Séance du vendredi 24 novembre 2017 à 18h
1re législature - 4e année - 9e session - 50e séance

PL 12061-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Alberto Velasco, Caroline Marti, Romain de Sainte Marie, Jean Batou, Christian Frey, Lydia Schneider Hausser modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (LGAF) (D 1 05) (Pour que le Conseil d'Etat assume ses responsabilités en matière budgétaire)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 12 et 13 octobre 2017.
Rapport de majorité de Mme Lydia Schneider Hausser (S)
Rapport de minorité de M. Cyril Aellen (PLR)

Premier débat

Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour, le PL 12061-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. M. Deneys remplace la rapporteure de majorité, Mme Schneider Hausser. Monsieur Deneys, c'est à vous. (Un instant s'écoule.) Monsieur Deneys ? C'est à vous !

M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité ad interim. Ah ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cet objet, déposé par le groupe socialiste, demande que le Conseil d'Etat transmette un deuxième projet de loi budgétaire quand le Grand Conseil n'a pas voté le premier. Ainsi, nous pourrons étudier un nouveau projet de loi pour un nouveau budget si l'entrée en matière n'a pas été acceptée sur le précédent.

Tout le monde le sait, une disposition de la nouvelle LGAF permet au Conseil d'Etat de fonctionner douze mois durant en douzièmes provisoires. L'exécutif n'est pas du tout obligé de déposer un nouveau projet de budget et, contrairement à ce qui se passait précédemment, il n'est même plus obligé de déposer un projet de loi pour maintenir les douzièmes provisoires tout au long de l'année. Mesdames et Messieurs les députés, cette situation est un peu particulière. Quand on voit, comme en 2015, un projet de budget recueillir une voix en faveur de l'entrée en matière, on peut se demander si le message envoyé au Conseil d'Etat - à savoir qu'il doit remettre l'ouvrage sur le métier - n'est tout de même pas très clair et si c'est totalement admissible qu'il fonctionne ensuite l'année entière en douzièmes provisoires. Le but de ce projet de loi est donc de permettre à l'Etat d'avoir un budget et, bien entendu, au Conseil d'Etat de trouver une majorité pour voter son budget. Il a été incapable de le faire en la circonstance que je viens de mentionner - il a donc fonctionné en douzièmes pendant l'année entière - mais il peut la trouver en certaines occasions; il le pourra peut-être cette année, mais ça dépend aussi de ce qu'il met dans son budget. On ne peut pas simplement dire: «On reprend le budget de l'année précédente sans faire aucun choix.» Quand ça l'arrange, le Conseil d'Etat s'assoit en plus sur certains mécanismes prévus par la loi, comme le versement des subventions aux institutions concernées.

En commission, les travaux ont porté sur deux éléments. Partant de l'idée qu'il fallait un deuxième essai, et donc un deuxième budget, il a été discuté du délai de dépôt pour ce second budget. Il était d'abord imaginé au 31 janvier, puis il a finalement été décidé au 31 mars afin de laisser plus de temps pour la recherche d'une part de nouveaux équilibres financiers, disons, et d'autre part, de la majorité susceptible de voter ce nouveau projet de budget. Un mois, ça semblait court, surtout dans la période des fêtes, et le début du mois de janvier est peu propice pour rechercher de nouvelles solutions.

Une partie des députés, minoritaire, a estimé que ce qui posait surtout problème, c'était l'application du principe des douzièmes - pas le fait qu'un nouveau budget n'ait pas été déposé - qui n'étaient pas calculés comme une simple division par douze du budget précédent; le fait que le Conseil d'Etat s'affranchissait de ses obligations légales en matière de versement d'indemnités, de subventions, d'annuités était donc problématique. L'interprétation du Conseil d'Etat ne correspond pas à l'interprétation que pouvait en faire le Grand Conseil, d'autant plus qu'un avis de droit a confirmé que l'application faite par le Conseil d'Etat n'était pas conforme à la loi. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Pour la majorité, ce deuxième projet de budget devrait simplement faire partie des responsabilités du Conseil d'Etat. Il ne semble pas être capable de l'assumer sans qu'on le mentionne explicitement dans...

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. Roger Deneys. ...dans la loi, et c'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons, compte tenu de ce qui précède, d'accepter ce projet de loi.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Ce projet de loi se méprend sur le rôle du parlement, respectivement du gouvernement. Le rôle principal du parlement est de définir et d'adopter un budget. La loi précise qu'il appartient au gouvernement de faire une proposition. Cette proposition faite, le budget est transmis au parlement, lequel est totalement libre - dans le cadre de la loi - d'en faire ce qu'il en souhaite. S'il estime ne pas être assez libre, il pourrait éventuellement modifier la législation relative à ce sujet, mais dans le cadre de la loi dont le parlement s'est lui-même doté, il peut pour l'instant faire ce qu'il veut.

Et là, on essaie de faire assumer par le gouvernement la responsabilité qui incombe au parlement: trouver une majorité en son sein pour voter un budget ! La proposition faite aujourd'hui consiste à dire: «Si jamais on ne s'entend pas, il faut que le gouvernement revienne avec un projet, nous prenne par la main et nous explique qu'on doit recommencer le débat budgétaire avec d'autres critères.» Mais le gouvernement a, lui, déjà trouvé une majorité en son sein pour faire une proposition ! C'est au parlement lui-même de faire usage de ses prérogatives.

Mesdames et Messieurs, il est absolument déraisonnable d'imaginer qu'après avoir discuté d'un budget, ne pas nous être entendus ou avoir mal fait notre travail, on attende du gouvernement qu'il nous prenne par la main, qu'il nous donne un second projet de budget et que nous décidions cette fois-ci de nous entendre. Pourquoi est-ce que les positions changeraient ? Non, je crois que la situation doit rester telle qu'elle est, et puis qu'il doit y avoir effectivement un peu plus de clarté de la part du gouvernement dans l'application des douzièmes, parce que nous l'avons vécu: ce n'était pas suffisamment clair. Mais, de grâce, recommencer les mêmes débats budgétaires, passer une nouvelle fois cent heures à la commission des finances pour revenir discuter trois jours du même projet de budget que le Conseil d'Etat nous aura donné n'a strictement aucun sens.

Mme Magali Orsini (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, en cas de refus du budget, celui de l'année précédente est appliqué, avec des adaptations. Certains souhaiteraient que le Conseil d'Etat annonce si, oui ou non, il va présenter un nouveau budget. Si ce n'est pas le cas, il devrait donner un détail des dépenses et des revenus escomptés sous le régime des douzièmes provisoires. Tels qu'ils ont été appliqués, les douzièmes provisoires ne permettent en effet pas de connaître la base de référence pour la suite. Selon certains, la gestion de ce «non-budget» a posé plusieurs problèmes, mais le problème principal est celui de l'interprétation et de l'application des douzièmes provisoires. Beaucoup de gens n'ont pas été contents de la façon dont ils ont été analysés, et des recours sont encore pendants avec des fonctionnaires. Cela a également donné lieu à des projets de lois, des députés ayant estimé par exemple que le Conseil d'Etat n'avait pas compétence pour couper 1% dans les contrats de subventions. Il y a toute une série d'exceptions qui sont liées aux obligations légales, par exemple l'augmentation de la cotisation CPEG pour laquelle le Conseil d'Etat a appliqué de manière large une obligation fédérale. Beaucoup d'entités subventionnées ont signalé la difficulté pour elles de devoir appliquer des coupes supplémentaires uniquement dans la deuxième partie de l'année; elles préfèrent encore un budget avec baisse de subvention.

Avant la modification de la LGAF, la mise en oeuvre des douzièmes provisoires était automatique en cas d'absence de vote du budget: le gouvernement avait une autorisation de dépense des douzièmes provisoires sur six mois. Mais le système, qui prévoyait des limites mensuelles, était trop contraignant. Actuellement, les douzièmes provisoires sont contraignants; par contre, le Conseil d'Etat peut toujours faire usage des dépassements de crédits en cours de route. Il ne faut surtout pas oublier - c'est ça qui est essentiel - que le budget 2016 a été refusé par la droite et par la gauche pour des raisons diamétralement opposées ! Heureusement, le résultat 2016 a quand même permis de respecter les obligations légales et la délivrance des prestations. De toute façon, la date du 31 janvier est totalement irréaliste et il faudrait au moins viser le 31 mars. (Remarque.) Le Cartel lui-même met trois mois pour se prononcer sur le budget.

En fait, le vote du budget est un acte plus politique que juridique. Pour établir un nouveau budget qui ait des chances d'être voté, encore faudrait-il que le Conseil d'Etat ait une vision claire de la direction dans laquelle veut aller le parlement. Le gouvernement a effectivement dû publier une information sur le détail des douzièmes provisoires à l'usage de l'administration, sous forme d'un arrêté fixant les règles d'application. D'après ce que j'ai pu lire dans le rapport de majorité, il s'agirait simplement d'un document de deux pages que certains pourraient estimer trop succinct. Le Conseil d'Etat fait remarquer qu'aucun droit cantonal ne prévoit que l'exécutif doive soumettre un nouveau projet de loi au Grand Conseil; Genève serait vraiment le seul canton dans ce cas-là. On comprend d'autant moins cette obligation de déposer un deuxième projet de budget qu'il n'y a aucune garantie d'avoir une majorité politique pour le voter. Pour ces raisons, il faut refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif ! C'est pourtant ce que ce projet de loi prétend faire en obligeant le Conseil d'Etat à redéposer un projet de budget devant un parlement qui n'a pas envie de le voter. De début septembre à mi-décembre, le processus budgétaire est long, parfois douloureux; il laisse le temps à une majorité de se former, si elle doit se former. Pour avoir vécu de très près les négociations liées au projet de budget 2016 - qui avait abouti à des douzièmes provisoires puisqu'un accord n'avait pas pu être trouvé - je me souviens que dans les derniers jours, dans les dernières heures, nous étions à quelques millions près. Quelques millions, ce n'est certes pas rien, mais sur neuf milliards, on est comme qui dirait dans l'épaisseur du trait. Ce qui manquait donc, ce n'étaient pas les ressources financières, c'était la volonté politique. En l'occurrence, ce sont deux grands partis - l'un à ma gauche, l'autre à ma droite, à moins que ce ne soit l'inverse - qui à l'époque en ont manqué. Selon les circonstances, et en particulier quand la volonté politique fait défaut, il ne paraît pas raisonnable de forcer le Conseil d'Etat à faire travailler l'administration pour déposer un nouveau projet de budget qui risque fort de connaître le même sort que le précédent. Nous sommes en revanche favorables à l'amendement proposé par le PLR qui permettra de clarifier l'application des douzièmes provisoires pour tout le monde, y compris pour les associations subventionnées qui ne savent parfois pas à quelle sauce ubuesque elles vont être mangées sous ce régime-là. Nous soutiendrons donc l'entrée en matière ainsi que l'amendement, et le projet de loi si cet amendement devait être accepté. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, je dois signaler qu'il n'y a pas besoin de recommencer tout le travail budgétaire ! Je veux dire par là que toutes les auditions menées dans les départements, elles l'ont été une fois et basta, c'est tout. Deuxièmement, les modifications budgétaires qu'il faut faire se montent parfois à quelques millions, et on ne va pas refaire toutes les auditions pour quelques millions. Ce que dit le rapporteur de minorité n'est donc pas vrai ! Ça occuperait ensuite la commission des finances pendant une ou deux séances et puis ce serait bon, mais ça obligerait par contre le Conseil d'Etat à trouver une majorité, ce qu'il n'a jamais fait. D'accord ? Et ça, c'est le plus grand problème que l'on ait.

Mesdames et Messieurs, je ne vois pas pourquoi nous devons nous soumettre au chantage du Conseil d'Etat qui nous dit: «Ou vous acceptez notre budget, ou il n'y aura pas de budget !» Mais non, Mesdames et Messieurs ! Nous avons le droit de ne pas accepter ce budget, et nous avons aussi le droit d'avoir un nouveau budget qui corresponde à une nouvelle majorité, et que le Conseil d'Etat se donne de la peine ! La pratique actuelle a été introduite avec la nouvelle loi sur la surveillance. Auparavant, elle n'existait pas et - si vous le permettez, Monsieur le président - je peux citer le sautier qui nous a dit lors de son audition: «Auparavant, en cas d'absence de vote du budget, une loi spécifique était votée en fin de débat, ce qui permettait d'enclencher le système des douzièmes provisoires. Une limite dans le temps était prévue et le Conseil d'Etat avait une autorisation pour engager les douzièmes provisoires sur six mois. Il était donc attendu de l'exécutif qu'il revienne avec un nouveau projet de budget, ce qui a toujours été le cas.» Mesdames et Messieurs, on a toujours fonctionné comme ça dans ce Grand Conseil; seulement, la loi a changé, la loi sur la surveillance, qui a permis cette situation. Au cours des travaux, on a oublié la pratique existante alors, ce qui permet au Conseil d'Etat d'avoir aujourd'hui toute la latitude de ne pas présenter un budget !

Mesdames et Messieurs, on ne peut pas fonctionner une année entière sans budget ! Ceux qui en pâtissent, ce sont l'administration et les subventionnés. Si on n'a pas compris ça, c'est gravissime ! Pour le Conseil d'Etat et les libéraux, il n'y a pas de problème: ils font ce qu'on appelle des bénéfices parce qu'on aura effectivement moins dépensé, et c'est ce qu'ils recherchent ! Mais la réalité - la réalité - c'est qu'un Etat ne peut pas fonctionner pendant une année entière sans budget, Mesdames et Messieurs ! Que les douzièmes vous satisfassent, évidemment ! Vous n'avez aucun problème. Par contre, nos associations - auxquelles nous tenons parce qu'elles font un travail social de terrain - oui: elles ont besoin d'un budget. Elles ont besoin de ne pas fonctionner en douzièmes, disons. En plus, ce qui s'est passé l'année dernière était gravissime: non seulement on a fonctionné en douzièmes provisoires, mais on a en plus réduit les subventions de 1% ! Alors que c'était contraire à la loi ! On a fait face à deux éléments, d'une part les douzièmes et d'autre part une baisse injuste.

Mesdames et Messieurs, je crois qu'il est tout à fait logique et normal que l'on revienne au fonctionnement qui avait toujours eu cours dans ce Grand Conseil: si on n'a pas de budget, on engage effectivement les douzièmes, avec une limite dans le temps au terme de laquelle on demande au Conseil d'Etat de revenir avec un projet de budget et de se chercher une majorité. Le Conseil d'Etat s'est toujours trouvé une majorité, même quand il était minoritaire au sein du Grand Conseil, mais il a toujours cherché une majorité sur laquelle il pouvait se reposer ! Malheureusement, il lui est en effet terriblement difficile de trouver des majorités dans la configuration actuelle. Mais enfin, ce n'est pas nous - ni le fonctionnement du Grand Conseil - qui devons en pâtir, Monsieur le président ! Avec ce projet de loi, on revient à la tradition qui avait toujours régi ce Grand Conseil: engageons les douzièmes, mais demandons au Conseil d'Etat de revenir avec un nouveau budget. Ça n'implique qu'une petite modification, parce que tous les départements ne sont pas concernés; ce n'est pas un travail immense ! Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas vrai ! J'ai assisté, moi, à cela. Eh bien, il nous a fallu une séance, Monsieur, une séance pour adopter le nouveau budget du Conseil d'Etat ! Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, je demande donc que l'on vote en faveur de ce projet de loi. Merci.

M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi est un peu spécial: il est dû à l'année 2015-2016, cette fameuse année où le Grand Conseil a unanimement refusé le budget, à l'exception d'une députée indépendante, Mme Marie-Thérèse Engelberts, la seule à avoir voté en sa faveur. Les circonstances seraient peut-être un peu compliquées à rappeler; on a constaté en 2016 que le Conseil d'Etat a essayé de proposer une amorce de budget, malheureusement abandonnée en définitive sans qu'on sache trop pour quelle raison. Rien n'a été présenté aux députés, et c'est vrai qu'ils ont été un peu frustrés. Ils se sont dit: «On aurait quand même voulu qu'on nous propose quelque chose.» A la rigueur, on pouvait très bien ne pas avoir de budget si ce qui était proposé ne satisfaisait pas les députés, mais au moins il y aurait eu un essai ! On aurait pu essayer de proposer une seconde fois un budget ! Mais, là, on n'a rien eu. On s'est retrouvé avec un vide complet, comme si on s'était dit: «Tiens, on a la possibilité de fonctionner sous le régime des douzièmes pendant toute une année, eh bien, faisons-le !» C'est vrai que, pour nos institutions, ce n'est pas un bon signal. La situation a donc abouti au dépôt de ce projet de loi; on peut comprendre cette volonté du fait qu'on s'est retrouvé face à un grand vide. Ça a quelque chose d'un peu absurde - ou, au minimum, de cocasse - de demander qu'on redépose un budget, parce que ça devrait aller de soi. Mais voilà, on se retrouve dans cette situation; on doit faire cette demande. C'est pourquoi nous allons malheureusement soutenir ce projet de loi, mais un peu... avec beaucoup de regrets, en nous disant que ce n'est pas bon signe si on est obligé de tout mettre dans la loi. Beaucoup de choses devraient se faire en passant plus par le dialogue et moins par le processus législatif, mais si on est obligé d'en passer par là, allons-y - hélas - votons en faveur de ce projet de loi.

M. Jacques Béné (PLR). Il est évident que ce projet de loi ne sert malheureusement à rien. Est-ce que vous imaginez un seul instant qu'en 2016 il aurait pu y avoir une majorité dans ce parlement pour voter un budget ? Non, Mesdames et Messieurs, il n'y avait pas de volonté de ce parlement de voter un budget 2016 ! Et c'est bien pour ça que le Conseil d'Etat n'a pas reproposé un budget: il sentait très bien qu'il n'y aurait pas de majorité, inévitablement ! Et que fait le Conseil d'Etat quand on est en douzièmes ? Eh bien, il vient avec des crédits supplémentaires à la commission des finances. C'est justement ce qui va se passer si ce projet de loi est approuvé, sauf que les demandes de crédits supplémentaires, à la commission des finances, seront peut-être faites un petit peu plus tard ! Mais, un petit peu plus tard, ça veut dire qu'elles vont arriver, le cas échéant, en plein débat sur les comptes.

Si le Conseil d'Etat doit présenter un budget au 31 mars, ce sera soit le même budget qu'au 31 décembre et il n'aura toujours pas de majorité - à moins que certains groupes reviennent à la raison, mais sans modifications, cela me paraît un petit peu douteux - soit il peut effectivement y avoir une majorité si un budget différent du précédent est présenté au Grand Conseil. Dans ce cas-là, il sera renvoyé à la commission des finances pour une analyse approfondie ! Et on va repartir avec des séances et des séances de commission sur un nouveau budget, alors qu'on aura en même temps reçu les comptes ! On va se retrouver à fin juin avec un débat sur le budget de l'année en cours et un débat sur les comptes de l'année précédente ! Soyons réalistes: si vraiment il y a une majorité, si cette majorité existe, le Conseil d'Etat a déjà aujourd'hui la possibilité de redéposer un budget. Il peut même le faire bien avant le 31 mars; il peut, le cas échéant, le faire dès la première session du mois de janvier et essayer éventuellement de faire passer quelque chose. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi n'a strictement aucune utilité; il aurait pour conséquence d'augmenter la charge de travail de la commission des finances qui, je vous le rappelle, est déjà bien conséquente. Je vous remercie donc d'accepter l'amendement proposé par le rapporteur de minorité, et de refuser ce projet de loi si l'amendement n'est pas accepté. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, je ne vais pas vous faire un cours sur la gouvernance ou tout simplement sur nos institutions. Voter un budget est un acte fort: c'est un acte de concertation et c'est un devoir vis-à-vis de notre population. La loi actuelle nous demande de nous mettre d'accord. Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord dans des délais qui sont déjà relativement importants - nous commençons le débat budgétaire en septembre, nous le terminons au mois de décembre... Mesdames et Messieurs, les risques inhérents à une modification de la loi sont les suivants: premièrement, nous n'arriverons pas à travailler sur ce que le Conseil d'Etat nous aura présenté, et nous trouverons des excuses - des excuses - pour ne pas faire notre travail. Le deuxième risque, c'est la IVe République ! Sans le Vietnam, sans l'Algérie. Oui, Mesdames et Messieurs, où allons-nous ?

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, à titre liminaire, l'UDC tient à dire que, de toute façon, pour lui, ce projet de loi n'est pas un projet de loi politique. Il découle d'une analyse de la situation, il découle de l'analyse qui a été faite de l'ancienne LGAF qui à l'époque, je le rappelle, limitait les douzièmes dans le temps. Il y a eu la modification et on en est maintenant là. Alors, la question à se poser est: doit-on demander un nouveau budget pour l'Etat ou doit-on imposer une limite aux douzièmes ? J'avoue que la question reste posée.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai aussi entendu dire que ce projet de loi ne sert à rien. J'aimerais juste revenir à l'article 58 de la fameuse LGAF, «Grand Conseil», qui définit les compétences du parlement: lettre a, «adopter la loi budgétaire annuelle». Il est donc quand même dit quelque part que le Conseil d'Etat ne fait pas simplement une loi selon ses idées, selon peut-être des accords et autres, que ça va passer comme une lettre à la poste et que le Grand Conseil n'a rien à dire. Si ça devait être le cas, comme je l'entends dire, eh bien, modifions la LGAF puis enlevons cet écueil du Grand Conseil ! Je ne suis pas sûr que tous les citoyens soient d'accord, mais soyons conséquents ! En ce qui nous concerne, à l'UDC, le budget doit donc représenter un consensus - c'est pour ça que nous disons que ce n'est pas un projet de loi politique mais plutôt une analyse de la situation. Parfois il ne l'a pas; nous l'avons déjà vécu une fois et nous allons peut-être le revivre. A l'origine de cette absence de consensus, il y a bien cette assemblée et nos différentes sensibilités. Mesdames et Messieurs les députés, il est important de décider quelque chose. L'UDC votera en faveur de l'entrée en matière et se prononcera sur les amendements proposés, qui sont peut-être la solution. Mais ce qui est certain, c'est que croire que nous pouvons laisser cette situation durer ad aeternam serait une erreur: n'oubliez pas que le Conseil d'Etat a quand même la possibilité de vous imposer toute une législature aux douzièmes. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Sormanni pour une minute quarante-deux.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi résulte effectivement d'une situation découlant de ce budget 2016 qui a fait que les douzièmes ont finalement été en application toute l'année. Et encore, en application d'une manière quand même assez particulière puisqu'il y a eu un certain nombre d'arbitrages alors que normalement, les douzièmes consistent a priori à diviser par douze, dans toutes les rubriques, le budget de l'année d'avant. Eh bien, ça n'a visiblement pas été le cas puisque certains ajustements ont été faits à la hausse et d'autres à la baisse - les subventions ont notamment diminué de 1%. Je crois que ce n'est pas la bonne solution; dans cet exemple déjà, il y a eu une mauvaise application des douzièmes. On l'a vu encore il y a quelques semaines lorsque ce Grand Conseil a finalement voté un rattrapage de plusieurs millions pour le budget 2016, ce qui était bizarre puisqu'il venait un an et demi après l'exercice concerné.

Selon moi, il faut donc trouver une solution, et il me semble que ce projet de loi en est une. Il n'est pas normal que si, à un moment donné, le Grand Conseil refuse un budget, le Conseil d'Etat se dise: «Bon, eh bien, je n'en présente pas un nouveau !» A mon avis, il faut qu'il y ait une limitation de ces douzièmes comme c'est le cas pour les communes, et le Grand Conseil est ma foi là pour faire un travail ! Et s'il doit examiner deux fois le budget, eh bien, il examinera deux fois le budget ! Sans qu'il doive pour autant refaire tout le travail préliminaire; on espère que le Conseil d'Etat proposera simplement quelques modifications et ajustements qui permettront de trouver une majorité dans ce Grand Conseil. Et je pense qu'il devrait faire ce travail ! Voilà, je crois que c'est cela qui a amené ce projet de loi, et le MCG le votera et entrera donc en matière. Je vous remercie !

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est effectivement une conséquence de la situation qui a prévalu à la fin 2015. Le rapporteur de minorité a parfaitement rappelé quelle est la tâche du Conseil d'Etat: se mettre d'accord sur un projet de budget et le déposer. Et le rôle du parlement, c'est de se mettre d'accord et de trouver des majorités pour le voter, ce qu'il n'a pas réussi à faire, comme l'a très justement rappelé Mme Flamand-Lew tout à l'heure. Voilà les circonstances. Le Conseil d'Etat cherche encore aujourd'hui les raisons pour lesquelles le parlement n'a pas voté le budget 2016. Je n'ai encore jamais entendu pour quelles raisons il s'est trouvé une quasi-unanimité pour ne pas voter ce budget. (Brouhaha.) Pour des raisons diamétralement opposées, a-t-on entendu - certainement - mais, fondamentalement, on ne sait pas pourquoi. (Brouhaha.)

Imaginez donc que ce projet de loi, que d'aucuns voudraient voir voté ce soir, ait été en vigueur à ce moment-là. (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence pour écouter M. le conseiller d'Etat ! Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco. Imaginez que ce projet de loi ait été en vigueur à ce moment-là et que le Conseil d'Etat ait été appelé à déposer un nouveau projet de budget dans les délais qu'il demande, amendé ou pas. Comment aurait-il pu imaginer dans quel sens aller chercher une majorité ? Nous en avons discuté avec mes collègues du Conseil d'Etat, nous nous sommes posé la question et je peux vous garantir qu'il n'a jamais été dans l'intention du gouvernement de délibérément faire l'exercice 2016 dans le régime des douzièmes provisoires ! (Brouhaha.) Ce sont les circonstances qui l'ont contraint à partir avec ce mécanisme. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, ce projet de loi, comme d'aucuns d'entre vous l'ont dit, ne va donc rien apporter s'il n'y a pas une volonté politique de ce Grand Conseil... (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Des voix. Chut !

M. Serge Dal Busco. Je pensais que mes propos étaient susceptibles d'intéresser les rapporteurs ! S'il n'y a pas une volonté politique de ce Grand Conseil, ce texte ne changera strictement rien à notre avenir. Si la majorité de ce parlement opte pour l'amendement proposé par le PLR, qui remplace l'alinéa initial et demande au Conseil d'Etat de présenter les modalités d'application des douzièmes, nous nous en accommoderons sans problème: c'est une moindre mesure, et le Conseil d'Etat pourrait tout à fait se rallier à cette proposition. Mais si c'est le projet de loi originel qui trouve une majorité, encore une fois, le Conseil d'Etat n'y voit pas d'utilité. Il plaide au contraire pour une collaboration constructive entre les partis représentés dans ce Grand Conseil, et il vous invite dans ce cas-là à refuser le projet de loi. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12061 est adopté en premier débat par 92 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 42, nous sommes saisis de deux demandes d'amendements qui émanent du groupe PLR et que vous trouverez à la page 35 du rapport. La première concerne l'alinéa 4:

«Art. 42, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Le Conseil d'Etat communique au Grand Conseil les autorisations de dépenses et les estimations de revenus résultant de l'application des douzièmes provisoires, avant le 31 janvier.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 38 non.

Le président. Le deuxième amendement consiste à biffer l'alinéa 5. Monsieur Aellen, vous avez la parole.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste rappeler que le deuxième amendement est technique, puisqu'il tend à éviter d'avoir deux fois le même alinéa.

Le président. Très bien. Nous passons au vote.

Mis aux voix, cet amendement (biffage de l'al. 5) est adopté par 83 oui et 10 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 42, al. 4 (nouveau), ainsi amendé est adopté par 55 oui contre 38 non.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Monsieur Velasco, je vous laisse la parole.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, je reviens en troisième débat avec un amendement qui restaure les alinéas 4 et 5 tels que prévus dans le projet de loi qui figure dans le rapport de majorité.

Une voix. Où est l'amendement ? Où est-il ? (Commentaires.)

M. Alberto Velasco. Si vous savez lire...

Le président. Vous devez le faire par écrit, normalement.

M. Alberto Velasco. ...vous prenez la page 30...

Le président. Monsieur Velasco, nous venons d'approuver la modification de cet article 42 à une large majorité, vous n'avez pas présenté d'amendement par écrit, donc je suis désolé... Nous allons maintenant voter le troisième débat - Monsieur le conseiller d'Etat, vous l'avez demandé...

M. Alberto Velasco. Mais j'ai le droit de présenter des amendements... (Commentaires. Protestations. Exclamations.)

Une voix. Il a le droit de présenter un amendement en troisième débat, Eric !

Le président. Mais vous auriez dû le préparer ! Il n'y a rien; les gens ne l'ont pas dans la main ! C'est comme ça que ça se passe, d'habitude ! (Remarque.) Oui, mais... (Remarque.) S'il vous plaît, franchement ! (Commentaires.) Préparez-le et faites-le, mais ce n'est pas très correct ! (Protestations. Commentaires.)

Des voix. Oh, non !

Le président. C'est le dernier objet, nous nous arrêterons après. (Commentaires. Protestations. Un instant s'écoule.) Monsieur Velasco, je vous rappelle l'article 81, alinéa 1 de notre règlement. Monsieur Velasco ! «L'amendement ou le sous-amendement doit être présenté par écrit et signé par son auteur, ou figurer dans un rapport.» Voilà !

Une voix. Est-ce que ce sera applicable à tous les groupes ?

Une autre voix. Oui, ce sera valable pour nous aussi ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Florey, je vous cède la parole.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Je propose une motion d'ordre pour que nous votions immédiatement. (Commentaires.) Il y a un vice de forme profond. (Commentaires. Protestations.) On va perdre un temps fou si, à chaque débat, on retarde les votes uniquement pour déposer des amendements !

Le président. J'ai accepté que M. Velasco apporte son amendement, nous ne sommes pas à une minute près. Il sera refusé puisque vous avez largement approuvé l'article 42 tel qu'il a été modifié. Comme ça, les choses seront en ordre ! (Un instant s'écoule.) Voilà, j'ai l'amendement. Monsieur Aellen, souhaitez-vous vous exprimer ? (Remarque.) Non. (Remarque.) Monsieur Deneys, vous avez épuisé votre temps de parole. (Exclamations. Protestations.)

M. Roger Deneys. Il y a un nouvel amendement et je ne peux pas parler ! Ce n'est pas normal !

Le président. M. Velasco présente son amendement, écoutez... (Exclamations. Protestations)

M. Roger Deneys. Ce n'est pas normal ! (Exclamations. Protestations)

Le président. Tout est clair ! (Exclamations. Protestations. Huées. Chahut.)

M. Roger Deneys. Pourquoi est-ce que vous changez d'avis ? (L'orateur désigne les bancs qui se trouvent en face de lui.) Vous êtes des faux jetons ! (Protestations. Commentaires.)

Le président.  Ça va, on se calme ? C'est bon ? (Un instant s'écoule.) M. Velasco présente donc un amendement qui propose de revenir à la forme primitive de l'article 42. Nous sommes d'accord ? Est-ce que c'est clair pour tout le monde ? (Remarque.) Vous demandez le vote nominal; êtes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes, c'est très bien. Nous passons donc au vote sur l'amendement de M. Velasco qui demande de revenir à l'article 42, alinéas 4 et 5, tel qu'adopté en commission, comme on le lit à la page 30 du rapport.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 36 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Tout ça pour ça ! Je pense qu'on peut maintenant voter l'ensemble de ce projet de loi.

Mis aux voix, l'art. 42, al. 4 (nouveau), est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Mise aux voix, la loi 12061 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 71 oui et 21 abstentions.

Loi 12061