat. Je rappelle aussi que quand on prend toutes les dépenses du canton de Zurich, canton et communes - parce que ce n'est pas la même chose à Genève - on arrive à un coût de 14 000 F par habitant, alors qu'à Genève, en prenant les dépenses des communes, de la Ville et du canton, on arrive à 21 000 F de dépenses par habitant, soit 50% de plus. Il y a un problème de fond qu'on sera obligé de régler. Plus on attend, plus ce sera difficile et douloureux, alors je vous demande un peu de courage politique...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Leyvraz. Oui ! J'aimerais quand même demander à ce nouveau Conseil d'Etat qui nous a fait un très beau discours de Saint-Pierre où il nous promettait la transparence, qu'il ait le courage - ce serait tout à son honneur - de nous dire que le budget est légèrement négatif, et que nous devons l'accepter ainsi, plutôt que de faire croire à la population qui nous écoute que nous avons un budget positif, alors que ce n'est pas le cas. (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (PLR). Dès le début du débat budgétaire, le groupe PLR s'est montré très ouvert pour donner au nouveau Conseil d'Etat les moyens de mener sa politique en début de législature. Nous avons donc été très constructifs lors des débats en commission, exprimant notre opposition uniquement et principalement à la problématique de l'accord de l'annuité à l'ensemble de la fonction publique: nous déplorons le coup qui vient d'être fait à l'instigation des socialistes, mais il ne nous étonne pas, parce que la mauvaise foi qu'il dénote est passablement récurrente de leur part. Nous le regrettons, mais nous regrettons aussi ce qui a été prévu s'agissant du SPMi: là aussi, sans faire un travail de fond sérieux, en se basant uniquement sur les déclarations de quatre syndicalistes grévistes, nous avons accordé une augmentation substantielle du budget, alors que cela donne un signe déplorable à l'ensemble de la fonction publique aux yeux de qui il suffira dorénavant de faire grève, de gesticuler un peu pour obtenir ce qu'elle désire, sans que le travail de fond soit réalisé.
Pour le surplus, nous avons aussi remarqué que certains groupes, notamment le groupe socialiste, avaient fait des propositions illégales, c'est-à-dire sans base légale, d'augmentations de dépense; je pense notamment aux emplois de solidarités, avec la volonté à peine masquée d'introduire un salaire minimum dans ce domaine-là. C'est vrai que les amendements du MCG pour la suppression pure et simple de ces emplois de solidarité n'avaient pas beaucoup plus de bases légales: dans la mesure où une base actuelle les permet, on ne peut pas les supprimer juste au fil du débat budgétaire, et je crains que ce soir, on n'arrive de nouveau avec des amendements sans fondements juridiques solides, proposés uniquement pour faire des coups politiques, ce qui n'est pas très sérieux en début de législature.
Mais sur le fond, si le résultat final du budget est équilibré, le groupe PLR approuvera ce budget 2014. Nous ne sommes pas béats, nous sommes au contraire très lucides. Nous constatons avec un peu de regret aussi que le problème de la nécessaire réforme de l'imposition des entreprises n'a pas été anticipé dans ce budget. C'est le dossier le plus important de cette législature, il aura forcément un impact sur les finances publiques et aurait déjà dû être pris en compte dans ce budget-ci. Nous regrettons aussi qu'aucun effort sérieux n'ait été déployé pour réduire le montant stratosphérique de la dette, qui péjore la situation financière du canton de Genève. Il devient inquiétant de savoir que ce canton aura de la difficulté à se financer sur les marchés, et ce point-là n'a pas été pris en considération non plus. En revanche, tant la question de l'endettement que celle de la réforme de la fiscalité des personnes morales, elles, ont été prises en compte par Standard & Poor's: notre agence de notation a en effet spécifiquement relevé ces deux points dans son dernier rapport, en notant qu'ils auraient évidemment un impact à l'avenir sur les taux d'intérêts payés par le canton; et comme l'a très justement dit avant moi mon collègue Eric Leyvraz, il suffit que ces taux remontent de manière rapide pour que Genève se trouve dans une situation de cessation de paiement comme la France, on l'a vu récemment, avec la rétrocession de l'impôt à la source.
Enfin, bien sûr, un point essentiel politiquement parlant est le PFQ - plan financier quadriennal - que nous a présenté le Conseil d'Etat: il se fonde sur une hypothèse surréaliste, à savoir une augmentation des charges annuelles de fonctionnement de 2%, soit une augmentation supérieure à celle du PIB du canton de Genève. C'est absolument insoutenable, et il est évident que le groupe PLR combattra avec une grande énergie cette augmentation inconsidérée. Mais comme je l'ai dit, en l'état, nous accordons notre confiance à ce nouveau Conseil d'Etat en comptant sur lui pour procéder aux réformes nécessaires, notamment en matière de fiscalité des entreprises. Nous saluons le fait que ce point ait été mis en exergue par le nouveau président du Conseil d'Etat François Longchamp, lors de son discours de Saint-Pierre, car je pense que c'est un thème essentiel. Nous accordons par conséquent notre confiance, en l'état. Si le budget reste excédentaire jusqu'à la fin de nos travaux...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Edouard Cuendet. ...nous le voterons. J'invite donc les groupes, notamment à droite, à faire très attention à certains amendements qui viennent de nous parvenir: il ne faut pas céder au chant des sirènes en soutenant certains projets qui paraissent tentants peut-être, mais qui conduiront le budget au déficit et par suite au refus par le groupe PLR. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il reste sept secondes à M. Hohl.
M. Frédéric Hohl (PLR). Bon, eh bien je reviendrai une autre fois. C'est nul ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a une année, un budget lourdement déficitaire nous était proposé comme une fatalité. Après plusieurs mois de discussions très vives à ce propos, nous avons réussi à trouver un équilibre pour le budget 2013 et le MCG a eu un rôle moteur, avec d'autres... (Exclamations.) ...dans cette recherche de la stabilité. Cette action nous a permis d'avoir, pour le budget 2014, un équilibre bienvenu. Les efforts de l'année dernière n'ont pas été inutiles et portent leurs fruits.
Mais un budget n'est pas une fin, c'est uniquement un moyen: il est révélateur d'une politique. Ce n'est pas du bricolage, comme on a trop souvent l'habitude de le faire. Tout au long des discussions budgétaires, le MCG a défendu en priorité les intérêts de Genève sur le long terme. Le monde actuel est difficile pour nombre de nos habitants. Notre république genevoise est menacée par les assauts de grandes puissances étrangères qui veulent nous imposer des diktats. Nous devons rester attentifs et opposés aux épreuves de force que certains pays veulent nous imposer. En toutes choses, nous défendrons les intérêts des citoyens genevois, avec un effort particulier pour l'emploi, la sécurité et la précarité qui se développe à Genève.
Nous ajouterons que le budget 2014 est un peu étonnant: construit par l'ancienne équipe du Conseil d'Etat, il est pris en charge par la nouvelle, fortement renouvelée. En particulier, nous assistons à cette fausse polémique sur les appréciations de l'Hospice général, appréciations qui forment un véritable problème budgétaire depuis une dizaine d'années environ, puisqu'on n'arrive pas à déterminer les sommes exactes de l'aide sociale pour l'année suivante. C'est un gros problème que l'on a, un problème récurrent, et l'on ne peut pas imposer à une nouvelle équipe qui entre en fonction de régulariser une situation qui ne fonctionne pas depuis un certain nombre d'années.
Il faut laisser sa chance à ce nouveau Conseil d'Etat: c'est le message du groupe MCG. Le budget 2014 est avant tout un outil au service d'une politique en faveur de l'emploi, de la sécurité, du social. L'équilibre du budget est nécessaire, mais celui-ci représente uniquement un moyen pour réaliser cette politique tout en préservant une charge fiscale modérée pour les personnes morales et physiques. Le MCG veillera à ce que ces priorités soient respectées dans l'élaboration du budget. Nous relèverons enfin que ce budget est le premier de la législature et aussi - il convient de le souligner - de la nouvelle constitution: il est important que le Conseil d'Etat nouvellement arrivé puisse travailler dans de bonnes conditions avec un consensus, sachant que le gouvernement aura une lourde tâche avec les grands travaux qui nous attendent. Donnons à la république les moyens d'agir en soutenant un budget à l'équilibre. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, très bien !
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est aujourd'hui l'an 1, avec un petit côté révolutionnaire. (Rires.) Oui ! Mais ce budget n'est pas révolutionnaire. Le parti démocrate-chrétien, Monsieur le président, veut absolument donner une boîte à outils à ce Conseil d'Etat que nous avons appelé de nos voeux. Bien sûr, nous souhaitons un budget équilibré, il ne peut pas en être autrement; un budget sincère, bien évidemment ! Maintenant, certains diront que ce projet est bricolé: mais il est toujours adapté, mis en conformité, co-construit ! C'est une photo, à un moment donné, de ce qui nous est proposé, comme voter ou non une autorisation de dépense. Mais nous devons à tout prix avoir une boîte à outils. Et tout dépend de qui la tient, cette boîte à outils, et tout dépend des outils qu'elle contiendra.
Le parti démocrate-chrétien, comme parti gouvernemental, a toujours voté les budgets. Aujourd'hui, nous tenons à voter celui-ci, parce que nous pensons qu'il correspond à une réalité, avec deux points forts auxquels nous apporterons la plus grande attention tout au long de cette année: d'abord, la gestion des risques. C'est certainement ce qui va devoir nous interpeller et nous rendre particulièrement prudents. C'est aussi la gestion, et dans l'idéal, la diminution de la dette, ou du moins l'adaptation de la dette à la réalité, pour que nous ne fassions pas trop peser cet avenir sur nos enfants et petits-enfants, pour qui nous voulons le meilleur.
Cela dit, nous soutiendrons les amendements du Conseil d'Etat, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés; mais nous ne soutiendrons pas les amendements proposés de droite comme de gauche, d'extrême droite comme d'extrême gauche, car ce serait refaire le débat tenu en commission, ce serait une fois de plus tourner en boucle, et comme disait Mme Christiane Favre, notre estimée collègue de la précédente législature: souvent, nous frisons la permanente avec ceux qui parlent en boucle. Je tiens à lui rendre hommage, Monsieur le président ! (Rires. Exclamations.)
Nous pouvons maintenant assurer que nous voulons ce budget pour Genève, nous faisons confiance à notre Conseil d'Etat, et nous vous invitons à entrer en matière et à voter ce budget. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, après plusieurs années de budgets déficitaires, qui ont toutefois débouché sur des comptes positifs, à l'exception de l'exercice 2012, et plusieurs années de travaux extrêmement conflictuels à la commission des finances - rappelons que le budget 2013 a été voté en avril - nous traitons aujourd'hui, en décembre, d'un budget équilibré et qui a donné lieu à des travaux animés mais constructifs à la commission des finances.
Ce budget est un budget de compromis et, en tant que tel, il n'enthousiasme personne, signe qu'il ne peut pas être totalement mauvais. Chacun a dû avaler un certain nombre de couleuvres et les Verts ne font pas exception. Les priorités fixées dans le cadre des investissements, en particulier, ne sont pas les nôtres. Si les Verts reconnaissent et appuient la nécessité d'adapter les infrastructures carcérales afin d'offrir des conditions de détention dignes, la boulimie pénitentiaire exprimée par le Conseil d'Etat compromet les investissements dans d'autres domaines tout aussi vitaux pour notre canton, tels que la construction et la rénovation de bâtiments scolaires ou d'EMS ainsi que la réalisation d'infrastructures de transport pour accompagner la mise en service du CEVA. Genève, ville internationale, ville des droits de l'Homme, dépositaire de nombreuses conventions en la matière, ne peut et ne doit pas devenir un «hub» de détention administrative, selon la formule désormais consacrée. Quoi qu'il en soit, d'autres points plus positifs, notamment l'octroi de ressources supplémentaires au SPMi, qui en a cruellement besoin, le maintien de l'annuité - conditionnée au résultat des comptes 2013 - ou encore l'accent mis sur la formation, nous paraissent plus réjouissants.
Les Verts voteront ce budget tel que sorti de la commission des finances avec les amendements déposés par le Conseil d'Etat et éventuellement un petit amendement signé par pratiquement l'ensemble des groupes de ce parlement concernant la retransmission de nos débats - mais celui-ci ne devrait pas être source de conflit.
Les Verts voteront ce budget afin de donner au gouvernement nouvellement élu les moyens d'agir dès maintenant. A la commission des finances et ici, pendant ces prochaines vingt-quatre heures - soyons optimistes - nous parlons évidemment beaucoup de chiffres: excédent, déficit, activation des charges, amortissement, nouveau modèle comptable, gestion de la dette. Ce sont des outils indispensables à la gestion des finances de notre république. Nous devons d'ailleurs trouver un moyen de réduire la dette au cours des prochaines années, afin de préserver la capacité d'action de l'Etat. Toutefois, ces chiffres et ces outils ne sont que cela, des moyens qui doivent permettre au gouvernement d'agir. Car ce que les habitants de notre canton attendent, ce ne sont pas des chiffres, ce sont des actions et des résultats. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, votons ce budget et, Madame et Messieurs les conseillers d'Etat, agissez ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes, comme chaque année, sont en faveur d'un budget. Pour nous, l'Etat doit pouvoir fonctionner, et l'instrument indispensable pour que l'Etat puisse fonctionner, c'est un budget. Nous avons toujours été en faveur d'un budget, nous avons donc toujours voté l'entrée en matière à ce propos, parce que le fait essentiel - je viens de le dire - est qu'un budget existe.
Cela dit, le contenu du budget, lui, peut poser problème: au final, en fonction des choix faits par les uns et les autres dans cette salle, on peut évidemment arriver à la conclusion que ce budget est pire que ce qu'on souhaitait, ne répond pas aux attentes des Genevoises et des Genevois, ou en tout cas pas aux attentes des classes défavorisées, et peut-être privilégie certaines catégories de la population, ce qui ne satisfait pas les socialistes. Dans ce sens-là, c'est le résultat final qui permet de dire si nous devons accepter ou refuser le budget.
Mais le budget est nécessaire, et il est indispensable de le traiter aujourd'hui et d'arriver si possible à un résultat positif dans tous les sens du terme à l'issue de cette session qui, j'espère, ne sera pas trop longue. Et c'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que les socialistes sont prêts à voter ce budget tel qu'il est sorti des travaux de la commission, même si - je crois qu'il faut le rappeler - c'est un budget de droite.
C'est un budget de droite... (Rires. Exclamations.) ...pour une très simple raison: au fond, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est un jeu à sommes nulles; en effet, les différentes contraintes posées sur les exercices budgétaires - notamment ne pas dépasser les chiffres du Conseil d'Etat, ou ne proposer une nouvelle dépense que s'il y a une économie qui lui correspond - en plus du fait que semaine après semaine, vous refusez toute proposition de nouvelle recette, ont pour résultat que malgré l'augmentation de la population genevoise, et avec les effets de la crise qui se font sentir, le budget, dans le même temps, ne doit pas évoluer à la hausse. Nous avons donc des moyens limités pour faire face à des besoins qui s'accentuent. Dans ce sens-là, c'est un budget de droite, car il ne laisse aucune perspective pour donner des moyens supplémentaires à des services de l'Etat à qui ils sont nécessaires ou à des catégories de la population qui en ont réellement besoin.
Les associations n'ont pas les budgets suffisants pour faire face à leurs différentes prestations; on a pu assister à des grèves et à l'expression d'un mécontentement grave de la part des bénéficiaires d'emplois de solidarité; le Conseil d'Etat se félicite des bénéfices faits à l'aéroport, alors que - comme dans l'affaire Gate Gourmet - c'est au détriment des conditions de travail d'employés qui sont à Genève, et de longue date - et ça, ce n'est pas acceptable pour les socialistes; on voit que le SPMi ne peut pas faire face à ses besoins pour répondre à des situations extrêmement préoccupantes en matière de protection des mineurs dans le canton de Genève; on voit que le service des tutelles d'adultes aussi a des problèmes de suivi de dossiers; on voit que les enseignants font face à des problèmes d'effectifs trop nombreux avec certaines catégories d'âge; on voit que ce budget a des conséquences aussi sur le recours à des prestations d'entreprises genevoises - parce que c'est ça, la conséquence directe des économies: on requiert des entreprises toujours plus lointaines, toujours moins chères, et cela se fait aussi au détriment de l'emploi local; et puis on voit que même des institutions prestigieuses comme le Grand Théâtre en viennent à quémander désespérément des budgets supplémentaires pour leur rénovation.
Dans quel monde vivons-nous ? Eh bien, nous vivons dans le monde de la réalité d'un budget de droite, un monde où les socialistes doivent malheureusement, c'est vrai, faire une sorte de constat d'échec: nous n'arrivons pas à doter ce canton de moyens supplémentaires. Nous avons échoué à faire aboutir une initiative concernant le bouclier fiscal qui rapporterait 40 millions de francs par année et qui serait indispensable aujourd'hui, mais nous avons aussi d'autres propositions pour un budget si possible plus à gauche, avec de nouvelles recettes.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. Ce sont les points 40 et suivants de l'ordre du jour qui le permettent. Nous espérons donc avoir de nouvelles recettes pour permettre à celles et ceux qui souffrent à Genève aujourd'hui de retrouver une dignité. Nous ne proposons qu'un seul amendement: celui sur les emplois de solidarité. Nous espérons que vous lui réserverez un bon accueil et que ce budget sera accepté sans autre modification. (Applaudissements.)
M. Michel Ducommun (EAG). En 1982, je signais avec le Conseil d'Etat de l'époque un accord pour une diminution des effectifs de classes au cycle d'orientation avec des maxima qui allaient de 12 à 20 élèves. Trente et un ans plus tard - donc aujourd'hui - les effectifs définis dans le règlement du CO sont des moyennes qui vont de 14 à 24 élèves, soit une augmentation de 12,5% à 20%, sans tenir compte, du reste, qu'on avait affaire à des maxima et non à des moyennes. On retrouve cette dégradation due à une diminution des moyens accordés à l'enseignement dans une diminution de 15% du coût par élève du CO entre 1998 et 2006, et également une diminution du budget de l'éducation qui représentait, en 1988, 40%, et qui passe à 32,4%, soit 19% de moins. Je crois qu'il n'y a pas besoin d'être un spécialiste de l'enseignement pour comprendre qu'on a assisté avec cette diminution, en vingt ou trente ans, à une péjoration des conditions d'enseignement, et donc de la qualité de la formation que l'on peut attendre de notre système d'éducation.
Je regarde maintenant l'hôpital: au niveau de la santé et des HUG, le constat est le même. En 1990, il y avait 7966 personnes soignantes; en 2012, on en est à 6254, c'est-à-dire une diminution de 1712 personnes, soit 21%. Et vous connaissez sans doute les programmes d'économies à l'hôpital, de Victoria au plan stratégique et à Per4mance. On ne me fera pas croire que la qualité des soins augmente avec une diminution du personnel soignant !
Pour moi, la question est donc posée: ces diminutions sur les prestations essentielles que sont l'éducation et la santé viennent-elles de ce qu'on en faisait trop avant, ou qu'aujourd'hui on n'en a plus les moyens par suite d'une politique fiscale en faveur des riches ? De ce point de vue là, la droite nous a habitués au discours selon lequel trop d'impôts tue l'impôt. Genève aurait l'impôt le plus dissuasif de Suisse, car taxant le plus les riches. Je ne sais pas si ce discours peut avoir un minimum de crédibilité dans notre pays qui est un peu au ban des nations du monde en tant que paradis fiscal: comment croire à l'honnêteté intellectuelle de ceux qui prétendent que le montant de nos impôts fait fuir les riches, quand on sait que les données suivantes sont publiques ? En 1990, il y avait 4533 contribuables qui possédaient plus d'un million imposable; en 2009, ce nombre avait plus que doublé: il a passé de 4533 à 9925. En d'autres termes, plus les millionnaires fuient, plus il y en a ! C'est assez difficile de comprendre cela, pour un matheux. Et ce n'est pas seulement ceux qui fuient; vous avez pu voir les chiffres récemment: 28,4% des grandes fortunes en Suisse se trouvent à Genève. C'est plus du double de celles qui se trouvent dans le canton de Vaud, c'est deux fois et demie celles qui se trouvent dans le canton de Zurich.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Michel Ducommun. A partir de là, je dis que nous pouvons avoir des divergences politiques, mais il est indéniable, dans les faits, que les baisses d'impôts favorisant les riches ont pour conséquence la péjoration de prestations aussi fondamentales que la santé, et la liste pourrait s'allonger. Et ce n'est pas une divergence ! Ce qui m'intéresse, c'est ce qui se passait déjà en 1975: le secrétaire du Centre patronal vaudois, M. Jean-François Cavin, le déclarait...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît.
M. Michel Ducommun. Je conclus, je n'ai qu'une phrase de M. Cavin à lire: «La Confédération a vécu d'une manière luxueuse pendant des années, une cure d'amaigrissement ferait du bien. La politique des caisses vides apparaît aujourd'hui comme un frein nécessaire pour une machine qui n'en connaît pas d'autre.» Le budget dont nous débattons est le résultat de cette politique menée depuis des années, il n'est pas question que nous puissions l'accepter, à moins de profondes modifications.
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Michel Ducommun. Nous déterminerons notre position en fonction du débat qui va suivre. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Ivan Slatkine, pour sept secondes.
M. Ivan Slatkine (PLR). Merci, Monsieur le président. Je vais être extrêmement rapide. Compte tenu du vote sur le projet de loi concernant l'annuité, j'ai une question au Conseil d'Etat. Il me semble que nous sommes en train de parler d'un budget déficitaire. Et si tel est le cas - si les comptes 2013 sont positifs, ce qu'on nous a indiqué, on a un budget déficitaire et il faut donc appliquer l'article 137 de la LRGC. Il s'agit d'un vote à 51 voix sur le budget. J'aimerais bien savoir ce que va nous dire le Conseil d'Etat à ce propos.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean Sanchez, rapporteur ad interim, à qui il reste trois minutes trente.
M. Jean Sanchez (MCG), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Comme l'a suggéré M. le président de la commission des finances, et je l'en remercie, j'aimerais juste faire part au Grand Conseil d'une information qui ne concerne pas l'objet dont nous débattons: M. Stauffer a dû quitter précipitamment ce poste, à mon grand désarroi, pour se rendre à son domicile où un départ d'incendie a eu lieu sur sa terrasse. (Brouhaha.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est déjà plus la première fois que je prends la parole, je suis donc moins impressionné. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Serge Dal Busco. Merci. Ce débat d'entrée en matière est extrêmement intéressant pour le Conseil d'Etat: il me semble entendre des paroles plutôt encourageantes. Espérons que cela continue ! J'excuse quelques-uns de mes collègues qui ont de bonnes raisons pour ne pas être là en ce moment, comme M. Stauffer d'ailleurs... (Rires.) ...mais pas tout à fait les mêmes cependant. Le Conseil d'Etat qui participe aujourd'hui à cette discussion budgétaire est tout à fait uni, même si cinq d'entre nous n'ont pas eu part à son élaboration, en tout cas en tant que conseillers d'Etat.
Vous l'avez entendu lors du discours de Saint-Pierre, excellemment prononcé par notre président, nous envisageons une politique tout à fait déterminée, notamment pour répondre aux attentes de la population, mais aussi en matière de politique budgétaire, de considération pour la situation budgétaire à venir de notre canton, de la dette et des dangers - je n'hésite pas à utiliser ce terme - qui se trouvent devant nous à un horizon plus ou moins proche.
S'agissant de ce projet de budget 2014, nous avons très bien entendu plusieurs personnes s'exprimer et nous dire qu'elles sont prêtes, dans le fond, à nous faire confiance et à voter ce budget, mais qu'elles attendent de nous de la créativité, du volontarisme et des propositions très claires précisément pour diminuer les dangers qui nous guettent. En l'état, ce projet de budget... Il faut aussi le dire, on sort d'opérations électorales, la population a des attentes fortes en matière de sécurité, de mobilité, de formation; il y a aussi des questions liées au vieillissement de la population, et ce projet de budget prend en compte ces demandes de manière très concrète: pour les quatre politiques publiques que je viens d'évoquer, environ 60 millions de francs sont à disposition.
Nous avons certainement des objectifs ambitieux, comme l'a dit le président lors du discours de Saint-Pierre. Parmi ces objectifs, la nécessité absolue de maîtriser les charges. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, vous le savez, nous n'arrivons pas à couvrir les investissements de manière autonome, on est obligé de s'endetter - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la dette continue d'augmenter; mais ces investissements sont aussi nécessaires pour répondre aux attentes de la population.
Le président. Excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat, mais il ne doit pas y avoir de manifestations à la tribune. Mesdames et Messieurs, je vous prie d'enlever vos chapeaux. Vous pouvez poursuivre, Monsieur.
M. Serge Dal Busco. Merci, Monsieur le président. C'est donc une préoccupation très claire que celle de la maîtrise des charges, et ce Conseil d'Etat va examiner et attaquer la préparation du budget 2015 avec tout le sérieux nécessaire.
Le Conseil d'Etat vous présente un certain nombre d'amendements auxquels nous vous demandons de réserver un très bon accueil. Cela maintiendra l'équilibre budgétaire, certes avec un boni modeste, pour ne pas dire microscopique, de 44 000 F, mais ces amendements sont nécessaires pour précisément atteindre les objectifs qui sont les nôtres.
Mesdames et Messieurs, aujourd'hui a eu lieu la présentation par le Département fédéral des finances du rapport sur l'avancement du dossier de la réforme de l'imposition des entreprises et sur la situation des négociations y ayant trait. Plusieurs orateurs se sont exprimés juste avant pour relever l'importance fondamentale que revêt cette réforme pour notre canton. Il en va objectivement d'un nombre très important d'emplois, plusieurs milliers, et des conséquences fiscales et sociales qui résulteraient de leur perte. C'est un enjeu absolument fondamental. Le Conseil d'Etat s'est engagé, il s'engagera encore davantage dans cette bataille, et votre serviteur encore plus. Nous avons un certain temps devant nous pour pouvoir y répondre, notamment de manière appropriée par des discussions coordonnées avec nos collègues d'autres cantons et avec la Confédération. Mais l'objectif est clair: il faut que cette réforme aboutisse, sinon nous serons dans de très mauvais draps. Bien entendu, pour pouvoir nous y préparer - car la progression des recettes fiscales ne sera pas aussi favorable qu'elle a pu l'être au cours de ces dernières années, il faut s'attendre et donc se préparer à cela - nous devons travailler sur la manière dont l'Etat de Genève et aussi, d'ailleurs, les autres entités institutionnelles, les communes - vous l'avez entendu dans le discours de Saint-Pierre - notamment par le biais d'une discussion sur la répartition entre celles-ci et l'Etat des tâches qui seront les nôtres, arrivent à délivrer des prestations de qualité parce qu'elles correspondront aux attentes, mais à un coût inférieur et avec une efficience supérieure; et cela tout simplement parce que nous y sommes condamnés.
Vous voyez donc le travail qui nous attend. Nous sommes prêts à l'aborder avec détermination, et il est clair que l'adoption d'un budget ce soir nous facilitera en quelque sorte cette tâche et nous permettra de nous y consacrer avec toute notre énergie, et cela dès maintenant. Je vous remercie par conséquent de faire bon accueil à ce projet de budget et de le voter, ainsi que nous le souhaitons, en y intégrant les amendements que nous vous proposons. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Slatkine, vous avez demandé la parole. Est-ce pour le vote nominal ?
M. Ivan Slatkine (PLR). Merci, Monsieur le président. Je suis navré, je comprends que Monsieur le conseiller d'Etat vient de prendre ses fonctions, mais je lui ai posé une question: on est dans une situation où le vote du budget...
Le président. Vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur Slatkine, s'il vous plaît !
M. Ivan Slatkine. Non, mais il s'agit de l'application de notre règlement, Monsieur le président ! J'aimerais savoir si nous sommes en train de voter un budget positif ou négatif; il me semble que le projet de loi voté sur les annuités fait que ce projet est négatif, on doit donc appliquer l'article 137...
Le président. Monsieur le député, vous aurez le temps de reposer les questions tout à l'heure si vous le souhaitez. Nous procédons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11292 est adopté en premier débat par 79 oui contre 8 non et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprendrons nos travaux à 17h15.