Séance du
vendredi 29 novembre 2013 à
14h
1re
législature -
1re
année -
2e
session -
7e
séance
P 1871-A
Débat
Le président. La parole est à M. Jean-Michel Bugnion.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, au moment où nous venons de réélire les conseils d'établissements de toutes les écoles de la république - conseils d'établissements qui consacrent des efforts de dialogue avec les parents et des efforts de rapprochement - déposer ce rapport sur le bureau du Grand Conseil, alors qu'il émane des fédérations de parents et qu'il a quand même été signé par plus de 2000 personnes, c'est donner un signal contraire: celui d'une non-prise en compte de leurs préoccupations.
Pourtant, d'accord, la gratuité a un coût, cela figure dans le rapport, mais il semble qu'on l'ait facilement et rapidement écartée, d'autant plus que ce rapport, en fait, présente deux ou trois éléments intéressants. Premièrement, vous savez que les contraintes budgétaires obligent les écoles du cycle d'orientation à maximaliser les effectifs de classe. Cela veut dire que, déjà maintenant et à l'avenir, des élèves seront tenus d'aller dans d'autres cycles que celui de leur secteur.
Dans ce cas, pour certaines familles, l'achat d'un abonnement TPG - 450 F par année - peut représenter un fardeau certain. Deuxième aspect intéressant: cette incitation pour les jeunes à prendre les transports publics. Evidemment, chez les Verts, nous sommes convaincus qu'il s'agirait d'une incitation, d'autant plus que nous sommes persuadés que les bonnes habitudes se prennent dès le premier âge. (Brouhaha.)
Je voulais revenir sur un argument figurant dans le rapport, celui qui lie la gratuité aux déprédations. Cela est certainement valable lorsque c'est la même personne qui paie et qui dégrade. Je suis plus sceptique en ce qui concerne les élèves du cycle d'orientation, car je pense que c'est plutôt le porte-monnaie de leurs parents qui couvre les frais de transport, plutôt que le leur, et vous savez bien qu'à cet âge-là, les ados ne se sentent pas très concernés par le budget financier familial, sinon tous les élèves du cycle d'orientation réussiraient, pour remercier leurs parents de payer les impôts.
Pour ces raisons, les Verts demandent le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, en particulier pour montrer aux parents des élèves du cycle d'orientation que nous les prenons en considération.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, mon préopinant a très bien expliqué la problématique et effectivement cette demande qui émane des groupements de parents est tout à fait justifiée. Aujourd'hui, on assiste à une délocalisation des enfants, qui vont des Pâquis à Grange-Canal; de la région Grange-Canal, ils vont à la Seymaz, et puis de la Seymaz, ils iront bientôt à Annemasse ou je ne sais où.
Aujourd'hui, on oblige presque l'utilisation, pour qui le peut, des transports publics, mais beaucoup d'enfants prennent un transport privé - vélo, vélomoteur, scooter ou autre. Vous le savez, la circulation étant ce qu'elle est, il existe quand même un risque potentiel, tout simplement parce que les parents ne peuvent pas payer un abonnement annuel à leur enfant, surtout s'ils en ont plusieurs.
Cette demande nous paraît donc tout à fait justifiée et je ne peux que vous demander de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat. Le déposer sur le bureau du Grand Conseil, c'est en prendre acte. C'est dire: «Ok, on a compris, vous avez un petit problème, mais on ne peut pas faire grand-chose pour vous.» Je pense que si quelqu'un peut faire quelque chose, c'est bien ce Grand Conseil ! C'est bien nous qui pouvons décider si oui ou non on veut offrir aux écoliers la possibilité d'un transport public, d'un transport sûr et rassurant pour les parents et surtout moins risqué pour les enfants.
Une voix. Cela coûte combien ?
M. Pascal Spuhler. Evidemment, il y a un coût, je sais qu'il y a un coût. Mais combien coûte la vie d'un enfant écrasé dans la circulation, parce qu'il a dû prendre son vélo pour aller à l'école ? Je vous défie, Monsieur Barrillier, de me donner le prix !
Pour ce motif-là - et uniquement pour ce motif-là - renvoyez ce rapport au Conseil d'Etat, afin que ce dernier puisse au moins se pencher sur la question, afin qu'il puisse au moins réfléchir sur une solution efficace pour nos enfants, car il faut chercher une collaboration avec les communes et avec les TPG pour que ces transports puissent se faire !
Certaines communes ont déjà passé ces accords avec les TPG. Pourquoi le Conseil d'Etat ne pourrait-il pas trouver une solution ? S'il vous plaît, renvoyez ce rapport au Conseil d'Etat. Je ne suis pas d'accord qu'on prenne le risque d'envoyer nos enfants matin et soir au milieu de la circulation, sous prétexte qu'on ne veut pas payer les transports publics. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Romain, voulez-vous prendre la parole à la fin ou maintenant ? (Remarque.) Je vous la cède.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'ai écouté avec attention ce qu'a dit le député Bugnion, à savoir que le nombre de signatures - 2172 - est impressionnant. Il l'est, effectivement. Mais au fond, dès qu'on propose à quelqu'un de payer moins cher ce qu'il devrait payer plus cher, il est clair qu'il va signer. Le nombre de signatures n'est donc pas si déterminant, parce que personne n'a intérêt à payer plus cher ce qu'il pourrait avoir moins cher.
Il est vrai que 450 F peut paraître cher, mais si vous regardez le petit document qui est annexé à ce rapport, au fond, dans bien des communes, une subvention est donnée à ces élèves, pouvant aller jusqu'à 200 F selon les communes. Mais il est vrai que ce n'est pas identique dans toutes les communes.
La deuxième chose que je voudrais dire est que l'affaire se monte à 19 millions ! Et il n'y a pas de gratuité. Si quelqu'un ne paie pas, c'est quelqu'un d'autre qui va devoir payer. Les communes le font en partie, c'est vrai, mais la gratuité n'existe pas. Il y a toujours quelqu'un qui paie. Si nous accordions cette possibilité au cycle d'orientation, il est clair que cela s'étendrait au primaire, ainsi qu'au postobligatoire et à tous les élèves de l'école genevoise, dès lors qu'ils empruntent des transports publics.
Une aide existe déjà et le bon sens consiste à faire ce que la majorité de la commission a décidé pour cette pétition - il n'y a eu que des abstentions et aucune opposition - c'est tout simplement de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, parce que là est le bon sens.
M. Stéphane Florey (UDC). Effectivement, le rapporteur a presque tout dit. Il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, parce que l'accepter et la renvoyer au Conseil d'Etat, c'est ouvrir la porte à la multiplication des demandes, puisque ce que vous donnez à un, les autres vont le vouloir aussi. Il va donc falloir instaurer ensuite une gratuité pour les élèves du primaire, pour le collège, pour les universitaires et pour à peu près tout le monde. Or, il faut quand même se rappeler que le peuple a refusé, il y a plusieurs années, la gratuité des transports publics. Pourquoi ? Parce que, en offrant la gratuité à un petit nombre, vous pénalisez en fait tout le monde, puisque c'est l'entier de la population qui va supporter les coûts de cette gratuité.
Il avait même été expliqué, à l'époque de la votation de l'initiative sur la gratuité, que pour compenser la totalité de la gratuité, l'Etat n'aurait pas d'autre choix que d'augmenter les impôts, ce que la population a très bien compris, du reste. Elle n'a pas été dupe et elle a justement refusé cette initiative pour ces motifs. Pour les mêmes motifs, il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
En revanche, je reviens sur la remarque de M. Bugnion selon laquelle on ne peut pas faire le lien entre déprédations, gratuité, élèves, etc. Je suis désolé, Monsieur Bugnion - vous transmettrez, Monsieur le président - il faut quand même se rendre compte que ce que vous avez déclaré n'a absolument rien à voir, puisque des élèves qui reçoivent de l'argent de leurs parents pour payer l'abonnement, qui ne le payent pas et qui se font choper par les contrôleurs en disant «Ah, mais mon papa ne m'a pas donné d'argent !» alors que ce n'est absolument pas vrai, puisque le gamin s'est mis l'argent dans la poche, eh bien de ces élèves on en attrape tous les jours !
Deuxièmement, abonnement ou pas, il y a des déprédations dans les bus, ne serait-ce que sur la ligne Bois-Caran, que j'ai pratiquée à l'époque, où on constate à chaque rentrée dans les dépôts le nombre de détritus et de sièges arrachés. Là aussi, on ne peut pas faire le lien... Je le redis, il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Monsieur le président, vous direz à M. Florey que, certainement, si on allait dans le sens de la pétition, il aurait encore plus de ces sacrés gamins dans son tram ! Mais bon, la vie est là. Tant mieux, il y a de la jeunesse et, ma foi, il faut qu'elle apprenne, comme tout le monde a appris, certaines règles, petit à petit. Cela étant, cette pétition n'oblige pas pour l'instant à intervenir formellement.
Cette pétition demande que les TPG et le Conseil d'Etat prennent langue pour aller vers une gratuité des transports publics pour les trajets durant les périodes scolaires, pour les élèves du cycle d'orientation. Je pense que la déposer sur le bureau du Grand Conseil signifie tout arrêter là où on en est: on ne bouge pas, de toute façon les parents ont l'argent, ils n'ont qu'à se débrouiller, les gamins n'ont qu'à aller à pied ou à vélo à l'école, comme on le disait tout à l'heure.
Cette pétition est importante, non seulement pour un certain nombre de familles et d'enfants qui n'ont pas les moyens de s'offrir les TPG, parce qu'ils n'habitent pas dans des communes qui peuvent subventionner à tour de bras ce type de transport, mais aussi pour donner un signal aux jeunes les incitant à emprunter les transports publics. C'est aussi à cet âge-là qu'on prend des habitudes et qu'on intègre dans ses priorités l'utilisation des bus et des trams, plutôt que d'être véhiculé par les parents.
Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste propose aussi de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour qu'il y ait discussion avec les TPG. (Applaudissements.)
M. Renaud Gautier (PLR). Je ferai une petite remarque de l'ordre de la sémantique: il n'y a pas de gratuité des transports ! On peut transférer la charge du coût ailleurs, mais, pour l'amour du ciel, que l'on cesse de parler de la gratuité des transports ! Prendre un transport public à Genève, cela coûte de l'argent à celui-ci ou à celui-là.
Mais lorsque l'on parle de la gratuité des transports, c'est un abus de langage ! Il s'agit juste de remettre le problème là où il est. Certains veulent faire payer à d'autres le fait que les enfants prennent les transports publics. Pourquoi pas, mais ce n'est pas gratuit !
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est important de remettre un peu l'église au milieu du village. Il a été dit très clairement, en commission, que non seulement, évidemment, la gratuité n'existe pas, mais que le projet qui est proposé ici engendrerait entre 5 et 19 millions de coûts supplémentaires.
Par ailleurs, faire croire que ces pauvres enfants vont à pied parce que les familles ne peuvent pas payer l'abonnement - c'est faux ! Les familles touchent une aide sociale qui permet d'acheter les abonnements; heureusement et cela est très bien !
Faire croire qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, c'est faire croire aux gens quelque chose de faux ! Quand on dit qu'on n'est pas respectueux, cela est faux également, parce que cela signifierait que la pétition a été classée.
Renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, c'est faire croire aux gens qu'on va pouvoir réaliser quelque chose, ce qui n'est pas vrai ! Arrêtons de prendre les gens pour des pigeons et que ceux qui font signer des pétitions «Demain, on rase gratis !» fassent en même temps signer la pétition «Il y aura tant d'augmentation d'impôts.» Arrêtons de prendre les gens pour des pigeons ! Nous ne pouvons pas entrer en matière autrement qu'en déposant la pétition sur le bureau du Grand Conseil, ce qui est tout à fait respectueux. Tout le monde a le droit de présenter une pétition, mais arrêtons de faire croire aux gens quelque chose qui n'est pas vrai !
M. Olivier Baud (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la première fois qu'une pétition demande la gratuité. On ne va pas s'achopper sur ce terme. Dire que rien n'est gratuit, c'est quand même un peu fort. Alors, l'école n'est pas gratuite, enfin rien n'est gratuit, à ce moment-là !
En son temps, un de nos anciens collègues, M. Didier Bonny, avait été le fer de lance d'une pétition demandant la gratuité des transports publics pour les élèves du primaire. Cela revient régulièrement, donc cette pétition de la FAPECO aujourd'hui a toutes ses vertus, bien entendu et M. Romain a raison, on ne saurait l'étendre qu'aux élèves du cycle d'orientation.
Il faut résolument réfléchir à offrir à tous les élèves, de la scolarité obligatoire au moins, pour que cela ait un sens, la gratuité. Par conséquent, notre groupe, Ensemble à Gauche, ne votera pas les conclusions de la commission et demande que cette pétition, qui est tout à fait respectable, soit renvoyée au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat, David Hiler. (Remarque.) Vous ne voulez pas la parole. Vous étiez inscrit, il doit donc s'agir d'une erreur. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets au vote les conclusions de la majorité de la commission, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1871 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 45 non contre 39 oui.
Le président. Je vous fais voter le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi de la pétition 1871 au Conseil d'Etat est adopté par 45 oui contre 37 non et 1 abstention.