Séance du vendredi 8 juin 2012 à 17h
57e législature - 3e année - 9e session - 50e séance

M 2081
Proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, Pierre Weiss, Hugo Zbinden, Anne Mahrer, Guillaume Barazzone, Bernhard Riedweg, Sylvia Nissim, Olivier Norer, Esther Hartmann, Pierre Conne, Patrick Saudan, Renaud Gautier, René Desbaillets, Edouard Cuendet, Serge Hiltpold, Mathilde Chaix, Charles Selleger, François Haldemann, Gabriel Barrillier, Jacques Béné, Alain Meylan, Fabienne Gautier, Antoine Barde, Nathalie Schneuwly pour une revalorisation de l'enseignement scientifique au cycle d'orientation et un changement de grille horaire

Débat

Le président. Nous sommes maintenant au point 53 de notre ordre du jour. Il s'agit de la dernière urgence, que nous n'avons pas pu traiter hier soir. Je donne la parole à M. le premier motionnaire, le député François Lefort. Nous sommes en catégorie II: trois minutes.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, un constat: la désaffection est patente en Suisse pour les formations et métiers scientifiques et techniques, y compris les formations médicales. Elle peut se mesurer à la diminution du nombre d'étudiants et de diplômés dans les filières de formation universitaire ou technique, ou se mesurer par le manque de diplômés dans de nombreux métiers. Cette pénurie a été mesurée - ce n'est pas une vue de l'esprit - par un rapport fédéral, le rapport MINT 2010, qui met en exergue l'aggravation de cette pénurie depuis 2004. Il est donc urgent de contrer cette tendance aux conséquences néfastes pour l'emploi et la société par une forte impulsion donnée à l'enseignement des sciences expérimentales. Car, si l'on n'investit pas dans l'enseignement de ces matières, il faudra continuer d'engager du personnel qualifié MINT formé à l'étranger et se nourrir des systèmes de formation étrangers, tout en privant les pays des gens qu'ils auront formés. Comment s'assurer une indépendance dans la création technique et scientifique, qui était la marque de la Suisse au XXe siècle, pour faire face aux défis énergétique, climatique et de santé humaine, dans un futur proche, si ce n'est en préparant l'avenir en intéressant la jeunesse à la science ? En résumé, pas de sciences expérimentales, c'est pas d'économie. C'est surtout pas d'économie verte, de biotechs ni de cleantechs, des sujets que ce parlement affectionne.

L'orientation professionnelle des jeunes est très largement influencée par les intérêts développés à la fin de la scolarité obligatoire. Comment développer alors l'intérêt pour la biologie, la chimie et la physique lors de la scolarité obligatoire si ce n'est par l'exposition à l'expérimentation, par la démarche scientifique ? Or qu'est-ce que la démarche scientifique ? Ce n'est que la prolongation d'un caractère tout à fait naturel chez l'homme: la curiosité humaine, qui a fait progresser l'homme tout au long de son évolution et qui lui a permis de savoir ce qui était dangereux, ce qui était avantageux et ce qui était neutre. Par exemple, on sait qu'un champignon est vénéneux parce que quelqu'un l'a goûté, parce que quelqu'un en est mort, et parce que cette connaissance a été transmise. Cet enseignement des sciences expérimentales doit être offert à tous, et le cycle d'orientation est bien le meilleur moment pour exposer toute une génération à la démarche scientifique.

Malgré la recommandation d'un objectif minimum de 8% de l'horaire du cycle, recommandé par la Conférence intercantonale de l'instruction publique - l'un des minimum de loi inférieur à la moyenne de l'OCDE, qui est de 12% sur trois ans du cycle - à Genève, la situation est d'un taux horaire de 6,25%. Nous sommes à la moitié de ce qui se fait dans l'OCDE, dont nous sommes membres. Les résultats médiocres, les plus médiocres de Suisse, des élèves genevois dans les matières scientifiques, selon l'enquête PISA, résonnent comme un révélateur de ce faible investissement dans l'enseignement des sciences expérimentales.

Alors que demande cette proposition de motion ? Elle demande d'augmenter la dotation horaire des sciences expérimentales de l'ensemble des élèves du cycle à hauteur de la moyenne de l'OCDE, et, si ce n'est pas possible immédiatement, à un minimum de deux heures de biologie et une heure de physique sur trois ans, ce pour la rentrée 2013. Elle demande d'évaluer ensuite les moyens nécessaires à l'enseignement de la démarche expérimentale pour les trois années du cycle, de rétablir des cours complémentaires de sciences expérimentales pour les élèves des filières non prégymnasiales, qui ont été créées dans le nouveau cycle, pour les élèves intéressés par les formations et métiers techniques et scientifiques, car il y a des CFC dans des professions techniques et scientifiques qui demandent des bases: laborantin en chimie ou en biologie, par exemple.

C'est donc une proposition de motion qui demande un travail important, et nous estimons nécessaire de commencer ce travail maintenant pour la rentrée 2013. C'est une proposition de motion raisonnable et nécessaire, et nous vous remercions de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Guillaume Barazzone (PDC). M. François Lefort vient de donner tous les aspects techniques des invites de la proposition de motion. Un certain nombre de députés démocrates-chrétiens ont soutenu cette proposition de motion et sont signataires de celle-ci. M. Lefort l'a dit tout à l'heure, dans le fond, les sciences, toutes branches confondues, sont un peu les parents pauvres de la nouvelle grille horaire, qui s'est faite un peu au détriment des sciences, puisqu'un certain nombre d'autres branches ont obtenu plus d'heures et dotations horaires que les sciences. Nous pensons qu'il faut revaloriser les sciences à travers une dotation plus importante du nombre d'heures de cours dispensées aux élèves en matière de sciences, puisque nous sommes convaincus que, en étant exposés durant leur cursus scolaire à davantage de sciences, peut-être qu'un certain nombre de jeunes, à la sortie de leur cursus secondaire, choisiront des filières scientifiques plus qu'ils ne le font aujourd'hui.

M. Lefort l'a dit, il ne s'agit pas simplement du bien et du bonheur des élèves en question, mais également de l'économie générale, puisque les scientifiques participent à l'innovation de notre société et donc à la croissance de celle-ci, raison pour laquelle nous souhaitons véritablement que le Conseil d'Etat, dès aujourd'hui, commence à travailler pour l'année prochaine, pour la rentrée de l'année prochaine, à doter la grille horaire de davantage d'heures en matière de sciences.

Loin de nous d'imaginer que cela se ferait au détriment des autres branches, et vous comprendrez bien que, quand on veut augmenter le nombre d'heures en matière de sciences, la question se pose inévitablement de savoir si, au fond, cela va se faire au détriment d'autres branches. Je pense qu'il faut réussir à trouver un équilibre entre les sciences sociales, le sport et l'instruction civique, mais également d'autres branches, cependant sans prétériter les sciences, nous l'avons dit.

Nous pensons donc que, si le Conseil d'Etat peut commencer à travailler aujourd'hui, nous avons certainement besoin, nous, députés, de nous faire une idée un peu plus précise, pour ceux qui n'ont pas signé la proposition de motion, des questions qui se posent. C'est par conséquent la raison pour laquelle, au nom de l'Entente, je vous demande de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'enseignement, mais nous demandons formellement que le Conseil d'Etat, en parallèle, commence les travaux sur cette question éminemment importante

Le président. Merci, Monsieur le député. Puis-je vous demander une précision ? Demandez-vous le renvoi à la commission de l'enseignement ou de l'enseignement supérieur ?

M. Guillaume Barazzone. A la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture.

Des voix. Et du sport !

Le président. Merci de cette précision. La parole est à Mme la députée Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Pour préparer l'avenir, mais aussi pour entretenir le passé, voire pour connaître l'insertion et l'interaction de notre espèce avec son environnement, nous avons besoin d'élèves issus des filières techniques et scientifiques qui choisissent des métiers qui nous permettent effectivement tant de comprendre notre environnement que de savoir comment le maîtriser et nous y insérer le mieux possible.

M. Lefort a parlé des biotechs et des cleantechs, qui ont toutes besoin de personnes issues des filières scientifiques. Mais je vous rappelle que, dans notre pays, nous avons construit aussi force barrages et ouvrages extrêmement complexes qui, aujourd'hui, soixante ans plus tard, arrivent à une période où ils sont déjà dans un état dans lequel il faut les rénover, les mettre à jour, les mettre à niveau. Pour cela, il serait vraiment regrettable de faire toujours et encore appel à des ingénieurs venus d'ailleurs, alors même que nous pourrions avoir des personnes qui auraient suivi nos filières et qui seraient de notre pays.

C'est la raison pour laquelle il est absolument nécessaire de favoriser l'émergence de personnes s'intéressant à ces métiers. Or cela se prépare très tôt. L'amour d'un métier, on l'apprend à l'école, on l'apprend justement en ayant des branches scientifiques et expérimentales qui nous permettent d'appréhender le futur métier que nous choisirons. Comme M. Barazzone l'a dit, il est cependant nécessaire que cet apprentissage des sciences ne se fasse pas au détriment des autres branches. Il est aussi nécessaire que nous ayons, en tant que députés, une meilleure idée de la façon dont on peut faire cette insertion de la meilleure manière possible. C'est pourquoi un renvoi à la commission de l'enseignement nous paraît tout à fait justifié, ce que l'UDC soutiendra.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, je vais brièvement résumer ce qui a été dit par mes préopinants, en deux seules phrases. Premièrement, je remercie M. Lefort de l'excellent travail accompli dans cette proposition de motion, qui a d'ailleurs été cosignée par de nombreux députés PLR, et nous soutenons tout à fait l'esprit de cette proposition de motion. Deuxièmement - vous parlez de rentrée 2013, nous n'avons pas un ordre du jour si chargé - il ne faut pas se leurrer, la revalorisation des branches scientifiques au niveau de la grille horaire se fera au détriment d'autres branches. Un arbitrage devra donc se faire. C'est pourquoi nous soutenons le renvoi à la commission de l'enseignement.

M. Pierre Weiss (L). Je m'associe à ce que vient de dire mon collègue Saudan, tout d'abord pour dire que c'est en très bonne harmonie que nous avons travaillé, M. Lefort et moi, mais lui comme professeur et moi comme simple assistant, à cette proposition de motion sur les sciences. Nous sommes en effet convaincus de la nécessité de l'enseignement scientifique, non seulement au collège mais aussi au-delà, non seulement au cycle mais aussi avant, parce que nous sommes dans une société où les sciences sont importantes et où elles sont insuffisamment valorisées. On le voit lorsqu'on observe les taux d'inscriptions dans certaines facultés par rapport à ce que l'on trouve dans les facultés de sciences. Voilà la première chose.

Mais je crois qu'il ne faut pas faire preuve ici d'angélisme. Or il y a de jeunes angelots - je pense à M. Barazzone - qui croient que l'on peut augmenter pour les uns et ne pas modifier pour les autres. Non, nous nous trouvons dans une situation de jeu à somme nulle. Ce que l'on donne aux uns en plus, on doit le prendre aux autres. Des règles du jeu ont été définies, celles du plan d'études romand, qui prévoit des pourcentages d'enseignement pour les différentes disciplines. Il y a par ailleurs un nombre d'heures d'enseignement qui est lui aussi défini. Or des disciplines ont plus d'heures que ce qui est prévu par le PER - en trois lettres - et d'autres n'en n'ont pas assez. Il s'agira par conséquent de procéder à des arbitrages et probablement - n'en déplaise d'ailleurs à moi-même qui aime tant les sciences humaines et en particulier la géographie - de diminuer le nombre d'heures d'histoire ou de géographie, parce qu'il y en a trop par rapport à ce que demande le PER, et d'augmenter en revanche le nombre d'heures pour les sciences. Alors il faut oser affronter l'adversité et admettre que l'on se fera des ennemis dans une telle opération, mais cette opération-là ne peut être justifiée que s'il en va à la fois de la poursuite d'objectifs supérieurs et du bien des élèves. C'est ce que je voulais dire d'abord.

Mais j'aimerais ajouter qu'il faut un peu de fairplay, Monsieur le président. Il y a actuellement, s'agissant des demandes en matière de sciences, certains enseignants qui, m'a-t-on raconté, attaquent des disciplines elles aussi en difficulté, je pense en particulier au latin. Je ne pouvais pas ne pas le mentionner. Là, le soutien aux uns va dépendre du fairplay qui est manifesté précisément par ces personnes. Autrement, les fronts qui se sont faits entre les amateurs de l'Antiquité et les amateurs de la modernité pourraient se distendre.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean Romain, à qui il reste deux minutes et quinze secondes.

M. Jean Romain (R). Merci, Monsieur le président. Je n'ai pas le même enthousiasme à l'égard de cette proposition de motion pour une raison relativement simple. Oui, c'est vrai, le plan d'études romand, le PER, offre une fourchette, et on est au-dessous du minimum de cette fourchette; on est un peu au-dessous. Mais, au fond, que va-t-il se passer ? Je crois que cela a été dit, il n'y a pas d'angélisme. Cela ouvre la guerre des disciplines, et ce que je viens d'entendre maintenant constitue déjà les prémices de cette guerre qui sera menée entre, d'un côté, les tenants des sciences exactes et, de l'autre, les tenants des sciences humaines. Je crois que cette guerre n'a pas lieu d'être à Genève, et on ne pourra pas faire autrement. Il y aurait une deuxième solution, c'est évidemment d'augmenter le nombre d'heures hebdomadaires, mais cela coûte de l'argent et de l'énergie; cela coûte quelque chose.

Alors nous sommes mis devant cette alternative. Ou bien on a une guerre - et on l'aura, la guerre. N'imaginez pas une seule seconde que les profs de sciences humaines, les profs d'histoire, vont se laisser faire de cette manière-là. Il y aura une guerre sur le latin, que l'on vient de remettre. Cette guerre, moi, je n'en veux pas à Genève. En plus, on veut encore des travaux manuels pour tout le monde, parce que, finalement, ces travaux manuels ne sont pas suffisants. On veut de surcroît des heures d'ouverture aux grands textes. Mais où va-t-on mettre tout ce repas copieux que l'on va donner à chacun ? Ou bien on revoit le système du CO.

L'erreur, Mesdames et Messieurs, est simple. Elle vient d'une vision du cycle d'orientation que l'ancienne commission de l'enseignement a mise en place, cette septième année du cycle d'orientation qui est une bêtise sans nom, où il s'agit de donner à tout le monde exactement les mêmes heures. C'est une erreur hallucinante. Ce que nous aurions dû faire, si on avait été un tout petit peu malin, pour ne pas remettre sans cesse des emplâtres sur une jambe de bois qui n'en peut plus de pourrir sur place, au fond, c'est, dès l'entrée en première du cycle d'orientation, ouvrir des orientations différenciées et permettre à des élèves de dire: «Moi, je suis plus de cette direction.» Nous ne l'avons pas voulu ! Nous avons voulu essayer d'arranger tout le monde. Eh bien nous sommes en présence, maintenant, d'une difficulté. Or si vous voulez continuer à mettre en place cette difficulté, nous aurons soit une augmentation du budget - j'imagine déjà ce qui va se dire chez nous - soit une guerre des disciplines, mais je ne vois pas comment on l'évitera. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont accueilli avec intérêt cette proposition de motion. Il est vrai que l'enseignement scientifique est aujourd'hui quelque chose d'extrêmement utile et nécessaire dans notre société. Il convient de penser à tout ce que cela permet à notre société de faire. Cela lui permet d'évoluer et de faire de nouvelles découvertes. Les pays dits développés dans lesquels nous nous trouvons, la Suisse en particulier - Genève en particulier - ont besoin de l'intelligence afin de poursuivre leur développement et d'assurer leur avenir.

Maintenant, c'est vrai que l'attrait que peuvent avoir les branches scientifiques au cycle se fait dans une pesée d'intérêts, comme l'a dit M. Jean Romain tout à l'heure. On ne peut pas tout avoir. Je crois que c'est un peu ce qui manque. M. François Lefort a parlé de la curiosité qu'il s'agissait de susciter, et nous pouvons partager, nous les socialistes, cette appel à la curiosité.

En même temps, moi qui ai l'esprit d'escalier, je ne peux m'empêcher de penser qu'il s'agit d'avoir une vision globale. C'est bien beau de dire que nous voulons davantage d'enseignements scientifiques, mais, en même temps, nous demandons aussi des heures de latin en plus. Nous demandons, comme l'a dit M. Jean Romain, d'autres branches en plus. Et c'est vrai qu'il y a les décisions de ce Grand Conseil. Lors du budget 2012, nous en avons vu les prémices; vous avez voté un certain nombre d'économies dans la politique publique A, la formation. Un certain nombre d'économies ont été faites - pas sur l'enseignement lui-même - en marge de l'enseignement, sur le parascolaire. Mais on sait très bien ce qui est dans les idées de certains représentants du PLR: faire des économies supplémentaires sur le DIP.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement vous inviter, par souci de cohérence, à ne pas tout vouloir, le beurre, l'argent du beurre, la crémière et l'enseignante... (Remarque.) ...en prétendant ajouter les sciences expérimentales au latin et aux autres disciplines. A un moment, il va falloir faire des choix et surtout en assumer les conséquences, ce qui n'est pas toujours le cas dans ce Grand Conseil.

Au demeurant, j'ai envie de dire ceci aux scientifiques. L'un des problèmes est que Grand Conseil n'est pas toujours très cohérent pour écouter l'avis des scientifiques. Quand les scientifiques parlent du réchauffement climatique, cela n'empêche pas ce Grand Conseil de voter telle loi pour les voitures, tel projet pour les bagnoles, etc. (Remarque.) Donc la cohérence de notre Grand Conseil serait aussi de valoriser le travail des scientifiques, et c'est loin d'être le cas aujourd'hui.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, nous souhaitons, nous socialistes, que cette proposition de motion aille à la commission de l'enseignement, parce qu'il s'agit de discuter de ces questions de choix et de priorité et de les mesurer. Nous ne pouvons pas simplement étendre les disciplines. Si l'on donne des priorités à toutes les disciplines, en fait, il n'y a pas de priorité, et c'est l'un des problèmes d'aujourd'hui. Sans doute que le département...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...doit aussi faire valoir ces arguments en fonction des contraintes budgétaires que certains d'entre vous lui imposent.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je tiens à remercier l'auteur de cette proposition de motion, parce qu'elle répond réellement à un souci. Dans ses premières paroles, il nous a donné la perspective à envisager si rien n'était fait pour encourager les enfants à se former dans les sciences - biologie, chimie ou physique - à savoir la possibilité d'envisager d'engager du personnel étranger qualifié. Or je pense que personne dans notre cité de Genève ne tolérerait que l'on engage encore et davantage de personnel qualifié à l'étranger.

Notre seule matière première, c'est la matière grise. Bien sûr, Monsieur Jean Romain, on sait qu'il faut développer cette matière grise et que cela a un coût. Ce coût, il faudra bien le montrer dans nos intentions aussi concernant les budgets à venir. S'il s'agit d'augmenter la grille horaire, qui est actuellement de trente-deux périodes pour les élèves du cycle d'orientation, pour des jeunes jusqu'à seize ans - ce qui, je le rappelle, par votation populaire, revient exactement au même nombre de périodes qu'un enfant de huit ans - il s'agirait peut-être aussi d'augmenter cette grille horaire du cycle d'orientation afin de pouvoir faire un effort plus important sur l'enseignement des branches scientifiques. C'est le premier point. Ensuite, former davantage, c'est s'y prendre dès l'école primaire; le plan d'études romand, il est vrai, en tient compte. De plus, il ne s'agit pas de mener une guerre. Je pense que, si nous renvoyons cette proposition de motion à la commission de l'enseignement, on arrivera certainement à trouver par la discussion un équilibre, un compromis, qui permettra de répondre aux souhaits à la fois de ceux qui voulaient à tout prix que l'on enseigne le latin, aux pétitionnaires qui demandent davantage d'heures de travaux manuels ou de travaux sur textile, et à qui sais-je encore. Nous avons vu et dû traiter plusieurs pétitions sur ces demandes, où chacun y va de son petit lobby afin d'éventuellement pouvoir le placer.

Alors nous savons que nous devons faire des choix. Or ce choix ce sera peut-être aussi d'augmenter les budgets consacrés non seulement au cycle d'orientation, mais aussi à l'école primaire et à la formation de base. Aussi, le MCG se réjouit de pouvoir discuter, partager et éventuellement amender cet objet. Mais, en tout cas, il ira dans le sens des motionnaires pour que les sciences soient davantage reconnues comme de la musique d'avenir.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. François Gillet; il vous reste quarante secondes, Monsieur le député.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, je crois qu'il est sage de renvoyer cette proposition de motion en commission pour qu'elle soit traitée en parallèle avec la pétition qui a été déposée sur le même sujet. Il est vrai que cela nous permettra de mettre à plat la question de la grille horaire. M. Charles Beer avait rappelé, au moment du vote sur le mercredi matin, que l'acceptation de ce mercredi matin permettrait à terme de dégager des disponibilités, certes modestes, au niveau de la grille horaire du cycle d'orientation. Je crois que nous avons des demandes multiples, cela a été rappelé. Au PDC, nous sommes effectivement soucieux - et nous le rappelons - que, dans le domaine du sport également, nous puissions respecter l'ordonnance fédérale et avoir pour le sport la place qui lui revient dans notre école.

Alors c'est vrai, certains l'ont dit, on ne peut pas tout avoir. Il faut faire des choix. Contrairement à ce que disait M. Jean Romain, je crois que ce n'est pas la première année du cycle d'orientation qui est à remettre en question. Au contraire, je pense qu'elle laisse une ouverture, un choix salutaire pour nos jeunes, y compris dans le domaine des sciences, et nous avons aujourd'hui à rediscuter d'un certain nombre de priorités. Je crois enfin qu'il faut peut-être sortir du tabou des trente-deux heures. Il y a un moment où on ne pourra pas tout avoir et tout demander en restant dans l'enveloppe actuelle.

Le président. Il vous faut conclure.

M. François Gillet. Nous avons une discussion qui est en cours, je le sais, sur l'accueil à journée continue. Il y a là aussi des montants importants qui devront être engagés ces prochaines années. Pourquoi ne pas les engager plutôt pour ajouter une heure à la grille horaire ?

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de rassurer les uns et de contrarier les autres. Lorsque vous évoquez le renvoi en commission, une chose doit être claire: ce n'est pas la commission qui fera la grille horaire. Bien entendu, la commission, et respectivement le Grand Conseil, sont habilités par biais de motion à donner des avis au Conseil d'Etat, qui a l'obligation d'y répondre du point de vue d'un texte et d'une argumentation. Il n'y a pas pour autant une compétence du Grand Conseil à se substituer, en fonction de ses causes, à la compétence du Conseil d'Etat. Cela devrait vous rassurer, Mesdames et Messieurs les députés - je parle pour quelques-unes et quelques-uns d'entre vous - dans la mesure où, s'il s'agissait de dire oui aux sciences expérimentales et au latin et que vous aviez la responsabilité de la grille horaire, il faudrait dire non à quelqu'un. Or, comme il est toujours plus difficile de dire non que de dire oui - preuve en est que vous avez dit oui à tout, même aux travaux manuels, jusqu'à maintenant - on se retrouve évidemment dans un calcul qui va nous amener non pas à une trente-troisième heure, Monsieur le député Gillet, mais probablement à trente-cinq, trente-six voire quarante heures. Vous allez me dire que, tant que l'on reste en deçà des quarante heures, l'Union syndicale suisse sera rassurée !

Plus sérieusement, nous avons un chantier qui a été ouvert, mais c'est plutôt une boîte de Pandore, qui est celle de vouloir régulièrement débattre du contenu de la grille horaire. «Un peu plus de ceci, un peu plus de cela», et nous arrivons assez rapidement aux limites de cet exercice. Alors j'aimerais dire sur le fond les éléments suivants. D'abord, le plan d'études romand a été réalisé en grande partie - je tiens quand même à le mentionner parce que Genève tout particulièrement insiste sur la participation des enseignants - par des enseignants. Donc le contenu des objectifs à atteindre a été fixé par des enseignants et également par des enseignants genevois. Alors évidemment, il ne saurait y avoir trop grand écart entre ce que prévoient les enseignants de base qui ont collaboré au plan d'études et les autres enseignants de base.

Mais il y a un élément sur lequel j'aimerais attirer votre attention, Mesdames et Messieurs les députés, c'est l'aspect légèrement corporatiste qu'il y a derrière la démarche, non pas du point de vue des disciplines scientifiques - je partage sur le fond l'avis des motionnaires - mais tout simplement parce que l'on fait un tri, que le plan d'études romand ne retient pas, entre les mathématiques et les sciences expérimentales, comme si l'on n'était pas dans un domaine scientifique et comme si les mathématiques n'appartenaient pas au domaine scientifique.

J'aimerais également préciser que l'ensemble des éléments qui ont trait aux conditions d'enseignement par rapport aux petits groupes sont plutôt favorables au canton de Genève en comparaison des autres cantons et que, si l'on devait suivre la stricte demande des enseignants, essentiellement de biologie - puisque c'est deux heures pour la biologie et une heure de physique-chimie - cela reviendrait à rajouter 3,5 millions de francs. J'aimerais que l'on puisse également le considérer au moment où l'ensemble des discours sur le budget ont tendance à s'aligner avec le même type de priorités: faire mieux avec moins.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre le Conseil d'Etat, qui dit qu'il y a un certain nombre de mouvements qui pourront être engagés, notamment à partir du mercredi matin, qui doit nous permettre de soulager l'apprentissage d'un certain nombre de disciplines dès l'école primaire, de sorte que la place des sciences soit renforcée au cycle d'orientation. Nous l'avions dit - je remercie M. le député Gillet de l'avoir rappelé - je me permets de vous le répéter. Nous ne saurions poursuivre en effet toutes les priorités simultanément, au risque évidemment d'être complètement, malheureusement, incohérents, ce qui n'est ni votre cas, ni celui du Conseil d'Etat.

Pour terminer, j'aimerais juste donner un élément de rappel à M. le député Jean Romain, avec lequel je partage un certain nombre de points de vue s'agissant des orientations et des grandes affirmations. La neuvième année du cycle d'orientation - ancienne septième, donc première année de l'enseignement secondaire - relève d'abord d'un choix populaire. Le choix populaire - je le rappelle régulièrement aux syndicats, à la SPG, à ceux-ci ou à ceux-là, ainsi qu'aux partis politiques - est un élément à préserver dans nos démocraties. C'est un facteur de paix et d'apaisement, et je vous invite à ne pas rouvrir des décisions qui ont été prises par le peuple en toute connaissance de cause et par une majorité écrasante. Je dis la même chose lorsqu'il s'agit des notes, de l'Université et du mercredi matin. Je me permets de le répéter encore aujourd'hui.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi de la proposition de motion 2081 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2081 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 82 oui contre 1 non et 2 abstentions.