Séance du jeudi 29 août 2013 à 14h
57e législature - 4e année - 10e session - 64e séance

La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Gabriel Barrillier, président.

Assistent à la séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger et François Longchamp, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Avant de vous demander de vous asseoir, j'aimerais remercier l'ancien président - il n'est pas là - Eric Leyvraz d'avoir attiré mon attention sur le fait que le photographe bien connu Thierry Graindorge, qui est devenu un ami pour beaucoup, est décédé subitement. La cérémonie aura lieu demain, sauf erreur à 15h... (Remarque.) ...c'est ça, à 15h, à Saint-Georges. Tout le monde le connaissait, c'était un homme très sympathique, qui a été présent à toutes nos cérémonies et à qui on doit de magnifiques photos. En son souvenir, par respect pour lui, j'aimerais donc vous demander d'observer quelques instants de silence. (Les députés, debout, observent quelques instants de silence.) Voilà, je vous remercie.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. David Hiler, Isabel Rochat, Michèle Künzler et Pierre Maudet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Prunella Carrard, Alain Charbonnier, Nathalie Fontanet, Alain Meylan et Francis Walpen, députés.

Annonces et dépôts

Le président. Les pétitions suivantes, parvenues à la présidence, sont renvoyées à la commission des pétitions:

Pétition : Libérez ma fille ! (P-1880)

Pétition : Rendez-nous notre Tram 13 ! (P-1881)

Pétition 1880 Pétition 1881

M 1700-B
Rapport de la Commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Guy Mettan, Anne-Marie von Arx-Vernon, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch Aellen, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier demandant au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'accorder une allocation d'études aux familles dont les enfants doivent intégrer l'enseignement privé pour des raisons pédagogiques
Rapport de majorité de Mme Esther Hartmann (Ve)
Rapport de minorité de M. François Gillet (PDC)

Débat

Le président. Nous arrivons maintenant au point 17 de notre ordre du jour, la motion 1700-B. Rapport de majorité de Mme Esther Hartmann, rapport de minorité de notre ancien collègue François Gillet, sans doute remplacé par Mme Hirsch ! (Remarque.) Gracieusement, me souffle-t-on. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. La parole est à Mme la rapporteure de majorité Esther Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La motion que nous traitons actuellement a beaucoup voyagé puisque la première fois qu'elle a été abordée ce fut en 2006. Elle a ensuite été discutée en 2007, puis rediscutée en 2010 pour enfin parvenir à un aboutissement, à une conclusion, à la fin de toutes ces pérégrinations. (Brouhaha.) Cette motion a vraiment suscité un débat que je qualifierai de hors politique, dans le sens où les avis étaient très différents... (Remarque.) ...à l'intérieur même des partis, et non en raison des différentes orientations politiques. Je tiens à le préciser aujourd'hui.

Au fond, que demande cette motion ? Elle demande que des enfants qui ont des besoins spécifiques, qui ne pourraient éventuellement pas bénéficier d'un enseignement qui satisferait leurs besoins, puissent être retirés pour être placés en école privée et bénéficier du soutien adéquat, cela grâce à une aide sous forme de déduction fiscale ou d'aide aux parents pour que cela leur soit accessible.

En 2006, les raisons de cette motion étaient peut-être encore plus marquées qu'aujourd'hui, parce qu'à l'heure actuelle l'enseignement a subi des modifications; différentes formes de contrats de prestations avec des écoles privées ont permis l'accès gratuit à des enseignements qui, à l'époque, ne l'étaient pas pour des enfants qui subissaient de lourds handicaps, que ce soit au niveau intellectuel ou comportemental. Finalement il a donc fallu recentrer l'objet de cette motion et, au fur et à mesure des débats, ce qui a été précisé c'est qu'elle concernait des enfants qui avaient des troubles légers et pas des handicaps lourds, c'est-à-dire des enfants ayant des «dys»: de la dyslexie, des dyspraxies, des dysgraphies - enfin des «dys» - donc une intelligence normale mais quelques particularités qui les empêchent de suivre une scolarité sans difficulté. Or, le DIP a aussi mis en place des mesures permettant d'accompagner ces élèves. Donc, pour ces raisons, certains députés avaient quelques doutes quant à la pertinence du maintien de cette motion. D'autres motifs ont aussi été mentionnés, comme le type d'aide qui pourrait être apporté aux parents et puis le genre d'enseignement que les écoles privées pouvaient fournir à ces enfants particuliers. On précise qu'il n'existe pas d'écoles privées qui proposent des programmes particuliers inhérents à ces troubles spécifiques... Non, je me trompe, excusez-moi, il existe une école et cette école s'est refusée à tout soutien de la part de l'Etat. Il y avait donc aussi ce doute-là. Et par rapport au soutien financier...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.

Mme Esther Hartmann. ...nous n'avons pas pu clarifier quel type d'aide serait le plus pertinent. Pour la majorité de la commission, cela a abouti à la conclusion - selon différentes argumentations - de refuser cette motion, y compris avec le dernier amendement fait par le groupe PDC pour étudier la possibilité...

Le président. Il vous faut conclure, Madame Hartmann !

Mme Esther Hartmann. Oui, je termine ! Je précise ce qui est demandé maintenant, soit d'étudier la possibilité d'accorder une aide aux familles dont les enfants doivent intégrer l'enseignement privé pour des raisons pédagogiques, et qui n'ont pas les moyens financiers d'assumer seuls leurs frais d'écolage.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Guy Mettan, qui remplace finalement notre regretté collègue François Gillet comme rapporteur de minorité. Vous avez la parole, Monsieur le rapporteur.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je salue aussi François Gillet, notre collègue qui, avant de nous quitter, a effectué ce rapport... (Brouhaha. Commentaires.) Avant de nous quitter, le Grand Conseil... (Remarque.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Guy Mettan. Il va bien, je dis qu'il nous a quittés nous, le Grand Conseil... (Exclamations.)

Le président. Ah bon !

M. Guy Mettan. ...pour rejoindre la vie civile ! (Brouhaha. Remarque.) Tout à fait, il va très bien et il vous salue ! (Rires.) Non, je tiens à le remercier parce qu'il faut peut-être se rappeler les circonstances qui ont amené à déposer cette motion qui a été déjà été débattue une fois, ici, en séance plénière, et qui pose un problème que vous avez jugé intéressant puisque vous l'avez renvoyé une deuxième fois en commission. Ce problème, c'est lequel ? C'est qu'on a affaire à une espèce de blocage idéologique par rapport aux écoles privées. Pour un certain nombre d'entre vous, on a l'impression que les écoles privées sont uniquement des écoles de riches destinées à accueillir des fils ou des filles de bonne familles qui auraient beaucoup d'argent, et qui pourraient donc se dispenser de l'école publique. Ce n'est pas du tout le cas ! En tout cas ce n'est plus du tout le cas, car il existe nombre d'écoles privées à Genève - école Montessori, école Moderne, j'en passe et parmi les meilleures - qui accueillent toute une série d'enfants de familles des classes moyennes, voire même des classes ouvrières etc., parce que ces enfants, qui ne sont pas des handicapés physiques ou psychiques lourds mais qui ont des légers handicaps... (Brouhaha.) ...ne trouvent pas la possibilité de s'épanouir dans l'école publique. Alors il est vrai - et là je rends hommage au DIP, comme je l'ai déjà fait ce matin - que le département de l'instruction publique a fait de gros efforts, que je tiens à saluer, en faveur, justement, de ces enfants qui ont des difficultés. Mais pourquoi ne pas utiliser aussi la possibilité des écoles privées, et le fait que cela permet de diversifier les approches pédagogiques ? Pourquoi une monoculture pédagogique ? Personnellement je suis un soutien ferme aux écoles publiques, je l'ai encore montré ce matin avec les HES. Mais pourquoi ne pas essayer d'exploiter cette richesse pédagogique que nous avons à Genève ? Nous avons une tradition éducative depuis Rousseau, Flournoy, Claparède et les autres, qui a donné lieu à la naissance de plusieurs écoles privées. Pourquoi ne pas en profiter, ne pas laisser les Genevois accéder à ce potentiel qui est à notre disposition, et l'utiliser sans avoir un recours exclusif et, je dirai, idéologique, à l'école publique ?

Ce qui est demandé dans cette motion, c'est vraiment peu de choses. On sait que c'est un tabou à Genève, mais il s'agit simplement de créer une ouverture, de donner un petit signe favorable et de soutien à ces familles qui en ont besoin, pour qu'elles puissent trouver le meilleur lieu pour leurs enfants. Ce n'est pas du tout une tentative pour attaquer l'école publique, pas du tout, ça n'apparaît absolument pas, d'ailleurs vous l'avez dit en expliquant l'amendement que nous avons présenté. C'est une aide spécifique à ces familles, et donc moi je ne peux que vous encourager à entrer en matière avec cette motion; son but est de soutenir aussi un enseignement et des approches pédagogiques plus diversifiées, cela sans du tout remettre en question le monopole de fait de l'école publique.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la catégorie d'enfants confrontés à des difficultés pédagogiques regroupe un nombre important d'élèves. Elle représente jusqu'à 3% des enfants scolarisés, en ce qui concerne uniquement les troubles «dys» - donc tout ce qui est dyslexie, dyscalculie, etc. Cette proportion de la population scolaire n'est certes pas négligeable. Pourtant, pour les Verts, le principe fondamental reste celui de favoriser le maintien dans la structure scolaire d'origine et l'intégration des enfants différents, dans la mesure du possible. Pour ceux dont l'intégration pose trop de difficultés, le DIP a justement conclu différents accords avec les écoles spécialisées, de manière à répondre à des besoins particuliers. (Brouhaha.) Nous sommes attachés au principe d'intégration de tous dans le système scolaire, quelles que soient les différences. Les Verts reconnaissent que certains manques apparaissent dans le dispositif de l'école publique, c'est vrai, nous ne le nions pas. Toutefois, des efforts importants ont été faits - cela a été mentionné par notre rapporteure de majorité - notamment au niveau des troubles «dys» et de leur prise en charge. Les moyens ne sont pas encore suffisants, c'est clair, et la formation des enseignants nécessite encore des efforts pour répondre aux attentes et aux situations particulières, notamment aux troubles «dys», contrairement aux handicaps lourds, évidents et avérés, qui ne sont pas touchés par cette motion. C'est pourquoi les Verts ont ciblé cette problématique particulière des troubles «dys» dans la motion que nous voterons d'ailleurs tout à l'heure, au point 23. Il s'agit de renforcer les mesures «dys» et d'en informer la population, ce qui avait été largement soutenu en commission.

Pour en revenir à cette motion 1700 proposée par nos collègues du PDC: si son but peut paraître louable, les solutions qu'elle propose ne sont pas adéquates. (Brouhaha.) D'abord, il nous semble que seuls les besoins des élèves doivent être pris en compte par l'Etat, et non le choix des parents. Ensuite, le coût qu'entraineraient les vérifications des motifs pour chaque demande serait sans aucun doute important; nous préférons mettre cet argent dans l'école publique. Enfin, cette motion reste floue: l'autorité de décision, les critères de détermination, l'information décisive quant à l'orientation pédagogique sont mal définis. En dehors de ces questions de définition, il reste à prouver que la prise en charge dans les secteurs privés sera forcément meilleure, ce qui n'est pas du tout garanti. En effet, certains transferts vers l'école privée se soldent par des échecs. Par ailleurs, les écoles privées ne sont absolument pas toutes d'obédience pédagogique particulière ! Il y a aussi des écoles privées qui ont des systèmes complètement classiques. Sur le fond, le groupe des Verts est favorable à toutes les adaptations susceptibles d'améliorer l'école publique plutôt que d'aller dans le sens d'un soutien accru à l'école privée. En conclusion, les Verts refuseront le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat et vous remercient de faire de même.

Mme Marie Salima Moyard (S). Le parti socialiste l'a toujours dit, cette motion est une mauvaise idée pour de nombreuses raisons, et contrairement à ce que disait M. le rapporteur de minorité, pas uniquement pour des questions idéologiques, dogmatiques, ou de vision de société.

Un premier problème, c'est que malgré deux passages en commission, les motionnaires n'ont jamais été capables de nous indiquer le vrai public concerné par la mesure préconisée. Parce que l'école publique, l'école obligatoire, a une solution pour tous les élèves auxquels on pourrait penser avec la définition un peu floue qui nous est proposée. Si l'on parle des élèves handicapés, l'enseignement spécialisé est là pour y répondre; il recourt à une pédagogie différente, avec des effectifs réduits, il propose également un enseignement individualisé, soit exactement ce qui est demandé par la motion. Cet élément a encore été renforcé par la loi sur l'intégration des mineurs handicapés ou à besoins spéciaux. Pour les élèves en difficulté d'apprentissage au sens plus large, la nouvelle loi 10176 - qui régit, par exemple, le nouveau cycle d'orientation - prévoit toute une série de mesures d'accompagnement qui sont également renforcées, qui sont également individualisées, et également en effectifs réduits. Là aussi, on répond au problème. M. Gillet avait évoqué, en commission, la question des élèves surdoués: il y a des structures actuellement, il y a des sauts d'année qui sont prévus, il y a un projet du DIP en cours avec des décloisonnements, et surtout, l'Association suisse des parents d'élèves à haut potentiel est pour un maintien en classe ordinaire ! Donc bon, peut-être que les principaux intéressés, les élèves et leurs parents, savent mieux ce qu'ils souhaitent faire. Enfin, pour les élèves «dys» - dyscalculiques, dyspraxiques, dyslexiques, etc. - là aussi, une prise en charge adéquate est mise en place par l'école publique. Pour les élèves qui ont des problèmes de déficit d'attention, il y a une prise en charge également. Donc finalement, de quels élèves parlons-nous ? Après deux passages en commission, personne n'a jamais pu répondre à cette question.

Ensuite il y a des problèmes de système: d'habitude, quand on subventionne - parce que c'est bien de ça qu'il s'agit - on subventionne le mandataire. Et on ne subventionne pas le bénéficiaire de la prestation. En outre, il y a un problème de contrôle ! Celui-là même qu'il faudra que le DIP, et son état-major jugé si pléthorique, accomplisse. Il faudra éviter les risques d'arbitraire, il faudra savoir de quel parent, de quel élève, de quelle institution et de quel contrôle on parle. Et puis bien sûr, pour le groupe socialiste - mais ce n'est qu'un des éléments - il y a la question du principe. Car donner des allocations aux parents d'enfants en école privée, c'est priver d'autant de moyens l'école publique, particulièrement avec la majorité qui règne dans ce parlement aujourd'hui. Ce n'est pas la vision qui a été choisie par la majorité de la commission. Et le parti socialiste s'en réjouit.

Enfin, une subvention c'est aussi un encouragement à ne pas trouver de solutions à l'interne de l'école publique ! Et c'est une véritable erreur de philosophie à notre sens; la seule complémentarité qui doit exister c'est celle entre l'enseignement spécialisé et l'enseignement ordinaire. L'école publique doit avoir une solution pour l'ensemble des élèves et ne peut pas décider - c'est contraire à nos principes - qu'elle laisse simplement certains d'entre eux sur le carreau. Ce n'est pas la vision du parti socialiste, et ce n'est pas non plus la vision de la majorité de la commission. C'est pour cela qu'au nom de mon groupe je vous propose de suivre le rapport de majorité. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC n'est pas favorable à cette motion pour plusieurs raisons. Tout d'abord, sur la demande en elle-même, il nous est apparu que la mettre en place serait beaucoup trop difficile puisqu'il faudrait tenir compte d'un certain nombre de critères, savoir quel enfant est véritablement visé, et ensuite établir les montants d'allocation. En fait, ce serait créer une énorme machinerie pour résoudre le problème, et la solution de l'allocation nous a donc semblé ne pas être adéquate.

J'ouvre une parenthèse sur le rapport en lui-même: je m'en suis entretenu avec la rapporteuse de majorité... (Brouhaha.) ...la position de l'UDC qui est relatée dans le rapport n'est malheureusement pas la bonne. Je ne sais pas pourquoi mais Mme Hartmann s'est trompée, et en fait ce que j'ai rapporté en commission a été tourné à la négative dans le rapport ! Donc si vous voulez rectifier, il faut reprendre la même phrase mais à la forme positive. Cela étant dit, l'UDC, en fin de compte, n'est pas pour ce qui est proposé - c'est-à-dire verser une allocation pour les élèves - parce que nous, nous requérons le libre choix de l'école pour les enfants. Ce que nous prônons, et ce que nous avons toujours demandé, c'est que les parents - et les enfants, si possible - qui font le choix d'aller en institution privée puissent bénéficier non pas d'une allocation, mais d'une déduction fiscale. Parce que sans que cela soit pour des raisons pédagogiques, les parents qui font le choix de mettre leurs enfants à l'école privée en font, d'une certaine manière, bénéficier l'Etat ! Au travers de nos impôts nous payons pour l'école publique, mais si nous mettons nos enfants en école privée nous payons doublement ! A la fois nos impôts et à la fois l'écolage. C'est pour cela que nous, nous serions favorables à l'introduction d'une déduction fiscale et non pas d'une allocation.

La dernière chose que j'aimerais relever, c'est que dans le système actuel que nous connaissons, il y a énormément de choses qui sont faites, heureusement - et je le salue - par le département, comme par exemple les classes ouvertes de l'OMP, l'office médico-pédagogique. Un enfant qui a un problème particulier peut être dirigé dans ces classes avec une prise en charge complète et avec la possibilité, si cela est possible, de réintégrer par la suite l'école normale avec un suivi médico-pédagogique. C'est pour cela que, clairement, nous refusons la motion telle qu'elle a été formulée.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je suis vraiment abasourdi par ce que je viens d'entendre. (Remarque.) Je vous indique simplement qu'au vote final le groupe UDC s'est abstenu sur une proposition d'amendement général de cette motion, amendement que je lis: «à étudier la possibilité d'accorder une aide aux familles dont les enfants doivent intégrer l'enseignement privé pour des raisons pédagogiques et qui n'ont pas les moyens financiers d'assumer seules les frais d'écolage.» Cet amendement a été approuvé par 7 pour, donc 1 Vert, 2 PDC, 2 libéraux et 2 MCG, l'UDC s'étant abstenue. (Remarque.) Alors après tous ces aller-retour sur cette motion... Une motion, c'est justement pour donner du travail au Conseil d'Etat, pour qu'il étudie, justement, une possibilité ! Mme Moyard nous fait l'inventaire de tout ce qui a été mis en place, la rapporteure de majorité a également bien expliqué ce qui avait été fait; on veut toujours tout finaliser en commission, alors que c'est une motion qui demande d'étudier une question. (Commentaires.) Et cette question a été amendée et approuvée par la majorité de cette commission ! Juste après on a le vote final sur cet amendement, et on n'a plus que le MCG et le PDC qui soutiennent la motion. Allez-y comprendre quelque chose. (Brouhaha.) Moi j'ai une impression, c'est qu'on n'a pas envie de faire travailler notre Conseil d'Etat sur des motions qui paraissent être intelligentes et qui peuvent nous apporter des solutions, comme vient de le dire le PDC par son rapporteur.

M. Mauro Poggia (MCG). Comme l'a dit notre collègue Girardet, effectivement il y a quelque chose d'absurde dans la position de certains dans ce parlement. Je dirai presque qu'il s'agit... (Remarque.) ... de la mise en évidence de la paresse au pouvoir: ce matin, on nous disait qu'accorder des dérogations aux enfants qui ont quatre ans durant le mois d'août était quelque chose de compliqué, parce qu'il fallait examiner les cas particuliers. Maintenant on nous dit que distinguer les enfants qui doivent intégrer l'école privée pour des besoins pédagogiques est compliqué, encore une fois ! Alors je veux bien que l'on préserve le travail de nos fonctionnaires et de notre conseiller d'Etat, mais il y a des limites à ne pas dépasser. Je pense qu'il y a des personnes qui sont à des postes de l'Etat précisément pour y travailler ! Et travailler, cela veut dire faire exactement ce que veut notre population, les citoyens du canton de Genève. Et venir dire que le département de l'instruction publique et que notre enseignement public sont omniscients constitue soit une méconnaissance du problème, soit un argument malhonnête. Il faut véritablement voir comment ça se passe sur le terrain pour se rendre compte qu'il y a des enfants qui, manifestement, ne peuvent pas être pris en charge par l'école publique... (Brouhaha.) ...ou qui sont mis sur des voies de garage ! Alors si c'est ça prendre en charge nos enfants, je dis non ! Et le MCG dit non ! Il y a visiblement des situations qui méritent le placement d'enfants dans des écoles privées, et il faut, pour ces enfants-là, que l'Etat assume ses responsabilités s'il ne peut pas le faire par le biais de l'instruction publique ! (Brouhaha.) Alors nous avions initialement soutenu une motion qui parlait d'allocations d'études, nous parlons maintenant d'aide; je dis donc à l'UDC, qui semble mal lire les textes, que ce qui est proposé entre précisément dans ce que comprend le terme d'aide - je répète qu'avant il s'agissait d'une allocation d'étude - et que l'aide dont il est question dans cette motion peut parfaitement s'exprimer par une déduction fiscale des écolages pour ces écoles privées lorsque l'école publique ne peut pas faire face au problème ! Nous demandons au Conseil d'Etat d'étudier la question, et on nous répond que c'est compliqué ! Mais où va-t-on ? Où va-t-on si systématiquement, chaque fois qu'un sujet est compliqué, on le met de côté et on passe au suivant ? Où va notre république, je vous le demande. Alors je vous prie instamment de soutenir cette motion qui est l'expression du bon sens; il s'agit, lorsqu'il y a des problèmes pédagogiques qui ne peuvent pas être pris en charge par l'école publique, et lorsque les parents - double condition - n'ont pas les moyens financiers d'assumer l'écolage dans une école privée pour faire face à ces problèmes...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Mauro Poggia. ...d'assumer nos responsabilités - j'ai terminé, Monsieur le président - et d'accorder cette aide sous la forme que voudra bien nous proposer notre Conseil d'Etat en travaillant, désolé de le lui demander.

Des voix. Bravo !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Non, cette motion n'avait pas pour but de donner un libre choix entre le public et le privé; l'objectif de cette motion était de démontrer la complémentarité entre les deux systèmes. Mme Moyard dit que le PDC n'a pas été capable de dire à quel public s'adressait cette motion. Elle a répondu avec bon nombre de listes d'élèves qui auraient pu bénéficier d'enseignement dans le privé. Certes, le département et l'enseignement public ont pu répondre aux élèves souffrant de pathologies dites «dys». Par contre, concernant les élèves à haut potentiel, Mme Moyard a fait référence à des propositions comme le saut d'année: ça fait un tout petit peu sourire d'entendre le parti socialiste - et une enseignante par ailleurs - parler de ces mesures pour ces élèves-là. Lors du premier débat sur cette motion, le conseiller d'Etat avait d'ailleurs dit que l'école publique devait pouvoir s'adapter à chaque élève. Malheureusement, force est de constater que ce n'est pas toujours possible; je pense que beaucoup d'entre nous ont eu affaire à des enseignants, au cours du parcours scolaire parfois un peu chaotique de certains enfants, qui leur ont dit, à un moment donné, qu'il aurait fallu pouvoir les placer en école privée. Il ne s'agit pas de définitivement les mettre en école privée; il peut s'agir... (Brouhaha.) ...à un moment précis, ponctuellement, pour des élèves qui rencontrent des problèmes pédagogiques ou pour des élèves à haut potentiel, de pouvoir intégrer une structure mieux adaptée à leurs difficultés. L'école publique est un gros bateau, et c'est parfois très difficile de s'adapter à chaque élève individuellement. Je trouve juste regrettable que pour des raisons - malgré ce qui a été dit auparavant - souvent idéologiques que sur le fond je partage... L'intégration dans un système public devrait pouvoir se faire pour chaque enfant, mais force est de constater que ça n'est pas toujours possible. Et je trouve dommage que certains enfants soient laissés sur le carreau en raison du fait des problèmes budgétaires des parents, qui n'ont pas les moyens de leur faire intégrer une structure plus adaptée. Je trouverais donc simplement intéressant de demander au Conseil d'Etat, comme ça a été dit par M. Jean-François Girardet, d'étudier cette proposition et d'avoir une réponse concernant cette possibilité qu'on pourrait donner à ces enfants.

Le président. Merci, Madame la députée. Pour trente secondes, la parole est à Mme la députée Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président, cela suffira. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez combien la cause des enfants qui ont des besoins particuliers, notamment des enfants handicapés, me tient à coeur, puisque je préside une association de parents. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et ce pour quoi je me bats tous les jours dans mon association, c'est pour que l'école publique - publique ! - réponde aux besoins de ces enfants; c'est pour que nous, ici, nous votions les budgets qui permettent l'intégration ! Vous savez qu'aujourd'hui il y a des élèves handicapés qui, effectivement, ne sont pas intégrés à l'école ordinaire, tout simplement parce qu'on n'a pas assez de mesures d'appui à leur proposer. Alors ce que j'ai envie de vous dire, le message que j'aimerais faire passer, c'est refusons cette motion, mais donnons-nous les moyens, ensemble, d'accorder à l'école publique ce qui permettra d'intégrer tous les enfants, quelles que soient leurs difficultés.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est pour vingt secondes à M. le député Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Juste un détail: quand on lit «aux familles dont les enfants doivent intégrer...» Pourquoi «doivent» ? Il n'y a aucune obligation d'intégrer une école privée ! (Brouhaha.) Cela résulte aussi d'un choix personnel des parents, puisque, comme je l'ai dit et je le rappelle, l'école publique, lorsque les enfants ont des problèmes pédagogiques... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...intègre ces enfants dans les classes de l'office...

Le président. Monsieur le député, vingt secondes, c'est court !

M. Stéphane Florey. ...médico-pédagogique. Donc on voit que certaines choses sont en place, et juste pour la petite blague, pour conclure, je suis heureux d'apprendre que le MCG lit les rapports de commission. Merci ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député indépendant Didier Bonny pour deux minutes - et je suis large !

M. Didier Bonny (HP). Merci, Monsieur le président, pour votre largesse, vous verrez que je ne vais pas avoir besoin des deux minutes ! Mesdames et Messieurs les députés, les parents, en fait, ne devraient pas faire intégrer l'enseignement privé à leur enfant, parce qu'ils le voient comme une obligation, mais bien parce que c'est un choix de leur part. L'école publique, qui se veut inclusive - et ce d'autant plus suite à la loi qui a été votée par notre Grand Conseil - doit être dotée des moyens nécessaires pour faire face aux élèves à besoins spécifiques. C'est dans ce sens que va, d'ailleurs, l'école publique ces dernières années, notamment pour les élèves «dys» pour lesquels de nombreuses mesures ont été prises, contrairement à ce que pourrait laisser entendre la motion des Verts - mais on aura l'occasion d'y revenir tout à l'heure dans l'ordre du jour. En conclusion, cette motion qui paraît partir d'une bonne intention est en fait une fausse bonne idée, et je vous invite à la refuser !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est d'abord au rapporteur de minorité, M. Mettan. Monsieur Mettan, vous allez prendre sur le temps de votre groupe. Vous avez la parole !

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité ad interim. Comme rapporteur il me restait un petit peu de temps. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste repréciser trois petites choses. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) D'abord, à l'attention de Mme Moyard qui nous a dit qu'il ne fallait pas approuver cette motion, parce qu'on ne pouvait pas soutenir directement les bénéficiaires. Mais, Madame Moyard, là vous êtes en pleine contradiction ! Il se trouve que dans les EMS nous soutenons directement les bénéficiaires, donc pourquoi ne pourrait-on pas le faire avec l'école publique ? Si on a une cohérence il faut l'avoir jusqu'au bout, et accepter que les parents d'élèves puissent aussi avoir droit aux prestations directes, comme c'est le cas pour les EMS.

Deuxième chose, Monsieur Florey, vous avez parlé du «doivent»; effectivement, pourquoi les parents qui ont des enfants ayant des difficultés doivent-ils envoyer leurs enfants en école privée ? Ils le doivent pour des raisons très simples. La première c'est que l'école est obligatoire - et c'est tant mieux - et qu'ils sont donc obligés de scolariser leurs enfants dans une école. Et s'ils doivent le faire dans le privé, c'est parce qu'ils n'ont pas trouvé, dans le public, la bonne solution ! D'où le verbe devoir dans ce cas-là. C'est par nécessité, c'est par obligation légale aussi.

Et puis j'aimerais aussi dire à l'UDC - et là je me félicite de ce qui a été exposé - qui a expliqué ne pas vouloir de cette motion mais être prêt à en accepter une autre demandant une déduction fiscale: rappelez-vous, Mesdames et Messieurs, chers collègues, que j'avais déposé une motion qui demandait exactement... (Brouhaha.) ...cela, à savoir une déduction fiscale...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le rapporteur !

M. Guy Mettan. ...pour les parents qui devaient mettre leurs enfants, qui voulaient mettre leurs enfants, dans le privé. Cette motion a été refusée par notre Grand Conseil, d'où la motion que nous vous proposons aujourd'hui. Il suffit de relire notre Mémorial pour le voir. Mais je suis très heureux si vous revenez à la charge avec cette motion que j'avais déposée il y a maintenant sept ans.

Le président. Voilà, merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure de majorité. Vous avez une minute trente que vous prenez sur le temps de votre groupe, Madame Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve), rapporteuse de majorité. Oui, Monsieur le président, je remercie d'ailleurs mon groupe de me donner ce temps. Je voudrais revenir quand même sur certains points. Il ne s'agit pas, ici, d'opposer école privée et école publique, en tout cas pas pour les Verts. (Brouhaha.) Il s'agit de rappeler qu'actuellement il n'existe pas d'école privée qui propose des programmes spécifiques pour ces enfants à besoins particuliers, à l'exception d'une seule qui ne veut justement, je le rappelle, aucune aide de la part de l'Etat. Cela par choix. Il s'agit donc vraiment de se demander si c'est réellement une opportunité que cette motion propose, alors qu'il n'y a aucune spécialisation dans les écoles privées. Généralement ce qu'elles ont, il est vrai, ce sont des objectifs pédagogiques différenciés, et des effectifs plus petits. Or, ce n'est pas la seule mesure qui est pertinente pour ces enfants à besoins spécifiques.

Ensuite, on parlait de l'aide de l'Etat aux EMS: je voudrais juste rappeler que le mode de financement des EMS est différent, et que l'école est - j'espère ! - encore gratuite et accessible à tous...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la rapporteure.

Mme Esther Hartmann. ...pour l'ensemble des citoyens. Donc les arguments qui nous sont présentés ne correspondent pas forcément à une réalité, et pour les raisons que nous avons évoquées nous vous encourageons vraiment vivement à ne pas soutenir cette motion.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...je souhaite d'abord vous dire que j'ai bien évidemment lu attentivement, pour avoir travaillé avec la commission, le projet de motion. Ce projet de motion, incontestablement, ne peut être qualifié d'idéologique; incontestablement, les intentions des motionnaires sont plutôt de miser sur la complémentarité que réellement sur la confrontation entre le public et le privé. Je donne donc acte aux motionnaires de leur bonne volonté afin de trouver des voies d'amélioration pour le parcours d'élèves qui peuvent être en difficulté. Seulement voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le texte, pour des raisons évidentes, manque - et cela a été évoqué dans le débat - considérablement de précision. Que veut dire: doivent quitter le secteur public ? Qui est juge du devoir quitter ? Est-ce que cela veut dire que ce sont les parents qui décident si leurs enfants le doivent ou non ? Est-ce que ce serait une commission de fonctionnaires qui trancherait pour savoir si finalement il y a obligation ou non ? La question du revenu étant réglée dans l'intention des motionnaires, qui indiquent que c'est pour celles et ceux qui n'en ont pas les moyens, ce n'est pas sur ce terrain-là que le texte - qui est forcément général - manque cruellement de précision. Autre point, ce sont les raisons pédagogiques ! Que veut dire la raison pédagogique qui contraint à quitter ? En réalité, Mesdames et Messieurs, le texte pose bien évidemment, même à l'état de motion, un certain nombre de difficultés à pouvoir l'appréhender correctement.

Ce que je regrette, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que les motionnaires - et je m'adresse en particulier à eux - ont finalement renoncé trop tôt, peut-être... (Brouhaha.) ...à poser un certain nombre de questions sur les capacités d'adaptation du service public ! Dans quelle situation trouvez-vous - et il y en a probablement - que le service public ne répondrait pas forcément de manière suffisamment correcte ? Avez-vous formulé, à l'encontre du service public, à mon endroit, un certain nombre d'invites pour le voir évoluer sur certains points ? Ce n'est pas le cas. C'est pour cela que j'ai l'impression - et c'est ce que je déplore - que vous avez d'emblée estimé que le privé pourrait répondre mieux et que le public ne pourrait s'adapter. Et je trouve que ce renoncement est dommage.

J'aimerais dire également que le dogmatisme n'est pas de mise lorsqu'il s'agit notamment du handicap. Je rappelle que le secteur privé, en particulier, est actif, et qu'il l'est par un certain nombre d'institutions subventionnées qui visent à répondre à différentes demandes dans le cadre du besoin et de l'intérêt général, avec des contrats de prestations qui, comme vous le savez, touchent par exemple Clair Bois ou la Fondation Ensemble.

Par rapport à des élèves qui sont en difficulté, il me parait également important de dire aujourd'hui que le soutien public doit être apporté - du reste, il l'est régulièrement, grâce à vos décisions en commission des finances de soutenir les organisations pour le répétitoire ! Ou encore les organisations qui mettent sur pied le tutorat, telle la nouvelle association qui s'appelle Reliance. Donc des moyens de suivi divers existent.

Mesdames et Messieurs les députés, ce qui m'est beaucoup plus difficile, c'est de constater aujourd'hui qu'il y a un certain nombre de difficultés pour financer l'Etat, pour financer ses prestations, cela alors qu'on demande régulièrement son adaptation ! Et je déplore qu'ici, alors que fréquemment on nous demande des efforts de limites budgétaires, on privilégie une voie qui accroîtrait incontestablement les dépenses, non pas pour l'amélioration du service public mais bel et bien pour en faire bénéficier plutôt - je dis bien plutôt - le secteur privé, sans que je ne voie dans ce mot une injure. Donc, Mesdames et Messieurs, je vous demande véritablement de prendre en compte des questions de priorités. Doit-on, aujourd'hui, d'abord assurer le fonctionnement et le financement de l'Etat, ou en priorité financer un certain nombre d'établissements privés ? J'aimerais enfin dire que cela représente - et c'est bien là où le débat politique, à défaut d'être idéologique ou dogmatique, revient régulièrement à la question des valeurs... Pour que nous puissions éviter d'ouvrir une boîte de Pandore par une motion qui est, en réalité, insuffisamment rédigée. J'aimerais effectivement qu'on empêche de créer le précédent; cela que ce soit sous l'angle d'une défalcation fiscale ou d'une aide, qui permettraient tout simplement de dire que l'on commence à financer les parents pour un libre choix entre le privé et le public. La collaboration, aujourd'hui, fonctionne bien entre le public et le privé; la collaboration fonctionne également très bien à l'intérieur du service public entre l'enseignement ordinaire et l'enseignement spécialisé. Nous devons innover, nous innovons, nous avons des nouveaux moyens - cela a été relevé - mais ils sont régulièrement insuffisants. Je ne pleure pas misère, je ne fais pas la quête devant vous, Mesdames et Messieurs les députés, mais au moment où vous nous demandez des efforts de rigueur, j'aimerais qu'on évite de dépenser davantage pour le secteur privé en créant un certain nombre de précédents. J'appelle donc toutes celles et ceux, pour lesquels l'école publique laïque et obligatoire veut dire quelque chose, à bel et bien consacrer, par la décision de ce Grand Conseil, l'émergence et le soin du service public à s'adapter aux différentes demandes. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la prise en considération de cette motion - la motion de base, vu les discussions et les votes qui ont eu lieu au sein de la commission.

Mise aux voix, la proposition de motion 1700 est rejetée par 36 non contre 24 oui. (Applaudissements et protestations à l'annonce du résultat.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur le député Jeannerat, s'il vous plaît !

M 1993-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Charles Selleger, Patricia Läser, Nathalie Schneuwly, Jean-François Girardet, Philippe Schaller, Mathilde Captyn, Pierre Losio, Antoine Barde, Renaud Gautier, Sylvia Nissim pour une véritable politique familiale de la petite enfance (allocation parentale)
Rapport de majorité de Mme Marie Salima Moyard (S)
Rapport de minorité de M. Charles Selleger (R)

Débat

Le président. Nous en sommes au point 18 de l'ordre du jour... (Brouhaha. Chahut.) S'il vous plaît ! Il s'agit de la motion 1993-A. Madame le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

Mme Marie Salima Moyard (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1993 a permis une heureuse réflexion sur le dossier toujours aussi complexe... (Brouhaha.) ...et brûlant d'actualité qu'est l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Cette motion propose une solution qui n'est pas praticable aux yeux de la majorité de la commission, pour de nombreuses raisons que je vais tenter de vous résumer.

Que propose cette motion ? Elle propose une allocation parentale, à ne pas confondre avec un congé parental qui, lui, est d'une durée plus longue, avec un véritable revenu de remplacement, ce qui n'est pas ce qui est proposé. Ce qui est proposé, c'est une somme qui constitue une incitation - qui n'est pas destinée à remplacer un salaire - versée au parent, homme ou femme, qui arrête de travailler ou qui diminue son temps de travail pour s'occuper de son ou ses enfants. Ce n'est donc pas pour le parent qui ne travaillait pas auparavant. La somme envisagée se monte au maximum à 50% du coût, pour les collectivités publiques, d'une place en crèche, c'est-à-dire à peu près 14 000 F par an, soit 1 150 F par mois, avec une clause qui rendrait la somme inversement proportionnelle au revenu - plus on gagne, moins on touche d'allocation. Le but de cette allocation serait d'offrir une alternative au placement d'enfants en crèche, de compenser partiellement la perte financière occasionnée par ce choix et, également, de libérer des places de crèches pour d'autres enfants ou - mais pas et - de permettre de faire des économies à l'Etat, car la somme par enfant serait deux fois moindre. Mais évidemment on ne pourrait pas obtenir les deux résultats en même temps, contrairement à ce qui a parfois été annoncé par le premier motionnaire. Et, dernier point, le retour à l'emploi devrait être particulièrement pris en compte.

Alors pourquoi est-ce une mauvaise idée ? De l'avis même des motionnaires, on ne pouvait évidemment pas régler toutes les inégalités sociales avec cette allocation; ça n'allait pas être intéressant pour les bas salaires, ça n'allait pas être très intéressant non plus pour les salaires élevés, parce que les parents sont intéressés par d'autres modes de garde et que la somme ne serait pas suffisamment pertinente. En outre ça ne serait simplement pas accessible aux familles monoparentales, ni à celles où les parents sont au chômage ou en formation. De plus, il y aurait eu un contrôle problématique pour les indépendants. Il était donc difficile de savoir, du coup, à quel genre de famille s'adresserait cette allocation.

Mais il ressort des auditions et des discussions d'autres inconvénients. En ce qui concerne le travail des femmes - même s'il a été largement rappelé par les motionnaires que cela n'a jamais été leur volonté - il est difficile d'imaginer une autre conséquence que celle d'encourager les femmes qui, en général, ont un salaire moins élevé, à entre guillemets retourner à la maison, ce qui n'est souhaitable, je l'espère, aux yeux de personne. C'est également un problème pour la réinsertion professionnelle; il est difficile de se réinsérer après un arrêt, surtout s'il a été long. Par ailleurs, c'est une perte importante sur les couvertures par les cotisations sociales - AVS, AI, LPP, etc. C'est la peur, aussi, pour certains membres de la commission, du désengagement des communes, par exemple, et de l'Etat, qui va devoir entrer en ligne de compte suite au contre-projet à l'initiative 143; un désengagement des communes par rapport à la création de places de crèches, car les moyens ne sont pas illimités: si on met de l'argent pour ces allocations, c'est de l'argent que l'on n'aura pas pour autre chose. Peur également, pour certains commissaires, de la création d'une sorte de droit...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la rapporteure.

Mme Marie Salima Moyard. ...généralisé - je vais terminer dans ce laps de temps, Monsieur le président. Cela mettrait bien entendu les finances de l'Etat dans une posture difficile, car, vu les choix qui sont faits actuellement, il serait compliqué d'ajouter une nouvelle prestation. Finalement, le contrôle serait extrêmement ardu puisqu'il faudrait prouver la baisse ou l'arrêt du travail; le RDU ne suffirait pas, il faudrait fournir les contrats de travail, etc., chose qui est complètement inédite. Donc c'est pour l'ensemble de ces raisons, après un travail fouillé de la commission de l'enseignement, que la majorité de la commission vous propose de refuser cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Charles Selleger (R), rapporteur de minorité. J'aimerais rendre hommage au rapporteur de majorité pour l'excellence de son rapport, qui a fait largement la place aux arguments que j'ai développés en commission, ainsi que pour l'introduction de son allocution de tout à l'heure, qui a fait également une place tout à fait honorable aux arguments que j'ai présentés. J'aimerais répéter que cette motion est partie de deux constatations: premièrement, celle que le coût d'une place en crèche est très élevé et, deuxièmement, celle de la difficulté morale des parents de remettre leur enfant à une structure d'accueil. Cette motion est également survenue dans un contexte précis qui est celui de l'initiative 143 ou de son contre-projet qui a finalement abouti, qui aura pour effet une augmentation massive de l'offre de places en structure d'accueil.

Alors le coût: le coût, c'est environ 40 000 F, pour simplifier. Ça, c'est le coût véritable d'une place en crèche. Et la contribution parentale s'étale entre 0, pour ceux qui sont les plus démunis, et 12 000 F, soit un coût social résiduel de 28 000 F à 40 000 F.

La difficulté parentale, c'est le conflit moral, le conflit de conscience entre la remise de leur enfant, pour les jeunes parents, en structure d'accueil, et la nécessaire revalorisation - on l'oublie trop souvent - du rôle des parents dans l'éducation de l'enfant en bas âge.

Alors les moyens. Le moyen, pour aboutir à résoudre cette équation, c'est faciliter un choix ! Ce n'est pas une obligation, ce n'est pas une incitation qui équivaut à une obligation, non, c'est un simple choix des parents désireux de privilégier leur présence auprès de leur enfant en bas âge, et donc de renoncer provisoirement à reprendre leur activité après une naissance; c'est offrir un système flexible par rapport à la durée - qu'on pourrait choisir librement entre un et quatre ans au cours de la petite enfance - et par rapport au temps partiel ou complet de réduction du temps de travail. Et puis on a établi, dans cette motion, toute une série de cautèles pour éviter une allocation de type arrosage; on tient compte de la capacité économique des familles concernées, on limite l'allocation aux familles qui diminuent réellement leur temps de travail - il ne s'agit pas de verser des allocations à des familles qui précédemment n'avaient qu'un des deux parents au travail - et on offre l'accès aux mesures de réinsertion professionnelle.

Alors on a entendu toutes sortes de critiques, et on nous en a répété quelques-unes. Le système est coûteux: non, le système n'est pas coûteux ! Le système, chaque fois qu'on l'utilise - et même s'il est peu utilisé, eh bien ce sera quand même une économie - permet d'éviter des coûts sociaux. Le système est inutile: on verra ! Si le système n'est pas plébiscité par une majorité de la population, ça répondra en tout cas au souci de ceux qui pensent que ça va coûter très cher, puisqu'il sera peu utilisé ! Et ce n'est pas parce que le public cible, finalement, est restreint, que la motion perd son sens ! Et puis on nous a dit aussi que ce serait un système impropre, en particulier, à aider les familles monoparentales. Alors directement oui, c'est un système qui n'est pas fait pour eux, mais indirectement c'est un système qui va les aider parce que ça va libérer des places de crèche dans un contexte, en tout cas actuellement, où les places de crèche sont extrêmement difficiles à trouver. C'est un système qui entrainera une baisse de l'emploi: on a dit attention, les mères ou les pères qui ne travailleront plus ne seront plus sur le marché de l'emploi, donc ça va diminuer les recettes fiscales. Eh bien pas du tout ! Parce que dans un contexte de chômage, ça fera autant de places à repourvoir, ça évitera des prestations de chômage, et ça fera revenir de l'argent dans la fiscalité. Alors en conclusion, voter cette motion ne peut qu'encourager l'Etat à développer des solutions innovantes, de nature à économiser l'argent public et aussi à revaloriser le rôle des parents dans l'éducation de leurs enfants, particulièrement pendant la période si sensible de la petite enfance. Je vous incite donc, à titre personnel, à voter cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, vous êtes pile poil dans votre temps de parole ! La parole est à M. le député Philippe Morel.

M. Philippe Morel (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, depuis quatre ans que je suis dans cette députation, cette motion est l'une de celles qui a m'a le plus touché et le plus ému. Je remercie donc le député qui en a été l'auteur et le groupe qui l'a cosignée. Pourquoi est-ce que cela m'a touché ? Eh bien parce que cette motion concerne deux éléments très importants de notre société. Le premier: l'enfant. Un élément fragile entre 0 et 4 ans, un élément extrêmement important. Et puis le deuxième, c'est la famille. (Brouhaha.) Et il s'agit, avec cette motion, d'aboutir à ce que l'un puisse vivre avec l'autre; à ce que durant cette phase cruciale de la vie que sont les quatre premières années, l'enfant puisse rester au sein de son milieu familial. Et n'allez pas me dire qu'il est mieux dans les crèches, et qu'il est mieux dans des structures extra familiales, c'est faux ! N'importe quel pédopsychiatre ou pédagogue d'enfants correct vous dira que c'est faux ! Ou alors nous tous, dont la majorité n'a pas été élevée dans des crèches, sommes des asociaux, puisque la crèche semble socialiser l'enfant. C'est faux ! L'enfant vivra le mieux dans son milieu familial la plupart du temps.

Et puis, accessoirement, mais de manière importante, on peut se préoccuper de ce que les parents pensent. Les parents préfèrent peut-être élever leur enfant plutôt que d'aller travailler ! Et c'est un élément également très important. Mais voilà, le plus souvent, malheureusement, les parents qui travaillent les deux doivent se séparer - et j'ai bien dit se séparer - de leur enfant pour continuer à travailler et gagner assez d'argent. Genève est une ville chère; une des villes les plus chères du monde ! (Commentaires.) Y vivre devient presque impossible pour la classe moyenne. Nous sommes en train de vider cette ville de ses habitants naturels pour des raisons financières. S'habiller, avoir de simples loisirs, vivre décemment à Genève devient impossible. Alors oui, le plus souvent les deux parents doivent travailler et se séparer de leur enfant. Et cette motion vise à réunir l'enfant, sa famille; l'enfant, ses parents. Quel but plus noble pouvons-nous suivre ? Quelle piste plus importante devons-nous suivre ? Oui, on peut discuter des chiffres: qui gagne quoi, qui perd quoi, combien, combien ça coûte, combien on va dépenser, combien ça va rapporter. Futilités ! Trivialités ! Inutile de parler de ça ! La piste est bonne, Monsieur le député Selleger, et je vous encourage très vivement à la poursuivre parce qu'elle ne constitue pas seulement une piste d'économies, de gains, de pertes, peu importe, elle est une piste sociale s'il en est, et je dois vous dire que je suis un peu jaloux que cette motion, heureusement signée par certains membres PDC, n'émane pas initialement du parti qui est celui de la famille. (Remarque.) Monsieur Selleger, je vous félicite.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Philippe Morel. Alors oui, on peut placer les enfants ailleurs, dans des crèches...

Le président. Monsieur le député, vous avez terminé ?

M. Philippe Morel. Non, j'ai encore deux phrases, Monsieur le président ! Oui, on peut placer des enfants dans des crèches, à peu près 4 000 s'y trouvent, 2 500 sont en attente. D'ailleurs Dieu sait les solutions qui sont mises en oeuvre pour ces 2 500 enfants ! Il y a des familles d'accueil, oui, on peut s'arranger, la grand-maman qui suit l'oncle, qui suit le grand-papa et qui est finalement suivi par un autre membre de la famille pour prendre en charge ces enfants. Il n'y a pas d'issue décente, cette motion offre une piste. Malheureusement, dans la situation actuelle nous ne pouvons pas complètement la soutenir, mais encore une fois je voudrais encourager très fortement les motionnaires à poursuivre dans cette voie, qui me parait une voie essentielle et une voie sociale.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs personnes, chez les Verts, ont signé cette motion. On voulait soutenir une alternative parmi d'autres, on voulait soutenir un choix de mode de garde supplémentaire. Après étude de ce projet de motion en commission, il apparaît pourtant que cette option est difficilement applicable, est difficile à mettre en place. Le financement de cette proposition est en effet compromis, car excessivement compliqué à calculer; de même, le contrôle de l'accession, ou non, à ce soutien engendrerait des moyens importants que l'Etat n'a pas à disposition aujourd'hui. Cette motion semble également restrictive par rapport aux familles qu'elle pourrait toucher; la plupart des personnes qui seraient intéressées ne pourraient pas se permettre, pour des raisons financières, de se passer d'un salaire pour une compensation si faible; la motion ne profiterait donc qu'à une classe moyenne supérieure. Les Verts seraient plutôt favorables à un congé parental, si ce parlement voulait bien accepter ce genre de proposition. En sa faveur, pourtant, il est vrai que cette motion demande seulement d'étudier la mise en place d'une allocation parentale ! Et cela nous semblait quand même intéressant. Les Verts sont donc divisés sur cette question, et laisseront le vote libre à leurs députés.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à nouveau nous sommes saisis d'une motion qui demande une étude. Alors je remercie le député Morel de son brillant exposé pour défendre cette motion, malheureusement le groupe PDC a préavisé négativement cette dernière. J'ose donc espérer que cette motion sera soutenue également par le parti de la famille ! Et qu'ils retourneront à nouveau leur veste pour voter dans le bon sens, cette fois ! (Brouhaha. Protestations.) Je voulais juste dire que le MCG s'est trouvé effectivement bien seul à soutenir l'unique motionnaire qui a été lâché par les membres de son parti... (Protestations.) ...le parti libéral, alors qu'en définitive il se trouve des signataires qui ont soutenu l'idée ! L'idée, c'est de nouveau de demander au Conseil d'Etat d'étudier cette question ! Et on aura, si on arrive à trouver une majorité pour la renvoyer au Conseil d'Etat, une réponse avec un rapport qui nous donnera des solutions, des pistes, et qui, peut-être, pourra éventuellement nous amener à produire un projet de loi. En tout cas c'est une bonne alternative pour lutter contre la pénurie de places de crèche, comme l'a développé le motionnaire, sachant qu'une place de crèche coûte, pour la collectivité publique, entre 30 000 et 40 000 F ! On parle d'une allocation plafonnée à 15 000 F par enfant, c'est la moitié de ce que coûte une place de crèche; c'est donc une solution qui paraît être même économique. En tout cas elle est de bon sens, elle n'est pas forcément la panacée mais elle contribue à lutter contre cette pénurie de places de crèche ou d'accueil, et c'est également une alternative au congé parental subventionné sur lequel on n'a pas encore entamé le débat mais qui est proposé par les Verts. En tout cas elle sauvegarde la vie de famille et elle encourage les parents à un véritable choix ! Le MCG soutiendra donc cette motion.

M. Melik Özden (S). La motion de M. Selleger part de bonnes intentions. (Remarque.) En effet, vouloir soutenir les parents ayant des enfants en bas âge dans leur tâche éducative est louable. Mais, telle que conçue, la motion 1993 est extrêmement problématique et mal ciblée. En effet, elle pose non seulement le problème de l'égalité de traitement, mais aussi celui des prestations de retraite, de la fiscalité et de la carrière professionnelle des personnes concernées.

De plus, ce sont les femmes, surtout celles qui élèvent seules leur enfant et celles qui ont un travail mal rémunéré, qui seront pénalisées, alors que celles qui n'ont pas besoin d'un soutien financier pourraient prétendre à l'allocation prévue par cette motion.

Ainsi, contrairement à son titre, la motion 1993 ne constitue pas une solution pour les familles qui sont dans le besoin. Par contre, il est parfaitement imaginable que notre parlement se penche, dans un avenir proche, sur un véritable congé parental de longue durée, s'inspirant du modèle scandinave pratiqué depuis plus de 30 ans avec un grand succès. C'est pour ces raisons que le groupe socialiste refusera la motion 1993. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). A l'image de l'initiative fédérale de l'UDC en faveur des familles, qui demande une déduction fiscale pour ceux qui font le choix de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants, le groupe UDC reste définitivement en faveur des déductions fiscales plutôt que pour le système des allocations, y compris au niveau cantonal. Nous estimons qu'il ne sert à rien de donner une allocation, quelle qu'elle soit, pour que l'Etat vienne vous la fiscaliser en contrepartie. Cela ne sert absolument à rien, c'est pour ça que nous restons campés sur cette position, comme nous l'avons dit tout à l'heure, et que nous sommes pour les déductions fiscales et rien d'autre. Les travaux de commission nous ont clairement démontré que d'établir un système tel que demandé dans cette motion coûterait énormément. Il faudrait mettre en place des mesures de contrôle, et il y aurait tous les coûts inhérents à ces contrôles et au système lui-même; cela constituerait une vraie usine à gaz dont le groupe UDC ne veut pas. C'est pour ces raisons que nous refuserons cette motion, et nous vous invitons largement à faire de même.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, décidément, depuis ce matin tout ce qui est compliqué, dans ce parlement, on n'en veut pas ! On a peur de se créer des difficultés, de faire des règlements, de trouver des solutions pour les gens qui ont besoin qu'on les aide. Aujourd'hui, on vous propose simplement de trouver des solutions pour avoir des places de crèche, des solutions pour les familles qui travaillent, voire même qui sont au chômage, des solutions d'allocation, d'aide pour l'éducation du jeune enfant qui, plus tard, sera pris en charge par l'instruction publique, par l'école. De 0 à 4 ans il y a des réponses à trouver, et vous ne voulez pas les chercher parce que c'est compliqué ! (Brouhaha.) Cette motion, Mesdames et Messieurs, n'est qu'une impulsion, une volonté de ce parlement de demander au Conseil d'Etat de trouver une solution, une solution légale, une solution réglementée; ce n'est pas un projet de loi, ce n'est pas un règlement, c'est une proposition, et cette proposition ne peut être qu'approuvée, selon nous, au MCG, et selon les motionnaires.

Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, vous le savez très bien, il n'y a plus de places en crèche; aujourd'hui on a un taux de chômage élevé; aujourd'hui les parents sont obligés de travailler tous les deux pour pouvoir assumer les charges de la famille. C'est une possibilité que nous avons, qui nous est proposée, que nous voulons soumettre au Conseil d'Etat, de trouver une solution pour que l'éducation des enfants de 0 à 4 ans soit assumée par les parents avec l'aide de l'Etat, grâce à un soutien, tout cela pour la famille puisse s'épanouir harmonieusement jusqu'à l'entrée à l'école de l'enfant. Cette motion n'est donc qu'une proposition que le Conseil d'Etat doit étudier ! C'est n'est pas à nous de trouver la solution, on pourrait faire un projet de loi mais il y aurait toujours quelque chose à redire, et je pense que le Conseil d'Etat a les capacités de nous proposer une réponse valable.

M. Yvan Zweifel (L). Comme vous l'avez compris - et d'autres l'ont déjà dit avant moi donc je ne me répéterai pas trop - il s'agit ici d'une motion qui cherche à proposer une solution. Certes, elle n'est pas parfaite, certes ce n'est pas la panacée, mais c'est au moins quelque chose qui tente de résoudre des problèmes qui existent. On a parlé places de crèche: on s'est écharpés ici, entre groupes, pour plus de places de crèche ! Certains proposaient une modification des normes - c'est ceux qui ont gagné sur le moment - d'autres proposaient plus de places par la construction de plus de crèches; ici c'est une solution pragmatique qui permet justement qu'il y ait davantage de ces places de crèche.

Mesdames et Messieurs, on parle ici, vraiment, d'une motion; c'est-à-dire qu'on demande aux conseillers d'Etat d'étudier quelque chose ! Faisons en sorte que le Conseil d'Etat puisse faire cette étude ! Car je crois que le problème existe et que des solutions doivent être trouvées. Vous le savez également, la société d'aujourd'hui pousse de plus en plus de parents - et j'en sais quelque chose, je le vis aussi - à ce que le père et la mère travaillent, car ils n'ont effectivement plus les moyens de faire autrement. C'est quelque chose qui devrait toucher les bancs d'en face, les bancs de gauche. Certains des parents, pourtant - de gauche comme de droite, d'ailleurs - aimeraient s'occuper de leurs enfants ! Pas parce qu'ils y sont obligés ! On n'est plus dans la société de grand-papa et de grand-maman, où effectivement le père devait travailler et la maman devait rester à la maison - rassurez-vous, ce n'est pas ce que je suis en train de dire ! - mais dans une société où un des deux parents aimerait s'occuper de l'enfant, que ce soit d'ailleurs le père ou la mère. Qui, ici, est conservateur ? Ce n'est pas le motionnaire, Mesdames et Messieurs, mais bel et bien la rapportrice de majorité, qui nous explique que ça ne concerne ni les hauts salaires ni les bas ! Donc fondamentalement ça concerne la classe moyenne ! N'est-ce pas cette classe moyenne que tous les partis, ici, veulent défendre ? Cette classe moyenne qu'on néglige systématiquement, cette classe moyenne qu'on laisse aux oubliettes ?

Eh bien, Madame la rapportrice de majorité, si vous considérez que cela ne concerne ni les hauts ni les bas salaires... (Remarque.) «Rapportrice»... Oui, comme vous voulez ! ...c'est que ça concerne la classe moyenne, pour laquelle tous les partis, ici, se battent ! Donc je crois que le motionnaire, ici, voit tout à fait juste ! (Brouhaha.)

Enfin, on parlait de conservatisme. On parle ici d'une allocation parentale, je tiens à le souligner. Vous attaquez le motionnaire en disant que nécessairement, cela signifie que la femme doit rester à la maison et que l'homme va travailler. Non, justement pas ! On parle d'une allocation parentale, car il y a de plus en plus de pères qui ont envie de rester à la maison et de s'occuper de leurs enfants, et de plus en plus de femmes, de mères qui, au contraire, ont envie d'avoir une activité professionnelle à côté - et je répète encore une fois que j'en sais quelque chose. En conséquence de quoi, Mesdames et Messieurs, moi je soutiens le rapporteur de minorité et le motionnaire. Parce qu'il est visionnaire ! Et plusieurs partis l'ont dit, je l'ai entendu encore tout à l'heure: on est plus ou moins pour, mais on considère que ce n'est pas encore tout à fait d'actualité ! Allez, cessons de perdre du temps, c'est peut-être ma jeunesse qui me fait vous le dire, mais allons de l'avant ! (Brouhaha.) Le motionnaire est visionnaire, et moi je le soutiens et vous enjoins évidemment à faire de même !

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, je n'ose pas imaginer que mon collègue député Charles Selleger rêve d'un retour à une société paternaliste et un peu macho... (Protestations.) ...j'imagine plutôt que M. Selleger et M. Morel auraient rêvé de s'occuper de leurs enfants et de rester à la maison ! (Brouhaha.) Si on a envie de donner du choix aux parents, alors allons vers une solution simple - puisque je crois comprendre que la droite n'aime pas la bureaucratie - et passons directement à l'allocation parentale, parlons directement de choses qui sont connues, mises en place et qui ont des effets qui permettent en tout cas d'assurer une égalité dans le choix aux deux parents. Mais une chose m'a interpellée suite au panégyrique de M. Morel, et j'aimerais bien, Monsieur le président...

Le président. Madame la députée, je m'excuse de vous interrompre. J'aimerais demander au député Thierry Cerutti d'aller téléphoner à l'extérieur. Je suis désolé. (Applaudissements.) Poursuivez, Madame la députée.

Mme Christine Serdaly Morgan. Merci, Monsieur le président. Je disais que suite au panégyrique de M. Morel, il y a une question que je souhaiterais que vous lui adressiez, car je suis un peu restée sur ma faim: quelle est la raison pour laquelle il ne peut pas soutenir cette motion, puisqu'il lui voit toutes les qualités ? Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée von Arx-Vernon, pour dix secondes.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Dix secondes ?!

Le président. Oui, il a tout mangé, votre collègue !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Eh bien alors je vais aller très très vite ! (Brouhaha.) Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez le parti démocrate-chrétien est le parti de toutes les familles; la version qui vous a été donnée par M. Morel correspond à une sensibilité réelle du parti démocrate-chrétien, mais moi j'ai la sensibilité de ceux qui estiment que les crèches sont utiles, que les familles d'accueil peuvent être indispensables dans certaines familles...

Le président. Voilà !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. ...et que ce qui est proposé aujourd'hui ne correspond pas à ce dont nous avons besoin pour aller vers une égalité des parents face à la responsabilité de leurs enfants !

Le président. Voilà !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. C'est pourquoi nous ne soutiendrons pas cette motion maintenant, et même si le principe est intéressant... (Brouhaha.)

Le président. Madame la députée, franchement !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon. ...et nous vous proposerons autre chose de mieux ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Alexis Barbey, pour trente-trois secondes.

M. Alexis Barbey (L). Merci, Monsieur le président, alors j'essaierai de ramasser ma pensée... (Brouhaha.) ...en un certain nombre de phrases très courtes, qui vont consister à dire, dans un premier temps, que je ne voudrais pas que l'on pense que le PLR est un parti qui prône l'attribution de subventions à des familles quel que soit le motif, et en particulier pour les aider à choisir si elles vont ou ne vont pas rester à la maison pour élever leur enfant.

La deuxième chose, c'est que je ne voudrais pas qu'on laisse dire que cette motion est une avancée sociale, puisque je rappelle que le fait que les femmes puissent travailler était quand même une revendication extrêmement importante du droit des femmes et de l'émancipation des femmes... (Brouhaha.) ...pendant tout le XXe siècle. De nos jours on y est arrivés...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! Je suis désolé !

M. Alexis Barbey. ...et je trouve qu'on jette un peu rapidement...

Le président. Monsieur le député, je dois vous arrêter !

M. Alexis Barbey. ...le bébé avec l'eau du bain. C'est pourquoi je vous demande de ne pas accepter cette motion, et de laisser aux familles le choix de savoir... (Le président coupe le micro de M. Barbey, qui continue à s'exprimer. Rires.)

Le président. Voilà. La parole est à Mme la députée Esther Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole avec un certain agacement...

Des voix. Oh !

Mme Esther Hartmann. ...parce que j'entendais une file d'hommes s'exprimer... (Brouhaha.) ...sur le congé parental... (Remarque.) L'allocation parentale, oui, excusez-moi ! J'étais visionnaire, je voyais déjà le congé parental ! Ce que je voudrais dire quand même, c'est que cette motion, qui avait une allure avant-gardiste, cache quelque part la position et la vision d'une certaine place donnée à la femme. (Commentaires.) Pourquoi cela ? Parce que cette motion prévoit de donner une aide, une allocation... (Brouhaha.) ...à la personne qui souhaite rester à la maison, mais qui serait à la limite financière de ne pas pouvoir le faire; on lui donnerait alors un coup de pouce. Dans la situation actuelle, les femmes, généralement, ont 30% de revenus de moins que les hommes. Pour un couple, quel est l'avantage économique majeur pour la garde à domicile ? C'est que ça soit la femme qui reste à la maison. Parce que 30% en moins, c'est quelque chose d'assez conséquent; si la femme travaillait et que l'homme restait à la maison, ça voudrait dire que le revenu serait insuffisant pour assumer cette charge-là. Donc c'est cela qui est dit d'une manière indirecte, même si le motionnaire ne l'a pas voulu, et la conséquence à long terme de la motion telle qu'elle est proposée serait un retour des femmes à la maison. Et moi, en tant que femme, je ne suis pas pour cela, et en tant que Verte je préfère que l'on réfléchisse vraiment à un traitement égalitaire entre femme et homme, qu'on mette en place un congé paternité et qu'on puisse vraiment réfléchir à une allocation parentale qui soit conséquente et qui réponde réellement aux besoins de la population. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Patricia Läser. Je précise que les députés ou les rapporteurs inscrits M. Selleger, Mme Moyard et M. Poggia, n'ont plus de capital temps, ils ne peuvent plus s'exprimer. Madame la députée, vous avez la parole.

Mme Patricia Läser (R). Merci, Monsieur le président. Juste un petit mot pour dire qu'à aucun endroit, dans cette motion, on parle de remettre la femme à la maison; il s'agit d'une allocation parentale - parentale ! Je vous signale juste aussi que dans plus en plus de couples, aujourd'hui, la femme a fait carrière et gagne plus que l'homme, et que de nombreux hommes seraient d'accord de rester à la maison pour une allocation parentale comme celle-là. (Brouhaha.) Et je crois que contrairement à ce qui a été dit, c'est justement une égalité que de proposer aussi aux hommes de rester à la maison.

Une voix. Bravo !

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, très rapidement j'aimerais formuler un certain nombre de remarques. Je crois que visiblement, tout le monde s'entend à dire - particulièrement les motionnaires - que si une telle mesure devait prouver son efficacité, elle devrait alors reposer sur une allocation digne de ce nom ! Or, en commission, nous avons eu l'occasion d'évoquer, certes de façon imprécise, quel pouvait être le coût réel d'une telle allocation pour qu'elle soit à la fois moins chère que le système dit collectif, tout en permettant à des parents de faire ce choix, c'est-à-dire de renoncer à travailler. Alors après une rapide estimation, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés - Monsieur le rapporteur de minorité en particulier - nous avons évoqué un montant, et vous l'avez vous-même non pas véritablement approuvé mais dit qu'il était facile de faire des économies pour le compenser. C'était votre réponse. Alors Mesdames et Messieurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...si le département, le Conseil d'Etat vous proposait de suivre une telle motion, il viendrait demain avec un montant d'allocation qui devrait avoisiner, probablement, 120 millions de francs au total ! Mesdames et Messieurs les députés, je sais que tout est toujours possible en politique, surtout lorsque l'on est à la veille des élections. (Commentaires.) Mais comment peut-on à la fois défendre des budgets rigoureux, défendre également un contre-projet et une initiative sur les crèches en prétendant qu'il faut justement que l'Etat les finance - c'est le choix, je vous rappelle, de la majorité qui a voté contre l'initiative et pour le contre-projet - et dire qu'il faut maintenant que l'Etat soutienne aussi les familles qui sont des familles d'accueil. Et il faut ajouter encore à cela l'accueil individuel.

Mesdames et Messieurs les députés, faire de la politique, c'est faire des choix. Et laisser penser à longueur de rédaction de motions, d'une part qu'on travaille, d'autre part qu'on peut simplement proposer et additionner les mesures, n'est tout simplement pas sérieux. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens simplement à vous dire que vous avez voté, que la population a voté - c'est inscrit dans la nouvelle constitution - que dorénavant l'Etat, avec les communes, devra subventionner les places de crèche. Alors il faudra trouver les montants, Mesdames et Messieurs les députés ! Et en rajouter chaque fois une couche, tout en demandant au Conseil d'Etat de présenter des budgets équilibrés et de s'y tenir, est tout simplement impossible, et vous le savez, la période électorale n'excuse pas tout. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix la prise en considération de cette motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 1993 est rejetée par 52 non contre 21 oui et 4 abstentions.

M 2083
Proposition de motion de Mmes et M. Marie Salima Moyard, Anne Emery-Torracinta, Irène Buche, Melik Özden, Lydia Schneider Hausser, Christine Serdaly Morgan pour une politique globale de soutien au livre

Débat

Le président. Nous arrivons au traitement du point 19 de l'ordre du jour, la motion 2083. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à la première motionnaire, Mme Marie Salima Moyard. Je vous demande d'essayer d'être disciplinée...

Une voix. Oh mais elle l'est, elle l'est toujours !

Le président. ...parce que ce n'est pas facile. Vous avez trois minutes, Madame la députée.

Mme Marie Salima Moyard (S). Suis-je souvent indisciplinée, Monsieur le président ? (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, il y a des motions qui font effet avant même d'être discutées dans notre parlement, et cette motion socialiste semble en faire partie puisque sa proposition d'un dispositif de soutien aux librairies indépendantes a été reprise et annoncée par MM. Beer et Kanaan au dernier Salon du livre, qui s'est terminé il y a quelques mois. Les mauvaises langues diront éventuellement qu'on s'était arrangés, mais non puisque la motion a été déposée bien avant.

Alors de quoi s'agit-il ? Vous vous souvenez qu'on a voté il y a quelques semaines la loi-cadre sur la culture, que dans cette loi le canton se donne pour but... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...notamment de favoriser la création artistique et la diffusion des oeuvres, ainsi que de valoriser le patrimoine. La problématique du soutien aux livres entre donc parfaitement dans ce domaine. Rappelons aussi le vote fédéral sur le prix unique du livre: il a été refusé au niveau suisse mais accepté à Genève à plus de 65%. Il n'est pas question de proposer cela ici, par contre il est demandé d'étendre le soutien du canton et de la Ville de Genève, en concertation, aux librairies indépendantes, car actuellement seuls les éditeurs, via des conventions et des aides, et les auteurs, via des bourses, sont soutenus ! Pourtant, les libraires représentent le troisième maillon indispensable à la diffusion du livre et sont l'élément de propagation de la création culturelle. Or aujourd'hui, elles se trouvent en très difficile posture face à la concurrence des grandes surfaces pouvant se permettre de casser les prix.

Alors que demande cette motion ? Elle demande de renforcer la collaboration actuelle existante entre le canton, la Ville de Genève et les autres communes, et elle demande de développer des outils de soutien pour le lancement et la pérennisation de librairies indépendantes. Ces outils de soutien peuvent passer éventuellement par des subventions, éventuellement par des prêts, par une collaboration intercantonale, par un soutien à l'élaboration de sites internet communs, ou encore par le développement de plateformes de livres numériques. C'est pourquoi, afin de faire le point sur ce qui a été présenté et proposé par les exécutifs récemment sur cette politique de collaboration, le groupe socialiste vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il puisse nous faire un état des lieux de ce qu'il a prévu et que nous puissions, le cas échéant, étudier ce rapport ensuite, plus tard, si besoin, en commission. Je vous demande donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le spécialiste, Ivan Slatkine.

M. Ivan Slatkine (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous annonce d'entrée que je suis éditeur, propriétaire d'une librairie à Genève, comme ça les choses sont claires. En connaissance de cause, en effet... (Brouhaha.) ...le refus du prix que l'on appelle unique - moi je préfère dire le prix fixe, puisqu'un prix unique n'était pas la question - met en danger aujourd'hui l'existence de la librairie indépendante, et par ricochet de l'édition romande et des auteurs romands. Je crois que c'est important de le dire, le livre est un marché de l'offre; c'est-à-dire que plus nous avons de points de vente, plus nous avons de chances de mettre en avant l'oeuvre d'un auteur, l'oeuvre d'un artiste. Et le problème de la librairie indépendante est un vrai problème, qu'il faut étudier. Il est nécessaire de défendre la librairie indépendante, parce que sur le marché du livre ce qui est important c'est de défendre la diversité de l'offre - parce que le livre, je le répète, est un marché de l'offre. Les libéraux sont attachés à cette diversité, et il nous semble que l'intention du parti socialiste est, à ce niveau, louable. Maintenant, l'idée de prêt sans intérêt ne semble pas vraiment très opportune. Mais la Ville de Genève - et Mme Salima Moyard l'a dit - a fait des propositions. Ces propositions sont en train d'être mises en action, et dans ce sens il nous semble que de renvoyer ce projet de motion au Conseil d'Etat nous permettra d'avoir un rapport nous décrivant les relations entre l'Etat et la Ville de Genève, mais aussi avec les autres cantons. Parce que le livre n'est pas qu'un sujet communal ou cantonal, c'est un sujet national, et dans un pays comme le nôtre je crois qu'il est important de défendre la langue française. C'est pourquoi le renvoi de ce projet de motion directement au Conseil d'Etat nous semble approprié, et voilà le sens dans lequel nous vous proposons d'aller.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'Etat n'a pas à subventionner des librairies indépendantes, car il serait aussitôt appelé à financer d'autres secteurs de l'économie, comme les boulangeries, les boucheries, les épiceries, les menuiseries, les salons de coiffure et autres commerces. (Brouhaha.) Par le subventionnement, on fausse le jeu de la concurrence, la compétitivité et la loi sur l'offre et la demande. En outre, l'Etat n'est pas habilité à accorder des crédits et des prêts sans intérêt, cela n'existe pas; l'Etat n'est pas une banque. Il faut savoir que l'Etat et la Ville de Genève ont créé des sociétés spécialisées dans l'aide financière aux PME et PMI, qui ont pour nom la Fondation d'aide aux entreprises, la Fondetec, fondation pour le développement des emplois et du tissu économique de Genève, ou la Fondation genevoise pour l'innovation technologique. Ces fondations cautionnent des crédits et prêts accordés par les banques à des PME et PMI. En cas de faillite du client, ces fondations remboursent aux banques le solde du crédit, y compris les intérêts. Dans ces cas-là, l'Etat passe déjà à la caisse. Nous sommes donc pour le renvoi en commission de cette motion. Merci, Monsieur le président.

M. Jean Romain (R). Chers collègues, je ne peux pas être tout à fait d'accord avec ce que vient de dire M. Riedweg: ce n'est pas vrai, le livre n'est pas une marchandise comme les autres. Il est au contraire central dans le développement culturel de l'homme, dans le développement culturel de l'enfant, et finalement il est le lieu de notre mémoire commune. Je vais faire ici un éloge du livre plutôt que de la librairie en tant que telle... (Remarque.) ...puisque mon collègue, M. Slatkine, l'a fait.

Ce qui frappe l'imagination c'est que les livres, Mesdames et Messieurs, sont faits de papier et d'encre, et que ces petits objets guettés par toutes les moisissures, ces feuillets reliés tributaires des modes et des médias, ont en fait une vie bien plus longue et bien plus solide que les monuments. Oublié, méconnu, vilipendé, le livre peut rester des siècles en attente de lecteurs, il peut patienter dans l'ombre des bibliothèques ou dans celle des coffres avec une persévérance de Bénédictin. Mais, sitôt réveillé de son sommeil séculaire, voilà qu'il reprend vie instantanément, car la vie était là, intacte, prête à surgir dans toute sa jeunesse à la moindre sollicitation. George Steiner dit ceci: «Le marbre s'effrite, le bronze se décompose, mais l'écrit survit.» C'est dans sa fragilité même que le livre trouve sa pérennité; un livre entre les mains, on comprend presque physiquement que l'infini se cache dans le fini, que la vie se love dans ce qui semblait originellement déserté par elle, l'encre et le papier. Non, Monsieur Riedweg, ce n'est pas du tout une marchandise comme les autres ! Le lecteur est un solitaire; c'est un silencieux; il a besoin de cette distance avec le monde extérieur pour pouvoir entendre la voix intérieure de celui qui a écrit. On peut aisément écouter une musique en compagnie, contempler un monument, un tableau à plusieurs; on ne peut lire que seul. Même si ensuite il est agréable de partager ce qu'on a lu. Mais dans le présent, il est impossible de lire à plusieurs; une lecture sérieuse exclut cette possibilité. Un livre n'embarque jamais qu'un seul passager à la fois, c'est un véhicule monoplace. C'est pourquoi lire n'est pas un acte tout à fait comme les autres: lire un livre, c'est sortir de la banalité de la vie quotidienne pour rencontrer un écrivain, entendre une voix profonde ! Et George Steiner, encore lui, cite le cas de ce lecteur respectueux, qui s'habille bien pour lire: il endosse son plus bel habit, car dans la préméditation qu'implique toute vraie lecture, on ne va pas au-devant d'un livre dans son habit de tous les jours. C'est à une fête de l'âme qu'on nous convie, et l'élégance vestimentaire, chers collègues, dénote une élégance du coeur. C'est pourquoi, à Genève, l'Etat, à Genève, la Ville, il y a quelque chose à faire qui est en train d'être fait pour le livre, et il faut maintenant persister à mettre en oeuvre cette volonté. Le parti radical demande donc de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, cher collègue. Magnifique ! La parole est maintenant à Mme Sylvia Nissim.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Merci, Monsieur le président. Malheureusement je vais prendre la parole avec moins de lyrisme que mon préopinant ! Le livre est un média, une information essentielle pour la formation, mais aussi pour les loisirs. C'est également un bien de consommation, et c'est comme tel qu'il est soumis à la concurrence lors de sa vente. Les grandes librairies comme la Fnac ou Payot peuvent se permettre d'offrir des prix plus bas, notamment grâce à des économies d'échelle ! Autre concurrence importante aujourd'hui, le développement des librairies en ligne qui livrent directement à la maison, ou encore la progression importante des amateurs de livres électroniques, dont j'avoue faire partie. Les petites librairies genevoises sont en danger, c'est clair. (Brouhaha.) Elles offrent pourtant une qualité d'information et de lecture, et aussi - et c'est important - un contact essentiel pour Genève. Nous vous demandons donc de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, elle viendra soutenir la loi sur la culture sur ce point.

M. Bertrand Buchs (PDC). Après ce magnifique éloge sur le livre, moi je voudrais faire l'éloge des librairies indépendantes. Parce que c'est à travers les librairies indépendantes qu'on peut transmettre l'amour du livre, l'amour de lire autre chose que ce qu'on nous vend dans les grandes surfaces, l'amour de découvrir qu'il peut y avoir des textes magnifiques qu'on ne connaît pas. Et c'est essentiel de garder cette diversité. Si on n'a plus de diversité au niveau de la vente des livres, on va perdre toute une partie de notre culture. On doit vraiment y prêter attention, c'est une chose très importante; on a fait extrêmement attention avec l'agriculture en aidant les paysans, on doit faire extrêmement attention avec ce qui est notre culture personnelle et continuer à lire. On peut lire avec différents moyens - maintenant il n'y a pas besoin d'avoir des livres, on peut avoir des tablettes pour le faire - mais si on oublie l'importance de lire, l'importance de découvrir, l'importance d'apprendre, alors notre société sera en grave danger. Le parti démocrate-chrétien va donc soutenir le renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Ce qui a été dit sur le livre est assez extraordinaire... (Brouhaha.) ...car le livre, c'est le lien personnel individuel que seul quelqu'un est capable d'élaborer. Je voudrais rappeler ce que M. Levi, quand il est sorti des camps de concentration, a dit: c'est la dernière chose qui nous reste lorsqu'on a perdu l'ensemble du nécessaire. Et je crois que ça fait vraiment réfléchir. Autrefois, à Genève, mais surtout à Lausanne et en Suisse, il y avait un embrasement extraordinaire autour d'auteurs francophones et autres; il y avait une activité absolument exceptionnelle autour du livre, et surtout autour de l'édition. A la fois avec les peintres, à la fois avec les poètes et les écrivains. Tout cela est un peu en train de disparaître; il n'y a plus ce côté de flamboyance. Et c'est vrai que la question des coûts peut se poser, mais c'est plutôt la question du sens que cela a pour nous. Et si on découvre enfin la nécessité de soutenir une activité privée, indépendante - et j'insiste sur le mot d'indépendante, parce que lorsque l'on parle d'art, on doit être indépendant... Et on peut néanmoins être subventionné et aidé par des collectivités. Je prends un exemple, qui n'est pas dans le domaine du livre. Je ne sais pas si vous avez entendu parler des journées musicales de Nantes: c'est un hurluberlu qui, un jour, a décidé de faire dans sa ville des concerts de Mozart toute la journée, partout. Aujourd'hui ce festival dure dix jours, et il est à peine subventionné. Parce que, finalement, toute la population le porte. Le livre, c'est la même chose: c'est un regard, c'est un plaisir, c'est aussi ce qu'on emporte avec soi, c'est ce qu'on peut donner et c'est ce qu'on peut laisser dans une boîte pour que quelqu'un d'autre le lise. Et je crois que dès le plus jeune âge, quand les enfants regardent l'histoire de la petite cerise qui grossit ou n'importe quelle autre, les couleurs, les sons, les images, tout cela est un facteur d'éducation qui imprime une joie réelle et une relation avec l'autre. Et de ce fait-là, je pense que d'encourager les subventions à ce type d'activité n'irait que dans le bon sens, et nous sommes complètement d'accord sur ce renvoi au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est pour trente secondes à M. le député Patrick Saudan.

M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président, ce sera amplement suffisant. Cette proposition de motion sert avant tout à soutenir et à développer les librairies indépendantes, ce qui est un objectif tout à fait louable auquel je souscris. Cependant je m'interrogeais parce que j'ai toujours été étonné - surtout dans les pays anglo-saxons - par la vitalité de certaines librairies indépendantes, qui attirent un certain public surtout le soir. Et je me demandais si la solution, pour soutenir ces librairies indépendantes, ne passerait pas plutôt par une libéralisation des heures d'ouverture. Voilà, je voulais juste vous faire part de cette réflexion. (Rires. Brouhaha.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je constate avec un certain regret que le représentant de l'UDC ne confond pas l'agriculture avec la culture, parce que dans son catalogue à la Prévert de domaines qui devraient être aussi subventionnés si on acceptait cette motion, il a oublié l'agriculture que l'UDC, année après année - à raison - demande aux collectivités publiques de soutenir ! Ça s'appelle les paiements directs, ça coûte relativement cher au contribuable urbain, mais pour de très bonnes raisons. Alors moi, Monsieur le député, je tiens à insister pour vous dire que les nourritures spirituelles sont certainement aussi précieuses que les nourritures terrestres, et je vous invite à soutenir cette motion. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Patrick Lussi (UDC). Mon cher préopinant, candidat au Conseil d'Etat, c'est sans doute la vision socialiste qui vient de vous faire invectiver mon collègue, parce que contrairement à ce que vous pensez, l'UDC n'a pas une vision monolithique. Ne serait-ce que parce que, dans le cas du livre - et je prends comme témoin M. Slatkine - celui que je qualifierai comme l'un des meilleurs d'entre nous, je n'ai pas honte de le dire, Oskar Freysinger, était aussi pour un prix unique. Donc dans ce cas-là, oui, l'UDC a le droit d'avoir des avis. Et je fais partie de ces vieux réactionnaires amoureux de leurs bouquins, qui sont sans arrêt en train de les annoter, à telle enseigne que je n'ose jamais prêter mes livres, car en fait celui qui le lit a une petite partie du texte mais surtout voit tous mes états d'âme, toutes mes réflexions, toutes mes pensées, à travers ces annotations que j'aime et que j'utilise souvent. Donc en ce qui me concerne, oui, j'aimerais renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, mais je suivrai mon parti pour la renvoyer en commission puisqu'elle sera quand même acceptée !

Le président. Merci, Monsieur le député. De mon perchoir je n'ai pas eu l'impression que M. Deneys avait invectivé M. Riedweg ! (Commentaires.) C'est juste une petite remarque, voilà. La parole est à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai dit tout à l'heure, à propos d'une pétition, qu'il convenait d'éviter le travail à double, à triple, et qu'il fallait empêcher les mauvais circuits. Alors je tiens à vous encourager à nous renvoyer cette motion directement. Pourquoi ? Parce que tout simplement - vous le savez cela a été rappelé dans la discussion - l'échec au niveau national du prix réglementé du livre a fait l'objet d'une adhésion forte en Suisse romande et à Genève. Cela veut dire qu'à Genève, la population est soucieuse de voir un certain nombre de moyens être développés pour faire en sorte que le livre voie son avenir pérennisé. En fonction de cela, j'aimerais vous dire que différents projets sont en cours de développement au niveau de l'Etat, la plupart du temps en collaboration avec la Ville de Genève. J'aimerais citer deux points de cette collaboration (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

D'abord, cela a été évoqué, la question du soutien aux petites librairies. C'est l'objet d'une annonce, d'un engagement, d'une décision prise au niveau de la Ville de Genève et au niveau de l'Etat de Genève. Premier élément.

Deuxième élément, la Maison de Rousseau et de la littérature entraîne également une nécessité de pouvoir faire en sorte que ce lieu dévolu à la littérature puisse non seulement avoir de quoi fonctionner du point de vue des locaux, mais également puisse rayonner de façon adéquate par rapport aux enjeux du moment. Et puis j'y ajoute deux éléments qui font sens du point de vue de la motion.

Troisième élément, notre intervention, mon intervention devant la Conférence intercantonale de l'instruction publique latine, pour faire en sorte que nous mettions la question de la défense du livre comme priorité d'action de la CIIP. En même temps, cela veut dire que nous voulons étudier les possibilités de regrouper l'ensemble des cantons romands plutôt que chacun développe son propre moyen de soutien au livre et à l'édition, tel qu'on a pu le faire dans le cadre de l'aide au cinéma. Donc c'est un élément sur lequel nous travaillons aujourd'hui avec les différents cantons, avec une adhésion des différents cantons, pour faire en sorte que nous puissions coordonner nos dispositifs de soutien en faveur du livre.

Quatrième élément - et c'est là où encore une fois j'insiste sur le sens d'une motion qui peut nous être adressée directement, et sur la pertinence d'un rapport qui devrait vous être adressé au cours des mois prochains - c'est une étude que nous sommes en train de lancer par le biais de l'Université de Genève et la HES-SO, la Haute école de gestion en particulier. Il s'agit de faire en sorte que nous puissions étudier, après les décisions de la Comco, donc la Commission de la concurrence, en fonction de ses décisions, en fonction d'un certain nombre de jugements, en fonction du refus du prix réglementé du livre, les moyens adéquats pour soutenir non seulement une industrie qui n'est pas n'importe quelle industrie, mais qui est principalement et surtout le vecteur de lien de la civilisation, entre les civilisations et d'une génération à l'autre. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je pose la question à notre collègue le député Bernhard Riedweg, qui a demandé un renvoi en commission des finances, s'il souhaite toujours un renvoi, et, si oui, s'il ne préfèrerait pas la commission de l'économie.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Non, je préfère retirer ce que j'ai dit tout à l'heure. (Exclamations.)

Le président. Très bien, merci, Monsieur le député, pour votre ouverture et votre clairvoyance. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la prise en considération de cette motion. Je précise que la prise en considération d'une motion qui, dans son invite, demande au Conseil d'Etat d'agir, est ipso facto un renvoi au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 2083 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 83 oui et 1 abstention.

Motion 2083

M 2092
Proposition de motion de Mmes et MM. Jacqueline Roiz, Miguel Limpo, Vincent Maitre, Irène Buche, Marc Falquet, Mathilde Captyn, Sophie Forster Carbonnier, François Gillet, Esther Hartmann, Anne Marie von Arx-Vernon, Elisabeth Chatelain, Bertrand Buchs, Christina Meissner, François Lefort, Mauro Poggia, Anne Mahrer, François Haldemann, Brigitte Schneider-Bidaux, Serge Dal Busco, Catherine Baud, Beatriz de Candolle Homophobie : la lutte contre les discriminations doit s'institutionnaliser !

Débat

Le président. Nous traitons maintenant le point 20 de l'ordre du jour, la motion 2092. Catégorie II, trois minutes par groupe. La parole est à la première motionnaire, Mme Jacqueline Roiz.

Présidence de M. Antoine Droin, premier vice-président

Mme Jacqueline Roiz (Ve). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) En 2009, dans son rapport sur la motion 1823, le Conseil d'Etat affirmait que l'orientation sexuelle ne devait aucunement être un élément discriminatoire ou victimisant. Depuis, des progrès ont été constatés, que ce soit au niveau fédéral ou cantonal: au niveau fédéral, évidemment, il y a eu le partenariat, l'adoption possible par le partenaire du parent reconnu, et puis au niveau cantonal nous avons quand même observé avec beaucoup de plaisir le soutien du Conseil d'Etat à différentes conférences, à des concours, également à la création d'un site web, etc. Il y a eu énormément d'actions ponctuelles, et pourtant des préjugés existent, nous le savons, et insidieusement font des dégâts au niveau social, humain et sociétal. L'homosexualité est devenue moins taboue, on peut le voir parmi nos amis qui viennent maintenant accompagnés de leur compagnon ou de leur compagne, mais ils le font toujours avec une certaine gêne, et cela constitue encore un moment particulier. Peut-être le fantôme de l'exclusion subsiste-t-il et rend ces personnes craintives. Avec toutes ces avancées, on se demande alors pourquoi ! Pourquoi tant de crispation, pourquoi un vocabulaire homophobe utilisé sans limite... (Brouhaha.) ...pourquoi les jeunes homosexuels ont-ils trois à cinq fois plus de risques de tenter le suicide que des jeunes hétérosexuels ? Les chiffres sur les transgenres, en plus, sont flous, mais on peut imaginer que les cas avérés sont autant ou même peut-être plus nombreux. Cette population homosexuelle, bi et transgenre a aussi plus tendance à la dépression, avec des conséquences catastrophiques pouvant mener à l'échec scolaire, au détachement du cursus professionnel, avec un impact sur l'ensemble de la société et de son économie. Il s'agit d'un type de violence qui commence déjà par des injures répétées à l'école, avec des enfants qui n'ont pas conscience de véhiculer des préjugés. Cette violence se perpétue ensuite dans la rue et quelques fois, malheureusement, aboutit aussi à des agressions physiques, ce qui renforce le sentiment d'exclusion chez les personnes concernées.

Cette motion propose dès lors des mesures au niveau cantonal et cible la population dans son ensemble, tous âges confondus: à l'école mais aussi dans les clubs sportifs, dans les services de l'Etat, y compris dans les organes judiciaires et de police. Elle vise à promouvoir, au sein des institutions, une charte éthique qui permette d'aborder systématiquement la question du respect des diversités sexuelles et de genre. Ainsi, par exemple, les contrats de prestation qui lient les clubs sportifs à l'Etat pourraient très bien donner une attention particulière au thème des diversités sexuelles, au même titre que le respect et le fair-play. La loi future sur le sport devrait aller dans ce sens.

La motion demande aussi de former les enseignants. Pas seulement les enseignants volontaires mais l'ensemble des enseignants, afin de leur donner les moyens de répondre aux questions que se posent les écoliers de tous les âges, et de réagir face à des situations d'agression verbale.

Enfin, elle permet aussi une construction de l'auto-estime en évitant l'exclusion. C'est un socle psychologique indispensable pour avancer dans la vie, pour écouter, apprendre, avoir le courage d'entreprendre les défis de devenir autonome et adulte. Un travail a été effectué au sein du service de santé de la jeunesse à l'attention des personnes chargées de l'éducation sexuelle. Cependant, ce terme «sexuel» est réducteur ! Il s'agit de bien plus ! Il s'agit d'une orientation amoureuse, du lien émotionnel qui rapproche deux individus. Il faut donc pouvoir expliquer aux enfants comme aux adultes que l'on peut, au cours de sa vie, rencontrer des personnes du même genre qui s'aiment et vivent ensemble...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Jacqueline Roiz. ... mais il faut un langage adapté à l'âge. En conclusion, en acceptant cette motion et en la renvoyant au Conseil d'Etat, nous exprimons notre soutien aux actions existantes et nous donnons un message clair pour que l'Etat poursuive ses efforts.

Rien de plus, rien de moins, hors des clivages idéologiques, j'ose le dire et je risque de vous choquer ou de vous troubler: l'amour est la priorité absolue pour qu'une société avance, chacun y a droit et mérite de l'exprimer. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Beatriz de Candolle (L). Mesdames et Messieurs les députés, les préjugés collent à la peau par méconnaissance, par manque d'information. La différence fait peur, pas seulement quand elle concerne l'orientation sexuelle, c'est clair. La liste pourrait être encore très très longue. Il est évident que nous devons lutter contre toutes les discriminations, afin de sensibiliser non seulement la nouvelle génération mais aussi les anciens. Cette motion demande entre autres - et je crois que c'est extrêmement important - de former tous les enseignants sur la façon de réagir et d'aborder les questions d'homophobie et de transphobie dans les milieux scolaires. Mais, Mesdames et Messieurs, il faut que l'on puisse donner les outils aux enseignants afin de pouvoir aller au-delà des préjugés qui sont transmis dans les familles; il faut que l'on puisse donner les outils aux personnes qui travaillent avec les enfants dans les milieux sportifs. Raison pour laquelle le groupe libéral vous demande de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Didier Bonny pour deux minutes.

M. Didier Bonny (HP). Merci, Monsieur le président. Lors de sa session du vendredi 22 février, notre Grand Conseil a affiché sa volonté quasi-unanime que les actes homophobes soient pénalisés en adoptant la résolution 563, et en faisant ainsi usage de son droit d'initiative cantonale auprès de l'Assemblée fédérale. Grâce aux nombreuses auditions faites en commission lors de l'examen de la résolution 563 et à l'excellent rapport de notre collègue Mme Roiz, vous avez pu vous rendre compte, Mesdames et Messieurs les députés, des ravages que peuvent causer les actes homophobes, notamment sur les jeunes homosexuels qui font deux à cinq fois plus de tentatives de suicide que la population hétérosexuelle. Nous avons tous pu constater, lors du débat sur le mariage pour tous en France, ou à l'occasion du dérapage récent d'un conseiller municipal de la Ville de Genève, que les préjugés avaient la vie dure et qu'il s'agissait de les combattre jour après jour. C'est ce que fait le DIP en prenant cette question de la lutte contre l'homophobie très au sérieux, puisqu'il a engagé une chargée de mission à 40% pour traiter de ce sujet et soutenu de nombreuses actions de sensibilisation que l'on trouve énumérées dans les considérants de la motion 2092. Cette politique volontariste de lutte contre l'homophobie mise en place par le DIP ces dernières années ne doit pas dépendre de la volonté de tel homme ou de telle femme politique; elle doit donc être institutionnalisée, d'où le sens de cette motion. Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie, ne renvoyez pas cette motion en commission, où elle va s'éterniser pour revenir ici peut-être dans trois ans. Lors de l'examen de la résolution 563 les travaux ont été faits à fond, le rapport de Mme Roiz comporte tous les éléments nécessaires pour aller de l'avant...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Didier Bonny. ...donc renvoyez directement cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, bien sûr, pour le parti démocrate-chrétien, la lutte contre les discriminations, notamment contre l'homophobie, doit s'institutionnaliser. Il est de la responsabilité de l'Etat, Mesdames et Messieurs, de veiller à la dignité de chacun et de chacune, et au respect de cette dignité. En plus des nombreuses raisons qui ont déjà été très bien expliquées, nous allons en évoquer une autre qui nous touche tout particulièrement: c'est le risque, dans le cas du suicide des jeunes, qu'une majorité d'entre eux passent à l'acte à cause de l'exclusion, à cause de la discrimination, à cause de ces raisons-là. Ce suicide des jeunes nous le regrettons tous, c'est un drame absolu. Vous avez tous été invités, d'ailleurs, à participer à Stop suicide, qui sera encore mieux placé pour vous sensibiliser à cette réalité. La raison de ce passage à l'acte définitif qu'est le suicide est provoquée par le sentiment d'être refusé, d'être rejeté, et il est du devoir de l'Etat, dès l'école et je dirai même dès la crèche, de pouvoir permettre à chacun d'être reconnu dans son orientation, quelle qu'elle soit. Chacun et chacune doit être en paix avec elle, et le parti démocrate-chrétien remercie déjà le Conseil d'Etat de faire le mieux possible mais l'encourage, en lui renvoyant cette motion, à continuer cette lutte pour qu'un jour existe ce droit à l'indifférence, que nous pouvons tous souhaiter. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je partage les dernières paroles de Mme Roiz qui dit qu'effectivement l'amour est la principale valeur qui devrait être prônée. Je pense que chacun est d'accord avec cela, simplement nous avons des peurs, des blocages et des préjugés, notamment le préjugé homophobe, qui nous empêchent d'atteindre cet amour. J'ai une certaine sensibilité sur ce sujet puisque j'ai participé aux travaux contre la discrimination à la commission des Droits de l'Homme, et je suis tout à fait favorable à ce que dans les écoles nous puissions parler de la discrimination homophobe et des autres discriminations. J'y suis tout à fait favorable parce que j'ai pu constater les souffrances de tous ces jeunes qui non seulement sont discriminés par les autres élèves, mais sont aussi discriminés très souvent par leurs parents qui ne comprennent pas la situation. Et donner la possibilité aux élèves de s'ouvrir l'esprit nous démontre que jeunes adultes ils deviennent beaucoup plus compréhensifs, ils ne discriminent plus, ils sont beaucoup plus ouverts et tolérants envers les autres, et ils ne deviendront certainement pas des parents qui auront le même comportement avec leurs propres enfants si l'un d'entre eux est différent. Je suis donc d'accord de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. D'ailleurs nous avons visionné ce film, «It's still elementary», qui se passe aux USA, dans lequel la démonstration est faite que d'informer les jeunes est très très positif, et j'invite vraiment le département à faire visionner ce film dans les écoles car c'est un plus. Mais je comprends aussi la peur des parents qui pensent, entre guillemets, que le lobby homosexuel veut pénétrer dans les écoles... (Commentaires. Protestations.) ...pour essayer de pervertir les enfants; c'est une des peurs des parents et je pense, quand on connaît la situation, qu'elle n'est pas justifiée et qu'elle cause énormément de souffrances dans le milieu homosexuel ou dans d'autres. Un mort c'est un mort de trop, il ne devrait y avoir aucun jeune qui se suicide parce qu'il souffre à cause de ces discriminations. Merci beaucoup.

Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord évoquer l'important travail qui a été effectué par la commission des Droits de l'Homme au moment où nous avions traité la pétition et la résolution, qui ont d'ailleurs été adoptées à l'unanimité par notre assemblée il y a quelques mois. En fait, cette motion qui vous est proposée aujourd'hui est l'aboutissement de ces travaux; c'est une motion qui a été signée par des représentants de tous les partis, ce qui montre bien notre accord sur ces questions. Nous avons pu constater en commission ce que nous savions déjà, soit que l'homophobie restait un problème d'actualité grave, et que cela pouvait avoir des conséquences absolument dramatiques, surtout sur les jeunes. Comme cela a été mentionné tout à l'heure, les jeunes homosexuels ont un taux de risque de suicide cinq fois plus élevé que les jeunes hétérosexuels, et il y a bien sûr beaucoup d'autres problèmes qui se posent: l'exclusion, par exemple, les problèmes de scolarité, etc. Heureusement, le DIP, sous l'impulsion de M. le conseiller d'Etat Charles Beer... (Brouhaha.) ...a mis en place un programme de prévention de l'homophobie dans les écoles. Ce dernier est en cours, il doit être développé, mais nous saluons déjà ce projet qu'il faut absolument maintenir, soutenir et étendre. Il faut également que l'Etat puisse engager des projets et mettre en place des programmes de prévention dans les autres services de l'Etat, et je pense que cette motion est essentielle pour encourager le Conseil d'Etat à continuer dans la voie qu'il a initiée. Je crois qu'il n'est vraiment pas nécessaire de renvoyer cette motion en commission, car le travail a déjà été effectué à la commission des Droits de l'Homme et on peut se référer, sur ce sujet, au rapport fait par Mme Roiz. Je vous prie donc de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, brièvement, le MCG soutiendra évidemment cette motion. Jamais autant qu'à notre époque on a parlé de respect, de libre détermination sexuelle et d'égalité de traitement entre couples homosexuels et hétérosexuels. Pourtant, paradoxalement, jamais autant qu'à notre époque l'intolérance ne s'est exprimée avec pareille virulence. La paix, la tolérance, l'intégration, toutes ces valeurs qui doivent faire de notre société ce qu'elle est, ou ce qu'elle devrait être, s'enseignent à l'école. Dès l'école. A la sortie de celle-ci, il est presque déjà trop tard. On le sait, des livres d'histoire qui n'enseignent que la gloire des vainqueurs dans les conflits guerriers font de petits enfants guerriers dans l'âme, alors qu'au contraire, sans ignorer ce que fut notre histoire, le fait de mettre en valeur la paix et ce qu'elle peut apporter à l'humanité fait de nos enfants les forgerons d'un avenir de paix. Il est donc important que ces valeurs soient enseignées dès l'école... (Brouhaha.) ...et il est important aussi que cette motion insiste sur ce facteur. C'est précisément le département de l'instruction publique qui a cette tâche principale d'enseigner à nos jeunes la tolérance à l'égard de la différence, quelle qu'elle soit - cela peut être une différence sexuelle, cela peut être un handicap - parce que la différence fait notre force et notre ciment.

M. François Haldemann (R). La politique, c'est peut-être d'abord mettre en place les moyens de vivre ensemble, et plus particulièrement ensemble avec des différences. Les crimes homophobes sont parmi les plus immondes, et ils sont souvent le fait de la peur de l'autre. Les sociétés les plus évoluées sont celles qui permettent à leurs minorités de jouir des mêmes droits que ceux qui sont octroyés à la majorité. Et dans ce cas, comme l'a dit ma collègue von Arx, il s'agit du droit à l'indifférence et de celui de vivre tranquille. Nous avons appris très récemment que le DIP déployait des efforts considérables, ce fut même la une d'une «Feuille d'avis officielle» récente. Nous, le groupe radical, sommes prêts à renvoyer cet objet en commission si le département souhaite qu'on en débatte, mais si le département souhaite qu'on renvoie cette motion directement au Conseil d'Etat nous suivrons son mot d'ordre.

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner pour une minute trente.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le vice-président. Ce que demande cette motion est raisonnable. (Brouhaha.) Il ne s'agit pas de pénalisation mais de formation et d'information au niveau de l'enseignement, et également de demander un rapport pour savoir si le but, soit la lutte contre l'homophobie, est atteint. Comme vous l'avez dit, Madame Roiz, chacun a droit à l'amour, et cette motion mérite d'être renvoyée au Conseil d'Etat. C'est ce que nous soutiendrons.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Beatriz de Candolle pour une minute trente.

Mme Beatriz de Candolle (L). Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral se rallie à la volonté exprimée et retire sa demande de renvoi à la commission de l'enseignement. Nous souhaitons vivement que le DIP puisse offrir aux enseignants tous les moyens nécessaires pour que l'on puisse lutter contre l'intolérance, contre l'homophobie et contre toutes les discriminations dans ce canton. Merci beaucoup, on vous fait confiance.

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Renaud Gautier, à qui il reste une minute.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le vice-président, l'avantage des périodes électorales c'est que sur certains sujets, une touchante unanimité règne dans ce parlement. (Rires.) Ainsi donc, je constate que parmi celles et ceux qui se sont exprimés tout à l'heure pour lutter contre l'intolérance, contre l'homophobie, contre tout ce qui n'est pas bien en vertu du bonheur et de la paix dans le monde, se trouvent un certain nombre de personnes qui, il n'y a de cela pas si longtemps, étaient tout à fait à l'aise pour tenir publiquement des propos homophobes contre celui-ci ou celui-là de ce parlement. J'en déduis donc que les bonnes résolutions qui sont prises maintenant dureront vraisemblablement, voire certainement, jusqu'au premier décembre. Après, je pense que nous devrons reprendre le débat. (Rires. Applaudissements.)

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Ce sera probablement, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, un excès d'optimisme de ma part, mais j'ai l'impression qu'avec une telle discussion - tous les avis convergent - eh bien nous pourrions vivre cette situation bien au-delà du mois de décembre ! C'est en tout cas un élément qui me paraît aussi important que la détermination du Conseil d'Etat à vous inviter à lui renvoyer directement cette motion.

J'aimerais me saisir de cette occasion pour vous dire que l'importance, aujourd'hui, de la lutte contre l'homophobie est telle - et nous le voyons à la lumière, ou plutôt en fonction des ténèbres qui obscurcissent tel ou tel débat - qu'elle devient sans cesse un sujet d'actualité, qui se prolonge non seulement dans l'espace public mais également dans la sphère privée. J'aimerais vous dire que je suis conscient de l'importance de l'engagement du département de l'instruction publique, de la culture et du sport, en faveur de la lutte contre l'homophobie; nous avons ainsi formé spécialement des éducatrices et éducateurs à la santé; nous avons, avec le canton de Vaud, engagé effectivement une responsable du dispositif scolaire, de manière à pouvoir faire en sorte que celui-ci soit actif par rapport aux dangers et aux ravages de l'homophobie. Nous avons aussi partagé, au sein de la conférence intercantonale de l'instruction publique, la nécessité de nous coordonner en la matière. Nous allons bientôt - et nous sommes en route sur ce point - développer partout ce que l'on appelle un réseau d'alliés, c'est-à-dire des personnes, dans chaque établissement scolaire, aptes à répondre à un certain nombre d'interrogations, de tourments et de souffrances, le cas échéant. C'est dire que le département, respectivement le Conseil d'Etat, attache l'importance qu'il se doit à ce combat. Il a également prolongé ce dernier à l'occasion de diverses assises mais également de concours, de manière à faire en sorte que le travail ne concerne pas seulement l'instruction publique, mais aussi le sport.

Je crois que la plupart des invites concernent l'éducation et le sport, ce qui est une excellente chose. Ces avis sont entendus sur le plan éducatif, ils devront se prolonger, se pérenniser, et ils devront également, dans le projet de loi sur le sport, être traités avec la priorité nécessaire. Mais j'aimerais vous dire également que la vie active, la vie professionnelle, la vie y compris dans l'administration publique, doit être traversée des mêmes soucis. Et c'est ce que nous devons impérativement nous employer à faire, quitte à encourager aussi, dans le secteur privé, que l'ensemble des dispositifs - fussent-ils conventionnels au niveau du travail - prennent effectivement l'importance qu'il se doit, autant en ce qui concerne les dangers de harcèlement qu'en ce qui concerne la lutte contre l'homophobie.

Je terminerai en vous disant, Mesdames et Messieurs les députés, que si j'accorde une importance toute particulière à la lutte contre les préjugés et contre l'homophobie, c'est parce que lorsqu'un enfant est discriminé pour sa religion, pour sa nationalité ou pour son handicap, il trouve naturellement, dans sa famille, le réconfort nécessaire. Tel n'est souvent pas le cas lorsqu'un enfant découvre son homosexualité. Et c'est bien là où le service public respectivement la collectivité et les établissements scolaires ont une responsabilité que nul ne peut concurrencer. Et puis j'aimerais enfin dire, pour terminer, et pour souligner l'importance qu'il y a à prolonger cet élan bien au-delà de cette législature, que si nous avons eu l'occasion de commémorer par une plaque sur le pont de l'Ile l'exécution de Bartholomé Tecia au cours du XVIe siècle - qui a été la dernière personne exécutée pour crime de sodomie, puisque tel était le terme retenu à l'époque - et que si l'Etat ne condamne plus à mort à cause de l'homosexualité, il n'en demeure pas moins qu'on en meurt encore. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix la prise en considération de cette motion 2092.

Mise aux voix, la motion 2092 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2092

M 2100
Proposition de motion de MM. Christo Ivanov, Patrick Lussi, Stéphane Florey demandant que les directeurs d'établissement scolaire consacrent une partie de leur temps de travail à l'enseignement

Débat

Le président. Nous arrivons au point suivant de notre ordre du jour, la motion 2100. Nous sommes en catégorie II, avec trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président de séance. La motion M 2100... (Brouhaha.) ...demande que les directeurs d'établissements scolaires du primaire consacrent une partie de leur temps à l'enseignement. Par le passé, les écoles primaires étaient dirigées par des maîtres principaux, qui touchaient une indemnité pour leur travail à la direction des écoles. Des inspecteurs venaient compléter le dispositif en visitant les classes plusieurs fois par année. Une loi a été adoptée il y a peu par ce parlement pour mettre en place des directeurs d'école et supprimer les postes d'inspecteurs, et donc de maîtres principaux. Ces directeurs sont épaulés par du personnel administratif afin de les décharger au maximum de certaines tâches; malheureusement, ils sont coupés de la réalité de l'enseignement. Cette motion demande donc que les directeurs d'écoles primaires puissent enseigner jusqu'à 50% de leur temps de travail. En effet, le lien avec le terrain est capital, et les considérants de cette motion démontrent bien l'importance de cette question.

Par ailleurs, le remplacement des enseignants est un problème crucial; les absences pour raisons médicales, à cause de périodes de service militaire, de maternité ou de PLEND, ne manquent pas. C'est pourquoi le groupe UDC vous demande de soutenir cette motion, qui est un signe positif en faveur des enseignants du primaire et qui leur affirme notre soutien et notre admiration.

M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion de l'UDC est une proposition qui convient au MCG. Elle pose le principe que les directeurs enseignent 50% du temps de travail dans l'établissement, ce qui leur permettrait de concrétiser au mieux les tâches qui leur sont imparties. Par ailleurs, cette mesure est tout à fait réalisable selon les informations que nous avons prises auprès des intéressés. Pour faire bref, je dirai donc que le MCG soutient cette motion et propose de la renvoyer à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

Mme Marie Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est une fausse bonne idée; assez logique à première vue mais en fait totalement contreproductive, et cela sur au moins trois plans.

Le premier, c'est l'excellente utilisation des deniers publics, ou comment payer en classe 24 des directeurs - les directeurs sont donc actuellement payés en classe 24 - alors qu'ils mèneraient des activités d'enseignement avec des enseignants qui sont payés en classe 16 ou 18. Excellent. Au niveau de l'utilisation du temps, ensuite: soit il y a 100% de travail pour le directeur ou la directrice, et à ce moment-là il ne reste pas de temps pour enseigner, soit il n'y a pas de quoi remplir un 100% et à ce moment-là le directeur ou la directrice est à temps partiel. Mais le compromis qui est proposé est boiteux, et il n'aura comme conséquence que de faire abandonner des tâches administratives à la direction... (Brouhaha.) ...alors qu'elle est là pour ça, et ces tâches administratives devant bien être remplies, elles seront reportées sur les enseignants qui, eux, ne sont pas là pour ça.

Deuxième élément, cela pose des problèmes de collaboration au sein des écoles sur le plan de la gestion des équipes. On va avoir des personnes qui seront en même temps supérieurs hiérarchiques et collègues; collègues tout en étant payés plus, comme je l'ai dit avant, ce qui est une situation assez peu satisfaisante. La position des directions, à la fois soutien et évaluateur, n'est déjà pas toute simple aujourd'hui, il n'y a donc pas besoin d'en rajouter une couche. C'est un mélange de casquettes... (Brouhaha.) ...qui les mettrait dans une situation complètement paradoxale.

Enfin sur le plan des moyens, on peut se demander si le but de cette motion de l'UDC n'est pas plutôt une tentative de rogner sur les postes au primaire - ceux-là même qui seront nécessaires pour l'entrée en vigueur du mercredi matin qui a été plébiscité par notre Grand Conseil et par la population - puisque dès la prochaine rentrée on aura besoin de postes supplémentaires. Le peuple a voulu cette réforme, il s'agit maintenant de l'introduire avec les moyens qui ont été votés - ce sont d'ailleurs 150 postes et non pas 120 comme il est noté dans l'exposé des motifs, de même qu'il y a eu aujourd'hui la fusion d'un certain nombre d'établissements et il n'y en a donc plus 93, comme il est là aussi indiqué dans l'exposé, mais plus que 79 voire même 78, parait-il, avec la baisse des charges y relative.

C'est pour ces différentes raisons que le groupe socialiste vous propose de refuser cette motion, qui est une fausse bonne idée.

Présidence de M. Gabriel Barrillier, président

M. Jean Romain (R). Chers collègues, cette motion n'est pas du tout une fausse bonne idée, c'est une véritable bonne idée étant donné la situation genevoise. Mme Moyard nous dit que les directeurs sont payés en classe 24, donc que finalement on ne peut plus bouger. On a peut-être fait une erreur parce qu'il y en a trop, mais enfin, serait-ce dommage de les faire descendre au rang de simples enseignants ? Je ne le crois pas.

On nous dit encore que des supérieurs hiérarchiques pourraient jouxter des collègues: mais enfin, ça a bien été le cas et ça l'est toujours puisque certains sont doyens, donc nos supérieurs hiérarchiques, et en même temps nos collègues, et c'était la même chose lorsqu'il y avait des maîtres principaux.

Je crois qu'au primaire les élèves ont augmenté de 26% ces dernières années, et il est clair qu'on ne pouvait plus se contenter des 25 inspecteurs et maîtres principaux qui étaient en poste. Cela ne suffisait pas, et le DIP a mis en place, dans un premier temps, 94 directeurs, qui sont aujourd'hui au nombre de 79. Et on nous a dit hier que sur ces 79 ils étaient 5 à n'avoir jamais enseigné de leur vie. Or, je pense que ce n'est pas normal de prétendre diriger une école primaire et de ne pas en connaître au minimum quelques arcanes. Je crois que ces directeurs ne sont pas nécessaires - ils organisent toute une série de réunions, je reviendrai là-dessus - et je crois surtout que réduire les forces directoriales du primaire à leur juste proportion, et ne pas tripler l'offre comme ça a été le cas à Genève, est une bonne chose; ce n'est pas une fausse bonne idée, c'est une bonne bonne idée ! Vu leur surnombre par rapport aux autres cantons, on peut manifestement, comme ça se passe ailleurs, leur demander d'enseigner. Faut-il aller jusqu'à 30, 40, 50, 60%, ça reste à déterminer, faut-il demander cela dans toutes les écoles avec le même pourcentage, ça reste à déterminer aussi, mais au fond je crois que nous devons mettre ces directeurs devant les élèves, parce que cela va permettre d'économiser aussi un certain nombre de choses. Ces directeurs sont assistés par des secrétaires, ils ont, depuis la rentrée de l'année passée, des maîtres adjoints, et je crois que moins de professeurs à engager est une bonne chose pour Genève. Il ne s'agit pas de jeter l'anathème sur quiconque, mais on n'a pas besoin, à Genève, d'une telle cohorte de directeurs, dont on ne m'a pas montré encore l'utilité première. Je vous remercie de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement pour que nous puissions l'étudier ! (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien va aussi demander le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement, simplement parce qu'elle ne peut pas être adoptée telle quelle; il faut en discuter, il faut voir quels sont les moyens à disposition, il faut savoir ce qui se passe actuellement avec les directeurs d'école. Mais il est vrai que de la base remontent de nombreuses critiques sur les directeurs d'écoles primaires, qu'on entend beaucoup de choses et qu'il faut, une fois ou l'autre, peut-être en discuter clairement au niveau de la commission. Est-ce que les directeurs d'écoles primaires sont utiles ou pas ? Beaucoup d'enseignants, peut-être de l'ancienne génération, ceux qui sont en train de finir leur période de travail, critiquent les réunionites, critiquent le temps perdu actuellement à suivre des directives; il y a beaucoup moins de souplesse qu'avant au niveau de la gestion des classes, et tout cela, je pense, doit être discuté au niveau de la commission de l'enseignement pour savoir s'il y a une utilité ou pas, et à partir de là... (Brouhaha.) ...voir si la proposition qui est faite par l'UDC est réalisable ou pas. Et ça, on ne peut pas le savoir aujourd'hui. Il ne faut pas non plus dire tout de suite que cette fonction de directeur d'école est inutile, il faut en discuter.

Mme Esther Hartmann (Ve). Les Verts ont lu cette motion avec un certain scepticisme; nous ne sommes pas tout à fait convaincus du choix de donner un mandat d'enseignement à des directeurs d'établissement, cela pour la raison que certains directeurs ne sont tout simplement pas des enseignants, ce qui pourrait poser problème. (Remarque.) Cependant, nous n'allons pas nous opposer au renvoi à la commission de l'enseignement: je pense qu'il sera effectivement utile de faire le point de la situation sur l'évolution de cette fonction qui est quand même assez récente, afin de voir quelles seraient les améliorations à apporter.

M. Antoine Barde (L). Chers collègues, le groupe libéral du PLR acceptera le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement. Effectivement, il est assez rare de voir des motions qui font preuve de bon sens et celle-ci nous permettra, pour une fois, de nous amener à réfléchir sur l'idée de mettre de la rationalité dans l'enseignement, d'éviter des doublons, des couches administratives. Et je pense que ce n'est que du bon sens que d'essayer de faire en sorte que les directeurs de ces établissements puissent avoir au moins une partie de leur temps consacrée à l'enseignement, pour qu'ils se rendent bien compte de ce que c'est que de travailler avec des enfants, sans être quelque part, loin de la réalité du terrain. Je pense donc que c'est important que cette motion soit étudiée en commission.

Enfin, je voulais rajouter à titre d'exemple que pour ma part, quand j'étais petit, j'étais dans une école où la directrice enseignait; cela n'a jamais posé problème, au contraire, cela a plutôt créé un lien fort entre les élèves de tous les niveaux et la directrice, et je pense que c'est tout à fait favorable à l'éducation des enfants. Je vous invite donc à renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.

M. Pierre Losio (Ve). Je ne vais pas m'exprimer sur le fond de cette motion puisqu'il paraît acquis que celle-ci sera renvoyée à la commission de l'enseignement, mais je voudrais quand même dire une chose qui a rapport au bon sens qu'a évoqué mon collègue Barde, et à l'inutilité qu'a évoquée mon collègue Jean Romain. Durant toute ma carrière d'enseignant, j'ai milité contre la hiérarchie scolaire; j'étais pour la suppression des inspecteurs, estimant que les enseignants étaient suffisamment formés et suffisamment raisonnables pour gérer leur école eux-mêmes. En ce qui concerne l'utilité des directeurs d'établissement, je dois confesser que j'ai eu pendant longtemps un certain doute. Mais ce qui m'est apparu, en discutant avec des enseignants et surtout en discutant avec d'anciens parents, c'est que la grande qualité de la création de ce poste de directeur d'établissement est l'accessibilité à l'école. Et je me souviens du nombre de fois où des parents se sont plaints des délais hallucinants auxquels il fallait se soumettre pour avoir un rendez-vous avec l'inspecteur, qui courait de circonscription en circonscription, alors que maintenant les parents, lorsque se pose un problème, ont un accès direct à l'autorité scolaire. Cela facilite et permet la résolution de nombreux problèmes concrets et immédiats, j'allais presque dire de domesticité scolaire, et cet acquis-là c'est aussi un pas en avant vers l'intérêt et vers l'inscription des parents dans la démarche de l'autorité scolaire, qui très longtemps, de par la diffusion...

Le président. Il vous faut conclure, cher collègue !

M. Pierre Losio. Oui, oui je vais conclure, mon cher collègue ! (Rires.) Je disais... qui de par la diffusion géographique des compétences des inspecteurs n'était à l'époque pas possible. L'existence même de ces directeurs d'établissement permet une accessibilité à un des éléments et à une des entités fondamentales dans la vie de l'école que sont les parents. Pour le reste, nous nous exprimerons en commission. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, deux députés de grande qualité se sont notamment exprimés - ils sont tous de qualité mais certains sont de meilleure qualité encore... (Rires.)

Une voix. Des noms !

M. Pierre Weiss. Je pense en particulier à une personne qui porte le même prénom que moi, ce qui est déjà une preuve de qualité... (Rires.) ...et puis à un autre qui est presque latin par sa romanité ! (Exclamations.) Je suis en désaccord avec les deux, mais j'aimerais ajouter un élément complémentaire.

Je suis en désaccord avec Pierre Losio sur la question de l'autorité: je pense qu'il est bon qu'il y ait de l'autorité à l'école, et en ce sens-là un minimum de hiérarchie est une bonne chose, et c'est aussi ce que je souhaite dire à Jean. En revanche, pour que l'on puisse imposer cette hiérarchie, encore faut-il être compétent. Et là, il y a eu, à l'époque de la nomination de ces directeurs, des engagements qui ont été faits de personnes qui n'avaient pas les compétences nécessaires et qui ont dû être, en tout cas pour certaines d'entre elles, formées après leur engagement en gestion de ces entreprises scolaires - si on peut les appeler ainsi - que sont les écoles. Donc je pense que lors des travaux de la commission, il sera en particulier utile de savoir ce qu'il en est devenu de l'amélioration des compétences managériales des dizaines de directeurs qui ont été nommés, notamment de ceux qui ne les possédaient pas. Les a-t-on, entre temps, améliorées, ou ces personnes ont-elles été évincées ? Voilà une question qui méritera en tout cas d'être posée pour légitimer leur place.

M. Antoine Bertschy (UDC). Monsieur le président, si vous le permettez je vais revenir à la motion, parce qu'on est un petit peu partis dans tous les sens avec la dernière intervention. Je commence déjà par remercier ceux qui auraient été en classe 24 et qui n'ont pas pris la parole pour le moment - il y en a quelques-uns - car c'est rare, lorsque l'on a un débat, que les personnes impliquées ne prennent pas la parole. (Brouhaha.) Ici ceux qui auraient été concernés ne l'ont pas fait et je les en remercie.

Je retiens ce qui a été dit par notre collègue Jean Romain, soit que pour une fois, dans ce parlement, on a une bonne bonne idée ! C'est extrêmement rare, et effectivement je pense que la motion qui vous est soumise est une bonne idée. Je vous propose de la traiter à la commission de l'enseignement, ce qui sera probablement fait vu la majorité qui semble se dégager.

J'aimerais aussi juste relever deux petites choses qui ont été dites par les seuls opposants au renvoi en commission, c'est-à-dire le parti socialiste: avec tout le respect que j'ai pour Mme Moyard, non, nous ne voulons pas, par ce moyen, rogner des postes, contrairement à ce que vous avez dit. Au contraire, nous voulons plus d'enseignement et moins de tâches administratives. C'est notre but, car à notre sens il y a trop de tâches administratives - elles se sont multipliées très rapidement pour les directeurs d'école - et nous voulons que ces directeurs soient près de la réalité, près de l'enseignement. La vraie place d'un enseignant ce n'est pas derrière un bureau, mais c'est face à une classe.

Une voix. Bravo Antoine !

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, ce n'était pas une bonne idée mais une «Bonny D.» (Commentaires.) Je n'ai pas pu résister ! (Brouhaha.) On arrive en fin de législature, et je vais être d'accord avec mon collègue Pierre Weiss - c'est dire que nous commençons à fatiguer un peu ! Diriger et enseigner ne sont pas les mêmes métiers, et si un enseignant devient directeur sans l'accompagnement nécessaire, on peut s'interroger sur la pertinence du modèle. Il ne s'agit pas d'opposer des niveaux hiérarchiques, directeurs et enseignants, mais de distinguer des fonctions qui appellent des compétences et des qualifications différentes. Une gestion éclairée de l'organisation du travail, dans ce sens, ne suppose non pas une organisation où les professionnels sont des Shivas, c'est-à-dire font un peu de tout, mais une organisation contemporaine du travail, soit dit en passant, efficace, efficiente... (Brouhaha.) ...qui rende les gens heureux et les situe à la bonne place. C'est une organisation dans laquelle chacun est dans sa fonction et où on met l'accent sur la collaboration. Nous serions désolés...

Le président. Vous avez mangé tout votre temps, chère Madame.

Mme Christine Serdaly Morgan. Pardon ?

Le président. Vous avez mangé tout votre temps !

Mme Christine Serdaly Morgan. Je vais donc conclure en disant que je ne souhaiterais pas que l'école primaire soit moins bien traitée que le secondaire, mais que ces petites entreprises sociales puissent bénéficier des mêmes qualités managériales que les autres.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Didier Bonny pour une clarification !

M. Didier Bonny (HP). Merci, Monsieur le président. Etant donné le sujet de la motion, bien évidemment, je ne participerai pas au vote.

Le président. Voilà qui vous honore, Monsieur le député ! La parole est à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ayant écouté attentivement le débat et l'ensemble des déclarations, je tiens à dire d'emblée que l'esprit dans lequel M. le député Weiss propose de renvoyer l'objet à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, non seulement retient mon attention mais suscite mon approbation. S'il y a encore - et visiblement c'est le cas ! - des motions sur le sujet et de l'émotion, aussi, dans la discussion, eh bien cela veut dire que nous avons encore à en parler et probablement à faire des démonstrations. Et dans ce cadre-là, étant donné notamment les prérogatives constitutionnelles de l'exécutif, le lieu de la commission me semble être adéquat pour étudier le dispositif.

J'aimerais aussi vous dire, au passage, parce que cela a été évoqué, qu'apparemment plusieurs représentations s'opposent: certains considèrent que diriger est un métier, et d'autres que c'est finalement une activité accessoire de l'enseignant. C'est typiquement cette discussion qui devrait vous éclairer à l'occasion des travaux parlementaires en commission. Pour ma part, je tiens à dire à M. le député Weiss, en ce qui concerne son interpellation sur la formation préalable des directrices et des directeurs, qu'encore aujourd'hui, dans l'enseignement primaire comme dans l'enseignement secondaire - que ce soit le cycle d'orientation ou l'enseignement postobligatoire - les formations ont lieu après les nominations pour des raisons souvent évidentes de calendrier, respectivement de recrutement. Cela doit être changé; nous avons mis en place un certain nombre de formations qui concernent les cadres scolaires et les directions d'établissement, de manière à nous permettre effectivement, à l'avenir, de pouvoir compter sur des gens qui s'engagent à suivre des formations pour pouvoir postuler à une fonction. J'aimerais dire également que si nous avons des gens qui dirigent et qui ne sont pas enseignants de formation, ils n'en sont pas moins d'excellents directeurs ou directrices. Et il n'y en a pas cinq, Monsieur le député Romain, il s'agit d'une imprécision de votre part ! (Remarque.) Quand vous m'avez posé la question du nombre, je vous ai dit au maximum cinq. Je peux vous préciser aujourd'hui qu'il y en a deux.

J'aimerais également, Mesdames et Messieurs les députés, saisir l'occasion de ce débat pour vous dire que l'émergence des directions d'établissement prend son sens dans une modification profonde de l'enseignement obligatoire dans notre pays, en Suisse romande et à Genève. Pourquoi ? Nous avons évoqué ce matin le processus d'harmonisation au niveau suisse, respectivement au niveau romand avec l'élaboration du plan d'études romand. Cela a entraîné une redéfinition complète du dispositif, et notamment des prérogatives pour les directions générales. Cela nous a amenés, Mesdames et Messieurs les députés, à regrouper la direction générale de l'enseignement primaire et la direction générale du cycle d'orientation pour en faire une seule, qui est la direction générale de l'enseignement obligatoire. Dès lors, les établissements ont pris plus d'autonomie ! C'est logique et c'est normal dans un tel système, qui est recomposé à la fois par des compétences suisses, à la fois par des compétences intercantonales sur le plan romand, et à la fois par un redimensionnement des directions générales, respectivement dans l'enseignement primaire et dans l'enseignement secondaire.

Par ailleurs j'ajouterai, Mesdames et Messieurs les députés, que souvent, en ce qui concerne les enseignants - et j'ai évidemment un petit sourire attendri par rapport à la déclaration de M. Losio sur la question de l'autorité scolaire - vous me demandez où nous en sommes du point de vue de leur évaluation ! Le PLR en particulier, mais aussi l'UDC, nous demandent régulièrement - et vous avez raison de le faire parce que c'est la loi - où nous en sommes du point de vue des entretiens périodiques avec les enseignants. Et vous le savez, c'est un des éléments sur lesquels nous sommes régulièrement en retard. Pensez-vous sérieusement qu'en diminuant la disponibilité des directeurs on va augmenter le taux d'entretiens périodiques ? Il y a évidemment un problème mathématique. J'aimerais dire également qu'il y a un rapport sur la santé - une enquête du docteur Papart - qui met en évidence le besoin de réponses de proximité pour les enseignants, par rapport notamment aux parents et à un certain nombre de questions qui proviennent des communes, étant donné leurs compétences en matière de bâtiment, respectivement de construction et d'entretien.

Enfin, par rapport aux élèves et par rapport aux parents, il est nécessaire qu'il y ait des réponses rapides. Nous avons eu l'occasion, tout à l'heure, de discuter des besoins pédagogiques des élèves; la question a été posée de savoir comment y répondre. En tout premier lieu, nous devons pouvoir accéder non seulement aux enseignants mais aux responsables de l'établissement, le cas échéant, pour pouvoir tenir un certain nombre de discussions quand il y a des difficultés constatées avec un élève. Mesdames et Messieurs les députés, les différentes problématiques de bagarre, respectivement d'incivilités dans les écoles, posent la question de l'autorité. Et je ne pense pas qu'une décision qui viserait à affaiblir l'autorité serait particulièrement pertinente.

Je terminerai mon propos par deux éléments. Le premier pour vous rappeler que dans l'histoire, nous avons déjà bégayé; en effet, à la fin de la Première guerre mondiale, le parlement avait aboli la fonction d'inspecteur pour la remplacer par celle de directeur. Et puis ensuite, dans les années qui ont suivi, en fonction du manque de moyens, en fonction notamment du nombre d'établissements attribués à ce qu'on appelait des directeurs, on a constaté par leur faible temps de disponibilité qu'ils étaient, dans les faits, redevenus des inspecteurs. Dès lors, la loi a été abandonnée et revue pratiquement à la sortie de la Deuxième guerre mondiale. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit donc bien évidemment d'un problème du point de vue de notre histoire; aujourd'hui nous rejoignons les autres cantons, et c'est une excellente chose. Votre travail en commission permettra de dire s'il s'agit d'une fausse bonne idée, d'une vraie bonne idée, ou d'une vraie mauvaise idée. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la demande de renvoi à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2100 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 67 oui contre 12 non.

Le président. Je salue, à la tribune, notre distinguée ancienne présidente du Grand Conseil, Mme Reusse-Decrey, accompagnée de connaissances et d'amis. Bravo ! (Applaudissements.) En ce qui me concerne, je vous donne rendez-vous à 17h pour la reprise. Je lève la séance !

La séance est levée à 16h40.