Séance du jeudi 12 mars 2020 à 20h30
2e législature - 2e année - 11e session - 58e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.

Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Antoine Barde, Jean Batou, Jennifer Conti, Edouard Cuendet, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, François Lance, Danièle Magnin, Alessandra Oriolo, Xhevrie Osmani, Jean-Charles Rielle, Yvan Rochat, Jean Rossiaud et Salika Wenger, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Dilara Bayrak, Boris Calame, Sébastien Desfayes, Joëlle Fiss, Florian Gander, Badia Luthi, Patrick Malek-Asghar, Youniss Mussa, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier et Souheil Sayegh.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Suite à l'ajout de la R 912 lors de notre séance de 17h, cette proposition de résolution est renvoyée à la commission de l'économie.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 12663
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'aide aux entreprises (LAE) (I 1 37)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.

Premier débat

Le président. Nous commençons avec notre première urgence, le PL 12663, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Pierre Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans les circonstances très difficiles et alarmantes que nous traversons, au jour même où nous prenons connaissance du millième décès dans ce pays voisin, si cher à notre coeur, qu'est l'Italie, au moment où nous prenons connaissance également de mesures telles que les fermetures de frontières, plus loin que dans les pays qui nous environnent - et qui peut-être donneront un temps l'illusion que l'on peut se concentrer sur ces mesures plutôt que de parler de l'état du réseau sanitaire dans les pays concernés - le Conseil d'Etat vous présente ce soir un projet de loi de nature économique. Ce alors que nous parlons bien évidemment d'une crise sanitaire sans précédent, où il s'agit, je le redis, nous l'avons évoqué hier par l'intermédiaire du président du Conseil d'Etat, de protéger notre population et de freiner l'épidémie, la pandémie, qui aujourd'hui nous occupe.

Je ne reviendrai donc pas, Mesdames et Messieurs, sur les aspects sanitaires, si ce n'est pour vous confirmer que le Conseil d'Etat est mobilisé sur ce sujet, derrière le médecin cantonal, derrière les équipes soignantes, les équipes publiques et privées qui - c'est l'occasion de leur tirer notre chapeau - réalisent un travail exceptionnel depuis maintenant plusieurs semaines. Je le redis d'autant plus volontiers que je vais ensuite vous parler d'économie: la santé prime. La santé est un bien public inaliénable. C'est ce qui guide nos décisions. Il ne s'agit pas ce soir, parce qu'on vous présente un projet de loi portant sur des aspects économiques, de nier cet élément qui a présidé à l'ensemble des décisions que nous avons dû prendre, dont certaines, vous l'avez compris, sont difficiles, mais ne sont peut-être rien en regard de celles que nous allons devoir prendre et exécuter dans les jours ou les semaines à venir.

En hommage au corps médical, je prendrai une métaphore pour illustrer ce qui, du point de vue de l'économie, va représenter un défi majeur. Cette métaphore est celle du corps humain. Pour le gouvernement genevois, le corps humain qui a besoin d'oxygène, c'est son économie. L'oxygène passe à travers les poumons, et les poumons, ce sont les PME. Les PME, les petites et moyennes entreprises, Mesdames et Messieurs, souffrent. Elles souffrent d'ores et déjà dramatiquement de cette crise sanitaire. Le risque majeur, c'est l'asphyxie; un risque d'asphyxie pour l'ensemble de notre société, sous l'angle d'une chute de la consommation. Ce sont, très concrètement, Mesdames et Messieurs, des chiffres d'affaires qui s'effondrent, un recul de l'investissement - on le constate d'ores et déjà dans certains secteurs - mais également un arrêt de l'embauche et un redémarrage de la courbe du chômage, lui dont le taux se trouve si bas. En d'autres termes, d'un point de vue économique, c'est un choc de l'offre cumulé à un choc de la demande dans une dimension systémique, une logique de cercle vicieux qui nous amène à un terme qu'évidemment nous fuyons, celui de la récession.

Concrètement, Mesdames et Messieurs - parce qu'il faut être concret ce soir - depuis hier après-midi, depuis l'ouverture de la hotline dédiée aux entreprises dans mon département, ce sont des dizaines d'appels que nous avons reçus de petits et moyens entrepreneurs qui voient leur chiffre d'affaires dévisser, des problèmes de liquidités, des menaces de dépôt de bilan, des annonces de licenciements, principalement dans les premiers secteurs concernés, à savoir l'hôtellerie, la restauration, le tourisme, l'événementiel, tout ce qui, de près ou de loin, touche au domaine de l'accueil. Mais c'est aussi, dans d'autres secteurs de l'économie, l'annonce d'une forme de rupture de la chaîne d'approvisionnement, de difficultés à réaliser dans notre chaîne de valeurs subtile l'ensemble des séquences. Et puis, il faut le dire aussi, c'est une vulnérabilité particulière des indépendants, des chefs d'entreprises, d'employés sous contrat à durée déterminée, qui sont les premiers à souffrir. C'est une réalité que nous recevons de plein fouet depuis deux semaines, notamment à travers l'annulation du Salon de l'auto, une manifestation quasi centenaire, dont j'ai vu certains se réjouir, ce que je dénonce vigoureusement, quand on voit l'impact énorme - de centaines de millions de francs - que cela représente pour notre économie. C'est le tourisme, la restauration, l'hôtellerie - je le disais - l'événementiel. Or l'événementiel, c'est la culture, le sport, les manifestations qui sont annulées et une précarité qui s'installe.

Le gouvernement vous propose d'agir avec des mesures très concrètes, des mesures immédiates, et c'est ce sur quoi nous vous invitons à vous prononcer ce soir. Ces mesures immédiates représentent - Genève se flatte d'être, de ce point de vue là, le premier canton, mais il est peut-être le plus touché actuellement - la capacité de répondre très rapidement à cette crise des liquidités que j'évoquais tout à l'heure. Les risques de trésorerie sont une réalité. Ce sont aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, pour citer des chiffres, des hôtels qui, à cette période de l'année, sont normalement remplis à 80% et qui actuellement le sont à 15%-20%. Il y a donc des licenciements et un problème financier immédiat. Nous vous proposons à travers ce projet de loi d'agir rapidement avec un premier montant de 10 millions. J'ai vu que certains dans la salle souhaitaient ce soir nous octroyer la faculté d'aller plus loin. Je les en remercie par avance, si tel est le souhait du parlement, car il ne s'agit pas d'inscrire au budget de fonctionnement cette dizaine de millions: c'est ici un mécanisme de ligne de crédit qui est adossé à la dette consolidée de l'Etat, lorsque l'on fait les comptes à la fin de l'année, mais qui n'entraîne pas la nécessité pour vous de voter des lignes de crédit de fonctionnement au sens strict.

Il est essentiel d'avoir cette capacité très très rapidement, et si, ce soir, vous votez ce projet de loi, nous aurons réussi la prouesse de constater lundi des difficultés de liquidités, de réaliser dans mon département mardi ce projet de loi, de le faire voter mercredi au Conseil d'Etat et de le faire approuver par le parlement ce soir, jeudi, pour que, dès demain - en réalité, pratiquement dès la semaine prochaine - nos entreprises, nos poumons, notre oxygène économique, puissent passer ce cap ou à tout le moins l'entamer avec un peu plus de sérénité que ce que l'on peut aujourd'hui ressentir.

Nous vous proposons donc très concrètement, nous adossant à la Fondation d'aide aux entreprises, un organisme agile, qui connaît le tissu entrepreneurial, qui a de l'expertise, mais qui a aussi cette capacité - obéissant en cela à une injonction politique - de se montrer souple, de lui octroyer, à travers cette première dizaine de millions, la faculté d'intervenir très rapidement. Ce sont ensuite des mesures non pas immédiates mais rapides que nous vous proposons, qui sont d'ores et déjà prises par le Conseil d'Etat, et je souligne l'ampleur du dispositif: une centaine de millions, 95 pour être précis, que nous rendons accessibles - là aussi, via la Fondation d'aide aux entreprises - à travers le cautionnement d'entreprises, mais cela nécessitera - et j'insiste sur ce point - de la part des banques, nos partenaires en matière de cautionnement, un soutien et un appui. J'ai invité les principales banques responsables du crédit à une séance urgente demain matin et j'espère pouvoir vous donner rapidement de bonnes nouvelles, car nous ne pourrons pas, sans les banques, réaliser l'exploit d'adosser à cette centaine de millions de cautionnement les entreprises qui rencontrent aujourd'hui des difficultés.

Ce sont également des mesures fédérales. Je m'y arrête un instant, parce que vous en débattrez tout à l'heure. Autant vous le dire, mon collègue Mauro Poggia et moi-même sommes actifs auprès de la Confédération, parce que c'est elle qui peut intervenir sur cette fameuse mesure de RHT, le chômage partiel. Nous sommes convaincus qu'il s'agit là d'un instrument que nous devons pouvoir activer dans cette situation exceptionnelle, un instrument indispensable en politique économique, Mesdames et Messieurs, pour conserver autant que faire se peut le revenu de nos concitoyennes et concitoyens. Si nous ne réalisons pas - et c'est un appel ici à la Confédération, qui a été repris par l'ensemble de mes collègues chargés de l'économie dans les autres cantons - que nous devons nous départir d'une certaine bureaucratie, que nous devons pouvoir accélérer le traitement de ces procédures, que nous pouvons aussi - et c'est une rupture avec la pratique - utiliser ces RHT, ces réductions de l'horaire de travail, pour des personnes concernées par des contrats à durée déterminée, des chefs d'entreprise qui en principe n'y ont pas droit, des indépendants - je pense aussi aux chauffeurs de taxi, à celles et ceux qui, avec leur petite entreprise unipersonnelle, réalisent un chiffre d'affaires qui s'est effondré - nous passerons à côté, nous tuerons notre substance économique et nous ne permettrons évidemment pas la relève qui sera nécessaire le moment venu.

A moyen terme, Mesdames et Messieurs, le gouvernement agira - autant que faire se peut, parce que ce sont là aussi des compétences fédérales - pour que les banques au niveau national et la Banque nationale puissent également jouer leur rôle. Nous ne sommes pas dupes: l'action sur les taux ne produira pas beaucoup d'effets. Mais au-delà de cela, nous devrons, Mesdames et Messieurs, et mon département le proposera dans quelques jours, relever le défi accéléré de la digitalisation et trouver une capacité renouvelée de créativité et de solidarité, avec des entreprises qui vont devoir très rapidement transformer leur modèle économique. Nous devrons sans doute aussi - je le dis solennellement - faire appel à d'autres acteurs économiques. Je pense ici aux bailleurs de locaux commerciaux, à toutes celles et tous ceux qui vont devoir peut-être se montrer un peu plus élastiques sur des reports de paiements. Vous discuterez tout à l'heure de la question de savoir si l'Etat peut le faire également s'agissant de la matière fiscale. Il faudra se montrer souple, précisément, et élastique.

Enfin, à plus long terme, et c'est par là que j'en termine, le gouvernement va évidemment réfléchir aux failles apparentes qui à travers cette crise démontrent que notre mode de développement et notre consommation doivent nous interroger; que le rapprochement des centres de production des centres de consommation est une nécessité absolue et que cette crise peut sans doute nous amener quelques leçons utiles. C'est pour le futur, bien évidemment, mais il faudra en parler. De même qu'il faudra parler - et le Conseil d'Etat y travaille - d'un plan de relance, d'investissements orientés sur la durabilité et d'une capacité à mieux faire tenir notre infrastructure.

Mesdames et Messieurs, ce soir, c'est finalement un petit ballon d'oxygène que l'on vous demande à travers ce projet de loi. C'est un signal, mais un signal important sur la détermination des autorités politiques, un signal sur la capacité de se rassembler, sur des mesures simples, parce que les entreprises ont besoin non seulement de signaux, mais aussi d'actes concrets et de mesures simples, sur des sommes qui vont être engagées concrètement, pour les travailleuses, pour les travailleurs, pour les chefs d'entreprises, hommes ou femmes, qui aujourd'hui font notre tissu économique. Selon cette métaphore que j'employais tout à l'heure, la collectivité, c'est comme un corps humain: il lui faut tous ses organes, il lui faut également tous ses membres et cela forme un tout. Notre économie, ce sont ses vaisseaux, sa capacité à les irriguer.

En résumé, ce que vous demande le Conseil d'Etat à travers ce projet de loi, mais sans doute aussi à travers d'autres mesures que nous prendrons à l'avenir, avec votre soutien, c'est l'antidote à ce virus, du sang-froid, de la lucidité et du civisme. Ce sont ces trois notions, Mesdames et Messieurs, qui, de notre point de vue, doivent devenir virales. Voilà la ligne du Conseil d'Etat. Nous vous invitons à la suivre, nous vous remercions de votre confiance pour soutenir et faire prospérer l'activité économique de notre canton. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). L'augmentation de la subvention à la fondation d'aide aux entreprises est juste et est surtout efficace. Le ralentissement de l'économie va durement et probablement durablement toucher nos PME et nos artisans. Tous les pays et les régions fortement touchés par le coronavirus prévoient d'aider les entreprises en cas de difficultés de liquidités. Beaucoup d'entre eux prévoient des aides aux banques pour stimuler les crédits. A Genève, l'intervention à travers la FAE est à saluer tout particulièrement. La Fondation d'aide aux entreprises est un acteur reconnu, expérimenté et efficace pour financer nos PME et nos artisans. En favorisant l'aide via la FAE, les demandes seront traitées avec sérieux et compétence. Cette voie est la meilleure manière de s'assurer que le manque de liquidités provient réellement de cette crise sanitaire et également le meilleur moyen d'éviter une distorsion de la concurrence ou un traitement inégalitaire entre les entreprises.

Ce projet de loi est à soutenir. Il complétera également la possibilité, cela a déjà été relevé, du chômage technique, qui permet aux PME et aux artisans de garder leurs collaborateurs et salariés en cas de période difficile. Ce chômage technique est une mesure qui existe et qui a déjà été à plusieurs reprises mise en vigueur avec un succès incontesté. Le groupe UDC soutiendra ce projet de loi et vous encourage également à soutenir ce signal, comme vient de le faire notre conseiller d'Etat Pierre Maudet. Merci de votre attention.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la situation actuelle n'incite pas à l'optimisme et notre canton se trouve dans une situation critique. Critique, car le contexte est compliqué: nous n'avons à ce stade pas atteint le pic de l'épidémie et tout porte à croire que, loin de lisser la courbe, nous suivons les mêmes travers et les mêmes chemins que nos pays voisins qui subissent aujourd'hui de plein fouet les conséquences du coronavirus. Les milieux soignants font face, mais les ressources ne sont pas illimitées. Il s'agit aujourd'hui de ne pas paniquer, mais de faire face aux réalités. Les mesures prises sont correctes. Elles sont concrètes et visent avant tout à sauver la vie de ceux et celles d'entre nous qui sont les plus fragiles.

Cependant, ces mesures ont des conséquences. Des conséquences économiques, sociales, des conséquences pour notre canton. Il est de notre devoir, aujourd'hui, en tant que politiques, d'apporter une réponse concrète aux préoccupations non seulement de la population, sur le plan de la santé de nos concitoyens, mais également aux préoccupations de nos entreprises, qui sont en train de faire face à des difficultés majeures. Lors de la crise du franc fort, la base légale ayant permis d'aider les entreprises a mis plus d'une année à arriver. J'aime autant vous dire que le temps de trouver une majorité, il était trop tard. Ce soir, le Conseil d'Etat rejoint d'ailleurs une position et un texte PDC, en souhaitant donner davantage de moyens à la Fondation d'aide aux entreprises. (Commentaires.) Nous pensons que c'est une manière intelligente de soutenir notre économie de proximité, de soutenir les emplois de notre canton et de maintenir, à terme, notre prospérité.

Le PDC souhaite toutefois aller plus loin, raison pour laquelle il a proposé un amendement qui permet de donner davantage de moyens au Conseil d'Etat, une marge de manoeuvre pour activer si nécessaire des crédits supplémentaires. Aujourd'hui, il s'agit d'être prudents: nous ne savons pas si, dans cinq semaines, nous aurons la même marge décisionnelle que celle d'aujourd'hui. Peut-être ne pourrons-nous plus siéger. Il s'agit donc aujourd'hui d'activer un vrai levier, un vrai mécanisme de soutien à l'économie et au tissu de notre canton. Nous devons agir maintenant, car dans six, huit ou douze semaines, il sera peut-être trop tard.

Le parti démocrate-chrétien vous invite donc à entrer en matière sur ce projet de loi et à voter l'amendement proposé. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts, nous vivons une crise sanitaire et économique. Le pilote, en cas de crise, c'est le gouvernement; il ne s'agit pas pour le parlement de se mettre à faire autre chose. Il s'agit donc aujourd'hui d'appliquer ce qu'on demande traditionnellement aux entreprises, à savoir de la solidarité et de la responsabilité sociale, mais cela va dans les deux sens: il s'agit aussi pour nous, parlement, de soutenir le monde économique dans une période particulièrement difficile.

Notre discours autour de la relocalisation de notre économie, vous le connaissez depuis longtemps. On voit aujourd'hui que des fournitures qui viennent de trop loin péjorent très fortement notre économie; cela nous place dans une situation fragile. A l'heure actuelle, les entreprises souffrent, et souffrent terriblement. Nous soutiendrons aussi l'amendement proposé par le PDC, car il s'agit de laisser les mains libres au gouvernement. Il s'agit d'une autorisation de dépenses. Ce n'est pas une obligation de dépenses, c'est bien clair, mais les Verts sont conscients de la situation et vous invitent tous et toutes à soutenir ce projet de loi.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Juste pour compléter l'exposé du conseiller d'Etat, s'agissant de la BNS - il l'a évoquée au détour d'une phrase - je tiens à vous rappeler que, dans l'exercice 2019, la Banque nationale suisse a réalisé un bénéfice de 54 milliards et, par un tour de passe-passe que j'ai déjà dénoncé plusieurs fois, notre canton ne recevra pas du tout la part qui lui revient. (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur le député ! S'il vous plaît, un peu de calme, là-bas ! Merci. Allez-y, Monsieur le député.

M. Patrick Dimier. Merci, Monsieur le président. Je rappellerai donc le contenu de l'article 99, alinéa 4, de notre Constitution, qui stipule que les cantons doivent récupérer deux tiers de ce bénéfice. Ce n'est absolument pas le cas ! C'est donc l'occasion d'inviter notre Conseil d'Etat à se réveiller. L'assemblée générale de la BNS se tiendra le 24 avril. Il a donc encore le temps de faire entendre sa voix, de sorte que les cantons obtiennent davantage d'argent et que cet argent vienne appuyer la proposition du Conseil d'Etat, qui, bien entendu, sera soutenue par notre groupe. Certes, on ne peut pas éviter le virus de la «Corona»; évitons au moins la «Mort subite» ! (Exclamations. Commentaires.)

M. Romain de Sainte Marie (S). Le parti socialiste votera ce projet de loi. L'enjeu en matière d'emploi pour notre canton est extrêmement important, et la crise que celui-ci va traverser par le biais d'une crise sanitaire peut en effet s'avérer une crise économique et avant tout une crise sociale majeure. S'agissant de cet aspect social, dans notre canton qui connaît déjà de grandes inégalités sociales ainsi que l'un des plus forts taux - si ce n'est le plus fort taux - de chômage de Suisse, et une pauvreté qui se trouve être aussi la plus importante de Suisse, nous devons anticiper, et nous devons, par le moyen des dépenses publiques, par le moyen des politiques publiques... Et je crois que cette crise sanitaire nous montre aujourd'hui à quel point l'Etat a un rôle à jouer. En effet, lorsque les entreprises se portent mal, l'Etat - puisque c'est l'Etat qui va voler au secours des entreprises qui se portent mal à cause de la crise sanitaire - est là. Il est présent. Ce n'est pas la main invisible qui gère les interactions entre les entreprises et qui gère notre société. Non, c'est le rôle de l'Etat. Et ce soir, nous prenons nos responsabilités et nous votons des dépenses pour faire en sorte que notre canton ne connaisse pas un chômage qui explose, une aide sociale qui explose à cause de cette crise sanitaire.

Mesdames et Messieurs les députés, cette notion est importante, et pour que l'Etat fonctionne, pour qu'il puisse délivrer ces politiques publiques, au-delà des politiques de nature notamment sanitaire - et on voit aujourd'hui à quel point celles-ci ont besoin de moyens suffisants - il doit disposer des recettes qui les accompagnent. Mesdames et Messieurs - et je regarde particulièrement les bancs de droite - j'aimerais que vous ayez conscience ce soir que voter ce montant, voter ces dépenses... (Remarque.) ...d'aide aux entreprises... Il faudra trouver cet argent ! Il faudra le trouver ! Nous savons que les finances de notre canton ne sont pas pérennes, que nous avons un réel manque de recettes fiscales, et il faudra faire preuve de solidarité. (Commentaires.) Et quand je parle de solidarité, ce sont les personnes les plus aisées de notre canton, ainsi que les entreprises qui se portent le mieux, qui devront se montrer solidaires vis-à-vis des très petites entreprises, des PME qui, elles, subiront cette crise de plein fouet. Cette solidarité passera par la fiscalité, par la redistribution des richesses, par le fait d'aider les très petites, petites et moyennes entreprises ce soir et lors de cette crise. Nous devrons donc nous attaquer à des niches fiscales. Le groupe socialiste attend que le Conseil d'Etat aille dans ce sens, et, de sorte à pouvoir garantir cette cohésion sociale dans notre canton, qu'il cherche à rétablir une véritable justice fiscale. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce projet de loi et l'amendement qui l'accompagne.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (PLR). On peut dresser un premier constat, c'est tout d'abord que rien n'est jamais acquis en ce qui concerne l'économie et la vie en général. On voit que les secteurs sont interdépendants et le nerf de la guerre des entreprises, des PME et du monde économique, c'est la trésorerie. La trésorerie permet de faire face aux salaires et d'anticiper - généralement sur un ou deux mois - la production. Elle permet d'acheter à bon escient, de constituer des réserves, de faire de la recherche et du développement. C'est la solidité d'une entreprise. Cette solidité est accompagnée souvent, soit par des fonds propres, soit par des crédits commerciaux des banques qui sont nécessaires et qui sont un relais de l'économie.

Il y a une différence fondamentale entre ma réflexion et celle de M. de Sainte Marie: les entrepreneurs assument un risque entrepreneurial, et j'aimerais bien qu'on soit clairs sur ce point. On ne demande pas du tout d'arroser l'économie et de payer les entrepreneurs ! On demande d'avoir une avance de fonds. C'est là toute la différence ! C'est pallier une situation délicate pour éviter une rupture de trésorerie, ce qui fait que les entrepreneurs responsables ou les entreprises - parce que ce n'est pas un patron et des employés, c'est une entreprise en général - vont pouvoir rembourser. Et c'est capital ! C'est capital ! C'est le remboursement. C'est ça qu'on vous demande. On ne vous demande pas d'irriguer l'économie et que ça soit à fonds perdu. Parce qu'en tant que patron, ça me dérange. Je dois assumer des risques. Quand on gagne, on prend. Quand on perd, on assume. Ça, c'est un problème de notre société; on ne peut pas toujours gagner. La Fondation d'aide aux entreprises est là pour ça.

Une voix. Bravo !

M. Serge Hiltpold. Le sens de l'amendement, c'est d'éviter le «stop-and-go», c'est-à-dire que maintenant, la responsabilité est entre les mains du gouvernement, et qu'il faut qu'il ait cette flexibilité, cette souplesse, pour dire: «Là, on a un besoin tout de suite, là non !» et pour pallier le problème.

J'aimerais revenir encore sur des mesures qui sont capitales et qui ont fait le ciment de ce pays - vous savez que je suis un défenseur du partenariat social - à savoir les réductions de l'horaire de travail, les RHT. Ça, on va le voir, c'est un élément qui va permettre de passer le cap. Je suis assez confiant. Je suis assez confiant dans le modèle suisse. On est sans arrêt en train de le critiquer, mais vous verrez que ça va fonctionner. Pourquoi ? Parce que pour recourir à des RHT, lorsqu'on diminue le temps de travail, on doit obtenir l'accord des employés, des ouvriers. Si le personnel n'est pas d'accord sur une diminution du temps de travail, la mesure n'est pas applicable. C'est là qu'on verra la force du partenariat social. Il ne s'agit pas de dire qu'on fiscalise trop, qu'on paie trop. On va simplement voir que, dans les entreprises, la majeure partie des employés va jouer le jeu, la majeure partie des patrons va jouer le jeu, et on va passer le cap. Nous, ce qu'on nous demande, c'est de prendre nos responsabilités, c'est de pallier durant ces trois mois, ces six mois, les difficultés de trésorerie. J'aimerais qu'on dépolitise ce sujet et qu'on soit unanimes derrière ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur Hiltpold. Je passe la parole à M. Christo Ivanov pour cinquante secondes.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer d'être rapide - d'habitude, je suis bavard ! Pas de hausse d'impôts, mais une vraie solidarité nationale ! Notre collègue Patrick Dimier a tout à fait raison. La Banque nationale a réalisé des bénéfices pharaoniques et il est normal que lorsque le pays est en crise, la solidarité envers les entreprises, envers les employés - cela vient d'être relevé par notre collègue Serge Hiltpold... Nous croyons en nos conventions collectives de travail et nous croyons en la dynamique de notre économie. Il convient donc, comme nous l'avons fait dans les heures noires de notre pays, avec le fameux plan Wahlen - Wahlen qui finira d'ailleurs conseiller fédéral UDC - où on avait décidé de planter des pommes de terre dans les caves... Nous avons survécu après la Deuxième Guerre mondiale, parce que le pays était uni. Ça, c'est fondamental. Aujourd'hui, plus que jamais, il convient de voter cet amendement. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, un certain nombre d'entreprises ressentent effectivement déjà les effets du coronavirus et de l'épidémie en cours. Certaines sont particulièrement inquiètes et on peut craindre en effet que leur fonctionnement et leur trésorerie soient affectés par les effets de l'épidémie. Ce projet de loi répond en partie à ces inquiétudes et nous le saluons. Toutefois, nous constatons qu'il n'est question là que de l'économie. Or nous aurions souhaité des garanties en matière de préservation de l'emploi, que l'on parle des travailleurs, des personnes. Cet aspect-là manque dans la définition qui nous est proposée. L'exposé des motifs parle de ces questions, et préserver les entreprises, c'est évidemment sauver les emplois, mais le dire, c'est encore mieux, parce que cela n'est pas garanti.

Le groupe Ensemble à Gauche ne soutiendra pas l'amendement proposé, parce que, si l'économie ou certaines entreprises sont d'ores et déjà affectées par le coronavirus - ou vont l'être très prochainement - elles ne seront évidemment pas les seules. Je vous rappelle qu'un certain nombre de services de l'Etat, qui seront particulièrement sollicités si l'épidémie se développe, travaillent déjà aujourd'hui à flux tendu. Il est important que ceux-ci puissent bénéficier également d'un déplafonnement des dépenses. C'est ce que proposait la résolution que nous avons déposée et dont l'ajout a été accepté tout à l'heure. Pour nous, ces questions sont extrêmement importantes. Vous le savez, l'épidémie, qui confine les gens chez eux, amènera de nouveaux besoins: interventions médicales ou paramédicales, appui aux personnes qui seront bloquées chez elles, auxquelles il faudra apporter un certain nombre de soutiens, tant du point de vue des repas que des démarches, et là, nous aurons besoin de personnes qui seront en mesure d'y aller. Aujourd'hui, les services sont déjà saturés et ils ne pourront pas faire face à une charge de travail supplémentaire.

Aussi, si nous soutenons ce projet de loi, c'est avec la très ferme intention, et une demande expresse à l'intention du Conseil d'Etat, que les aides qui seront apportées le soient moyennant une protection très étendue des postes de travail et que toute la réglementation applicable en matière de protection de l'emploi soit hautement appliquée. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Baertschi pour une minute quarante-six.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. La crise du coronavirus est un révélateur. C'est un révélateur montrant que notre économie est beaucoup trop ouverte sur l'extérieur. (Commentaires.) Elle révèle que notre économie est beaucoup trop ouverte sur le marché de l'emploi frontalier.

Des voix. Roooh ! (Commentaires.)

Une voix. Et la santé ?!

M. François Baertschi. Eh oui ! Eh oui ! Je sais que ça dérange beaucoup de personnes... (Le micro de l'orateur est coupé en raison d'une panne technique. Un instant s'écoule. Brouhaha.)

Le président. Exceptionnellement, vu l'ambiance qui règne, je suspends la séance quelques minutes.

La séance est suspendue à 21h03.

La séance est reprise à 21h11.

Le président. Nous reprenons nos débats. Tout refonctionne ! Je repasse donc la parole à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. C'est vrai que la crise du coronavirus est le révélateur d'une économie dépendante de l'extérieur, dépendante de manière excessive de l'extérieur et principalement aussi des frontaliers. Nous sommes allés trop loin et nous devons maintenant soutenir les travailleurs locaux et les PME locales. Nous devons les soutenir de manière générale. C'est pour cela que le MCG votera cette aide pour nos PME, parce qu'elles souffrent. Il y a une demande d'urgence.

Mais, indépendamment de l'urgence, nous devons réaliser un travail de fond. C'est toute la grande tâche du MCG depuis des années... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à savoir faire en sorte que l'on aide les PME locales et les employés locaux, qui sont broyés par des mécanismes internationaux de destruction, on le voit maintenant: les marges ne sont plus là pour permettre d'affronter une crise. C'est quand même un élément révélateur. Ce n'est pas pour rien qu'on doit débloquer ces sommes, parce que nos PME sont fragiles, et c'est une réalité...

Le président. Je vous remercie, Monsieur Baertschi.

M. François Baertschi. Pardon ?

Le président. C'est terminé, je vous remercie.

M. François Baertschi. Voilà, je vous remercie. Donc juste pour vous dire que nous voterons...

Le président. Merci.

M. François Baertschi. ...cette aide pour les PME. Merci.

Le président. Je passe la parole pour trente-quatre secondes à Mme Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Je souhaitais juste dire un mot par rapport aux milieux culturels. On a entendu beaucoup le terme «entreprise», mais on n'a pas entendu parler des milieux culturels. Ils ont des attentes immenses, ils font face à des pertes colossales et j'espère que le Conseil d'Etat empoignera également cette thématique en collaboration avec les communes, qui ont elles aussi un grand rôle à jouer à ce niveau-là. Je vous remercie.

Le président. Merci. Monsieur Cerutti, votre groupe n'a plus de temps de parole. Je passe la parole au conseiller d'Etat, M. Mauro... (Le président hésite.) Pierre Maudet. (Rires.) Excusez l'erreur ! (Commentaires.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je n'avais pas prévu de reprendre la parole, mais j'aimerais insister au nom du Conseil d'Etat sur un élément qui me semble essentiel au terme de cette discussion. Nous ne pouvons pas, dans cette crise, nous payer le luxe d'ériger une catégorie de la population contre une autre, comme les travailleurs contre les patrons - cette réalité n'existe plus, tout le monde est concerné dans les entreprises - de la même façon que l'on ne peut pas ériger les frontaliers contre les résidents. Et je dis ici volontiers au nom de Mauro Poggia qui ne pourrait pas s'exprimer sur ce point - vous comprendrez pourquoi - que si 50% de notre capacité sanitaire, 50% des travailleuses et travailleurs de l'hôpital sont des frontaliers, nous comptons sur eux aussi et nous sommes derrière eux. Parce que oui, Mesdames et Messieurs, que l'on soit résident ou frontalier, aujourd'hui, ce sont ces hommes et ces femmes qui font tourner cette boutique, qui rendent possible notre capacité de lisser cette fameuse courbe et qui ont besoin de votre aide et de votre appui. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ériger une catégorie de la population contre une autre ! Nous devons tous être solidaires dans cette crise ! Je vous remercie de soutenir ce projet de loi.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12663 est adopté en premier débat par 89 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 4, al. 1, lettre g (nouvelle).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 7D déposé par Mme Bachmann, dont voici la teneur:

«Art. 7D, al. 1 (nouvelle teneur)

1 L'Etat met à disposition de la fondation une ligne de crédit de 50 millions de francs, que le Conseil d'Etat peut débloquer par tranches de 10 millions de francs, afin de permettre à la fondation de répondre aux besoins de trésorerie des entreprises se trouvant en situation passagère de manque de liquidités pour des raisons exceptionnelles liées notamment à des crises sanitaires ou d'autres événements entraînant une paralysie du système économique.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 77 oui contre 11 non.

Mis aux voix, l'art. 7D (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté par 85 oui contre 3 non et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12663 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 90 oui et 1 abstention.  (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12663

PL 12538-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'étude de 15'823'000 francs, en vue de la construction du cycle d'orientation de Bernex, des centres de formation professionnelle santé (CFPSa) et social (CFPSo), d'un P+R et d'un programme communal de Bernex sur le périmètre dit de la "Goutte de Saint-Mathieu"
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 27 et 28 février 2020.
Rapport de Mme Adrienne Sordet (Ve)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons avec le PL 12538-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme la rapporteure Adrienne Sordet.

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, en guise de préambule et suite au débat que nous venons de tenir, je dirai que voter ce projet de loi paraîtra peut-être un peu cocasse, mais il faut penser à l'après. Rappelons qu'il s'agit ici d'une autorisation de dépense, non pas d'une obligation, et que l'éducation, la santé et le social sont des composantes essentielles du futur. (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt un instant.)

La commission des travaux a été saisie d'un projet de loi ouvrant un crédit d'étude de 15,823 millions de francs en vue de la construction du cycle d'orientation de Bernex, de centres de formation professionnelle santé et social, d'un P+R et d'un programme communal de Bernex sur le périmètre de la «Goutte de Saint-Mathieu». A terme, le projet coûtera 239 millions de francs.

Pour rappel, ce projet d'équipements publics s'intègre dans le grand projet de Bernex, qui regroupe la MZ de Bernex-Est, entrée en force depuis mai 2017, et la MZ de Vailly-Sud. Cela a également été confirmé par le plan directeur de quartier de 2017. Par ailleurs, il est important d'évoquer la possibilité d'intégrer un pôle d'équipements culturels dans le projet de la Croisée - c'est en cours de discussion - tandis que le PLQ du Brouet part en enquête publique en 2020 et que le PLQ du Vuillonnex est à l'enquête technique. Pour ne rien oublier, mentionnons la zone de verdure à proximité du projet - le parc agro-urbain - prévue pour 2022, ainsi que le tram, qui pourra être livré en 2021 dans le périmètre, et une voie verte actuellement en construction reliant la Bâtie à Bernex. Le projet est donc situé dans un endroit stratégique et a l'avantage de regrouper différents pôles sur un seul site.

Maintenant que le contexte est posé, penchons-nous plus précisément sur ces projets majeurs pour le DIP, qui accueilleront 2700 élèves, respectivement 900 pour le cycle d'orientation et 1800 pour les CFP. Ces bâtiments sont non seulement nécessaires pour pallier les difficultés croissantes rencontrées par le DIP pour trouver des parcelles où loger tout ce monde, mais aussi pour répondre aux besoins des deux centres de formation professionnelle. Si je dis «tout ce monde», c'est parce que, comme vous le savez, une augmentation du nombre d'élèves au cycle d'orientation est prévue. Si les chiffres semblent augmenter doucement, dès 2023, la cadence s'emballe et ce seront 300 nouveaux et nouvelles élèves par année qu'il faudra accueillir dans nos établissements. La réalisation de ce nouveau bâtiment qui accueillera 900 élèves est donc plus que cruciale. Quant aux CFC, les professionnels du domaine de la santé et du social voient une forte évolution des besoins métiers, et de nouveaux espaces de formation sont nécessaires, notamment pour répondre aux exigences modernes des soins. Si nous parlons de deux écoles différentes, la commission relève l'effort fourni s'agissant de la mutualisation des espaces. (Brouhaha.)

Le président. Madame Sordet, un instant, s'il vous plaît. On va attendre qu'il y ait un peu de calme. (Un instant s'écoule.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs !

Mme Adrienne Sordet. Merci. Je vois que le futur de nos élèves n'intéresse pas tout le monde ! Si nous parlons de deux écoles différentes, la commission relève l'effort fourni s'agissant de la mutualisation des espaces. De plus, la commune de Bernex pourra se greffer au projet et réaliser une école de musique, un espace socioculturel, une bibliothèque ainsi qu'une triple salle omnisports.

En somme, ce projet de loi répond à de réels besoins tout en permettant de mutualiser les espaces, que ce soit quant au nombre de places ou à la mise à jour des équipements pour les différentes formations concernées. La commission des travaux vous invite donc à voter ce texte et, pour rassurer ceux et celles qui auraient quelques doutes quant à ce qui est proposé sur le papier, elle tient à vous rappeler qu'il s'agit bien du crédit d'étude et non pas d'un projet définitif. Merci.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis absolument navré - c'est vrai que je n'ai pas annoncé la couleur - de devoir contredire mon excellente collègue Mme Sordet, mais bon, il y a des caucus et les caucus nous permettent de réfléchir.

Force est de constater - et notre groupe, par ma voix, s'est exprimé à plusieurs reprises en commission - que le P+R prévu n'a pas la jauge suffisante. On nous dit que demain, il y aura un P+R à Vailly, mais c'est loin, tout ça; ce n'est pas dans un site aussi urbanisé que Bernex. Il y a actuellement un P+R de surface, mais, manifestement, la capacité prévue du futur parking de deux cents et quelques places est totalement insuffisante.

Deuxième point - je dois reconnaître que nous n'avons pas parlé de cela en commission: le cycle d'orientation prévu est beaucoup trop grand ! Il s'agit d'un cycle de mille et quelques élèves. C'est une capacité totalement exagérée ! D'ores et déjà, nous le savons, les enseignants montent au créneau - le SSP, la FAMCO. Des observations sont faites quant à la capacité de ce cycle. Je ne parle pas de l'école de santé, tout va très bien de ce côté-là.

Pour revenir au P+R, relevons - bien sûr, c'est un peu contradictoire avec les propos que j'ai tenus - qu'il est en sous-capacité sur le plan générique; à part ça, il y a beaucoup trop de places pour le corps enseignant, mais bon... Enfin ! Pour toutes ces raisons, nous considérons, après y avoir réfléchi, que ce projet doit revenir en commission. Des auditions n'ont pas été faites, nous proposons donc le renvoi de ce projet à la commission des travaux.

Le président. Merci, il en est pris note. Je donne la parole à Mme la rapporteure Sordet concernant la demande de renvoi en commission.

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. S'agissant du nombre de places prévues, évoqué par M. Zaugg - vous lui transmettrez, Monsieur le président - à savoir 200, je rappelle qu'il s'agit d'un parking évolutif, qui pourra accueillir à terme un peu plus de places, et qu'un P+R est prévu à la fin du parcours du tram. Par ailleurs, des places sont attribuées aux enseignants, qui sont libres de les prendre ou non, tout en sachant que le DIP encourage les enseignants à utiliser plutôt la mobilité douce. Donc, de ce point de vue là...

Le président. Sur le renvoi en commission !

Mme Adrienne Sordet. Oui, excusez-moi ! Tout ça pour dire, par rapport aux propos de M. Zaugg... (Commentaires.) ...qu'il n'y a pas besoin à mon avis d'un retour en commission, les informations sont claires et disponibles dans le rapport.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, au nom du Conseil d'Etat, je vais également plaider pour ne pas renvoyer ce projet en commission. Dans le cadre de l'examen en commission, tous les éléments ont été apportés. J'aimerais simplement rappeler qu'il s'agit d'un projet de loi qui ouvre un crédit d'étude. On doit donc étudier toute une série d'objets; effectivement, il y en a de nombreux dans ce projet, mais l'élément essentiel de ce qui va être construit à cet endroit-là, ce sont des places pour la formation de 2700 élèves, un cycle d'orientation et des infrastructures pour la formation professionnelle. Ce n'est pas l'objet principal que de s'occuper de la jauge du P+R, Monsieur Zaugg, je suis désolé de vous le dire. L'essentiel, c'est d'offrir, à terme, les espaces nécessaires pour nous adapter à la demande, à la croissance du nombre d'élèves, aux besoins en formation ainsi qu'à la croissance démographique du canton dans ce secteur qui est en pleine expansion; c'est de planifier, d'étudier et d'être prêts, lorsqu'on en aura besoin - et on en aura besoin, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a demandé de traiter ce point en urgence...

Le président. Sur le renvoi, s'il vous plaît, Monsieur le conseiller d'Etat !

M. Serge Dal Busco. Oui, c'est ça, je l'ai indiqué ! Justement, il y a une question d'urgence, il ne faut pas renvoyer ce projet en commission, de sorte qu'on puisse tenir le planning - un planning qui est assez serré - qu'on puisse organiser un concours d'architecture, ainsi que c'est prévu. Un renvoi en commission retarderait tout cela et mettrait à mal un planning déjà extrêmement serré. Je vous enjoins donc de refuser le renvoi en commission. Merci.

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous fais voter sur le renvoi de cet objet en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12538 à la commission des travaux est rejeté par 75 non contre 17 oui et 1 abstention.

Le président. Nous continuons le débat. Je passe la parole à M. le député Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je pense qu'effectivement, le problème n'est pas le P+R et la jauge de celui-ci, comme l'a relevé M. Dal Busco. Le problème est ailleurs: on manque de places d'enseignement dans ce canton et notamment dans ces centres de formation professionnelle santé et social, prévus dans ce périmètre. S'agissant de la jauge du P+R, pour ma part, je préfère laisser l'administration et les différents services - la Fondation des parkings, l'office de l'urbanisme, la direction générale du génie civil et l'office des transports - «se taper dessus», entre guillemets, pour savoir qui a raison et combien de places on doit prévoir. C'est à eux de nous dire combien de places il faut. Je ne pense pas que nous, à la commission des travaux, nous soyons capables de déterminer quelle jauge il faut pour ce P+R.

Mesdames et Messieurs, il est difficile de trouver des terrains dans le canton pour construire des équipements publics. Ce terrain-là est idéal: il se situe juste à côté d'une bretelle autoroutière et ne conviendrait absolument pas à la construction de logements. C'est vrai que la méthode est un petit peu particulière, on n'aime pas décider de crédits d'étude ou d'investissement avant de procéder à des modifications de zone. La modification de zone n'est pas encore faite, mais elle aura au moins l'avantage de contenir un projet concret le jour où le peuple devra se prononcer - puisque c'est en gros ce qui se passe maintenant pour toutes les modifications de zone; il y aura donc peut-être un référendum sur cette modification-ci. Au moins, le peuple pourra alors se prononcer avec un vrai projet. Le jour où cette modification sera validée par le peuple ou le Grand Conseil, il sera loisible au Conseil d'Etat de procéder aux acquisitions foncières avec la loi 12243, qui permet, elle, d'acquérir les terrains qui seraient nécessaires.

Par conséquent, bien que nous pensions qu'il existe effectivement un risque politique à voter un crédit d'étude avant une modification de zone, nous pensons aussi que le risque est bien plus élevé si on arrive avec une proposition de modification de zone devant le peuple - s'il y a un référendum. Aujourd'hui, cet avant-projet, tel qu'il est prévu, nous permet d'arriver devant le peuple beaucoup plus sereinement. Nous vous proposons donc bien évidemment, au nom du PLR, d'entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Voter ce crédit d'étude aujourd'hui, c'est prendre le risque clair et net de perdre 15,823 millions de francs. Quand on voit, Monsieur le conseiller d'Etat - vous transmettrez, Monsieur le président - comment a fini le crédit d'étude du NHP - le nouvel hôtel de police - qui a été voté il y a... Vous avez mis plus de dix ans pour vous apercevoir que ce projet tombait à l'eau. On a perdu l'argent, et c'est ce qui va arriver avec ce projet si on le vote aujourd'hui.

On dit que c'est important, que c'est un projet pour les jeunes. Moi, je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit la rapporteuse: c'est un projet important. Mais aujourd'hui, il faut être prudent avec ce type de crédit d'étude. Le Pré-du-Stand, c'était un projet pour les jeunes; il y avait un projet de construction derrière qui a été présenté simultanément. Regardez comme ça a fini ! Heureusement, le crédit d'étude n'a pas été dépensé et le projet de modification de zone a été refusé. Ce projet est donc mort aujourd'hui.

Le référendum concernant la modification de zone pour accueillir ces constructions est déjà plus ou moins connu. Il y aura très certainement un référendum sur le déclassement d'environ 45 000 m2 qui devraient accueillir ces constructions. Si vous votez aujourd'hui ce crédit d'étude, vous avez 90% de chances de perdre ces 15 millions de crédit d'étude et ça se retrouvera un jour dans les comptes. Cet argent sera perdu. Or avec la situation d'aujourd'hui et la situation économique de demain, c'est maintenant qu'il faut mesurer ce qu'on dépense pour pouvoir mieux investir demain. Parce que nous aurons besoin de bien plus que 15 millions - qui seront perdus. Je partage donc les propos de M. Zaugg. C'est pour cette raison que je demande à nouveau le renvoi de ce projet à la commission des travaux. Je vous remercie.

Des voix. Oh non ! (Commentaires.)

Le président. Il en est pris note. Madame Sordet, avez-vous quelque chose à ajouter sur le renvoi ?

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse. Oui, merci, Monsieur le président. J'entends M. Florey mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui. Je pense qu'il est possible d'étudier le projet tout en continuant à travailler en parallèle sur la modification de zone. Ce sera donc un non pour le renvoi en commission.

Le président. Je vous remercie et soumets au vote cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12538 à la commission des travaux est rejeté par 72 non contre 16 oui et 1 abstention.

Le président. Nous continuons notre débat. Je passe la parole à Mme la députée Nicole Valiquer Grecuccio.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le parti socialiste votera avec conviction ce crédit d'étude. Il rappelle que l'ensemble de ce secteur, avec Bernex-Est et Vailly-Sud, accueillera à terme 2800 nouveaux logements et 2550 emplois et que, dans un premier temps, ce ne sont pas moins de 1600 logements et 1600 nouveaux emplois qui verront le jour à Bernex. On a dit qu'il fallait produire des projets de qualité, associer ces projets à des équipements publics. Effectivement, quand on fait venir une population dans un quartier, on offre des écoles, un cycle d'orientation, et c'est l'un des objets de ce crédit d'étude. De la même façon, il faut penser aux écoles professionnelles; or là, nous aurons une nouvelle école santé et social, et je pense qu'aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin de ces écoles pour accueillir des élèves qui se destineront à ces professions.

On a beaucoup entendu parler du P+R, mais j'aimerais dire à M. Zaugg - vous transmettrez, Monsieur le président - que ce P+R signifie un report modal et que, s'il est de cette dimension, c'est aussi parce qu'à terme, il y aura l'arrivée du tram et que celui-ci permettra de requalifier l'ensemble du boulevard de Chancy. C'est aussi une très belle opportunité du point de vue non seulement des transports publics, mais également des espaces publics, puisqu'on pourra requalifier une route.

Donc, si on veut aujourd'hui produire des quartiers de qualité, puisque c'est bien à ce défi-là que nous sommes conviés, on doit associer à ces quartiers des équipements publics. On peut d'ailleurs se féliciter d'avoir décidé de construire des écoles qui, tout naturellement, accompagnent ces projets de développement. C'est donc avec conviction que nous voterons ce crédit d'étude, et nous nous réjouissons, nous, socialistes, de voir se développer des quartiers de qualité dans notre canton.

Mme Claude Bocquet (PDC). Monsieur le président, je vous informe qu'en vertu de l'article 24 de la LRGC, je m'abstiens sur ce projet de loi.

M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Je vais essayer d'être assez bref. Pour avoir travaillé à l'époque au CFPS, le centre de formation professionnelle santé et social - qui existe déjà - je tenais à vous rappeler que ce centre de formation est actuellement réparti sur sept sites différents entre Conches et Carouge, en passant par l'Hôpital cantonal. Ce sont donc plusieurs métiers qui ne peuvent pas se former ensemble, qui sont obligés d'être dispatchés dans tout le canton. C'est la première information.

Ensuite, s'agissant du cycle de Bernex, cela fait des années que je me bagarre en tant qu'ancien conseiller municipal de Bernex. On voit qu'actuellement, il nous faut absolument des places pour nos élèves - nous avons perdu le cycle qui aurait dû être à Balexert - et que, pour l'heure, le site dont on parle est un terrain vague. Il n'y a rien du tout. Il est à proximité de l'autoroute, il y a quelques villas à côté. Je ne pense pas qu'il y aurait de grosses oppositions, en tout cas je ne l'espère pas, parce que, quand même, initialement, le cycle d'orientation était prévu pour 2024 et le centre de formation professionnelle santé et social pour 2025. Pour toutes ces raisons, le groupe MCG vous invite à soutenir ce texte.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'essentiel a été dit. Effectivement, le Conseil d'Etat a réglé l'emplacement de ces écoles avec les communes de Confignon et de Bernex, deux communes qui sont touchées. C'est un endroit très bien placé, au croisement du tram 14 qui ira à Bernex-Vailly et qui sera inauguré au début de l'année prochaine, et de l'autoroute qui passe juste à côté. Les écoles qui seront placées là-bas sont un cycle, une école de santé, une école sociale - des établissements dont on a cruellement besoin. Nous avons entendu tout à l'heure que 50% du personnel soignant genevois venait d'outre-frontière. C'est l'occasion pour nous de former suffisamment de personnel soignant dans le canton. Il y aura également un pôle musique, un pôle artistique et une salle omnisports, dont Bernex a également besoin.

Je suis surpris de voir qu'Ensemble à Gauche change son fusil d'épaule: en commission, ils avaient voté pour ce crédit d'étude. C'est un crédit d'étude, Mesdames et Messieurs: votons-le avec enthousiasme et créons des écoles dans des quartiers en plein développement ! Le développement, c'est Bernex-Nord qui tarde à démarrer. Ce sont aussi les Cherpines, qui ne sont pas très loin, ainsi que Confignon qui va aussi se développer. Cela répond à un réel besoin de la population locale et je vous encourage à voter ce projet avec enthousiasme. J'ai terminé, merci.

Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député François Lefort pour une 1,9 seconde.

M. François Lefort (Ve). Pour une seconde ?

Le président. Pour une minute, pardon ! Une minute et neuf secondes !

M. François Lefort. Ah, merci, Monsieur le président. J'ai eu peur ! La rapporteure nous a expliqué les détails de ce projet et ses avantages. C'est un projet pour le futur, dans une région du canton où la population va croître, parce que, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voulu que cette commune croisse dans cette région. Ce sont les nouveaux quartiers de Bernex, de Loëx, d'Onex et des Cherpines, qui viennent d'être citées, dont les populations actuelles - et futures surtout: leurs enfants en particulier - ont besoin d'écoles. C'est aussi un projet d'une conception tout à fait nouvelle, puisqu'on a deux établissements de deux ordres d'enseignement - cycle d'orientation et formation professionnelle - dont les installations seront mutualisées: installations sportives, espaces communs, cafétéria, installations techniques. En même temps, il y a une mutualisation des équipements culturels et sportifs avec la commune de Bernex. Vous voyez que nous ne sommes plus dans les vieux projets du passé. Ici, nous avons un projet très complexe et très organisé, avec aussi un concept énergétique et écologique. Pour ces raisons, les Verts vont bien sûr voter ce projet de loi.

Concernant le P+R, qui a fait l'objet de beaucoup de discussions ce soir, je vous rappelle que nous sommes ici au stade du crédit d'étude, et nous, les Verts...

Le président. Je vous remercie, Monsieur...

M. François Lefort. ...sommes aussi attentifs à cette question. Merci, Monsieur le président, vous étiez bien gentil.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien va aussi voter avec conviction ce crédit d'étude. Les intervenants qui m'ont précédé ont mentionné toutes les qualités de ce projet, même si tout n'est pas encore réglé, notamment s'agissant de la modification du plan de zones. Mais c'est effectivement un projet de grande qualité, qui permet une mutualisation des équipements, de répondre au développement démographique de la région, ainsi que, comme on l'a entendu, d'accueillir toutes les écoles des professions de la santé, qui se trouvent à l'étroit, et ainsi de libérer de l'espace à Champel pour la formation de nos infirmières et de nos infirmiers.

Ce projet répond au développement tant de la commune de Bernex que des quartiers environnants. Il bénéficiera par la suite d'un accès facilité, avec l'arrivée du tram. On a beaucoup parlé du P+R, on a parlé des parkings réservés pour les enseignants. Nous avons eu l'occasion de nous entretenir à ce sujet à la commission des travaux. Pour l'instant, toutes les conditions sont réunies pour voter ce crédit d'étude. Il faut aller de l'avant. C'est un beau projet, allons-y !

Une voix. Bravo !

Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Christian Zaugg pour vingt-sept secondes.

M. Christian Zaugg (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, il est bien évident que notre groupe ne s'oppose pas à l'idée de construire un parking et deux écoles. Ce n'est pas la question ! La question, c'est que le projet en tant que tel - puisqu'il s'agit d'un crédit d'étude - n'est pas abouti. Le cycle d'orientation est beaucoup trop grand; quant au parking, il est trop petit ! Je pense qu'à terme, le projet tel qu'il est présenté...

Le président. Je vous remercie, Monsieur Zaugg, c'est terminé.

M. Christian Zaugg. ...posera des problèmes.

Le président. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey pour trente-neuf secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Ce sera largement suffisant ! Merci, Monsieur le président. Voter ce crédit aujourd'hui, c'est prendre la population en otage demain. Si le référendum aboutit et que le peuple refuse la modification de zone dont il sera question ultérieurement, non seulement les 15 millions seront perdus, mais il faudra en plus de toute façon trouver une solution. Aujourd'hui, la solution, c'est d'attendre, de ne pas dépenser, de ne pas engager une dépense de 15 millions qui pourrait s'avérer inutile. C'est pour cette raison que je redemande un renvoi en commission...

Des voix. Oooh ! (Commentaires.)

M. Stéphane Florey. ...en attendant la modification de zone, qui fera l'objet, quoi qu'il arrive, d'un référendum ! (Commentaires.) Et ça, il faut bien vous le mettre dans le cerveau...

Le président. Je vous remercie...

M. Stéphane Florey. ...parce que c'est juste la réalité d'aujourd'hui ! Je vous remercie.

Le président. Nous sommes donc saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12538 à la commission des travaux est rejeté par 70 non contre 17 oui et 1 abstention.

Le président. Nous poursuivons le débat. La parole est à M. le député Christian Flury pour vingt-cinq secondes.

M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. C'est juste pour expliquer à M. Florey que si le projet du Pré-du-Stand, au Grand-Saconnex, a été refusé, c'est qu'il s'agissait de construire des milliers de mètres carrés de bureaux, des surfaces qui sont actuellement largement disponibles en ville. (Commentaires.) Là, nous votons pour un centre de formation professionnelle. C'est tout à fait autre chose ! Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'interviendrai très brièvement, parce que les avantages de ce projet et de ce qu'on prévoit d'étudier avec ce crédit ont été largement évoqués par ceux d'entre vous qui soutiennent le projet de loi.

J'ajouterai peut-être quelques ajustements et commentaires sur ce qui a été dit, notamment par M. Florey, qui compare ce projet à celui du nouvel hôtel de police et à celui du Pré-du-Stand. Cela n'a évidemment absolument rien à voir. Les circonstances sont parfaitement différentes. (Remarque.) Il conviendra d'expliquer à la population, s'il y a un référendum, quel est l'objet de cette construction et du développement dans ce secteur-là. Il s'agit simplement d'offrir des places de formation pour nos enfants, et je suis persuadé que ce genre d'arguments trouvera un large écho.

Je vous dirai ensuite que le Conseil d'Etat a planifié les choses de manière adéquate, me semble-t-il, en ce sens qu'il a déposé un projet de loi auprès de votre Grand Conseil pour déclasser ce territoire, le seul qui ne soit pas déclassé dans le secteur - on l'a déjà fait pour construire des logements ainsi qu'un parc, et il manque ce bout, cette fameuse «goutte», pour créer les équipements publics nécessaires à l'aménagement de ces nouveaux quartiers. Nous avons déposé ce projet de loi deux mois avant le texte qui fait l'objet du débat ce soir. J'ose espérer qu'il sortira assez rapidement de la commission d'aménagement, pour qu'ensuite votre plénum le traite et que, peut-être, un référendum soit lancé. Il se passera un certain nombre de mois, mais, visiblement, un nombre de mois insuffisant pour dépenser les 15 millions que M. Florey craint de perdre. Il n'en sera absolument rien ! Au contraire, nous allons pouvoir entamer les études, organiser le concours, lancer toute cette procédure, dont la planification est très chronophage et dure des mois. C'est tout simplement pour pouvoir le faire que le Conseil d'Etat vous a demandé de bien vouloir examiner ce dossier ce soir. Je vous enjoins avec beaucoup de conviction, pour qu'on respecte la planification prévue et qu'on ne soit pas soumis à des situations totalement ingérables dans quelques années... Parce que nous aurons des centaines, des milliers de jeunes du secteur à placer dans ces établissements et nous risquons de ne pas avoir la place. Nous ne devons pas perdre de temps, et cela commence par la première étape, ce soir, le vote du crédit d'étude. Merci d'avance.

Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur cet objet.

Mis aux voix, le projet de loi 12538 est adopté en premier débat par 86 oui et 8 abstentions.

Le projet de loi 12538 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12538 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 86 oui et 9 abstentions.

Loi 12538

PL 12662
Projet de loi de MM. Yvan Zweifel, Jean-Luc Forni, Christo Ivanov, Sandro Pistis modifiant la loi générale sur les zones de développement (LGZD) (L 1 35)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.

Premier débat

Le président. Nous traitons à présent le projet de loi 12662 en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur du texte, M. Yvan Zweifel.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi fait suite à un débat que nous avons tenu dans cette même salle, il n'y a pas très longtemps - c'était le 17 octobre 2019, il y a quelques mois seulement. Il portait, vous vous en souvenez certainement, sur la LGZD, la loi générale sur les zones de développement, et en particulier son article 4A, qui, pour rappel, définit la proportion des types de logements que l'on peut construire dans les zones de développement.

Nous étions ce jour-là saisis de deux textes. Le premier était le PL 12093 du Conseil d'Etat qui visait à modifier cet article 4A LGZD, donc à modifier cette proportion de logements constructibles en zone de développement. Le deuxième était le PL 12477, signé par plusieurs partis et emmené par le PDC, qui proposait tout simplement de prolonger l'article 4A tel qu'il existait, puisqu'il avait fait la démonstration de son efficacité.

Le parlement s'est prononcé de manière extrêmement claire et démocratique: il a refusé le projet de loi du Conseil d'Etat et a accepté celui du PDC, en prolongeant donc ce qui existait depuis 2006, puisqu'il s'agit du fruit d'un accord politique extrêmement large, l'accord du logement porté à l'époque par le conseiller d'Etat Mark Muller. Le projet accepté a fait l'objet d'un référendum. Il se trouve que, le 26 février, ce référendum a abouti. Or, puisque l'article 4A LGZD, dans sa teneur précédente, avait une date de péremption au 31 juillet 2019, il existait jusqu'au vote un certain vide juridique. Le Conseil d'Etat a donc logiquement appliqué une directive pour combler ce vide juridique.

Mesdames et Messieurs, quelle aurait dû être la logique de cette directive ? Cela aurait été de prolonger ce qui existait depuis dix-sept ans déjà, et surtout de prolonger ce qui finalement avait été accepté par ce parlement. Qu'a fait le conseiller d'Etat Antonio Hodgers ? Il s'est assis sur le vote du parlement ! Il a dansé sur le ventre de notre parlement, en décidant d'une directive qui modifiait cette proportion de logements, mais pas du tout dans le sens de ce qui existait déjà, pas du tout dans le sens de ce que ce parlement avait voté, mais comme il l'entendait, lui, sans écouter ce que voulait la majorité des députés, créant un vide juridique encore plus important, puisque la question se pose: quels sont les promoteurs qui aujourd'hui se lanceraient dans un projet, alors que, précisément, on n'est pas certain de ce qui va se passer, puisque le vote populaire doit encore avoir lieu ?

Mesdames et Messieurs, ce projet de loi demande simplement au Conseil d'Etat d'appliquer ce qui existait déjà et qui a fonctionné et d'appliquer la volonté de ce parlement en maintenant l'article 4A LGZD tel qu'il existait jusque-là. Le premier pouvoir de ce canton, c'est le Grand Conseil, pas le Conseil d'Etat ! M. Hodgers, avec les méthodes qu'il applique, a envie, j'imagine, de revenir à l'époque où le Conseil d'Etat ne s'appelait pas le Conseil d'Etat, mais le Petit Conseil. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi et à inviter le Conseil d'Etat à respecter la volonté de ce parlement. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne reviendrai pas sur les détails, qui ont été très bien expliqués par mon préopinant, ni sur le fait que le parlement, en octobre dernier, au lieu de choisir le projet de loi du Conseil d'Etat, a en effet accepté celui du parlement - proposé par mon éminent collègue M. Cerutti - puisque c'était un bon projet de loi. Il proposait simplement de continuer avec un système de catégorisation de logements qui avait fait ses preuves depuis 2007 et qui avait fait l'objet d'un accord entre toutes les parties prenantes.

Dès lors, ce qui est incompréhensible de la part du Conseil d'Etat dans cette situation où un vide juridique a été créé - puisqu'un référendum a été opposé au projet de loi - c'est, au lieu de continuer avec un système qui fonctionnait et de le prolonger quelques mois jusqu'au référendum, d'avoir fait passer par la petite porte son propre projet de loi, qui avait été refusé par le parlement. C'est cette manière de faire qui n'est pas acceptable. Faire fi de la volonté du Grand Conseil, faire passer un texte sans aucune concertation - qui par ailleurs entraîne une incertitude juridique et cela pour quelques mois, alors qu'il y a un référendum... Non !

Ce que nous vous demandons aujourd'hui, avec ce projet de loi, c'est de revenir à quelque chose de raisonnable. De continuer encore quelques mois, au moins jusqu'au référendum, avec un système qui a fonctionné depuis 2007 et qui pourrait encore se poursuivre quelques mois. Ce serait la voie raisonnable, contrairement à la manière de faire un peu à la hussarde, il faut le dire, du Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je serais tentée de dire «bis repetita». Une nouvelle fois, le parti socialiste refusera ce projet de loi. Sur le fond, d'abord: effectivement, cela a été rappelé, l'article 4A LGZD est issu d'un consensus, d'un accord, mais celui-ci date de 2007. Or, depuis, on a largement eu le temps de se rendre compte que les modalités de cet accord ne permettaient pas de répondre aux objectifs édictés dans ce même accord, notamment à celui d'arriver à 20% du parc de logements qui soient des logements d'utilité publique. Cette période a également permis d'arriver au constat absolument criant qu'il manque aujourd'hui à Genève un parc locatif pour loger la classe moyenne.

Or aujourd'hui, s'acharner sur cet article 4A LGZD et les ratios de logements - parce que c'est véritablement un acharnement auquel se prête la majorité de droite - alors qu'on a pu faire le constat absolument évident qu'il ne répond ni aux attentes de la population ni à l'intérêt général, ni même aux objectifs de l'accord passé en 2007, c'est soit idiot, soit c'est simplement qu'on se fiche de l'intérêt général, de l'intérêt et des besoins de la population, et qu'on s'attache plutôt à défendre ceux des particuliers, à savoir ceux des promoteurs qui ont tout intérêt à maximiser le nombre de PPE construites, pour des raisons évidentes de maximisation des profits. Il se trouve que j'ai la faiblesse de pencher plutôt pour la deuxième option.

Quant à la forme, Mesdames et Messieurs les députés, certes, le projet de loi qui maintient les catégories de logements de l'article 4A LGZD a été voté par une majorité de la plénière, mais il se trouve qu'il a été contesté par référendum, ce qui est le signe que ce texte n'est pas accepté par tous et qu'il existe une contestation. C'est un projet que la droite a décidé de faire passer en force, sans concertation, sans recherche de consensus. Vous connaissez les règles et vous vous êtes sciemment exposés au risque de référendum. Le référendum entraîne le gel de cette disposition jusqu'au vote populaire.

De plus, le projet de loi, tel qu'il est présenté ce soir, est un double déni démocratique: admettons que le référendum aboutisse, et donc que la population ne veuille pas des catégories de logements prévues dans l'ancien article 4A. Qu'est-ce que cela signifie ? Avec ce projet de loi, ces catégories demeureraient, c'est donc un déni démocratique, un déni du choix populaire, tout comme l'est la décision de soumettre cette loi à une clause d'urgence. C'est simplement une injure à la démocratie, c'est fouler aux pieds les droits populaires ! Il s'agit d'une mesure qui doit être absolument exceptionnelle. En l'occurrence, nous ne nous trouvons pas dans cette configuration et nous refuserons tant ce projet de loi que la clause d'urgence. Je vous remercie. (Brouhaha.)

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a indiqué ma préopinante, ce projet de loi est la suite d'un bras de fer engagé par la droite en juin 2019 sur l'article 4A LGZD, celui qui détermine la répartition de logements dans les nouveaux quartiers, à savoir la part de PPE, de loyers libres et de logements subventionnés. Nous n'en serions pas là si les partenaires historiques de l'accord du logement avaient réussi à discuter de façon sereine à partir de la proposition du Conseil d'Etat, le PL 12093.

En 2007, notre Grand Conseil a adopté par un large consensus la loi sur les logements d'utilité publique, qui donne à l'Etat des outils et des moyens pour soutenir le développement de logements abordables, avec un objectif de 20% du parc de logements du canton. Que s'est-il passé depuis 2007 ? La pénurie de logements a-t-elle disparu ? Non: nous sommes à 0,54% de taux de vacance. Les loyers ont-ils baissé ? Non: les augmentations de loyer en cas de changement de locataires sont en moyenne de 10% depuis dix ans. Avons-nous atteint nos objectifs de LUP ? Non: la part de LUP est péniblement passée de 8,5% en 2007 à 10,6% en 2018.

Pour toutes ces raisons, les catégories de logements dans les nouveaux quartiers doivent être adaptées pour mieux correspondre aux catégories socio-économiques du canton. La loi actuelle doit donc être adaptée pour aller dans ce sens; cet avis se perçoit régulièrement dans les urnes. En effet, la population genevoise vient de fournir un signal très clair: à Genève, 60% de la population s'est prononcée en faveur de l'initiative «Pour des logements abordables», qui visait justement à soutenir des logements d'utilité publique et les coopératives. J'appelle donc la majorité de droite de ce soir à s'ouvrir à une négociation sur les catégories de logements en zone de développement, à revenir à la table des négociations entamées en 2018 et à écouter les demandes récurrentes de la population pour plus de logements locatifs abordables et notamment pour plus de coopératives d'habitation. L'entêtement de la droite pour le maintien du statu quo est regrettable. La population aura le dernier mot sur ce dossier, puisque nous voterons dans le courant de l'année 2020 sur le référendum de la gauche contre la loi 12477. Elle confirmera certainement, comme elle l'a fait pour le PAV par 61% de oui, que la politique de soutien aux logements abordables du canton est la bonne. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer de vous expliquer pourquoi les députés PLR sont au mieux amnésiques, au pire complètement malhonnêtes. Je suis très surpris de découvrir ce projet de loi, puisque, comme cela a été dit, nous avons débattu pendant trois ans d'articles de lois qui prévoyaient ou contestaient une nouvelle répartition des types de construction dans les zones de développement. J'étais effectivement du côté de ceux qui pensent qu'il faut loger toutes les catégories de personnes, y compris les plus pauvres. Le PLR a continué à défendre, comme à son habitude, les plus riches, les promoteurs et les spéculateurs. (Commentaires.) Il n'y a pas de nouvelle jusque-là !

Mais, dans le cadre des travaux de commission, un député PLR a dit: «Attention, on prend trop de temps ! Il faut absolument clarifier le cadre légal, au cas où nous n'aurions plus de loi à un moment donné !» Sur demande du PLR toujours, M. le conseiller d'Etat est venu nous dire, très objectivement, que s'il n'y avait plus de cadre légal à un moment donné, il appliquerait telle directive. Toute la commission l'a entendu, toute la commission a été d'accord avec cela. On a joué le jeu. Puis, le 17 octobre, la droite est évidemment passée en force avec son projet pour maintenir les privilèges de ses petits amis, et nous l'avons combattu en référendum. Comme d'habitude, nous avons réussi à faire aboutir ce référendum et, comme d'habitude, nous allons les battre dans les urnes. Mais non, eux reviennent avec une loi pour prolonger quelque chose alors qu'ils avaient accepté autre chose en commission.

Donc, en plus de protéger les riches, ces messieurs piétinent leurs propres paroles, méprisent le travail de la commission, méprisent le travail du conseiller d'Etat - et ce n'est pas souvent que je dis ça ! - et snobent le vote populaire. Pour toutes ces raisons, je vous prie de refuser ce projet de loi. Merci.

M. André Pfeffer (UDC). Une fois de plus, le Conseil d'Etat applique un règlement administratif qui n'est pas conforme à un vote du Grand Conseil. Certes, le projet de loi voté par le Grand Conseil fait l'objet d'un référendum, mais cette pratique administrative ne respecte ni ce vote législatif ni la loi en vigueur depuis 2007 qui avait obtenu un large consensus politique.

Ce n'est pas la première fois que notre Conseil d'Etat agit de la sorte. Le Grand Conseil avait voté le déplafonnement du prix pour les vendeurs de villas en zone de développement, cette décision n'a pas été appliquée par le Conseil d'Etat. Le Grand Conseil avait voté un développement partiel du projet des Corbillettes; le vote du Grand Conseil demandait le maintien d'une partie de la zone villas et que le solde soit développé en zone ordinaire, le Conseil d'Etat n'a pas non plus respecté ce vote. Il y a également eu plusieurs passages en force par le Conseil d'Etat pour des PLQ auxquels l'unanimité du Conseil municipal était opposée. Le récent moratoire en zones villas appliqué d'une manière arbitraire n'arrange rien à ce grand flou.

Cette pratique arbitraire de notre Conseil d'Etat aboutit à une insécurité et une instabilité juridiques. Elle démontre un manque de maîtrise des dossiers et, surtout, une incompétence qui favorise et multiplie les blocages de nos projets de construction. Pour ces raisons, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi. Merci de votre attention.

M. Cyril Aellen (PLR). A la question de savoir si le Conseil d'Etat était habilité à édicter la directive qu'il a prononcée, il doit être répondu oui. Pourquoi ? Parce que, de par la loi, un texte aujourd'hui en vigueur a cessé d'être applicable le 31 juillet 2019. Il y avait eu un engagement, à savoir d'abord que le Grand Conseil effectue ses travaux d'ici la fin du printemps 2019, et ensuite qu'il y ait un vote en automne. Le parlement a tenu parole; la commission du logement s'est prononcée avant le 30 juin et le parlement s'est prononcé au début de l'automne. La première décision du parlement a été de prolonger l'article 4A LGZD. La deuxième décision a été de refuser la politique des trois tiers, qui fait l'objet aujourd'hui de la directive. Il est vrai que ce projet des trois tiers présentait aussi une autre problématique, les MOUP. Un référendum a été déposé contre un des deux projets de lois - pas sur celui des trois tiers. Personne, au sein de la population, n'a souhaité remettre en cause ce refus. En revanche, il a été décidé de combattre l'article 4A LGZD dans sa version actuelle.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que, si le peuple approuve les référendaires et que l'article 4A est abrogé, le Conseil d'Etat aura les pleins pouvoirs d'édicter, sauf loi nouvelle, une directive, pour faire ce qu'il souhaite. Mais, à défaut, il aura l'obligation d'appliquer l'article 4A LGZD. Donc, aujourd'hui, ce qu'il faut dire, c'est que, en procédant par directive à un changement, premièrement, le Conseil d'Etat revient lui-même sur un accord qui a été passé et qui n'a pas été modifié par les signataires de ce même accord. Deuxièmement, le Conseil d'Etat crée une insécurité juridique, parce qu'il part d'un côté sans savoir si on partira de l'autre, alors qu'on pourrait imaginer qu'il attende avant d'appliquer la directive qu'il a édictée et qu'il pourrait appliquer en cas de victoire des référendaires.

Alors, Mesdames et Messieurs, procéder ainsi, c'est mépriser ce qu'a fait le parlement, c'est s'impatienter, créer de l'insécurité juridique et vouloir imposer sa politique au contraire de la décision du Grand Conseil, et ce sans attendre l'expression de la volonté du peuple. Cette manière de faire n'est pas du tout conforme à nos institutions. C'est la raison pour laquelle nous sommes contraints de déposer et de voter ce projet de loi.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'historique qui a été dressé, notamment par le député Zweifel, doit être complet: en 2007, ce parlement adoptait une loi issue des accords sur le logement, qui avait pour échéance le 31 juillet 2017. En 2015 déjà, le Conseil d'Etat procédait, ainsi qu'il le devait, à une analyse, une évaluation des effets produits par cette loi. Qu'en était-il ? La classe moyenne, qui représente plus de 50% de la population, n'a été servie que par 17% des logements. Les logements LUP se concentrent essentiellement dans les quartiers périphériques, reproduisant ainsi les cités-satellites construites dans les années 1960 et 1970 et qu'on ne veut aujourd'hui plus créer, la concentration de logements sociaux étant trop importante. Suite à ce constat résultant d'une analyse profonde et basée sur des statistiques formelles, le Conseil d'Etat a déposé une proposition en 2017, celle dite des trois tiers: un tiers de LUP, un tiers de locatif non subventionné, un tiers de PPE. Le parlement aurait pu refuser les trois tiers et, avant l'échéance de 2017, confirmer l'article 4A actuel - le 4A de la droite, pour le dire simplement. Il ne l'a pas fait. Il a prolongé cet article de deux ans en disant: «Reportons ce délai au 31 juillet 2019 !» Pendant ces deux ans, la majorité aurait pu refuser le projet de loi des trois tiers et voter un nouvel article 4A dans les délais, avant l'expiration de cet article. Il ne l'a pas fait. (Brouhaha.)

Quel a été mon engagement auprès de la commission ? Ceci figure noir sur blanc dans les procès-verbaux: cela a été de dire que, étant donné que la commission terminait ses travaux au mois de juin - c'est-à-dire un mois avant l'expiration de cet article de loi - si un projet de loi était en vigueur d'ici la fin de l'année, je m'en tiendrais, jusqu'à la fin de l'année, par la voie de la pratique administrative, à la loi actuelle. La droite a fait le choix de ne pas chercher de compromis. Elle a fait le choix de passer en force et de susciter un référendum. Cela a eu pour conséquence que nous nous sommes retrouvés au début de l'année avec un référendum ayant abouti et, par conséquent, plus d'article 4A applicable. Ce qui fait que le département a simplement concrétisé ce qu'il avait dit en commission, à savoir qu'à défaut d'une loi en vigueur au 31 décembre 2019, il appliquerait, par pratique administrative, la politique dite des trois tiers. Voilà ce qui s'est passé.

Ce que dit M. Aellen est juste, à savoir qu'on verra ce que dira le peuple au mois de septembre sur cette question. Mais le problème du projet de loi déposé ce soir, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat, c'est que, s'il est adopté tel qu'il est rédigé, stipulant que l'article 4A existant - celui qui s'est éteint en 2019 - est appliqué tant qu'il n'existe pas de nouvelle loi, vous êtes en train de dire au peuple que s'il refuse la loi proposée par la droite, qui contient le même article 4A, cet article s'appliquera quand même. C'est ça que dit votre loi ! C'est que l'article 4A s'appliquera même si le peuple le refuse ! Comment voulez-vous expliquer à la population qu'elle a le choix, alors qu'une majorité vient modifier un article qui est d'ores et déjà dans le chemin d'une votation populaire, pour soustraire au peuple son libre choix en matière de politique de distribution des logements ?

Ainsi, ce qu'a expliqué M. Aellen est factuellement faux: si cette loi est adoptée ce soir et que le peuple refuse la loi que le parlement a votée il y a quelques mois, c'est-à-dire la même loi, cet article-là que vous voterez ce soir s'appliquera et dira, nonobstant le vote du peuple: «C'est quand même notre article...» - celui de la droite, celui des milieux immobiliers, soyons clairs ! - «...qui sera appliqué.» Cet article représente donc un déni démocratique pur et simple ! (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs, le parlement dispose de compétences, le gouvernement en dispose aussi. M. Aellen a eu l'honnêteté de reconnaître que la pratique administrative est parfaitement légale. Elle ne vous convient pas, de la même façon que j'applique des lois que vous votez et qui ne me conviennent pas, mais qui sont appliquées scrupuleusement. Le jeu auquel vous vous livrez ce soir, ce n'est pas de prendre en otage le gouvernement. C'est de prendre en otage la démocratie, qui plus est en y ajoutant une clause d'urgence ! Depuis quand avez-vous peur du peuple ? Depuis quand pensez-vous légiférer sans attendre l'avis de la population alors que celui-ci est demandé ?

Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous invite à refuser cet objet et, je le dis, Monsieur le président, refusera le troisième débat d'un projet de loi qui hypothèque le débat populaire.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements. Huées.)

Le président. Merci bien. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12662 est adopté en premier débat par 53 oui contre 37 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 12, al. 8 (nouveau).

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est rejeté par 52 oui contre 37 non (majorité des deux tiers non atteinte).

Le président. La clause d'urgence est donc refusée. Par ailleurs, le troisième débat n'étant pas demandé, le débat est reporté. (Huées.)

Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.

PL 12049-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. François Baertschi, Thierry Cerutti, André Python, Jean-François Girardet, Pascal Spuhler, Sandra Golay, Henry Rappaz, Daniel Sormanni, Patrick Lussi modifiant la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires (LOPP) (F 1 50), du 3 novembre 2016 (L 11661) (Affiliation du personnel pénitentiaire à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 16 et 17 janvier 2020.
Rapport de majorité de M. François Baertschi (MCG)
Rapport de minorité de M. Pierre Conne (PLR)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons avec le PL 12049-A et sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ainsi que l'a indiqué notre chef de groupe, le MCG vous demande un retour à la commission judiciaire, sans débat.

Le président. Parfait. Mesdames et Messieurs, je vous fais donc voter sur cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12049 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 86 oui (unanimité des votants).

M 2623
Proposition de motion de Mme et MM. Stéphane Florey, Christo Ivanov, Virna Conti, Patrick Lussi, Eric Leyvraz, André Pfeffer, Patrick Hulliger, Thomas Bläsi : L'économie doit aussi être protégée contre les conséquences du coronavirus
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.

Débat

Le président. Nous traitons à présent la M 2623, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur du texte, M. Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà largement parlé de la situation actuelle plus tôt avec le projet de loi du Conseil d'Etat. Je ne reviendrai donc pas trop là-dessus. En revanche, cette motion invite simplement à prévoir la suite: ce qui va potentiellement - et ce qui est malheureusement en train de - se produire, à savoir les conséquences financières de cette crise, de cette pandémie, puisque nous ne sommes plus au stade de l'épidémie, mais bel et bien à celui d'une pandémie.

Nous demandons simplement au Conseil d'Etat de réévaluer le budget 2020, puisqu'on peut clairement imaginer aujourd'hui que le déficit pour le budget 2020 sera bien supérieur à ce qui est annoncé par les prévisions actuelles et qu'il devrait largement avoisiner les neuf zéros. Nous demandons donc qu'il soit réévalué et souhaitons pouvoir essayer de mesurer les conséquences de cela. Nous demandons également un gel des postes - non pas une suppression, il faut bien qu'on se comprenne: nous demandons simplement de geler les postes, de réévaluer éventuellement ce qui est urgent ou non comme engagements. Parce que là aussi, il y aura de toute façon des conséquences à prévoir. Nous souhaitons aussi que l'on puisse différer les investissements non urgents; tout ce qui peut être repoussé à moyen terme devrait l'être, au vu des circonstances évoquées. Nous demandons de plus à doter le canton d'un fonds d'aide destiné aux entreprises particulièrement atteintes par le ralentissement économique qui se fait déjà ressentir aujourd'hui. Ce fonds pourra bien évidemment être géré par la FAE, je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point, au vu du projet de loi voté tout à l'heure. Nous souhaitons enfin une aide pour les organisateurs des manifestations sportives et culturelles, puisque ce sont aussi des milieux particulièrement touchés. Il y a potentiellement des personnes qui sont aujourd'hui déjà au chômage en raison de la situation et nous souhaitons que ce fonds d'aide soit aussi à l'intention de ces organisateurs et de tout le personnel touché par cette pandémie. Je vous remercie d'ores et déjà de réserver un bon accueil à cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat pour qu'il puisse nous répondre le plus rapidement possible sur ces demandes.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, l'accueil de cette motion par le groupe socialiste sera glacial. Nous nous trouvons - nous l'avons déjà dit dans le cadre des débats ce soir - dans une situation de crise extrêmement importante qui évolue au fil des heures et des jours, et ce soir, les maîtres mots doivent être: solidarité, entraide et soutien.

Les conséquences aujourd'hui de cette crise du coronavirus sont dramatiques et incalculables. On l'a dit, cela concerne les milieux sportifs: les play-offs de hockey par exemple sont annulés, le championnat de football ne va certainement pas reprendre et ce sont des centaines et des centaines de clubs et associations sportives qui doivent mettre un terme à leurs championnats ou à leurs pratiques sportives. Même chose pour les milieux culturels: il y a de nombreuses annulations, qui touchent notamment le FIFDH - annulation physique je dirais, puisqu'il y a une version 2.0 - ou le festival Voix de Fête, un nombre incalculable de concerts annulés, les théâtres qui doivent fermer, etc. Les conséquences sont dramatiques y compris pour l'économie, pour les PME, dans les secteurs entre autres de l'hôtellerie, de la restauration, du catering, de l'événementiel, et maintenant de la vie nocturne, avec les discothèques qui ferment, peut-être bientôt les bars et les restaurants, nos PME, nos indépendants, on peut aussi parler des taxis, des VTC, etc. On a cité un nombre vraiment important de conséquences pour différents secteurs.

Quelle est la solution proposée par cette motion de l'UDC ? Il y en a deux: la nécessité de maîtriser les dépenses publiques et le gel des postes dans l'administration. Alors est-ce que vraiment vous pensez, Monsieur le président, que ces deux solutions vont aider à résoudre le problème dont j'ai parlé à l'instant ? Bien entendu que non: nous sommes absolument opposés à l'idée de réévaluer le budget 2020 par rapport à cette crise. Au contraire, l'Etat doit définir - et c'est notamment ce que propose le projet de loi - un fonds de soutien pour l'économie ainsi que pour les organisateurs de manifestations sportives, culturelles et d'autres manifestations, et l'Etat doit même disposer de ressources supplémentaires, y compris en postes: on pense aux services du médecin cantonal ainsi qu'à tous les soins - à domicile, aux HUG, etc. Des engagements doivent avoir lieu pour faire face aujourd'hui à cette situation de crise et ce n'est bien entendu pas en réévaluant le budget à la baisse et en gelant les postes qu'on arrivera à trouver des solutions. Je l'ai dit, les maîtres mots sont: entraide, solidarité et nécessité que l'Etat puisse vraiment s'engager à fond pour soutenir nos concitoyens et nos entreprises. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est d'un cynisme effroyable ! On sait qu'en réalité, les mesures sanitaires de prévention servent aussi à échelonner dans le temps les infections par le coronavirus afin d'éviter un pic soudain. De fait, il y a une crainte réelle, des inquiétudes, sur les capacités des infrastructures de la santé à faire face à la pandémie. A ce titre-là, naturellement, les années successives de compression budgétaire et d'austérité pourraient coûter très cher à la santé publique et à la population. Nous dénonçons - et les syndicats aussi - depuis des années des sous-effectifs importants, notamment au sein des HUG, et la droite et le Conseil d'Etat font la sourde oreille, au point qu'on pourrait se demander d'ailleurs s'il ne serait pas opportun d'obliger le PLR, l'UDC ou le PDC à écrire, comme sur les paquets de cigarettes, sur leurs affiches: «Attention, Mesdames et Messieurs, la droite nuit gravement à la santé !» (Commentaires.) Et c'est ça qui risque de se passer très prochainement en raison des politiques d'économies budgétaires ! (Brouhaha.)

Aujourd'hui, cette motion, au contraire, se sert du prétexte du coronavirus pour geler encore la capacité d'action de l'Etat, pour geler l'ensemble des embauches, alors qu'évidemment, il faudrait au contraire que l'Etat puisse avoir une action forte pour répondre à l'ampleur de la crise, et cela passe nécessairement et très probablement par un accroissement des budgets, en particulier ceux du domaine de la santé et ceux du domaine du social. Cela doit très probablement, bien sûr, passer par des prélèvements extraordinaires sur les personnes qui ont les moyens de les payer. Il serait peut-être opportun de réfléchir à un impôt extraordinaire sur les grosses fortunes. Aucun de ces sujets n'est abordé dans cette motion qui ne parle même pas de la santé publique ! Il s'agit d'un prétexte pour sabrer encore plus dans l'Etat, pour sabrer dans les embauches et aller encore plus loin que le jeu de massacre mené par l'UDC et le reste de la droite lors du vote sur le budget !

Evidemment, vous l'aurez compris, Ensemble à Gauche s'opposera très fermement à cette motion qui est insupportable et qui, de fait, ne s'intéresse pas une seule seconde à la santé de la population, mais se sert d'un prétexte pour défendre les intérêts d'une poignée de privilégiés contre ceux de la majorité de la population. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Merci à l'UDC pour cette proposition qui surfe sur la vague du virus. Je pense toutefois qu'on ne doit pas surfer sur la vague du virus pour proposer tout et n'importe quoi. (Commentaires.) On a entendu hier la conférence de presse du Conseil d'Etat, qui a pris un certain nombre de mesures globales et bien plus réfléchies que celles proposées par cette motion écrite sur un coin de table, qui n'amène rien - ou pas grand-chose - qui en somme cherche à faire passer un certain nombre d'idées qu'on essayait de faire passer depuis longtemps, comme le gel du nombre de postes, et qui tente d'utiliser le prétexte du virus pour insister encore sur ces mesures.

Je commenterai rapidement ces quelques invites qui nous sont proposées. «Réévaluer le budget»: je ne vois pas comment on peut réévaluer le budget en cours d'année. Le Conseil d'Etat dispose d'une certaine marge de manoeuvre sur le budget, et vous serez d'accord ou non avec ce qui a été dépensé par le Conseil d'Etat quand vous examinerez les comptes 2020 dans le courant de l'année 2021. Laissons cette marge de manoeuvre au Conseil d'Etat qui l'a pour l'instant ! Dans ce sens-là, je ne vois pas comment on peut réévaluer un budget.

Ensuite, «geler le nombre de postes au sein de l'administration cantonale»: c'est totalement ridicule, cela a déjà été dit. De toute façon, vous avez déjà, Mesdames et Messieurs de la droite, gelé les postes: ce n'est pas la peine d'en rajouter ! Pour ce qui est de «différer les investissements», c'est probablement ce qu'il ne faut surtout pas faire dans cette période ! Il faut peut-être justement ajouter des investissements. Je ne vois pas du tout ce que cela peut apporter au budget de fonctionnement 2020. Vous savez bien que les investissements qui sont votés cette année émargeront probablement dans les comptes des années suivantes en matière d'amortissements. Ça ne sert donc juste à rien du tout ! Les deux premières invites sont donc inutiles et nous y sommes fortement opposés.

S'agissant des deux autres invites, elles ne servent à rien. Créer un fonds pour les entreprises: on en a parlé, on l'a voté tout à l'heure. C'est donc inutile de le rajouter. Enfin, concernant les manifestations, créer un fonds, c'est très bien, pourquoi pas, mais je préfère utiliser la résolution qui nous est proposée par le groupe socialiste et que nous voterons peut-être tout à l'heure, dont la vision est nettement plus globale s'agissant du soutien aux manifestations et aux intermittents du spectacle. En ce sens, je vous recommande vivement de refuser cette motion.

M. Serge Hiltpold (PLR). Les amendements présentés par le groupe socialiste sont frappés au coin du bon sens. (Commentaires.) Le PLR ne souhaite pas rouvrir le débat budgétaire. En revanche, s'agissant des invites qui demandent de «doter le canton d'un fonds d'aide destiné aux entreprises particulièrement atteintes par le ralentissement économique résultant de la pandémie», c'est le projet de loi qu'on a voté tout à l'heure. Et puis, pour ce qui est de «doter le canton d'un fonds d'aide destiné aux organisateurs de manifestations sportives et culturelles atteints par les mesures extraordinaires résultant de la loi fédérale sur les épidémies», c'est un peu le débat qu'on a tenu où on soulignait l'importance de ne pas opposer les différents secteurs. Le PLR pourra très bien vivre avec ces invites et vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin d'avoir une vision un peu plus large de cette problématique. Merci.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera l'amendement, et, si l'amendement est accepté, votera la motion. Dans le cas contraire, il ne votera pas la motion. Je rappelle simplement qu'il faut, à partir de maintenant, travailler main dans la main avec le gouvernement et lui laisser la latitude de décider ce qu'il a besoin de décider. C'est lui qui travaille dans l'urgence, c'est lui qui doit mener ce qui doit être fait. Le parlement doit être derrière lui pour le soutenir. Il n'y a pas de raison que l'on fasse maintenant de la politique politicienne. Nous devons être tous ensemble. Les décisions que nous avons prises tout à l'heure allaient dans l'optique du gouvernement et allaient compléter la décision prise par M. Maudet et le gouvernement genevois. Pour nous, il s'agit donc de faire attention: ne faisons pas trop de propositions et discutons avec le gouvernement ! Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Bon. (L'orateur rit.)

Une voix. Bon ! (Commentaires.)

M. Stéphane Florey. Personnellement, je m'abstiendrai sur l'amendement, chose que vous comprendrez, mais le groupe UDC, dépositaire de la motion, pourra bien évidemment vivre avec. Si vous voulez supprimer ces deux invites, eh bien, faites-le, mais renvoyez au moins la motion au Conseil d'Etat pour qu'il puisse répondre à ce qu'il en restera ! Je vous remercie.

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer en premier lieu sur l'amendement de M. Thomas Wenger, qui consiste à supprimer les deux premières invites.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote se fera donc à l'appel nominal.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 90 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je mets maintenant aux voix la motion ainsi amendée.

Mise aux voix, la motion 2623 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 89 oui et 4 abstentions.

Motion 2623

PL 12659
Projet de loi de Mmes et MM. Sébastien Desfayes, Delphine Bachmann, Jean-Luc Forni, Jean-Marc Guinchard, Anne Marie von Arx-Vernon, Bertrand Buchs, Souheil Sayegh, Christina Meissner, Patricia Bidaux, Claude Bocquet modifiant la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales (LPGIP) (D 3 18) (Une plus grande souplesse pour les contribuables genevois en cas de crise économique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12659, classé en catégorie II, trente minutes. La parole est à l'auteur du texte, M. Sébastien Desfayes.

M. Sébastien Desfayes (PDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi du PDC s'inscrit dans le contexte de la crise économique liée au coronavirus. Il s'adresse aux entreprises, mais pas seulement: il s'adresse aussi aux particuliers, aux familles, aux personnes physiques. Beaucoup de choses ont été dites par rapport à cette crise économique, mais sans vouloir être alarmiste, ce qu'il faut comprendre, c'est que ses effets peuvent être assimilés à ceux d'un conflit armé: fin des échanges commerciaux internationaux, écroulement de la production, chute de la consommation. Personne, je dis bien personne, ne sera épargné par cette crise. Comme l'a dit Thomas Wenger, de la grande entreprise horlogère au petit patron de bistrot, de l'hôtelier au chauffeur de taxi, de l'intermittent, de l'artiste au sportif professionnel, du retraité qui voit fondre ses petites économies à l'employé qui peut perdre à tout moment son emploi, Mesdames et Messieurs, je le répète, personne ne sera épargné par cette crise. Je pense aux PME, aux associations, aux individus qui seront soudainement confrontés à une réalité impitoyable. Quand on n'a pas de liquidités, quand on n'a pas de trésorerie, on ne peut pas faire face à ses obligations courantes. On ne peut pas payer son loyer, on ne peut pas payer ses fournisseurs, on ne peut pas payer ses salariés, on ne peut pas payer ses primes d'assurance-maladie.

Face à ces difficultés importantes, réelles, il nous appartient de trouver des solutions. Les solutions que le groupe PDC propose, c'est simplement de donner une palette d'armes supplémentaires au Conseil d'Etat, c'est-à-dire lui permettre de différer le paiement des impôts, de différer la date de départ des intérêts et de diminuer les taux d'intérêts moratoires. Je précise que ce soir, à 20h, Macron a proposé exactement les mêmes mesures... (Vifs commentaires.) ...et ce n'est pas un néolibéral, c'est la République française. Ces mesures s'adressent aux contribuables les plus fragiles. J'entends déjà dire sur les bancs de la gauche: «Ces mesures ne sont pas ciblées !» Je ne vais pas donner un cours d'économie, mais quand il y a des intérêts négatifs, si vous avez des liquidités, vous payez vos impôts. Si vous n'avez pas de liquidités, vous ne pouvez pas payer vos impôts ! C'est clair.

Une voix. Bravo !

M. Sébastien Desfayes. Enfin, c'est une manière assez simple de dire aux entreprises et à toute la population genevoise: «Nous sommes tous unis, nous, députés du Grand Conseil, devant cette crise. Tenez bon ! Nous vous soutenons, nous ne vous oublions pas !» Je demande le soutien de ce projet de loi et son vote en urgence. Je crois qu'un amendement demandant que l'urgence soit déclarée a aussi été déposé. Merci.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs - Monsieur le président, vous transmettrez à M. Desfayes - je ne vous ferai absolument pas de leçon d'économie, mais peut-être de logique: les entreprises qui ne font pas de bénéfice - on sait que c'est la majeure partie des entreprises dans ce canton - et qui, malheureusement, à cause de la crise n'en font pas davantage, ne paieront pas plus d'impôts, puisqu'elles n'en paient déjà pas. Ce que propose le PDC ici est une fausse bonne idée. Ce soir, nous avons voté un projet de loi qui vise à assurer, par le biais de dépenses publiques, des politiques ciblées d'aide aux entreprises ainsi qu'une motion qui, au-delà de l'aide aux entreprises, intervient à travers une aide pour les milieux culturels et de l'événementiel.

Ici, ce que propose le PDC, c'est de couper l'arrivée d'eau par le biais de la fiscalité, alors que ce soir même, nous venons d'ouvrir le robinet - les dépenses publiques - de façon ciblée. Si on coupe l'arrivée d'eau en même temps, le robinet sera desséché et, malheureusement, on ne pourra pas agir. Nous devons faire preuve de responsabilité et de logique. C'est pourquoi agir par la fiscalité est véritablement la plus mauvaise des idées, puisque cela ne se fait justement pas de façon ciblée: en somme, l'entreprise impactée par cette crise et celle qui ne le serait pas se verraient logées à la même enseigne. En revanche, le fonctionnement que nous avons accepté ce soir, à savoir agir par le biais de la Fondation d'aide aux entreprises, permet réellement d'agir de façon efficace et ciblée auprès des entreprises qui en ont vraiment besoin, comme cela avait d'ailleurs été le cas il y a quelques années, avec le même fonctionnement, lors de la crise du franc fort qui touchait la Suisse, dont notre canton. Là, le fonctionnement est le même.

Etant donné que ce projet de loi s'attaque à des éléments de fiscalité, il est indispensable de parler du rôle de service public et de la nécessité des recettes fiscales. Comme je l'ai dit, ce projet vise à amoindrir les recettes fiscales, c'est-à-dire, d'une certaine manière, à couper l'arrivée d'eau. Or on voit aujourd'hui que plus que jamais, l'Etat a besoin de ces recettes, et ce n'est pas l'Etat glouton, mais la population. On le voit aujourd'hui: la première politique concernée, c'est celle de la santé. Plus que jamais, les besoins sont criants et les recettes nécessaires. Imaginons ensuite: ce sont les besoins des services publics, c'est l'eau courante, c'est l'électricité, bref, tous les services dont nous avons et dont nous aurons besoin tous les jours si nous nous retrouvons par exemple dans une situation - imaginons le pire - de quarantaine. Les seules entités qui doivent maintenir leurs activités sont celles du service public, et celui-ci fonctionne par l'impôt.

Mesdames et Messieurs, ce soir, il ne faut pas aller vers la fiscalité et des pertes de recettes fiscales, bien au contraire, et c'est malheureux que l'urgence n'ait pas été approuvée sur la résolution d'Ensemble à Gauche, qui visait à introduire le principe de solidarité fiscale, puisque c'est vers ce principe qu'il faudrait tendre et pas vers le principe de défiscalisation. Le groupe socialiste refusera ce projet de loi.

Mme Frédérique Perler (Ve). Après le vibrant plaidoyer de l'auteur de ce projet de loi, je dois dire que le groupe des Verts rejoint un peu le parti socialiste s'agissant du rôle du service public, dont le fonctionnement est à maintenir. Néanmoins, le groupe des Verts est d'avis que ce projet de loi devrait aller en commission, justement pour que le Conseil d'Etat puisse nous indiquer les effets concrets qu'aurait ce texte sur les rentrées fiscales. Par ailleurs, le groupe des Verts a une autre préoccupation: j'observe que ce soir, nous sommes tous très généreux, ce qui est une excellente chose. Mais lorsqu'on demande aux pouvoirs publics d'intervenir, il y a lieu aussi de convenir et d'examiner avec les entreprises - surtout s'il s'agit de sociétés anonymes qui versent des dividendes - les contreparties que l'Etat pourra obtenir une fois la situation rétablie. Il y a plusieurs idées: cela va du respect des conventions collectives de travail à l'introduction d'un congé paternité, d'un congé parental, etc. Pour toutes ces raisons, Monsieur le président, le groupe des Verts demande le renvoi de ce projet de loi en commission, faute de quoi nous le refuserons. Je vous remercie.

M. Jean Burgermeister (EAG). L'auteur du projet de loi n'a pas complètement tort lorsqu'il dit que certaines personnes pourraient se retrouver dans des difficultés réelles pour payer des impôts et qu'il n'est pas tout à fait absurde de réfléchir à des mesures pour résoudre ce problème-là. L'ennui, c'est que ces aménagements prévus par le PDC vont toucher l'ensemble des personnes morales et des personnes physiques. Or ce sont évidemment les grandes entreprises et les grosses richesses qui vont le plus largement en bénéficier, pas les catégories d'entreprises et de personnes qui vont se retrouver en défaut de trésorerie et dans l'incapacité de payer leurs impôts. C'est donc in fine un projet de loi qui ne va tendre qu'à accroître les inégalités, y compris les inégalités face à la crise provoquée par le coronavirus, et qui va, de l'autre côté, empêcher l'Etat de mener à bien sa politique de réponse à la crise, politique qui nécessitera naturellement des dépenses supplémentaires.

Le PDC, qui clame qu'il ne faut pas faire de la politique et qu'il faut une union sacrée, nous demande là de nous unir derrière la politique de Macron, citée comme exemple, mais qui ne fait envie à pas grand-monde, je pense, ni dans ce parlement ni dans ce canton, et ce n'est pas si surprenant. J'aimerais d'ailleurs rappeler deux citations d'un député PDC qui disait en 2019, dans «Le Temps» que la «taille [des HUG] devra[it] être revue nettement à la baisse» et qui précisait, une année auparavant, que les HUG devraient «compter cent lits, non mille». Il s'agit de citations d'un député PDC dans «Le Temps». Voyez donc à quoi mène la politique défendue par ce parti ! D'un côté, une baisse d'impôts qui bénéficie largement aux personnes les plus aisées, et de l'autre, des coupes dans les prestations à la population, y compris dans les prestations de santé, qui ont nécessairement un coût et qui exigent des ressources ! Je l'ai dit tout à l'heure, Romain de Sainte Marie l'a dit aussi - c'est dommage qu'il ne s'en soit pas souvenu avant, lorsqu'on parlait de la RFFA: il va falloir donner à l'Etat les moyens de mener à bien cette politique et, pour cela, il va au contraire falloir chercher des rentrées fiscales supplémentaires...

Des voix. Oooh ! (Commentaires.)

M. Jean Burgermeister. ...en particulier parmi les grosses fortunes et les grandes entreprises, notamment pour décharger fiscalement les petits revenus et les petites entreprises qui pourraient se retrouver dans le besoin. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, nous refuserons catégoriquement cette motion. (Applaudissements.)

Le président. C'est un projet de loi ! Je passe la parole à M. le député Vincent Subilia.

M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'heure est grave. Elle l'est sur le plan sanitaire et c'est la priorité qui nous anime ce soir, mais elle l'est également, et il faut le rappeler, sur le plan économique, vous l'aurez compris.

Genève traverse une période particulièrement sombre, dont nous espérons toutes et tous ici, tous partis confondus, qu'elle soit la moins douloureuse et surtout la moins longue possible. Ce sont des pans entiers de notre économie qui aujourd'hui subissent les conséquences très directes de cette pandémie et, quelle que soit la taille des entreprises et leur secteur d'activité, tous les entrepreneurs n'ont qu'un constat à la bouche, celui de la difficulté et de l'incertitude d'un lendemain.

Face à ce constat, que nous partageons tous, le diagnostic qui a été posé - et le magistrat Pierre Maudet l'a rappelé tout à l'heure - est qu'il importe d'agir selon ce qui est à nos yeux un double prisme: celui du pragmatisme, qui vise à la créativité dans le dispositif des mesures qui peuvent être envisagées, et celui de la célérité, parce que lors de situations exceptionnelles, des mesures exceptionnelles s'imposent. Elles doivent être prises avec la rapidité qui n'est pas toujours celle du temps politique, que l'on sait parfois en décalage avec le temps économique. A ce titre, le PLR salue la proposition qui nous est faite ce soir. Elle nous semble obéir à deux valeurs essentielles, à savoir à celle du civisme - encore une fois - économique et à une forme de solidarité, là aussi, vis-à-vis de nos entrepreneurs. Si la solidarité humaine est certes essentielle, la solidarité économique - même si le concept peut faire sourire certains - l'est tout autant.

Or ce dont nos entrepreneurs ont besoin aujourd'hui, c'est véritablement - on parlait d'oxygène tout à l'heure - de cette bouffée d'air qui leur permettrait de continuer - j'interpelle ici M. de Sainte Marie - précisément à payer des impôts, parce que la réalité, c'est que vous aurez des entreprises aujourd'hui exsangues qui demain mettront la clé sous le paillasson, avec la casse sociale et en emplois que cela représente.

Par conséquent, si nous voulons donner à ces mêmes entreprises la possibilité de survivre - parce que c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui, Mesdames et Messieurs - c'est en leur permettant de bénéficier de ce relais financier pour une période que nous espérons toutes et tous la plus courte possible que nous le ferons. Il peut passer par différentes mesures, mais celle qui nous est proposée aujourd'hui, à savoir un report de la créance fiscale, nous paraît être l'une des pistes qu'il faut explorer, et c'est la raison pour laquelle nous donnerons une suite favorable au texte proposé par le PDC.

Vous disiez, Monsieur de Sainte Marie - vous transmettrez, Monsieur le président - tout en expliquant que vous ne donneriez pas de leçon d'économie - mais votre ton était moralisant, je me permets de le souligner - que cette mesure équivalait à couper l'arrivée d'eau. Au contraire: nous considérons que celle-ci contribuera à irriguer un organisme qui en a véritablement besoin. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Nous soutiendrons un renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale, parce que, pour nous, ce projet ne va tout simplement pas assez loin. Aujourd'hui, on a bien entendu l'avis de tous les groupes, simplement, dire dans un projet de loi voté en urgence que «le Conseil d'Etat peut»... (L'orateur insiste sur le mot «peut».) ...c'est juste ridicule ! Parce que «peut», ça ne veut rien dire ! S'il ne le veut pas, il ne le fait pas. Ce n'est pas de ça que la population a besoin aujourd'hui. Parler des PME, comme le fait M. Subilia... Bien sûr qu'elles sont aussi concernées ! Mais la population aussi est concernée par la loi que le projet entend modifier ! Cette loi qui d'ailleurs... Et je vous rappellerai l'intervention de M. Jornot, notre ancien collègue PLR, en 2008, où il expliquait pourquoi son parti s'était abstenu sur cette loi lors de son adoption: c'était tout simplement parce que, d'une part, elle était insatisfaisante, et d'autre part, qu'on prévoyait déjà à l'époque qu'elle poserait potentiellement un certain nombre de problèmes, y compris à la population.

Donc, ce que, selon nous, on pourrait éventuellement faire, c'est remplacer «peut» par «doit». Ce serait une première chose. Mais nous irions encore plus loin, en demandant soit une abrogation partielle soit une suspension partielle de cette loi, voire son abrogation tout court. Parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas seulement en cas de pandémie, c'est toute l'année que la population souffre des intérêts moratoires imposés par l'Etat. Ça pose problème à de nombreuses personnes, parce que le contribuable qui peine déjà à payer ses impôts, lui dire que ça fait partie de ses responsabilités... Oui ! Là-dessus, on est d'accord. Mais après, dire à cette même personne qu'elle va être frappée d'un intérêt moratoire... C'est juste immoral de venir dire aujourd'hui que c'est seulement en cas de pandémie qu'il faut trouver des solutions pour la population. Non ! Nous, ce qu'on veut, c'est aller beaucoup plus loin. Cette question doit se régler en commission. C'est pour ça que nous demandons aussi le renvoi de ce projet de loi en commission. Je vous remercie.

Mme Françoise Sapin (MCG). Le MCG a pris connaissance de ce projet de loi. Dans la situation que nous vivons, ce texte est une excellente suggestion et le MCG le soutiendra. Il y aurait lieu également de prévoir plusieurs autres éléments, notamment un report des délais pour la remise des déclarations, sans frais et sans intérêts, étant donné qu'il est très probable que les entreprises ne puissent pas tenir leurs assemblées générales. C'est la raison pour laquelle le MCG préfère que ce projet de loi soit envoyé à la commission fiscale pour être discuté. La commission n'a qu'à mettre les bouchées doubles pour le traiter. Nous soutiendrons donc le renvoi en commission et l'entrée en matière sur cet objet.

Le président. Merci. La parole est à M. le député Jean Burgermeister pour vingt-neuf secondes.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste souligner que nous avons trois textes déposés par la droite sur le coronavirus, or aucun de ces textes ne parle de la santé publique, aucun de ces textes ne parle de la protection de la population contre les problèmes sanitaires, contre les problèmes sociaux de la crise ! (Applaudissements.) Tous ne visent qu'à défendre les milieux économiques ! Et c'est cette même droite qui nous dit... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Jean Burgermeister. ...qu'il n'est pas temps de faire de la politique qui promeut les intérêts particuliers ! M. Desfayes nous dit que certaines personnes vont souffrir et ne vont pas pouvoir payer les loyers, mais rien n'est fait pour protéger les locataires ! Il parle des...

Le président. Je vous remercie. Je...

M. Jean Burgermeister. ...personnes qui risquent de perdre leur emploi... (Protestations. Brouhaha.)

Le président. ...passe la parole...

M. Jean Burgermeister. ...mais rien n'est fait pour protéger les salaires ! (L'orateur hausse la voix. Protestations. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Jean Burgermeister. Rien n'est fait... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Burgermeister !

M. Jean Burgermeister. ...pour protéger les postes de travail ! (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Je passe la parole... (M. Jean Burgermeister continue de s'exprimer hors micro. Applaudissements. Brouhaha.) Monsieur Burgermeister ! (Commentaires.) Je passe la parole à Mme Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Nous ne critiquons pas, et il ne s'agit pas de ne pas soutenir - vous transmettrez - les hôpitaux publics et le travail qu'ils réalisent. Ils ont notre plein soutien. Il s'agit de prendre nos responsabilités. Ici - vous transmettrez, Monsieur le président - à moins que tout le monde ne se sente une vocation d'infirmière pour aller travailler aux soins intensifs, je pense que notre rôle est d'assurer la continuité des affaires, le fonctionnement de notre canton et de nos institutions. C'est absolument essentiel. Ce n'est pas à mettre en opposition avec toute aide qu'on pourrait apporter aux milieux hospitaliers. Nous réitérons, en tant que politiques, notre plein soutien aux mesures prises et nous faisons confiance aux autorités sanitaires à ce propos. Il ne faut pas confondre les rôles et les responsabilités. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Sébastien Desfayes (PDC), député suppléant. En guise de dernière intervention, le PDC prend acte du fait qu'il sera difficile de former une majorité avec la clause d'urgence et sollicite le renvoi en commission.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je rappellerai d'abord - on ne le fera jamais assez ce soir - les gestes simples: si vous pouvez éviter de postillonner, c'est à l'avantage... (Rires.) ...de votre entourage ! Je le dis... (Applaudissements.) ...avec d'autant plus de sérieux que, vous le savez, j'ai beaucoup d'affection pour vous.

Mesdames et Messieurs, je dois d'abord vous prier d'excuser l'absence de ma collègue Nathalie Fontanet, retenue ailleurs, mais qui me prie - je me fais le porte-parole de notre ministre des finances - de vous dire que le Conseil d'Etat accueille avec bienveillance ce projet de loi. Avec bienveillance, mais avec trois cautèles, qui justifieront que le Conseil d'Etat s'associe à la demande de renvoi en commission.

La première cautèle, et là, c'est à l'envers de ce que souhaite l'UDC, c'est que ce projet de loi garde des dimensions potestatives. Les mesures dont il est question ce soir doivent pouvoir être activées de façon exceptionnelle par le gouvernement. Un «doit» rendrait donc le projet de loi délicat pour nous. Il faut qu'il garde un «peut», pour que la dimension potestative soit au rendez-vous. Le deuxième élément, c'est que le Conseil d'Etat a quelques doutes sur la question des taux d'intérêt tels qu'ils sont exprimés ici, de la dimension moratoire de ces taux d'intérêt et de l'égalité de traitement qu'on doit quand même consacrer dans tout projet de loi de nature fiscale. Il souligne aussi - et là, il ne faut pas se tromper de débat, Mesdames et Messieurs les députés - qu'on parle ici de report d'échéances, pas d'exonération fiscale.

C'est l'occasion pour moi - et je me fais encore une fois le porte-parole de notre collègue Nathalie Fontanet - de rappeler à celles et ceux qui nous écoutent, que ce soient des personnes physiques ou des personnes morales, qu'elles peuvent d'ores et déjà, si elles constatent une diminution de revenus ou une diminution du bénéfice, demander une modification des acomptes. C'est gratuit, cela se fait très simplement par l'entremise du site internet de l'Etat, et c'est immédiat. Utilisez cette possibilité ! Cela vous permettra peut-être d'avoir déjà un petit ballon d'oxygène.

Mais au-delà de cela, le Conseil d'Etat, dans la ligne qui est la sienne, indique déjà qu'il souhaite disposer de ce genre de moyens pour favoriser la circulation des liquidités, comme je le disais tout à l'heure. La conservation du pouvoir d'achat, la capacité de conserver également dans les semaines ou les mois qui viennent un certain volume financier pour les entreprises, mais aussi pour les particuliers - c'est en cela que le projet de loi est intéressant - nous semblent tout à fait fondamentales, ce d'autant plus - M. Desfayes l'a rappelé tout à l'heure - que nous nous trouvons dans une période où ce projet de loi bien appliqué est en fin de compte une forme de prêt sans intérêts, considérant les taux négatifs qui prévalent.

Je précise encore une chose que m'a indiquée Mme Fontanet: il s'agirait, sur trois mois, d'un manque à gagner - en quelque sorte - pour l'Etat de 11 millions, qui consiste en l'accumulation sur ces trois mois des reports, qui seraient par ailleurs payés si ce règlement ne s'appliquait pas. Cela pour vous donner un ordre de grandeur; ce n'est donc pas non plus une somme extraordinaire du point de vue de l'Etat; ça peut être une somme très très importante du point de vue des particuliers ou des entreprises, lorsque, encore une fois, on parle de protéger non seulement notre tissu économique, mais aussi notre population.

Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous invite à renvoyer ce projet de loi - qui peut effectivement être traité très rapidement - à la commission des finances et se réjouit d'en débattre avec vous. Je vous remercie de votre attention.

Des voix. Fiscale !

M. Pierre Maudet. Fiscale !

Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi en commission de cet objet.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12659 à la commission fiscale est adopté par 79 oui contre 10 non et 1 abstention.

R 912
Proposition de résolution de Mme et MM. Jocelyne Haller, Christian Zaugg, Pierre Vanek, Jean Batou : Solidarité face à l'épidémie de Covid-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.

Cette proposition de résolution est renvoyée sans débat à la commission de l'économie.

Le président. Il est 22h55: je vous souhaite une bonne rentrée et vous dis à demain, 14h !

La séance est levée à 22h55.