Séance du jeudi 25 juin 2015 à 20h50
1re législature - 2e année - 7e session - 40e séance

PL 11615-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2014
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26 juin et 27 août 2015.
Rapport de majorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de minorité de M. Cyril Aellen (PLR)

Suite du deuxième débat

B - EMPLOI, MARCHE DU TRAVAIL

Le président. Nous reprenons l'étude des comptes avec la politique publique B «Emploi, marché du travail», et je passe la parole à Mme Lydia Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant toute chose je voulais dire, s'agissant de cette politique publique concernant l'emploi, que je reconnais ici les efforts fournis dans ce domaine par chaque conseiller en emploi à l'OCE et chaque employé de l'Etat. C'est vrai que des efforts ont été réalisés, notamment au sein du pôle chargé de l'interface avec les employeurs, mais aussi par le biais de directives qui ont été émises pour stimuler l'emploi dans le petit et le grand Etat, voire dans les entités privées subventionnées. Cependant, il n'en reste pas moins que nous estimons insuffisants les moyens mis à disposition pour cette politique publique, d'une part en volume, certainement, et d'autre part parce que cette politique est toujours calquée sur une évolution empirique de la manière d'appréhender le processus d'insertion professionnelle des chômeurs. Ensemble à Gauche, les Verts et le parti socialiste ont déposé en date du 22 août 2014 le PL 11501 en matière de chômage et d'emploi qui, comme par hasard, dort en commission de l'économie. Et figurez-vous que ce besoin de réformes structurelles de l'appui apporté aux demandeurs d'emploi se retrouve également dans les lignes du rapport 87 de la Cour des comptes, qui a évalué la mise en application de la LIASI, soit le dispositif pour les personnes en fin de droit. Que dit-il ? Notamment qu'il y a peu ou pas d'informations fournies aux personnes concernées sur le dispositif, qui est très complexe à comprendre, que le suivi après la fin de droit par l'office cantonal de l'emploi est lacunaire, voire inexistant - des mesures étaient pourtant prévues, mais elles ne sont pas utilisées - que le stage d'évaluation à l'emploi, à savoir ces fameuses tâches visant à évaluer la distance à l'emploi, soulève des questions, ne fonctionne pas très bien et ne répond pas aux objectifs poursuivis par la loi, et enfin que le pilotage du dispositif est lacunaire. Mesdames et Messieurs les députés, pas moins de trente et une mesures ont été formulées à l'intention de l'office cantonal de l'emploi, de l'Hospice et du département en général. Voilà l'une des composantes de cette politique B.

L'autre partie a trait à tout ce qui concerne les contrôles du marché du travail. Un objet vient d'être déposé, accompagné d'une demande d'ajout et d'urgence, à propos du chantier du CEVA, où l'on se rend compte que l'office cantonal de l'emploi, voire l'OCIRT font des choses et effectuent des contrôles, mais s'il n'y a pas de relais paritaires sur le terrain en termes de partenariat pour avoir un regard plus pratique sur ce qui se passe, on n'y arrivera pas. C'est donc un dispositif qu'il faut renforcer.

La lutte contre le travail au noir constitue un autre élément de cette politique publique. Au bas de la page 31 du rapport de gestion se trouve un tableau qui montre que cette lutte fonctionne dans les entités publiques, dans la mesure où on voit qu'il y a des gens à l'Hospice général qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois et qui essaient d'avoir des petits jobs de temps en temps, et cela aussi à l'office cantonal de l'emploi; en revanche, au niveau du marché de l'emploi, il y a certes des contrôles, mais trop peu en proportion, et donc si la lutte contre le travail au noir doit se résumer aux personnes qui touchent les prestations de l'Etat, elle n'est pas suffisante pour nous.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, mais je relèverai simplement que, pour nous, cette politique publique doit être prioritaire, parce que si ce n'est pas le cas, on ne doit plus se plaindre qu'un nombre massif d'individus se retrouvent au chômage. Tout le monde le sait, s'agissant de la politique de l'emploi et surtout du non-emploi pour ceux qui cherchent un travail, la Confédération nous a délégué la tâche. On dispose encore de l'assurance-chômage, mais c'est en quelque sorte une peau de chagrin par rapport au marché tel qu'on le connaît à Genève, et c'est vrai que, très vite, toutes les charges des personnes sans emploi ou en demande d'emploi se retrouvent au niveau des prestations cantonales. A nos yeux, il est donc nécessaire de renforcer encore cette politique publique qui n'est pas adéquate. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Bernhard Riedweg (UDC). En 2014, les charges se sont élevées à 129 millions, ce qui représente une augmentation de 71 millions par rapport à 2010, soit de 122%.

Les permis de frontaliers étaient au nombre de 60 000 en 2007, tandis qu'en 2014 il y en avait 89 458, dont 71 695 actifs, à savoir une augmentation de 49%.

Bâle-Ville et Genève enregistrent la plus forte densité de fonctionnaires, avec 63 000 à Bâle-Ville et 58 000 à Genève - y compris les communes et la Ville de Genève - suivis par le canton de Vaud en troisième position. La moyenne suisse, quant à elle, est de 36 800 fonctionnaires. Ces chiffres cumulent les effectifs des administrations communales et cantonales ainsi que des corporations de droit public, mais pas de l'administration fédérale.

Avec la levée du taux plancher de 1,20 franc pour 1 euro par la BNS, le franc suisse s'est renforcé. Cela a pu avoir des effets négatifs sur l'industrie helvétique, qui travaille davantage, soit entre 43 et 45 heures par semaine dans certaines entreprises, contre 40 heures précédemment. On a évité de baisser les salaires, et les familles conservent donc le même pouvoir d'achat. Ainsi, la compétitivité de la Suisse devrait rester telle qu'elle était auparavant. Les soubresauts de l'économie affectent davantage les salariés les moins bien payés. En effet, dans les activités à bas salaire, les emplois sont plus dépendants de la conjoncture que dans d'autres branches, et la nécessité d'être performant et compétitif sur le marché du travail entraîne une hausse de la vulnérabilité chez certaines catégories de personnes. Leur situation est d'autant plus difficile que les emplois que celles-ci pourraient occuper ont tendance à disparaître. On peut effectivement s'attendre à ce que des emplois peu qualifiés disparaissent, ce qui aurait pour conséquence une hausse du chômage structurel.

On demande de plus en plus aux entreprises privées de mieux intégrer les femmes, les seniors, les migrants et les jeunes, mais nous ne pouvons pas être trop exigeants envers ces sociétés car, à force d'être sollicitées, elles ne pourront plus assurer un chiffre d'affaires et des bénéfices.

Du point de vue structurel, l'effritement de la place bancaire est à prévoir en raison de la perte de la clientèle due à la levée du secret bancaire, à l'échange automatique d'informations, aux mesures contre le blanchiment d'argent et au franc fort, or ce secteur représente 20% du PIB genevois.

Pour toutes ces raisons, l'UDC s'abstiendra sur cette politique publique.

Mme Magali Orsini (EAG). Il s'agit à nouveau d'une politique publique qu'Ensemble à Gauche ne pourra pas cautionner. En effet, le taux de chômage reste trop important à Genève et, comme on l'a dit, la lutte contre le travail au noir ne concerne pas assez... (Commentaires. L'oratrice marque une pause.) ...les entreprises. En matière de sous-enchère salariale, on sait qu'il n'y a pas de salaire minimum - vous n'en avez pas voulu - et les conventions collectives ne concernent que 50% des employés. Nous nous sommes préoccupés de savoir ce qu'il en était des 50% qui n'étaient pas protégés par des conventions collectives, et on nous a expliqué que dans les autres secteurs il n'y avait qu'un référentiel permettant de mesurer si le salaire est «usuel», entre guillemets, ou pas, et seule la commission tripartite cantonale peut agir dans ce domaine. Pour ces raisons, nous ne sommes pas du tout satisfaits des mesures prises en matière d'emploi et du marché du travail et nous refuserons donc cette politique publique.

M. François Lefort (Ve). Ce rapport sur la politique publique B - à commencer par la B01 - fait écho à la réalité. Il y a davantage de besoins en matière de mesures de réinsertion et le nombre de bénéficiaires a augmenté, bien sûr, mais il y a moins de places disponibles en EdS, il y a moins de contrôles des procédures de licenciements collectifs et moins d'indemnisation des entreprises en situation de chômage partiel. Alors on peut se demander s'il y en avait réellement moins - jusqu'à 50% en moins - ou s'il y a eu moins de dossiers traités. On peut se poser la question, au vu des 10% de postes économisés dans ce domaine prioritaire par rapport à ce qui était prévu dans le budget 2014. Il n'y a pas de secret, on l'a déjà dit de nombreuses fois: à la fin, on fait moins avec moins.

Quant à la politique B02, à savoir la surveillance du marché du travail, les contrôles des entreprises suisses et étrangères sont stables par rapport à 2013, certainement, mais le nombre d'entreprises contrôlées est encore très très faible. Vous savez que ce chiffre est faible et qu'il ne satisfait pas les partis de gauche ni les syndicats, et il est d'ailleurs à l'origine de l'initiative syndicale sur le contrôle du marché du travail. Je le répète, ces chiffres sont donc encore très faibles au regard du nombre d'entreprises suisses, genevoises ou étrangères qui oeuvrent sur le territoire du canton. Et dans ce domaine de la surveillance du marché du travail, avec cinq équivalents plein temps - alors que, je vous le rappelle, nous avions cru avoir augmenté, par voie de motion, de neuf à onze le nombre d'inspecteurs du travail occupés à la surveillance de ce marché du travail - eh bien, il faut l'avouer, c'est la misère ! Cinq équivalents plein temps pour ce secteur prioritaire ! Où sont les vraies mesures d'accompagnement des accords bilatéraux ? Dans cette politique aussi, on a fait des économies ou bien on n'a pas réalisé les investissements nécessaires, puisque les charges de personnel également se montent à moins 4% par rapport au budget prévu. Alors les comptes sont certainement très justes, on a même moins dépensé que prévu dans le personnel, mais on a beaucoup plus dépensé dans les biens et marchandises que ce que l'on avait prévu ! Or faire des économies en matière de personnel dans cette politique est soit une manifestation d'impuissance, soit un déni de réalité, dans un contexte économique qui va s'aggraver en 2015, comme nous le savons, avec un budget 2015, d'ailleurs, qui n'a de toute façon prévu aucune augmentation de moyens en personnel dans cette politique prioritaire.

Donner les moyens à la réinsertion professionnelle, c'est d'abord une nécessité pour accompagner la mutation économique, bien sûr, mais donner les moyens à la surveillance du marché du travail, c'est surtout une obligation pour donner de la crédibilité aux mesures d'accompagnement. Quand on voit dans le rapport de gestion que, dans ce domaine, seulement 20% des entreprises étrangères qui délèguent des ouvriers dans le cadre des accords bilatéraux respectent la loi, on constate qu'il y a de très très gros progrès à faire. Pour toutes ces raisons, les Verts refuseront le rapport de gestion sur la politique publique B.

Mme Frédérique Perler (Ve). Afin de compléter ce qui a été étayé par M. Lefort, j'aimerais insister sur le fait que la lecture de ce rapport de gestion donne le sentiment qu'au fond beaucoup de choses sont accomplies et que tout va très bien, or le rapport 87 de la Cour des comptes démontre bien que c'est tout le contraire et que la situation est fort différente, au regard des quelque trente et une recommandations qui ont été formulées par cet organe. Ce rapport est une critique sévère mais, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues et cher Conseil d'Etat, est-ce que nous ignorions vraiment cette situation ? Nous le savions, nous n'ignorions pas que le chômage endémique à Genève et son traitement constituent une problématique qui doit rester prioritaire, et à cet égard je vous citerai seulement un chiffre, parmi d'autres, qui montre qu'il y a encore bien du travail à effectuer en matière de réinsertion, c'est le nombre de personnes qui arrivent en fin de droit de chômage. En 2008, elles étaient environ 2600, c'est-à-dire 220 par mois, tandis qu'en 2014 on en comptait près de 4000, soit 330 par mois - et parmi ces personnes, les jeunes représentent une source de préoccupation majeure. Si on prend en compte les jours ouvrables, ce sont donc pas moins de quinze personnes qui perdent leurs droits à des prestations de chômage et qui sont précipitées dans des situations d'assistance, contraintes à demander l'aide sociale. C'est politiquement inacceptable et économiquement absurde si l'on considère les compétences et les capacités, ainsi que les montants qui sont alloués en matière de réinsertion des chômeurs à Genève. Il convient donc véritablement de mutualiser toutes les différentes actions qui existent, car c'est désespérant tant pour ceux qui s'occupent de réinsertion que pour ceux qui subissent un processus de réinsertion déficient.

A la lecture de la page 60 du rapport sur les comptes, je me suis quand même posé une question concernant un passage que je vais vous citer, si vous le permettez. Il est écrit ceci: «La collaboration avec le DIP pour le guichet CAP Formations a déployé ses effets sur une année complète. 650 jeunes entre 15 et 25 ans en rupture de formation ont ainsi pu être formés et 88 ont trouvé un premier emploi.» Ma question est la suivante: qu'est-il advenu des 570 autres personnes ? Je vais répéter, Monsieur Poggia, parce que j'observe que vous écoutez avec attention... A la page 60, où il est question notamment de la réinsertion des jeunes entre 15 et 25 ans, il est dit que 650 jeunes ont pu bénéficier d'une formation et donc être formés, mais que 88 seulement ont trouvé un emploi. Que s'est-il passé pour les 570 autres ? Je vous remercie de votre réponse à ce sujet.

J'ajouterai encore qu'effectivement, ainsi que le relevaient Mme Schneider Hausser et mon collègue François Lefort, des efforts ont été entrepris, mais ils restent néanmoins totalement insuffisants eu égard aux moyens que nous accordons à cette politique publique B.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Monsieur le président, un député UDC parlait tout à l'heure du bal des pleureuses, et j'aimerais donc que vous lui transmettiez ceci: oui, nous voudrions bien ranger les mouchoirs, mais pour cela il faudrait au moins qu'on change de disque, or c'est toujours la même partition qui se joue ici, et beaucoup d'entre nous sont un peu las de dire ou d'entendre les mêmes choses, parce que finalement ce sont toujours les mêmes concepts et les mêmes divergences politiques qui nous opposent. Cela étant posé, tant qu'on ne travaillera pas à véritablement répondre aux besoins de la population et qu'on ne sortira pas d'un certain nombre d'aprioris dogmatiques et idéologiques, on ne parviendra pas à définir quels sont les dispositifs de nature à répondre à ces besoins.

Pour revenir plus précisément à cette politique publique, on apprend - et cela a été salué par les partenaires sociaux - qu'il y a une amélioration du dialogue social. C'est une bonne chose, mais on ne peut pas simplement se taper sur le ventre en se disant que les choses vont mieux, alors qu'on sait qu'aujourd'hui le contrôle des entreprises et du marché de l'emploi reste déficitaire. A titre d'exemple, 57 entreprises ont dû être exclues de chantiers en une année parce qu'elles avaient violé la réglementation en vigueur, ce qui représente plus d'une entreprise par semaine - et encore, on ne compte que les entreprises qui ont été contrôlées... Par conséquent, si l'on peut observer une amélioration du dialogue social, on constate quand même que le contrôle des entreprises et du marché de l'emploi n'est toujours pas suffisant aujourd'hui et qu'on est encore très durement confronté à un risque de détérioration et de dérégulation du marché de l'emploi.

D'autre part, le rapport qui nous est soumis fait état d'une amélioration, ou plutôt d'une diminution de 0,2% du taux de chômage. On pourrait s'en réjouir si, à la faveur de la révision de la loi sur les mesures cantonales, de la loi sur l'aide sociale et de celle qui devait devenir la loi sur l'insertion et l'aide sociale, on n'avait pas simplement fait en sorte que soit totalement occultée la réalité des chômeurs en fin de droit en les précipitant dans les limbes, hors des statistiques de l'aide sociale et du chômage. Dès lors, quand on vient nous dire que le chômage a légèrement diminué, eh bien ce n'est de loin pas encore assez, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'il y a une réalité du chômage qui est aujourd'hui occultée, et ce n'est pas acceptable. C'est d'autant moins acceptable que, si l'on prend quelques exemples de ce qu'il faudrait éviter de faire, on peut citer précisément ces espèces de montages légistiques que vous avez crédités dans ce même parlement, notamment la révision de la LIASI ou de la LMC, qui ont effectivement permis de prétendre favoriser l'insertion et assurer des mesures d'insertion à l'ensemble des personnes à l'aide sociale, alors qu'en réalité, comme cela a été indiqué tout à l'heure, la Cour des comptes nous livre qu'il y a une diminution des fonds alloués à l'insertion, que toute une série des fonds alloués à l'insertion pour l'Hospice général n'a pas été utilisée et que finalement tous les bénéficiaires de l'aide sociale n'ont pas accès à l'insertion, simplement parce que le dispositif n'est pas conçu pour. Alors comment pourrions-nous ce soir accepter une politique publique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui fait état d'un bilan relativement satisfaisant, alors que nous savons que ce bilan occulte notamment une partie de la réalité des personnes au chômage aujourd'hui - et je vous encourage à aller vérifier: vous verrez qu'il ne s'agit pas simplement de discours.

Par ailleurs, j'aimerais bien qu'on chiffre un jour les effets de ces usines à gaz qu'on a construites, qui sont allées à l'encontre des intérêts de la population de ce canton et qui devront finalement nécessiter des mesures de correction et de remédiation qui coûteront, une fois encore, très cher à cette république. Vous parlez d'économies, mais il faut prévenir et éviter de mettre en place des dispositifs qui produisent plus d'effets négatifs que d'avantages pour ceux dont ils devraient servir la cause. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, le discours qu'on va tenir maintenant n'est pas forcément un dialogue gauche-droite, mais un dialogue de constat. Le premier élément que je relèverai, puisque j'ai eu le privilège de siéger dans la sous-commission qui a entendu le département et le conseiller d'Etat Poggia, c'est qu'il faut le remercier pour le travail qu'il a accompli - et cela même si l'UDC va s'abstenir lors de ce vote - notamment en matière d'EdS, car c'est nécessaire, on s'en est rendu compte. On peut donc le remercier, parce qu'on vit une période où une certaine droite libérale mondialiste envoie les entreprises ailleurs - avec comme conséquence que des gens de 50 ans se retrouvent au chômage - et que le travail entrepris a permis d'améliorer un tant soit peu la situation de ceux qui sont un peu âgés.

Mesdames et Messieurs, je le disais, on n'est plus dans un dialogue gauche-droite, mais dans une discussion qui vise à savoir ce qu'on offre comme possibilités de travail à notre population. Actuellement, on est obligé de voir que l'efficience, comme on l'appelle, du capital et des dividendes prime sur le simple bonheur, sur le confort de l'homme de pouvoir vivre dans son pays, d'y élever ses enfants et d'avoir au moins les moyens de donner à chacun un repas par jour. Et je n'exagère pas en disant cela, parce que j'ai de nombreux retours de gens de mon âge autour de moi qui sont dans la charrette de ceux qui vont non pas à la guillotine, mais au chômage. Et le drame dont on doit discuter ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, au-delà des invectives qu'on peut se lancer à gauche et à droite, c'est qu'on voit gentiment mais sûrement un transvasement de ces gens vers l'Hospice général, et le budget de l'Hospice général augmente. Alors, Mesdames et Messieurs les députés - et je vais en faire hurler certains - oui, ce soir je suis fier d'être d'un parti, l'Union démocratique du centre, qui a initié la votation du 9 février. Oui, il est nécessaire qu'on commence à contingenter, oui, il est nécessaire qu'on commence à supprimer ces délocalisations d'entreprises, qui se font uniquement - uniquement ! - pour des raisons de rationalisation des coûts.

L'autre jour, quelqu'un nous disait: «Le secteur secondaire n'existe plus; pourquoi l'avons-nous laissé partir ? Pourquoi avons-nous laissé faire la production ?» Peut-être parce que ça polluait. Nous avons commis des erreurs; le retour en arrière sera-t-il possible ? Je ne sais pas, mais ayons au moins le courage de désigner les vrais coupables et de dire ce qui se passe. Ayons le courage d'assumer ! L'Union démocratique du centre assume son initiative, assume le 9 février, bien que, à longueur de journée, on ne cesse de nous dire qu'on court à la catastrophe. Non, ce n'est pas vrai, ce sont les autres qui permettent que des entreprises soient déplacées et que des gens ailleurs - qui peut-être ont aussi des problèmes - gagnent de l'argent à la place des nôtres.

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons fait le pari, ou plutôt certains ont fait le pari que notre société ne marcherait qu'avec des docteurs, mais la pyramide inversée n'existe pas. On a besoin de gens simples ! A mon époque, les gens simples pouvaient trouver un travail et avoir de quoi entretenir décemment une famille, alors que maintenant ce n'est plus le cas. Et si l'UDC va s'abstenir, ce n'est pas par défiance vis-à-vis du conseiller d'Etat mais bien du Conseil d'Etat, qui ne va pas dans ce sens et qui ne cesse de nous rabâcher que le 9 février est une erreur.

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer (MCG). En préambule, force est de constater que le discours de mon préopinant fait sens. Eh oui, comme il l'a dit, ce n'est pas une politique gauche-droite, mais bien un constat. Evidemment, au MCG, on ne peut que saluer le volume considérable de travail accompli par le conseiller d'Etat Mauro Poggia afin de remettre de l'ordre - et ce n'est de loin pas fini - dans le département de l'emploi et à l'office cantonal de l'emploi, tant les dégâts étaient conséquents lors de sa prise de fonction en qualité de conseiller d'Etat. Soyons clairs: je ne vais pas perdre dix secondes à critiquer les précédents locataires - soit les conseillers d'Etat - chargés de l'office cantonal de l'emploi, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un enjeu de société qui doit être au-dessus des clivages politiques.

Mesdames et Messieurs, notamment de la gauche, vous dites que la réinsertion des jeunes est déficiente, et le MCG vous répond ceci - vous transmettrez, Monsieur le président: la première des qualités d'un Etat de droit est de pouvoir garantir par les paramètres du pouvoir législatif que les jeunes trouvent une formation adéquate, un premier emploi, une place d'apprentissage. Or le résultat de cette gauche qui nous bassine avec l'Union européenne 365 jours par année... (Brouhaha.) ...c'est qu'avec les 3 200 000 chômeurs que compte la France, l'eldorado suisse et genevois est évidemment très attrayant pour nos amis voisins - parce que ce ne sont pas des ennemis - et on ne peut pas leur jeter la pierre, car dans le cas inverse on ferait exactement la même chose ! Mais de grâce, Mesdames et Messieurs, rendez-vous compte du problème qui est en train de se créer à Genève: nos jeunes ne trouvent plus de place d'apprentissage ni d'emploi, parce qu'on leur dit qu'ils n'ont pas assez d'expérience. Mais si personne ne leur offre un emploi, comment vont-ils pouvoir justifier de cette expérience tant nécessaire pour démarrer une carrière ? Et cela, c'est dû au fait que les employeurs vont choisir la solution de facilité: en lieu et place de former un jeune qui ne sera pas optimal dans sa production, ce qui leur ferait perdre du temps et éventuellement de l'argent, eh bien ils vont aller chercher chez nos voisins - parmi les 3 500 000 chômeurs, me dit-on - celui qui a la formation et l'expérience, mais qui touchait le SMIC en France, soit 1200 euros. Voilà la réalité ! Mesdames et Messieurs, sortez de votre léthargie et comprenez ce qui est en train de se passer aujourd'hui ici !

Notre conseiller d'Etat Mauro Poggia a eu le courage de mettre en application la préférence cantonale de manière concrète, et non pas par de simples déclarations d'intentions - de bonnes intentions, certes - comme le gouvernement précédent. Cette préférence cantonale en fait hurler certains, qui disent que nous sommes un parti d'extrême droite et qui nous traitent de racistes mais, excusez-nous, quand on parle de préférence cantonale, cela n'a pas d'importance que les gens soient portugais, espagnols, italiens, yougoslaves ou suisses, puisqu'il est question de la résidence ! Alors ne venez pas nous bassiner avec des arguments qui ne valent même pas la peine d'être écoutés. Nous, nous voulons privilégier l'emploi pour les résidents genevois. Lorsque le MCG s'apprêtait à déposer un projet de loi pour rendre obligatoire l'annonce auprès de l'office cantonal de l'emploi de tout poste vacant, que ce soit dans le secteur privé ou public - sans obligation d'engagement, évidemment, il s'agit d'une simple annonce - notre conseiller d'Etat nous a demandé d'attendre car il voulait convaincre non pas au moyen d'un cadre légal, mais grâce à ses arguments. Notre groupe MCG a accepté, il a entamé cette mise en oeuvre et ça commence à fonctionner: les entreprises commencent à avoir le réflexe, lorsqu'elles ont un poste de secrétaire, de technicien ou autre à pourvoir, de l'annoncer spontanément à l'office cantonal de l'emploi, charge ensuite à l'office d'envoyer les dossiers correspondants.

Mais lorsque Mauro Poggia est arrivé à l'office cantonal de l'emploi, c'était une zone sinistrée... (Commentaires.) C'était une zone sinistrée, croyez-moi sur parole ! (Brouhaha.) Peut-être vous l'expliquera-t-il lors de sa prise de parole mais, moi je vous le dis, c'était une zone sinistrée: les chômeurs étaient reçus une fois tous les deux mois, les gens étaient submergés, noyés, et comme à la tête de tout ça il y avait quelqu'un qui ne comprenait rien aux dossiers qui lui étaient soumis, on avait évidemment un problème à Genève. Seulement, ce qui est extrêmement vicieux, dans ce processus, c'est que lorsqu'une personne perd son emploi, c'est une assurance fédérale qui lui verse les indemnités: ça ne coûte rien ou quasiment rien au canton, car c'est payé par Berne. C'est donc un oreiller de paresse ! Sauf que le couperet tombe dix-huit mois plus tard, et là c'est à la charge exclusive du canton, avec l'Hospice général. Alors c'est à ce niveau-là qu'il règne dans ce parlement un taux d'hypocrisie absolument inacceptable, Mesdames et Messieurs ! Vous devez tout faire pour privilégier la priorité, la préférence cantonale. Et c'est normal ! Allez voir ce qui se passe chez nos voisins, qui, encore une fois, sont nos amis et non pas des ennemis: vous ne pouvez pas postuler à l'Etat français ni entrer dans la police municipale si vous n'avez pas la citoyenneté française. C'est une réalité ! Alors pourquoi diable dans ce parlement, chaque fois qu'on aborde ce problème, c'est un tabou ? Avec tous les quolibets qu'on connaît: «Vous êtes un parti d'extrême droite, ça nous rappelle les années sombres», etc. Mais franchement, Mesdames et Messieurs, ne voyez-vous pas ce qui est en train de se produire à Genève ? Notre canton crée en moyenne entre 8000 et 10 000 nouveaux emplois par année, mais le chômage ne baisse pas ! (Commentaires.) A un moment donné, il faudra bien que dans les esprits les plus sombres la lumière s'allume au dernier étage ! On parle d'une évidence, c'est une question de bon sens ! On ne parle pas d'ériger des murs autour de Genève, on dit simplement que l'emploi doit profiter prioritairement aux résidents.

Alors oui, Monsieur le conseiller d'Etat, nous sommes fiers que vous soyez membre du MCG, parce que vous avez accompli un excellent travail. Il reste encore beaucoup à faire mais, pour cela, vous avez besoin de l'entier de ce parlement... (Commentaires.) ...pour mener des actions qui découlent du bon sens et qui sont respectueuses, tout en expliquant cette politique à nos voisins qui, sauf les plus abrutis d'entre eux, comprendront aisément que nous avons besoin de garder cette manne de l'emploi prioritairement pour les résidents. En conséquence, oui, nous accepterons cette politique publique. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, rendons à César ce qui lui appartient, parce que je n'ai pas le souvenir que ce soit Poggia qui ait introduit la préférence cantonale: c'est clairement M. François Longchamp qui en a instauré le principe... (Exclamations.) ...il ne faudrait donc quand même pas raconter n'importe quoi. (Brouhaha.) Or justement, il y a un peu de n'importe quoi dans ce département, et moi je vais répondre à votre question, Madame Perler - vous transmettrez, Monsieur le président. Vous savez ce qu'on dit, à l'OFPC - ou à CAP Formations, parce que c'est la même chose - aux 576 jeunes qui ne trouvent pas de solution ? «Je suis désolé, je ne peux rien pour toi. Tu ne peux pas aller à cet endroit pour telle ou telle raison.» Bref, on leur donne mille prétextes et ces 576 jeunes repartent complètement dépités, alors que la plupart venait juste demander un renseignement. Mais on est purement et simplement incapable ne serait-ce que de les orienter convenablement dans les services de l'Etat ! A l'heure actuelle, il ne sert donc à rien de demander constamment des moyens supplémentaires: c'est simplement de l'argent foutu à la poubelle, je suis désolé de le dire, parce que tant que ces services ne seront pas correctement réorganisés, avec des personnes capables d'orienter comme il faut les enfants et de leur dire que, oui, on a une solution, eh bien ça ne marchera pas. En effet, le système est complètement sclérosé, et aussi longtemps qu'il ne sera pas réformé, ça ne servira absolument à rien de mettre un franc de plus.

J'aimerais encore ajouter un élément concernant la formation, qui rejoint un peu le domaine de l'emploi, et j'en avais parlé à Gabriel Barrillier, ancien président de la FMB... (Commentaires.) Tant que le patronat dans le bâtiment s'acharnera... (Brouhaha.) ...à vouloir absolument faire passer des tests d'évaluation avant l'apprentissage, ça ne fonctionnera pas, notamment parce que la plupart des jeunes n'ont pas vraiment confiance en eux lorsqu'ils essaient de se lancer dans une voie professionnelle. Or le problème, c'est qu'à l'heure actuelle la première question qu'un patron pose à un jeune qui vient se présenter est la suivante: «As-tu fait les tests d'aptitude ? Alors tu reviendras quand tu auras passé ces tests !» Et bien sûr, suivant le niveau de l'enfant, qui n'était peut-être pas à 100% en sortant du cycle, eh bien il se retrouve complètement largué à cause de ça. Parce que ce que le patronat a perdu, et c'est malheureux, c'est le feeling ! Avant, quand vous vous présentiez chez un patron, il vous proposait de faire un stage dans son entreprise pendant trois jours ou une semaine... (Commentaires.) ...et ça marchait au feeling. Tandis que depuis qu'il y a ces examens d'aptitude, ça a complètement cassé le système, et en plus de cela certains patrons se plaignent constamment de ne pas trouver d'apprentis... Donc là aussi il y aurait quelque chose à faire ! Peut-être que l'Etat devrait un peu plus négocier avec certaines branches du bâtiment pour que les patrons cessent de demander ces tests d'aptitude et fassent un peu plus confiance aux jeunes qui se présentent.

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Je tiens à amener une nuance... (Rires. Commentaires.) ...suite aux propos du député Eric Stauffer. (Exclamations.) Certains me diront que ce n'est pas très difficile, étant donné la fougue qui est la sienne, mais c'est vrai qu'il existe deux lignes politiques. Il y a la ligne politique de ceux qui veulent plus de frontaliers, plus de chômeurs, plus d'assistés, et qui souhaitent créer une sorte d'Etat foutraque, une espèce d'économie foireuse, qui est un peu une chienlit. C'est en quelque sorte ce qu'on a connu ces dernières années, ce qui s'est passé depuis l'entrée en vigueur des bilatérales, ce à quoi nous avons assisté.

Et il y a une autre politique, difficile, précise, minutieuse, celle du département de Mauro Poggia, qui consiste à aller dans le sens d'une préférence cantonale et d'une réduction du chômage, avec des résultats; c'est objectif, des éléments statistiques le montrent et seules les personnes de mauvaise foi ne le reconnaissent pas.

Alors il est bien évident que rien n'est parfait dans ce monde, mais le choix que chacun fera sera un choix soit pour l'assistanat et la chienlit, soit pour un Etat qui sait se gérer et qui est capable d'offrir du travail aux habitants de ce canton. C'est pour cela qu'il faut soutenir la politique qui est menée. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Très brièvement, concernant cette politique, c'est vrai qu'il est important de rendre à César ce qui est à César. Mais indépendamment de M. Longchamp, qui l'avait déjà initiée, si nous félicitons aujourd'hui M. Poggia de poursuivre cette politique, c'est qu'elle correspond tout à fait aux valeurs du parti démocrate-chrétien, et c'est pour cela que nous ne pouvons que l'apprécier. (Exclamations.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Chers collègues députés, je crois que certains ici ne sont pas dans le monde réel. Je crois en effet que lorsqu'on est dans le monde réel, on se rend compte que de plus en plus, si nous ne faisons rien et que nous continuons à accepter cette immigration débridée, eh bien tous nos résidents, tous nos Suisses et tous ceux qui sont ici depuis longtemps seront à l'Hospice général et iront frapper à la porte de M. Poggia. Il doit y avoir un certain contrôle, parce que sinon les employeurs choisissent la solution de facilité: plutôt que de chercher à engager des gens qui sont sur le terrain, ici à Genève, et qu'ils doivent payer un certain prix, il est tellement facile d'aller de l'autre côté de la frontière ou ailleurs et d'embaucher des personnes qui vont être sous-payées. Or tout cela contribue au dumping salarial et à faire baisser les salaires en Suisse - pas seulement à Genève, mais dans toute la Suisse ! Alors si nous ne faisons rien, d'ici une dizaine d'années on se retrouvera malheureusement dans une situation où les habitants de Genève - les habitants de la Suisse aussi, mais là on parle de Genève - seront pour l'essentiel soit au chômage, soit à l'Hospice général. C'est ça que vous voulez ? (Commentaires.) Je ne vous comprends pas, du côté de la gauche, vous qui êtes censés défendre les travailleurs de ce pays ! Mais ce n'est pas ce que vous faites ! Ce n'est pas ce que vous faites ! Vous avez été abusés au sujet des bilatérales, et vous ne réagissez toujours pas plus de dix ans après. C'est le moment ou jamais de réagir !

Aujourd'hui, nos jeunes, nos enfants ont de la peine à trouver un stage, un apprentissage ou un emploi, tout simplement parce qu'ils sont déjà pris par des personnes qui viennent de l'autre côté. C'est la facilité ! Et que dire de nos seniors, alors que d'aucuns préconisent d'augmenter l'âge de la retraite ? Mais balivernes ! Augmenter l'âge de la retraite, alors que dans certains secteurs économiques à 45 ou 50 ans on s'entend dire qu'on est trop vieux, et qu'on se retrouve donc au chômage ? Ça n'a pas de sens, ça n'a pas d'intérêt... Je crois qu'il faut continuer à travailler sur la préférence cantonale, et je remercie M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia de le faire, parce qu'il ne suffisait pas d'en avoir l'idée, il fallait aussi l'appliquer ! Ce n'était pas le cas, mais maintenant c'est chose faite, et je l'incite à être plus vigilant encore, parce qu'on entend beaucoup de rumeurs selon lesquelles cette préférence cantonale n'est pas vraiment appliquée tout le temps. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il ne suffit pas de faire venir des candidats pour les auditionner ! C'est un alibi, parce qu'ils ne sont jamais pris. Il faut donc aussi veiller à ce qu'ils soient engagés, car autrement c'est un peu trop facile: c'est un alibi, les employeurs se disent qu'ils ont fait leur job en appelant l'office cantonal de l'emploi et en auditionnant les chômeurs, mais que de toute façon ils vont choisir quelqu'un d'autre. Ça ne va pas ! Moi je vous invite justement à serrer les boulons et à renforcer cette politique, faute de quoi ce que j'ai décrit va nous arriver d'ici une dizaine d'années, et alors là on n'aura tous - la gauche, la droite, n'importe qui - plus que les yeux pour pleurer, et on aura bousillé notre Suisse que nous aimons tous.

J'aimerais encore dire deux mots - Monsieur le président, vous transmettrez à M. le député Florey - au sujet des examens d'aptitude des entreprises. Ces examens d'aptitude pour les apprentissages n'existent pas depuis hier ni depuis cinq ans, mais depuis vingt ou trente ans, si ce n'est pas plus ! Et cela tout simplement parce qu'on s'est aperçu à un moment donné, dans les années 70, que les personnes qui se présentaient pour un apprentissage - car la politique, à Genève, c'est de vouloir pousser les jeunes à aller à l'université, ce qui est bien comme principe, mais tout le monde ne peut pas faire des études universitaires ! - étaient celles qu'on n'avait pas poussées, puisque tous les autres jeunes soit étaient à l'uni ou dans une haute école, soit commençaient en tout cas le collège. Par conséquent, les personnes qui postulaient pour un apprentissage étaient en quelque sorte celles qui avaient échoué au cycle d'orientation ou au collège moderne d'alors. Je crois qu'il fallait donc quand même faire un tri, parce que les apprentissages, aujourd'hui, ce n'est plus seulement de la pratique, mais aussi beaucoup de théorie, et de plus en plus. Alors évidemment tout cela nécessite d'avoir au moins un certain nombre de connaissances de base, or on s'est aperçu qu'effectivement toute une série de jeunes ne possédait plus cette culture de base.

Aujourd'hui, il faut peut-être changer de politique, mais on doit maintenir ces examens d'aptitude, c'est nécessaire. Et ce qu'il faut faire aussi à l'école, au cycle d'orientation, c'est montrer aux jeunes ce qu'est le monde de l'entreprise, le monde de l'apprentissage, car tous ces jeunes ne peuvent pas aller à l'université ! Pourtant on ne le fait pas suffisamment et l'école ne joue pas assez son rôle dans ce domaine, on a eu l'occasion d'en parler à la commission de contrôle de gestion. Moi je vous invite donc à travailler davantage dans cette direction et, je le répète, la préférence cantonale est nécessaire: nous devons privilégier les familles qui habitent dans notre canton, c'est notre avenir qui est en jeu. Merci ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Serge Hiltpold (PLR). J'aimerais revenir un instant sur la problématique des tests d'aptitude ainsi que sur la nécessité de les maintenir et de les développer, pour plusieurs raisons. La première, c'est la politique d'orientation - on en a parlé précédemment - qui a tendance à pousser les jeunes à faire un apprentissage comme deuxième ou troisième choix, à défaut d'un premier choix académique. Cette problématique d'information professionnelle a été relevée par la Cour des comptes et elle est avérée: les élèves du cycle qui sont dans le regroupement 3, que ce soit en latine, en scientifique ou en langues vivantes, ne sont que peu encouragés à choisir la filière de l'apprentissage. C'est une réalité !

Deuxièmement, il faut bien mettre ce test d'aptitude dans une perspective d'orientation professionnelle. En effet, lorsque vous formez un apprenti, vous êtes donc formateur, ce qui implique des responsabilités, des exigences, et vous devez arriver à un papier qualitatif, qu'on appelait à l'époque un certificat fédéral de capacité. Et il porte bien son nom ! Pour valider la capacité, on peut avoir des exigences qui s'appliquent aux métiers de l'apprentissage, comme lors de l'entrée en filière académique. Ce n'est pas forcément discriminatoire, cela permet simplement d'avoir des exigences métier qui sont mises en avant par rapport à d'autres exigences, par exemple en matière de connaissances professionnelles ou linguistiques. Dans les métiers techniques ou de la construction, notamment, on peut repérer des facultés intéressantes dans la vision de l'espace, dans un raisonnement mécanique ou géométrique, de sorte que si un jeune a des difficultés en français, le patron peut dire qu'il a certes des problèmes dans les matières générales, mais que pour ce qui est des éléments techniques, c'est quelqu'un qui peut se profiler et qui a ses chances. De plus, il y a une valorisation ainsi qu'un appui en cas de difficultés: lorsque vous faites passer un test d'aptitude et que vous vous apercevez qu'un jeune rencontre des problèmes en mathématiques ou en français, vous avez la possibilité de lui fournir tout de suite, lors de l'entrée en formation, des cours d'appui. C'est une réalité ! On n'envoie pas des jeunes au casse-pipe avec, au bout de trois mois, la tenue d'un conseil de classe et une rupture de contrat, qui mène à neuf mois de glandouille et de stages pour retrouver une autre filière. Je le répète, c'est donc une réalité: le test d'aptitude est demandé par les patrons, soutenu par les syndicats, et il valorise la formation. Je crois que ce sont des éléments importants qu'il fallait préciser.

Enfin, relevons aussi que la Cité des métiers et les organisations professionnelles ont pris leurs responsabilités pour développer l'apprentissage, mais je crois que si l'on veut vraiment développer cette filière, il faut qu'il y ait des tests d'aptitude, des exigences, et surtout que l'éducation dispensée par les parents à leurs enfants ne leur donne pas à penser qu'ils ont raté leur vie s'ils entrent dans une filière professionnelle. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je souhaite intervenir brièvement pour préciser une ou deux choses. On parle de préférence cantonale, on dit qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César, alors je pense que ni M. Poggia ni M. Longchamp ne m'en voudront.

En 1979 - eh oui, j'ai déjà un certain nombre d'heures de vol à mon actif ! - j'ai eu l'occasion de travailler avec des chômeurs. A l'époque déjà, la loi voulait que les employeurs annoncent les places disponibles au service du chômage, et cette pratique a eu cours pendant pas mal de temps. Alors pour être clairs et ne pas se tromper de personnage, laissons la préférence cantonale aux discours idéologiques dont elle est issue, et parlons plutôt de dynamique de retour à l'emploi, de politique de gestion du chômage, et rappelons-nous aussi que Genève exporte une partie de son chômage en France voisine... (Commentaires.) ...et que ces travailleurs-là cotisent à Genève. Ne l'oubliez pas, Messieurs, car ils participent aussi à l'économie de ce canton. Je vous remercie de votre attention.

M. Marc Falquet (UDC). Messieurs les conseillers d'Etat, vous avez été élus pour défendre la population, pas la mondialisation ! La population a envie de travailler... Je vois qu'il y en a un qui sourit, mais c'est vrai ! (Exclamations.) Alors c'est quand même un problème ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je crois que vous êtes le seul gouvernement au monde qui ne défend pas sa propre population ! Vous faites des grosses théories sur le Grand Genève, mais il y a au moins 60 000 personnes à Genève qui ne travaillent pas. Oui, si on compte celles qui sont à l'Hospice général, celles qui sont au chômage et toutes celles qui n'entrent pas dans les statistiques parce qu'elles n'osent pas dire qu'elles ne trouvent pas d'emploi, il y a au moins 60 000 personnes qui ne travaillent pas à Genève ! Il y a trop d'immigration clandestine... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On ne fait rien, alors qu'il y a des dizaines de milliers de personnes qui sont ici en situation irrégulière et qui font aussi de la concurrence aux gens. Il y a une responsabilité énorme du gouvernement dans ce problème de non-emploi, mais également une responsabilité des employeurs ! En effet, pourquoi, au lieu de favoriser des structures d'intégration bidon - dont je ne citerai pas les noms - où les gens tournent en rond, ne soutient-on pas directement les entreprises... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...en les aidant à engager du monde ? Et dire que les gens ne sont pas formés n'est pas vrai. Il y a beaucoup... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le député, on va attendre que les personnes qui discutent se taisent, et on reprendra dans un moment ! (Un instant s'écoule.)

M. Marc Falquet. Le gouvernement doit être beaucoup plus strict au niveau de la délivrance des permis frontaliers. Il faut essayer de contraindre les entreprises à employer des gens d'ici, et arrêtez de dire que ce ne sont que des personnes qui ont trop de qualifications ou pas assez ! Dans la grande distribution et les services, la majorité des gens n'ont pas forcément de qualifications, alors favorisez l'emploi des résidents, s'il vous plaît.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité. Ce débat devrait nous préoccuper plus que ne le laisse penser le brouhaha que j'entends dans cette salle. En effet, un chômeur est un chômeur de trop, la situation est difficile et il est probable que l'on n'en fait jamais assez, mais je crois qu'il faut faire preuve d'un certain réalisme. J'aimerais du reste revenir sur les propos du député Stauffer - vous lui transmettrez, Monsieur le président - pour dire que je suis d'accord avec lui sur un point: quand son magistrat exécutif est entré en fonction le 10 décembre 2013, il a très vite pris la mesure de la situation et a entrepris un certain nombre d'actes politiques. Le premier acte politique, très sensible, a été de se battre contre l'initiative de l'UDC, parce qu'il a très rapidement compris qu'elle était particulièrement négative pour l'économie de son canton. (Quelques applaudissements.)

Deuxièmement - et vous lui transmettrez également, Monsieur le président - notre collègue Stauffer a donné en exemple la France pour montrer comment ça se passe. Or moi, vous le savez, j'aime bien aller voir comment les choses se passent quand on me dit de le faire ! J'ai donc vite été regarder la situation en France, puisque le débat s'éternisait, et il se trouve que le modèle de M. Stauffer est le suivant: il y a 10,5% de chômage, alors qu'à Genève c'est un petit peu moins, c'est-à-dire la moitié... Alors pour ce qui est de l'exemple de la France par rapport à Genève, je dirais que ce n'est pas Genève qui doit prendre exemple sur la France, mais probablement le contraire !

J'en viens maintenant au groupe Ensemble à Gauche, dont un membre a demandé quel avait été l'impact des mesures prises ces dix dernières années par les trois conseillers d'Etat qui se sont succédé au sein des différents départements. Eh bien je suis allé voir également et j'ai noté des chiffres, parce que j'aime bien me fonder sur des éléments raisonnables: à Genève, au 1er janvier 2006, il y avait 22 809 demandeurs d'emploi - ce sont les statistiques cantonales qui le disent, ce n'est pas moi - en 2008, on en comptait 18 852, et au 31 décembre 2014, 15 803. Je me suis alors dit que notre pays jouissait peut-être d'une situation favorable, et je suis allé voir ce qu'il en était dans le reste de la Suisse. Eh bien, dans le reste de la Suisse, il y avait 2,8% de chômage en 2008, contre 3% en 2014. Le taux de chômage en Suisse a donc augmenté en moyenne, alors qu'à Genève il a diminué ! Voilà, Madame la députée, l'effet des mesures qui ont été prises par les différents conseillers d'Etat à la tête des départements. (Commentaires.) Non, ce n'est pas n'importe quoi, ce sont des chiffres ! (Brouhaha.)

Combattre le chômage, c'est avant tout créer des emplois, il ne faut pas l'oublier, mais aussi fixer des conditions-cadres en matière de circulation et de formation. Mesdames et Messieurs, si vous connaissiez un petit peu mieux le monde des entreprises, vous sauriez que leur objectif n'est pas d'être aidées, mais bien d'être libérées des contraintes et de la bureaucratie afin de pouvoir créer du travail. Si vous les fréquentiez un peu plus souvent, vous sauriez que c'est ce qu'elles réclament ! (Exclamations. Quelques applaudissements.)

Pour finir, je constate qu'il n'y a pas qu'au MCG qu'on a l'habitude de changer d'avis en cours de débat: les Verts sont décidément en campagne, puisque après avoir approuvé cette politique publique en commission, les voilà qui retournent leur veste. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Moi je ne doute pas, chers collègues, que M. Poggia fait ce qu'il peut, parce que le problème du chômage n'est pas facile à régler. C'est une misère humaine pour ceux qui sont sans emploi, de même que pour leurs enfants, leur famille, etc. (Brouhaha.) Monsieur le président, je vous demande une chose, à savoir que les gens qui veulent parler sortent de la salle. Si le débat ne les intéresse pas, qu'ils sortent de la salle, parce que c'est vraiment pénible ! (Brouhaha.) Regardez, ils discutent !

Le président. Mesdames et Messieurs ! Monsieur Sormanni ! (Commentaires.)

M. Alberto Velasco. C'est donc une situation humainement très difficile pour quiconque se retrouve au chômage, ainsi que pour sa famille, ses enfants, etc. C'est extrêmement dur ! Mais le problème, Mesdames et Messieurs, c'est qu'avant, quand le PIB augmentait de 2%, on créait de l'emploi, alors que maintenant il faut presque 3 à 4%, dans certains pays. En effet, avec les capacités de production, la technologie, le monde a terriblement changé, et on peut donc faire beaucoup plus de choses avec beaucoup moins de personnes, et cela à tous les niveaux, au sein de l'administration comme partout. Et dans la mesure où les gens travaillent autant qu'avant - puisque le temps de travail n'a pas diminué - et que parallèlement les capacités productives ont énormément augmenté, il y a un problème, Mesdames et Messieurs. Mais, vous savez, j'ai vu que l'office cantonal de l'emploi avait placé environ 1000 personnes; eh bien ils ont fait ce qu'ils ont pu ! Oui, je suis certain qu'ils font ce qu'ils peuvent, parce que pour placer 14 000 personnes, d'abord il faut les former toutes, ce que nos lois ne permettent pas, puisque, comme vous le savez, une personne au chômage n'a pas droit à une formation à proprement parler. C'est dans la loi fédérale sur le chômage ! La personne doit être disponible pour accepter un emploi. Ça, c'est le premier élément. Il y a donc beaucoup de gens qui mériteraient une excellente formation mais qui ne peuvent pas en bénéficier. A l'Hospice général aussi on trouve de nombreuses personnes qui mériteraient une formation et qu'on ne peut pas former - ou qu'on n'a pas la volonté de former, je ne sais pas. Voilà l'un des problèmes ! Dès lors, il n'est pas évident de placer des demandeurs d'emploi. Je pense qu'il y a un engagement de la part de l'office cantonal de l'emploi quand il essaie de placer des gens, et j'ai entendu plusieurs personnes employant des chômeurs me dire qu'effectivement c'était le cas. Mais, comme je vous le dis, ce problème, je doute qu'on puisse le résoudre; ce n'est pas une question de frontaliers ou non, le problème n'est pas là et notre rapporteur de minorité a eu raison de rappeler qu'en France il y a 10% de chômage, tandis qu'ici ce taux est de 5%. De plus, les personnes qui viennent travailler ici sont pour la plupart bien formées, et on bénéficie aussi de leurs qualifications, c'est évident. Le problème, c'est que peut-être nous n'arrivons pas, nous, à donner ces qualifications à nos demandeurs d'emploi.

Ce que je veux dire, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est que certes vous investissez dans ce domaine, mais ce que j'aimerais surtout, c'est que l'ensemble des personnes qui viennent de quitter le chômage et qui intègrent l'Hospice général - des personnes qui reçoivent de toute façon une somme par année, qu'elles s'activent ou pas - soient vraiment incitées voire presque obligées de suivre une formation, qui corresponde à leur sensibilité, parce que toute personne qui est formée et qui retrouve un emploi est une personne qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, contribue fiscalement; elle devient un citoyen, elle retrouve sa dignité de citoyen et contribue en plus aux assurances et à tout le reste.

C'est dans ce sens-là que le chômage est une misère humaine, et c'est pour cette raison que nous devons faire le nécessaire non pas pour exploiter politiquement ce problème ici, mais pour essayer de trouver une solution. Monsieur Poggia, j'espère que vous investirez le maximum ! Je vous le dis, il faut vraiment voir avec Berne et modifier la loi sur le chômage ! En effet, à Genève on ne peut rien faire à ce niveau, il convient donc que cette loi soit modifiée au Conseil national, de sorte qu'on permette aux personnes qui sont au chômage de suivre une formation.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas de magicien, il n'y a pas non plus de miracle: le chômage est là et il y restera encore. Dès lors, je dirai au groupe politique qui a décidé de ne pas soutenir ni adopter cette politique publique au motif qu'il y a trop de chômeurs que si son but est de la voter lorsqu'il n'y en aura plus, eh bien je me résoudrai à accepter son abstention jusqu'à la fin de la législature. En effet, c'est une réalité qui ne dépend pas que de nous, vous le savez parfaitement, et ce que nous pouvons faire ici est le maximum avec les instruments que nous avons. J'ai entendu beaucoup d'arguments qui relèvent du droit international et fédéral, et bien sûr on peut imaginer changer le monde, mais essayons déjà de faire mieux avec ce que nous avons ici, c'est ma préoccupation depuis le début de la législature.

Je rappelle qu'en 2013 il y avait un non-dépensé de 10 millions dans les mesures cantonales pour l'emploi. Or j'ai estimé que ce n'est pas là qu'il faut faire des économies, parce que ces mesures sont au contraire un investissement afin que les personnes puissent regagner le marché du travail. Nous sommes en tout cas unanimes dans ce parlement à considérer que nous devons absolument tout mettre en oeuvre pour que les gens qui ont la malchance de se retrouver au chômage en sortent le plus rapidement possible et, surtout, n'arrivent pas à l'assistance sociale.

Nous sommes chargés de plusieurs politiques publiques, que nous allons examiner les unes après les autres; je dirais que celle-ci est l'acte I, le chômage, puis nous parlerons de l'aide sociale, car malheureusement beaucoup trop de chômeurs arrivent en fin de droit et finissent ensuite à l'Hospice général. Quand je dis «finissent», cela ne veut pas dire que c'est une fin, bien sûr, puisque nous faisons tout pour qu'il y ait un retour. D'ailleurs, les synergies entre l'office cantonal de l'emploi et l'Hospice général, avec son service de réinsertion professionnelle, s'améliorent. Certes, tout n'est pas parfait, nous le savons, la mise en oeuvre de la LIASI a connu des périodes difficiles, mais un rapport sera rendu au printemps de l'année prochaine, soit quatre ans après la mise en vigueur de la LIASI, et nous pourrons alors faire le point et examiner ensemble - puisque le rapport sera soumis à votre parlement - ce qui peut être encore amélioré pour rendre cette loi plus efficiente. Mais la philosophie de cette loi doit être approuvée ! Ce n'est pas parce qu'on arrive au chômage que l'on n'est plus employable. Il faut que les efforts continuent à tout moment.

Comme je l'ai dit, il n'y a pas de miracle, mais c'est vrai que depuis le début de la législature des constats ont d'abord été établis au niveau de l'organisation de l'office cantonal de l'emploi, puis il y a eu une nécessaire réorganisation, une recherche d'efficience et surtout une motivation. Et je dois dire que, pour avoir assisté à plusieurs séances avec l'ensemble des services des conseillers en personnel, la situation a évolué. Les mentalités évoluent, parce qu'on sent qu'à l'office cantonal de l'emploi, d'abord à la direction générale - à laquelle je rends ici hommage - mais aussi au niveau des cadres, il y a une nouvelle dynamique. On essaie de donner le plus possible aux conseillers en personnel les moyens pour motiver et armer ces demandeurs d'emploi, de manière qu'ils retournent dans le marché du travail. Et il existe diverses façons de les armer, bien sûr. Il faut qu'il y ait un véritable coaching, selon le terme usité, et pour cela les conseillers doivent pouvoir disposer du temps nécessaire pour ce coaching et donc ne pas être submergés. Il faut dès lors que le portefeuille de demandeurs d'emploi de chaque conseiller en personnel diminue. Les syndicats se sont plaints à juste titre d'une surcharge dans ce domaine, nous y avons travaillé, et nous arrivons maintenant près de cette limite de 120 dossiers par conseiller en personnel qui était demandée depuis des mois par les syndicats et les représentants du personnel.

Aujourd'hui, il y a véritablement des disponibilités en matière de temps pour faire du bon travail, mais il faut également que les mesures du marché du travail soient efficaces et, là aussi, une mise à plat de l'ensemble des mesures est en train d'être effectuée, car depuis des années on avait des partenaires qui, pour la plupart, étaient sans doute efficaces, mais dont on n'avait jamais vraiment mesuré l'efficience. Quelle est l'efficacité d'un cours de formation ou de mise à niveau que l'on dispense à un demandeur d'emploi ? Est-ce que réellement les personnes qui suivent ce cours ont une employabilité accrue à la fin de celui-ci ? C'est une question élémentaire que l'on ne s'est pas posée mais que l'on doit évidemment examiner, et ce travail est actuellement en cours.

Il serait trop long de vous dresser ici la liste de tout ce qui est en train d'être mis en place, mais aussi de tout ce qui a déjà été instauré au sein de l'office cantonal de l'emploi pour véritablement donner les moyens à nos demandeurs d'emploi de regagner le plus vite possible le marché du travail. Vous l'avez rappelé à juste titre, il y a un rapport de la Cour des comptes qui porte sur les chômeurs, et j'aimerais à ce propos préciser - non pas que je me désolidarise, au contraire, du travail qui a été effectué avant moi, mais nous sommes tous ici pour faire mieux que nos prédécesseurs, et du reste celui ou celle qui me succédera fera sans doute encore mieux que je ne l'aurai fait jusqu'ici - que ce rapport s'arrête à l'année 2012. Donc s'agissant du constat qui amène un groupe de ce parlement à dire qu'il ne soutiendra pas cette politique publique parce que la Cour des comptes considère qu'il y a du travail à faire, je rappelle que bon nombre des mesures préconisées par la Cour des comptes sur la base d'un constat photographique qui s'arrête en 2012 ont déjà été mises en oeuvre depuis le début de cette législature.

En ce qui concerne la préférence cantonale - c'est ainsi qu'on la nomme, mais c'est plus exactement une préférence pour nos demandeurs d'emploi - elle a été renforcée et fortifiée, vous le savez, en s'adressant non pas seulement au grand Etat, mais également à l'ensemble des entités subventionnées. Et, surtout, il y a désormais un contrôle strict. D'ailleurs je peux vous dire que les services qui s'en occupent à l'office cantonal de l'emploi ont pris ce travail parfaitement à coeur: lorsque des demandeurs d'emploi sont présentés pour un poste qui est annoncé avant d'être ouvert au public, ils exigent que ces personnes soient reçues et, si elles ne sont pas engagées, qu'il y ait un rapport expliquant les motifs pour lesquels elles n'ont pas été prises, parce qu'on trouvera toujours un moyen de dire que la personne que l'on avait déjà dans l'idée d'engager était meilleure que le demandeur d'emploi que l'on nous a présenté. Mais nous ne sommes pas nés hier, et nous avons donc maintenant les moyens de contrôler la sincérité de la démarche.

Et comme l'a dit M. Stauffer, pour l'étape suivante, qui est celle des entreprises privées, je suis partisan de convaincre plutôt que de contraindre, parce qu'il faudrait d'abord avoir les moyens de contraindre, ce que notre législation, à ce stade, ne nous permet pas. Et convaincre, c'est beaucoup plus facile ! Je dois dire que les contacts que j'ai eus avec les associations patronales m'ont conforté dans l'idée qu'il y a une véritable volonté de notre économie locale de donner leur chance à nos demandeurs d'emploi. Pourquoi ? Parce que tout simplement notre paix sociale, qui est le facteur déterminant de notre essor économique, doit reposer précisément sur la conviction, au sein de chacun de nous, que nous sommes respectés à notre juste valeur dans la société dans laquelle nous vivons. Et si nous laissons sur le bord du chemin nos jeunes, nos aînés, et que nous ne sommes pas capables de leur donner les moyens de retrouver un emploi, alors effectivement c'est notre paix sociale qui est en danger, de même que notre économie tout entière. Dès lors, ne serait-ce que par cette déduction-là, nos entreprises sont prêtes à jouer le jeu. Mais il faut encore renforcer l'office cantonal de l'emploi ! Il faut que cet office puisse répondre dans des délais extrêmement brefs, avec une sélection extrêmement pointue des candidats qui sont présentés, car - et je ne vous apprends rien - si un employeur reçoit un candidat qui n'a pas le profil du poste qu'il cherche à pourvoir, il fait l'expérience une fois, mais il ne la fera pas une seconde fois. Nous n'avons donc pas le droit à l'erreur, nous devons être efficaces.

En ce qui concerne les emplois de solidarité, j'ai entendu beaucoup de critiques à cet égard, mais je suis convaincu - nous aurons l'occasion d'y revenir - que ces emplois de solidarité sont un instrument efficace dont nous ne devons pas nous priver. En revanche, il y a bien mieux à faire encore, j'en suis persuadé, et je suis prêt à discuter avec ceux qui émettent des critiques pour faire mieux encore s'agissant de ces emplois de solidarité. Nous y avons travaillé, vous le savez, durant l'année 2014 - puisque c'est de cette année-là que nous parlons - dans la mesure où nous avons fait en sorte que le SECO reconnaisse désormais que les emplois de solidarité sont de vrais emplois, c'est-à-dire que, en cas de perte de ces emplois, des indemnités de chômage soient versées. Pour cela, un projet de loi - qui a été accepté en commission - sera soumis à votre parlement, et j'espère que vous lui réserverez un accueil favorable.

Une députée m'a demandé des explications concernant CAP Formations. Je vais vous répondre de mémoire, parce que c'est un projet qui me tient à coeur, comme c'est le cas pour ma collègue Anne Emery-Torracinta, puisque, vous le savez, c'est un projet commun à nos deux départements. D'ailleurs, vous avez entendu parler de formation juste avant cette politique publique. CAP Formations s'est adressé à environ 1500 jeunes: cela a commencé pour la première fois durant l'année 2013-2014, nous en sommes maintenant à la deuxième session qui finit ces jours - soit à fin juin - et en septembre débutera une troisième session, qui sera renforcée encore, le but étant précisément de permettre à ces jeunes qui sortent des écrans radars, parce qu'à un moment donné ils sont en rupture, de revenir. Et le fait qu'il y ait 1500 jeunes de 15 à 25 ans qui s'annoncent démontre le besoin ! Vous imaginez un jeune de 25 ans à l'aide sociale, indépendamment du gâchis humain terrible que cela représente ? Ce sont quarante ans d'aide sociale ! Nous avons donc tout intérêt à investir dans cette formation et dans le retour en emploi de ces personnes.

Les 650 jeunes dont on vous parle sont ceux qui sont retournés dans un cycle de formation ou d'emploi et, parmi ces 650 personnes, 88 - d'après ce que vous m'avez dit, sur la base de la page 60 - ont trouvé un travail, sachant que le stade ultime souhaitable est évidemment l'emploi. J'ai le souvenir d'un taux de réussite de 53% pour ce programme CAP Formations, ce qui nous a amenés à décider de le renforcer encore à partir du mois de septembre avec l'Hospice général, au moyen d'un guichet unique, de façon que ces jeunes n'aient même pas à aller s'adresser à l'office cantonal de l'emploi. Il y aura un guichet unique avec l'office de formation professionnelle du DIP, l'Hospice général, l'office cantonal de l'emploi ainsi que l'ensemble des mesures du marché du travail disponibles, afin de précisément remettre les personnes dans le circuit.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je pouvais dire. Je crois avoir abordé les différentes questions principales qui ont été soulevées, et je vous demande simplement de comprendre que la lutte contre le chômage n'est pas une affaire d'opérations coup de poing: c'est un travail de fourmi, et nous devons travailler dans le détail et sur le long terme. Aujourd'hui nous avons mis en place les moyens nécessaires pour maîtriser la problématique mais, encore une fois, bien malin celui d'entre nous qui pourrait dire ce que sera le chômage dans une année. Il dépendra de beaucoup de facteurs et ce que j'aimerais, c'est pouvoir venir ici devant vous chaque année vous dire que j'ai fait le maximum que je pouvais avec les moyens qui m'ont été alloués. (Applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons le plaisir et l'honneur, mon collègue Mauro Poggia et moi-même, de partager la responsabilité de cette politique publique B. En effet, s'agissant du chômage, comme il vient de le dire, l'office cantonal de l'emploi travaille assidûment sur cette problématique, et pour ce qui est du marché du travail - une dimension importante qui a été à mon sens trop brièvement évoquée tout à l'heure lors des interventions des uns et des autres - eh bien il m'incombe, avec l'OCIRT, de montrer également l'action de l'Etat, dans un registre qui est davantage celui de la contrainte que de la conviction, mais qui n'est pas moins important que celui que l'on vient d'évoquer.

Mon collègue Poggia disait il y a un instant qu'était bien malin celui qui pourrait annoncer le taux de chômage que le canton connaîtrait dans un an. C'est un élément véritablement important, et je défends également l'idée suivante: si l'on regarde le taux de chômage d'il y a dix ans - je viens de le consulter - on s'aperçoit qu'en juin 2005 il y avait 7,5% de chômeurs, alors qu'aujourd'hui, dix ans plus tard, ce chiffre est de 5,4 ou 5,5%, avec une population active qui a augmenté dans l'intervalle, et pourtant un nombre de chômeurs qui a diminué dans l'absolu, si bien qu'on peut constater que, derrière le discours anti-mondialisation, il y a peut-être quand même des effets bénéfiques d'une certaine ouverture du marché.

Mais cela doit s'accompagner, nous l'avons dit et démontré durant l'année 2014, de toute une série de cautèles, de contrôles et de capacités pour l'Etat à développer une certaine loyauté dans les affaires, et c'est ce que demandent du reste les employeurs. J'aimerais rappeler ici - parce que d'aucuns sont passés comme chat sur braise sur cet élément - que s'il est un aspect important dans le marché du travail, c'est bien celui, évoqué d'ailleurs par mon collègue, du partenariat social et de la capacité des syndicats et des patrons à se mettre d'accord sur une série de clauses qui rendent possible un marché de l'emploi sain et prospère, et Dieu sait s'il a été prospère ces dix dernières années. A Genève, c'est le conseil de surveillance du marché de l'emploi qui incarne cette vocation, et cette notion de confiance s'est matérialisée, pour la première fois depuis des années, il y a un mois lors d'une conférence de presse réunissant de façon tripartite l'Etat, les syndicats et les patrons, où il a été montré qu'à Genève, premier canton de Suisse à exercer ces contrôles - et largement au-delà de ce qui était initialement prévu, puisqu'il y a eu 1900 contrôles là où le SECO en demandait 1100 - eh bien nous arrivions, encore une fois loin devant les exigences posées, et seulement avec l'OCIRT - je ne parle même pas ici des contrôles des commissions paritaires - à mettre en place des conditions pour que véritablement ce marché du travail se déploie dans le cadre légal voulu. A Genève - et c'est un record - on compte 50% de salariés couverts par une convention collective de travail ou un contrat type de travail. C'est un record, et ce n'est pas un hasard si à Genève on vote en défaveur de l'initiative évoquée tout à l'heure, alors qu'au Tessin, où les contrats types de travail et surtout les contrôles pratiqués sont extrêmement limités, c'est précisément le résultat inverse qui s'inscrit.

Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'à travers cette politique publique B - qui est peut-être, avec la politique H sur laquelle on reviendra tout à l'heure, l'une de celles que l'on peut le plus facilement objectiver statistiquement quant aux résultats positifs aussi bien dans le domaine de la lutte contre le chômage que dans celui des contrôles du marché du travail - on peut véritablement mesurer l'implication de l'ensemble du gouvernement. La fiscalité est un élément important pour convaincre les entreprises de créer des emplois. Le contrôle du marché du travail est un élément pour contraindre, tandis que le développement de la formation en est également un pour convaincre. Je peux donc vous assurer, Mesdames et Messieurs, comme l'a dit tout à l'heure notre collègue, que nous nous y mettons tous pour faire en sorte que se généralise le bon sens qui voudrait - et que l'on essaie d'appliquer - que l'on privilégie les demandeurs d'emploi ici à Genève, mais on le fait sous l'angle de la conviction, de même que sous l'angle de la loyauté des affaires, il nous semble important de le souligner.

Un mot enfin pour vous dire que nous n'hésitons pas à user du bâton lorsque c'est nécessaire: l'année passée, seize entreprises ont été exclues des marchés publics et le taux de récidive des infractions a été divisé par deux, c'est important de le relever, alors même qu'on a augmenté significativement les contrôles. On peut donc dire que Genève, dans l'ensemble, ses patrons et ses syndicats peuvent être fiers des contrôles qui sont pratiqués, autant par leur volume que par leur qualité, et ça aussi c'est un résultat très concret et très direct, dans une perspective libérale, avec un Etat solide mais également une capacité à assurer des conditions de travail loyales. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur cette politique publique B.

Une voix. Vote nominal ! On veut savoir qui est contre l'emploi ! (Commentaires.)

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.

Mise aux voix, la politique publique B «Emploi, marché du travail» est adoptée par 54 oui contre 31 non et 8 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

C - ACTION SOCIALE

Le président. J'appelle la politique publique C et cède la parole à Mme Magali Orsini.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. Dans ce domaine de l'action sociale, politique publique que nous refuserons également... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...l'Hospice général fait ce qu'il peut, dans les limites du budget qui lui est octroyé. Le rapport de la Cour des comptes est loin d'être positif en ce qui concerne l'insertion professionnelle. Toutes les personnes qui étaient au RMCAS et qui ne retrouvent pas de travail vont devoir aller à l'aide sociale. La seule piste actuelle consiste en un renforcement des formations qualifiantes. On recense 515 dossiers de jeunes sans formation à fin mars, dont seulement 16% sont suivis par l'Hospice général. La LIASI donne à l'Hospice la charge des mesures d'insertion sociale et professionnelle... (Le président agite la cloche.) ...mais seules 1500 personnes ont pu en bénéficier. L'Hospice n'est pas la solution miracle pour sortir massivement les gens de l'aide sociale. Deux tiers des dossiers de l'aide sociale concernent des gens qui n'ont pas - ou peu - de formation, il est donc essentiel de repenser la formation des adultes.

On doit évidemment parler également de l'hébergement en matière d'asile, dès lors que la législation fédérale impose à Genève d'accueillir 5,6% des requérants. Depuis neuf ans, il y a une augmentation importante des personnes à l'aide sociale, alors que la subvention de fonctionnement... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...n'a pas augmenté. Pour tous ces motifs, nous refuserons cette politique publique.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est des décisions que l'on doit prendre non pas pour mettre à la cave ou au frigo toute une politique, en l'occurrence la politique publique C, mais parce que certains points méritent - vous transmettrez, au nom de l'Union démocratique du centre - que nous menions une action pour dire non ! Non, nous ne sommes pas d'accord, et ce non est dirigé contre le programme C05 que vous trouvez à la page 35. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, je lis ceci dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat: «Dans la mesure - on parle donc de l'Hospice général - où les nouveaux arrivants sont en majorité originaires de pays vers lesquels le renvoi n'est pas raisonnablement exigible, le dispositif de l'Hospice général enregistre moins de sorties, ce qui contribue à saturer les structures d'hébergement.» Mesdames et Messieurs les députés, c'est ce que nous vivons ces jours, les structures d'hébergement sont saturées ! Mais ce non que l'UDC exprime ne porte pas sur le travail accompli par le département et le Conseil d'Etat: il est dirigé contre les décisions qui sont prises, contre - et vous me permettrez ce terme, ou alors vous m'en voudrez... - ce laxisme dans l'interprétation des textes dont on fait preuve. Il y a des gens qui doivent être refoulés, et «raisonnablement» est un terme que je n'accepte pas dans le rapport de gestion. C'est la raison pour laquelle, pour faire court, l'Union démocratique du centre refusera la politique publique C, uniquement eu égard au programme C05 et aux termes qui y sont inscrits. Il y a d'autres choses à faire !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, avant de développer mon propos, j'aimerais juste réagir à ce que vient de dire M. Lussi - vous transmettrez, Monsieur le président. Il déclare que les structures d'hébergement sont saturées et voudrait pour cela qu'on se débarrasse de gens qui n'ont pas d'autre alternative et qui sont réellement à la charge des autorités de ce canton. Concernant la saturation du dispositif, M. Lussi évoque les personnes qui sont déboutées et qui devraient partir, mais moi j'aimerais lui parler des mille situations de gens, soit au bénéfice d'un permis C ou B, soit naturalisés et donc suisses, qui aujourd'hui logent dans ce même dispositif de l'asile sans pouvoir en sortir parce qu'ils ne trouvent pas d'appartement. Alors si vous voulez opposer les choses, je vous remercie de les opposer en tenant compte de tous les paramètres, Monsieur ! (Commentaires.)

Cela étant, en ce qui concerne l'action sociale, Mme Orsini a parlé de l'Hospice général, mais j'aimerais préciser que l'action sociale ce n'est pas uniquement l'Hospice général, et Dieu merci ! Il y a bien d'autres services qui oeuvrent dans ce canton, qu'il s'agisse d'organismes privés ou publics, et qui sont chargés d'essayer de répondre aux personnes en situation difficile. Et toutes ces structures sont actuellement en difficulté parce que les besoins sociaux augmentent. Car ce sont les besoins qui augmentent, pas les prestations aux usagers ! Aujourd'hui on fait passer les uns pour les autres et on prétend que les gens touchent trop d'argent, trop de prestations, mais en réalité, ce qui fait qu'il y a une forte précarisation d'une partie de la population, c'est simplement la détérioration du contexte socio-économique, c'est le chômage structurel auquel nous sommes confrontés, mais aussi le défaussement des assurances sociales qui, en réduisant la couverture des risques, se déchargent sur l'aide sociale ou rejettent dans la pauvreté toute une série de gens qui sont dans une position difficile.

Face à cette situation, les services sociaux, qu'ils soient publics ou privés, sont aujourd'hui en difficulté et se retrouvent réellement dans des conditions qui ne leur permettent plus d'assurer leur mission. Ils sont donc obligés de se rabattre sur les tâches prioritaires, ou du moins celles qu'ils ont estimées prioritaires. Dès lors, on assiste actuellement à un phénomène particulièrement alarmant, à savoir le report sur les services privés de toute une série de tâches qui devraient relever du public. Mais justement le public n'est plus en mesure de les assurer, et ça, Mesdames et Messieurs, ça renvoie à des choix politiques ! Des choix politiques qui ont été faits dans ce parlement ! Alors si aujourd'hui vous voulez véritablement répondre aux besoins de la population, eh bien il faut donner à ces services, à ces associations qui travaillent avec les personnes en difficulté et dans la précarité les moyens d'accomplir leur travail.

Pour finir, je voudrais simplement vous rappeler le principe - qui était la devise de l'Hospice général - selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir. Et vous le savez, que la prévention coûte moins cher que la réparation ! Alors tant que vous ne voudrez pas investir dans la prévention, eh bien vous serez condamnés à réparer et à dépenser des sommes beaucoup plus importantes.

Nous refuserons donc cette politique publique, parce que les options qui la sous-tendent ne sont pas satisfaisantes et permettent finalement d'agir non pas sur les causes, mais simplement sur les effets, ce avec quoi nous sommes en profond désaccord. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Bernhard Riedweg (UDC). Entre 2005 et 2014, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale a explosé de 45% à Genève et, durant cette même période, les sommes dépensées dans les prestations sociales ont, elles, explosé de 151%. Le nombre de personnes en situation précaire ne cesse de progresser, et la croissance est désormais découplée du recours à l'aide sociale. En effet, 175 000 personnes bénéficient des prestations complémentaires AVS et AI ainsi que des prestations complémentaires familiales, à hauteur de 1,1 milliard. D'autres bénéficient du paiement des primes d'assurance-maladie ou des services de l'Hospice général. D'autres encore reçoivent des subventions de l'office du logement ou obtiennent des bourses et prêts d'étude. A toutes ces personnes, on peut ajouter celles qui bénéficient de l'aide à domicile, les demandeurs d'emploi, les chômeurs, les requérants d'asile, les personnes à l'assistance juridique, les étudiants touchant une allocation d'étude, les personnes bénéficiant de prestations du service cantonal d'avance et recouvrement des pensions alimentaires, ainsi que les 800 détenus de Champ-Dollon.

Tout cela représente une bombe à retardement. Les attentes vis-à-vis de l'Etat sont plus importantes dans le canton de Genève et poussent les habitants à recourir davantage aux prestations sociales. La mission de la place financière consiste à mettre le capital au service d'entreprises ou de personnes qui travaillent à la création des richesses, sans lesquelles ni le filet social ni même l'exercice de la solidarité ne sont possibles. Ce qui compte, c'est que des familles aient plus d'argent, et l'Etat fait déjà beaucoup en finançant les écoles, les transports et le système de santé, qui sont très utilisés par les familles. Est-il raisonnable de demander encore plus d'argent aux personnes seules ou aux couples sans enfants ?

Dans leurs campagnes, des associations caritatives demandent à certaines personnes pauvres de sortir du bois afin qu'elles sollicitent les prestations sociales et réclament leur dû. On estime le potentiel de ces gens à 28%. Le risque, dans cette politique publique, c'est que les bénéficiaires s'habituent à l'aide sociale, et le danger c'est que l'action sociale soit financée par la dette, car la dette reste alors que l'aide sociale est consommée. Compte tenu de tous les soutiens accordés à une certaine partie de la population genevoise à bas revenus, tels les logements subventionnés, les réductions de primes d'assurance-maladie, les crèches pratiquement gratuites, les bourses d'étude et l'absence de tout impôt, cette catégorie de la population vit mieux que si elle touchait un salaire. En conclusion, l'UDC refusera cette politique publique. (Brouhaha.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Les Verts ne peuvent pas non plus souscrire à cette politique publique et à la gestion menée par le Conseil d'Etat à cet égard. Notre constat est critique, mais il n'est peut-être pas aussi sévère que cela, et je vais m'en expliquer. Il est vrai qu'en matière de politique sociale les besoins sont infinis et que l'augmentation des besoins que nous observons aujourd'hui même, Mesdames et Messieurs, chers collègues, témoigne de la dureté de notre société telle qu'elle est organisée actuellement et qui produit de la précarité. Ainsi donc, le canton de Genève mène un certain nombre de politiques sociales généreuses, est-il dit dans ce rapport, différentes prestations en faveur de la population, ainsi qu'une aide sociale. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

S'agissant des différentes prestations distribuées à la population, en théorie - et j'en reviens au revenu déterminant unique, quant à la mise en oeuvre duquel nous, les Verts, étions assez critiques, ce qu'on vérifie aujourd'hui - c'est l'accès à la prestation qui se complique, avec une administration de plus en plus exigeante, mais pas seulement: il y a aussi sur le terrain, ainsi que le relevait Mme Schneider Hausser lorsque nous débattions de la politique sur la fiscalité, saturation des collaborateurs qui délivrent les prestations. Elle parlait de l'administration fiscale cantonale, des taxateurs, etc., mais également du reste de l'administration, quels que soient les départements, et en matière de politique sociale, ce qui est fort ennuyeux aujourd'hui, c'est que l'accompagnement ne peut plus se faire comme il le devrait; en un mot, il n'y a personne derrière le guichet pour distribuer la prestation rapidement, ce qui est problématique pour les citoyens.

En matière d'aide sociale, c'est la même chose: la politique du Conseil d'Etat, que nous désapprouvons - Mme Flamand-Lew l'a relevé en début de session dans son introduction - consiste, pour équilibrer le budget dévolu à l'aide sociale, à faire le choix de prendre dans la poche des pauvres. En témoigne la pluie de projets de lois que nous avons eus à l'étude, lesquels ne visaient qu'à faire des économies dans l'aide sociale ou à resserrer un certain nombre de prestations sociales pour la population. La dernière en date, qui partait plutôt d'un bon sentiment de la part du Conseil d'Etat, consiste à augmenter les franchises d'assurance-maladie pour diminuer les coûts de l'aide sociale. Pourquoi pas ! En théorie, ça peut marcher mais, pratiquement, s'il n'y a personne pour faire l'accompagnement et vérifier que les garanties posées par les projets de lois du Conseil d'Etat sont assurées, eh bien nous partons à vau-l'eau, et des personnes vont se retrouver dans des situations encore plus complexes.

Il y a donc véritablement, à l'intérieur même du budget social, un certain nombre de réflexions à mener de la part du Conseil d'Etat et de ceux qui sont sur le terrain, parce que finalement ce sont ces personnes sur le terrain, c'est-à-dire les collaborateurs de l'Etat de Genève, de l'Hospice général, qui en souffrent en raison d'une saturation, occasionnant un report de charges sur les services sociaux privés, lesquels ont eux-mêmes des subventions qui sont resserrées par les décisions de ce Grand Conseil au moment du budget. Alors, Mesdames et Messieurs, oui, la précarité augmente, mais nous produisons cette précarité, et nous devons l'assumer.

J'aimerais ajouter une dernière chose, si vous le permettez, et j'aurai l'occasion d'y revenir lorsque nous parlerons du rapport de gestion de l'Hospice général. A côté des prestations sociales qu'offre le canton, il y a l'aide sociale attribuée par mandat à l'Hospice général, ainsi que l'aide aux migrants, et on a vu que la question cruciale, outre la dotation en personnel pour l'aide aux migrants qui a besoin d'être sérieusement renforcée pour accompagner ces personnes, c'est que nous observons qu'aujourd'hui le Conseil d'Etat est confronté à des difficultés pour héberger tous ces migrants, avec les événements que l'on connaît. Mais il faudra bien que ce Conseil d'Etat admette que la sonnette d'alarme a été tirée par les associations de terrain depuis 2008 déjà et qu'il aurait pu anticiper.

Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, chers collègues, on parle d'argent, on parle de budget, mais on parle aussi de personnes et de travailleurs qui distribuent toutes ces prestations; il y a donc aujourd'hui un réel besoin de collaboration entre le terrain, les réflexions sur les politiques sociales et les personnes qui subissent toutes ces diminutions. Pour toutes ces raisons, ainsi que je vous le disais en préambule, nous ne pourrons souscrire à la gestion du Conseil d'Etat concernant la politique publique C. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, c'est dommage, M. Poggia vient juste de s'en aller, or le PLR allait le décevoir parce qu'il va accepter cette politique publique ! Le PLR est relativement content des services de ce département et de ses collaborateurs, et je crois que M. Poggia peut recycler les propos qu'il a tenus concernant la politique publique précédente de l'emploi: il fait au mieux avec les moyens qu'il a à disposition. On ne peut pas le rendre responsable de toutes les contingences auxquelles il doit faire face, de même qu'on ne peut pas rendre responsable l'Etat genevois des soubresauts de l'économie mondiale et de l'afflux de réfugiés.

Je me permettrai juste de répondre - vous transmettrez, Monsieur le président - à quelques points qui ont été soulevés par mes préopinants, à commencer par Mme Magali Orsini qui se plaignait de l'Hospice général en disant que celui-ci faisait au mieux avec le budget qu'on lui accordait. Je rappellerai simplement que l'Hospice général, grâce à la constitution genevoise, a une garantie de déficit, ce qui permet à cet organisme d'être relativement réactif lorsqu'il y a une aggravation des problèmes sociaux à Genève. Je n'ai pas connaissance d'autres cantons suisses ou d'autres Etats ayant un organisme disposant d'une telle latitude ! Je crois donc qu'il faudra qu'on s'en souvienne, surtout sur les bancs de la droite. (Commentaires.) Oui, sur les bancs de la gauche, pardon ! (Rires. Brouhaha.) Non, de la droite par rapport à ma place, Madame Schneider !

Quant à M. Lussi, je le rassure, les Français ne font pas mieux, si on s'en réfère à des articles récents, concernant les gens qui sont déboutés en France... (Remarque de M. Patrick Lussi.) Mais laissez-moi finir, Monsieur Lussi ! S'agissant des requérants... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Patrick Saudan. ...des requérants d'asile déboutés en France, 17% sont expulsés dans l'année. (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Lussi !

M. Patrick Saudan. Et c'est le cas pour la plupart des pays d'Europe. Mais je ne vous accuse pas, je vous dis simplement qu'en Suisse le fait de ne pas pouvoir renvoyer des gens déboutés n'est pas une caractéristique du canton de Genève: c'est une caractéristique qui appartient à tous les pays européens. Vous vous souvenez des problèmes liés au fait de mettre de force des requérants d'asile dans des avions; vous n'avez qu'à vous rappeler tous les articles qui ont été rédigés ! C'est une problématique extrêmement difficile, et on attend vos solutions. On n'entend toujours que vos condamnations, on attend donc vos solutions !

S'agissant de Mme Perler, elle nous dit qu'en matière d'aide sociale, les besoins sont infinis, mais les moyens ne le sont pas, et il y a un principe qui s'appelle la justice redistributive. Il ne faut pas commencer à déshabiller Pierre pour habiller Paul ! Moi je tiens à vous dire que, personnellement, si je devais choisir de sacrifier soit la formation soit l'aide sociale, eh bien je sacrifierais l'aide sociale, et je n'ai pas de problème à le dire.

J'aimerais quand même finir par une question. Monsieur Poggia, vous n'étiez pas là, mais j'ai dit que le PLR allait approuver cette politique publique et tenait à vous remercier pour tous les efforts que vos collaborateurs et vous-même fournissez en faveur de la politique de l'action sociale. Pour en revenir à ma question, elle porte sur le surendettement des jeunes. Vous savez qu'au PLR, nous sommes toujours très préoccupés par la dette, surtout la dette de l'Etat, or je lis dans le rapport que vous avez distribué 285 000 F à Caritas et au Centre social protestant dans le cadre de la politique de lutte contre le surendettement. J'ai donc consulté une nouvelle fois le rapport du Conseil d'Etat datant de 2010 sur cette problématique qui touche un jeune sur sept à l'âge de 20 ans, et j'aurais aimé savoir, s'agissant de cette somme de 285 000 F, si elle est vraiment pertinente vu l'importance du problème. Avez-vous une idée du montant global consolidé - si je puis m'exprimer ainsi - des dettes qui touchent ces jeunes ? Je vous remercie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). En 2014, 800 personnes supplémentaires ont bénéficié des prestations complémentaires familiales: il y a donc environ 4000 foyers à Genève qui n'arrivent pas à finir le mois, malgré leur emploi. S'agissant de l'aide sociale, on comptait en 2014 3815 demandes traitées: 2344 ont été acceptées - on est donc dans les normes - alors que pour 1471 d'entre elles, l'aide sociale n'a pas pu être accordée. Ce qui signifie aussi quelque 4000 situations de candidats à la précarité avérée ou du moins proche.

Nous entendons que Genève a de la chance d'avoir quelques dizaines de gros contribuables; c'est vrai, mais il faut également reconnaître que notre canton se trouve face à une montée inexorable de la pauvreté, preuve en est cette arrivée de bénéficiaires de prestations d'assurances ou de l'aide sociale. Nous devons, je pense, mettre comme priorité la prévention de l'arrivée à l'aide sociale. On en a parlé lors des auditions, il s'agit d'intensifier la formation des jeunes, mais aussi des adultes, au moyen d'une formation qualifiante, ainsi que d'améliorer encore le dispositif d'insertion et la relation avec l'OCE. Et je crois que si nous refusons cette politique publique ce soir, c'est pour montrer qu'effectivement il y a encore du travail, et non pas pour dire que tout ce qui est effectué par les personnes qui travaillent dans ce système est à jeter. Mais il faut encore l'intensifier !

J'en viens au thème de l'asile. Le Liban, qui compte 5 millions d'habitants, accueille 1 million de réfugiés, Monsieur Lussi. Ici en Suisse, à Genève, nous en sommes à 5218 personnes accueillies; c'est énorme, bien sûr, surtout quand Berne descend encore les forfaits, après avoir pendant des années disloqué tout le système d'accueil que Genève possédait en matière de logement: l'Hospice avait des immeubles, des studios et des appartements, alors qu'ils sont occupés maintenant, puisque les gens n'arrivent pas à en sortir. Ce n'était soi-disant plus du tout nécessaire, il fallait économiser et enlever toute cette infrastructure. Je ne citerai pas de nom, vous connaissez votre conseiller fédéral qui était là-bas à cette époque.

Nous refuserons donc cette politique publique, parce que nous devons en faire davantage; il nous faut penser ensemble, au-delà des affaires partisanes, à la façon de prévenir l'arrivée à l'aide sociale et d'en stimuler la sortie pour de nombreuses personnes qui ne désirent absolument pas y être, ce qui est le cas d'au moins 99% des bénéficiaires. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. J'imagine que c'est M. Forni qui demande à présent la parole ?

M. Jean-Luc Forni (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Permettez-moi d'utiliser le micro de mon voisin, qui siège à vos côtés !

Mesdames et Messieurs les députés, une phrase du rapport de gestion relative au domaine social m'a interpellé. Il est écrit qu'il est difficile de maîtriser les budgets, car les dépenses sont liées au nombre d'ayants droit. Effectivement, quand ces derniers y ont droit, eh bien l'Etat n'a pas d'autre solution que de verser les prestations auxquelles ils ont justement droit ! Et il faut dire que Genève, M. Saudan l'a mentionné, est l'un des cantons pionniers en matière de mesures d'aide sociale, et de loin. Ça ne veut pas dire qu'il faut diminuer cette aide sociale, mais nous avons quand même plusieurs exemples qui montrent que, notamment dans le domaine de l'assurance-maladie, 277 millions de francs de subsides sont versés, sans tenir compte des 46 millions liés à l'article 64a LAMal, c'est-à-dire aux personnes qui ne paient pas leur participation ou leur assurance-maladie. Et le soutien à la famille, par le biais des prestations complémentaires familiales, a augmenté pour sa part de 1,4 million pour atteindre les 10 millions. Il y a également d'autres exemples au niveau des allocations familiales, qui ont affiché un dépassement de 3,5 millions et où on a recensé 800 enfants de plus que prévu, du fait des alliances maritales. S'agissant des actions sociales, on voit en outre que, pour ce qui est de l'aide sociale, on dénombre 300 dossiers avec aide financière en plus, ainsi que 300 dossiers sans aide financière. Bref, l'augmentation se monte à près de 22 millions.

Il est par ailleurs marqué - et on l'a entendu - que comme Genève connaît, semble-t-il, une paupérisation, on ne peut pas non plus exclure que la situation économique pousse davantage de personnes à solliciter l'aide sociale. Alors, on vous l'a dit, on a l'impression qu'il y a des coupes du côté du département de l'action sociale dans toutes les mesures qui nous sont proposées, cependant il faut voir que ce ne sont pas réellement des coupes, mais des rétablissements d'égalité de traitement, voire parfois des corrections d'effets de seuil, qui clairement impactent les budgets, mais qui ne peuvent pas vraiment être mentionnés en tant que coupes dans l'action sociale.

Vu cette situation critique, puisque, comme l'ont dit dans cette salle le député Saudan et d'autres, le budget de l'aide sociale n'est malheureusement pas illimité mais que le nombre de prestataires va en augmentant, eh bien il faut laisser au gouvernement une latitude et une possibilité d'agir pour justement dispenser au mieux cette aide sociale. Aussi le parti démocrate-chrétien va-t-il accepter cette politique d'aide sociale, et en revanche s'opposer à ce que certains milieux essaient de museler l'action du gouvernement en remontant au niveau législatif toutes les possibilités dont dispose le gouvernement pour légiférer au niveau des règlements d'exécution. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Chers collègues députés, la situation à Genève en termes d'aide sociale est difficile, et j'aimerais remercier M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia pour tout le travail qui a été accompli depuis son entrée en fonction. Effectivement, il y a des choses qui doivent encore évoluer et, depuis que l'Hospice général est également chargé de la réinsertion professionnelle, suite à l'introduction de la LIASI, la mise en route a été assez difficile, mais je crois que des progrès ont été accomplis. Il faut laisser un peu de temps au temps ! D'ailleurs, M. le conseiller d'Etat a annoncé tout à l'heure que nous aurions bientôt le rapport sur l'efficacité de cette LIASI, alors peut-être que suite à ce rapport - qu'on attend avec impatience - il y aura des choses à corriger et à améliorer, mais une fois encore je pense qu'il faut laisser un peu de temps au temps.

C'est vrai qu'à partir du moment où l'Hospice a aussi cette nouvelle tâche, il faut maintenant surtout mettre l'accent là-dessus et trouver les moyens de réinsérer les gens qui sont à l'Hospice général et de leur procurer un emploi, peut-être par étapes. C'est à mon sens sur ce point qu'il faut concentrer l'essentiel de l'effort, plutôt que sur la prestation en tant que telle. Oui, les prestations sont nécessaires, bien entendu, mais plus vite ces personnes seront réinsérées, plus vite elles pourront se libérer de ces prestations. Et c'est ce qui compte ! Car ce n'est pas une vie de se dire qu'on est maintenant à l'Hospice général, qu'on est un prestataire et que ma foi jusqu'à la fin de sa vie, jusqu'à la retraite, on sera allocataire de l'Hospice. Je ne crois pas que ce soit une belle perspective de vie ! Je suis donc persuadé que la majorité des personnes qui sont à l'aide sociale ont envie de retrouver un emploi, et on demande bien sûr à l'Hospice général de faire cet effort. C'est vrai qu'il y a encore quelques couacs, mais je crois qu'ils seront résolus avec le temps. Je pense notamment - car j'ai quelques exemples de cas de ce genre - au fait que, quand certains assistants sociaux sont malades ou en vacances, les prestations ne sont pas versées. Or il n'est pas normal de dire aux gens qui attendent le versement lié au CASI qu'ils devront patienter jusqu'au retour de vacances ou de maladie de l'employé, qu'on n'y peut rien, que c'est comme ça et qu'ils doivent attendre puisque personne ne remplace cet employé. Il y a des gens qui ont besoin de ces quelques dizaines de francs pour boucler le mois, et je crois qu'il faut y être attentif !

Personnellement, je regrette franchement de voir l'Alternative, soit Ensemble à Gauche, le parti socialiste et les Verts, refuser la politique d'aide sociale à Genève, qui est quand même extrêmement généreuse. Elle est certes perfectible, et M. le conseiller d'Etat va l'améliorer, mais que vous ne la souteniez pas, je ne peux pas le comprendre ! C'est vous qui abandonnez les pauvres, et je le regrette !

Des voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Il n'y a pas de politique plus ingrate que la politique publique C. En effet, c'est une politique des cassés de la vie, des gens qui sont dans la précarité, c'est une politique pour les réfugiés, pour les victimes d'un ordre international qui se délite dans certaines parties de notre univers, et c'est quelque chose de difficile à vivre. Mais j'aimerais quand même, sans répéter ce qu'a dit mon préopinant Sormanni, relever un élément. On a entendu et lu ces derniers temps qu'il y aurait une inaction du Conseil d'Etat en matière de politique des réfugiés et des migrants. Et, curieusement, personne n'a parlé des cent studios qui ont été construits pour les migrants et qui permettent quand même des améliorations notables. L'Hospice mène toute une politique attentive pour aider les migrants et les réfugiés, mais par politique politicienne on prétend que le Conseil d'Etat ne fait rien, ce qui est un mensonge politique caractérisé, une contrevérité politique de la plus belle espèce ! Je crois donc qu'il faut que vous répondiez, Monsieur le conseiller d'Etat, à la question de savoir si vous ne faites rien face à l'afflux actuel des réfugiés: est-ce que vous êtes dans une inaction totale, comme on peut le lire et l'entendre dans de très nombreux médias ?

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs, l'action sociale ne concerne pas seulement les réfugiés, qui constituent, je pense, le plus grand drame humain de ce XXIe siècle. Au MCG, nous avons toujours dit que la solution n'est pas à Genève, en Suisse ou même en Europe, mais bel et bien dans les pays exportateurs de ces pauvres gens qui cherchent un avenir meilleur. Nous avons également toujours dit que la grandeur de l'Europe ne se mesurera qu'à l'aune des aides qui seront apportées à ces pays, et le jour où le niveau de vie sera acceptable là-bas, eh bien évidemment les gens n'iront plus chercher un avenir prétendument meilleur - ce qui n'est pas le cas, mais ils l'ignorent tant qu'ils ne sont pas arrivés ici. C'est une certitude, et je pense que ce que je viens de dire est partagé par bon nombre d'entre nous.

Mais l'action sociale est aussi destinée aux résidents genevois, et lorsque l'on entend le discours insupportable de la gauche, qui a encore l'outrecuidance de venir dire ce soir qu'il faut tout faire pour prévenir les gens avant qu'ils ne tombent à l'assistance sociale, eh bien j'ai envie de dire que ces pauvres gens, comme vous les appelez, la seule chose qu'ils demandent, c'est de trouver un emploi ! (Commentaires.) Eh oui, Mesdames et Messieurs, on en revient toujours au même point ! (Brouhaha.) Mais on soigne une maladie en combattant non pas ses effets, mais bien la cause qui l'a produite ! Et tant et aussi longtemps que vous ne voudrez pas accepter cette réalité, à savoir que c'est la dignité que l'on recouvre en retrouvant un emploi qui fait que les gens ne tombent pas à l'aide sociale, eh bien vous pourrez poursuivre vos gesticulations devant la population genevoise et vous continuerez à fondre, comme vous avez fondu ces dix dernières années, alors que d'autres partis, évidemment, progressent, parce que nous prenons en compte les vraies préoccupations des Genevois.

J'aimerais aussi ajouter - et vous transmettrez, Monsieur le président - à l'endroit d'Ensemble à Gauche... (Brouhaha.) ...que c'est quand même extraordinaire que nous ayons retrouvé il y a quelques années à peine, c'est-à-dire au début de cette législature, les élus d'Ensemble à Gauche à côté des frontaliers venus manifester dans les rues de Genève contre le MCG. (Remarque de M. Pierre Vanek. Protestations.) Et pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Parce que le MCG veut que ce soient en priorité les chômeurs genevois qui retrouvent un emploi ! M. Vanek vient de dire: «Nous le referons !» Eh bien j'en prends acte, et que la population m'en soit témoin ce soir: Ensemble à Gauche ne représente plus les classes les plus défavorisées du canton de Genève, et c'est bel et bien le MCG qui défend ces gens pour qu'ils retrouvent un emploi. (Commentaires.) Et vous le retournerez comme vous voudrez, Monsieur le député Vanek, mais c'est une réalité ! Vous avez pu revenir sur les bancs de ce parlement parce que vous avez conclu des alliances dans un groupe qui est complètement bipolaire... (Rires.) ...mais je vous prédis qu'en 2018 vous disparaîtrez de cet hémicycle, tant vos discours sont contradictoires ! Seul M. Grobet avait compris qu'il fallait protéger les résidents genevois en leur donnant la priorité de l'emploi, et c'est bel et bien ça qui fera que la facture sociale descendra à Genève. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Daniel Sormanni (MCG). J'aimerais juste dire trois mots, et vous transmettrez, Monsieur le président, à Mme Schneider Hausser, qui tout à l'heure faisait une comparaison entre le Liban et la Suisse et Genève en ce qui concerne la politique d'asile. (Brouhaha.) On n'est pas du tout dans la même situation... (Le président agite la cloche.) ...et il se trouve que le Liban est sur le terrain même de tous ces conflits, mais je voudrais quand même rappeler qu'en Suisse - vous le savez très bien - il y a 25% d'étrangers, et près de 50% à Genève. Voyez-vous, je crois que c'est l'Europe qui ne remplit pas sa tâche, la fameuse Europe des 18 qui ne répond pas. Il y a quelques jours, la Hongrie a décidé de fermer ses frontières... (Brouhaha.) ...en contradiction complète avec le contrat européen, alors que la Hongrie a 1,4% d'étrangers sur son territoire. Je crois donc que vos comparaisons ne sont pas du tout raison... (Le président agite la cloche.) ...et que Genève joue son rôle et fait des efforts considérables. Je remercie du reste le conseiller d'Etat d'essayer de trouver des solutions et, s'agissant des requérants qui ont été «sortis» - entre guillemets - des Tattes, eh bien ils l'ont été dans le but d'accueillir des familles qui venaient de Syrie avec femmes et enfants, et ce sont du reste des requérants qui ont été déboutés, qui devraient quitter le territoire et dont certains - une grande partie - sont en plus des délinquants; je crois qu'ils pouvaient passer quelque temps dans des abris de protection civile, ce n'est pas une honte. J'ai dit !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Roger Deneys. (Exclamations.)

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vos propos seraient bien plus crédibles, comme ceux du Conseil d'Etat, si la réalité confirmait les paroles. Malheureusement, il y a aujourd'hui des entreprises comme Firmenich qui engagent des informaticiens roumains pour 700 euros par mois, c'est une réalité récente, et ce ne sont pas les déclarations du Conseil d'Etat qui nous permettent d'être rassurés. Et puis en matière d'assistance sociale et de chômage... (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Sormanni !

M. Roger Deneys. ...le rapport de la Cour des comptes concernant les pratiques dans le domaine du chômage de longue durée montre que le Conseil d'Etat refuse d'avertir les chômeurs en fin de droit qui peuvent se réinscrire. Résultat des courses, ils arrivent à l'aide sociale s'ils ne se réinscrivent pas ! La parole c'est donc une chose, mais les actes c'est mieux, et cette pratique est inique dans une république comme la nôtre. On peut faire en sorte que les gens se réinscrivent au chômage, parce que sinon c'est les vases communicants vers la pauvreté. Et M. Stauffer prétend le combattre, mais la réalité c'est qu'il laisse faire ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Pierre Vanek. (Exclamations. Applaudissements.)

M. Pierre Vanek (EAG). J'espère, Monsieur le président, que ces applaudissements ne seront pas déduits de mon temps !

Le président. Quelle gloire !

M. Pierre Vanek. Eric Stauffer a entrepris de me réveiller en m'invectivant tout à l'heure, ainsi que tout Ensemble à Gauche, et en prétendant que c'était un scandale que nous ayons manifesté il y a deux ou trois ans - mais c'est arrivé plusieurs fois - avec des frontaliers et contre le MCG, contre le MCG et sa politique de division des travailleurs. (Huées. Commentaires. Le président agite la cloche.) Ce qu'Eric Stauffer a oublié de dire, c'est qu'Ensemble à Gauche a certes manifesté avec des frontaliers...

Le président. S'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. ...mais aussi chaque fois... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Sormanni !

M. Pierre Vanek. ...avec l'ensemble des représentants du mouvement syndical genevois. Eric Stauffer nous dit: «Oui, mais vous ne représentez pas les travailleurs, c'est le MCG !» Eh bien pas du tout !

Une voix. Oui !

M. Pierre Vanek. S'agissant des votations, dans les urnes et dans la rue, Ensemble à Gauche et toutes ses composantes sont systématiquement au coude à coude avec les syndicats de ce canton, les organisations réelles... (Commentaires.) ...des travailleurs de 50 ans et plus, et effectivement pas avec un parti qui comprend dans ses rangs par exemple M. Zacharias, qui serait bien en peine... (Huées.) ...de se présenter comme un prolétaire, comme un défenseur des prolétaires et des locataires ! Evidemment ! (Chahut. Protestations.) Le MCG est un parti qui défend... (Commentaires.)

Le président. Monsieur Spuhler !

M. Pierre Vanek. ...le système capitaliste, qui défend les spéculateurs... (Huées.) ...qui défend systématiquement les intérêts de couches sociales qui ne sont pas celles des travailleurs. (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Jean Romain !

M. Pierre Vanek. Concrètement, Monsieur Stauffer, la question du salaire minimum, par exemple, vous l'avez combattue, parce que vous défendez le dumping salarial. Et en effet, avec vos discours constants de division des travailleurs entre frontaliers, entre résidents et entre ceci et cela, vous n'avez aucun titre pour vous présenter comme un défenseur des salariés de ce canton. Pour tous les sujets, tous les votes dans ce parlement où sont en jeu les questions fondamentales - d'un côté la défense des intérêts des nantis, de l'autre la défense des intérêts des plus précarisés, des démunis, des salariés, des travailleurs et de leurs droits - eh bien c'est systématiquement nous... (Chahut. Le président agite la cloche.) ...Monsieur Stauffer, qui avons été du bon côté, et c'est vous, Monsieur Stauffer, qui avez été du côté des riches et des nantis, dont vous servez de larbin aux représentants ! (Remarque.) Vous êtes une force supplétive du PLR sur toutes les questions essentielles dans ce parlement... (Brouhaha.) ...ça méritait d'être dit, je me suis permis de le dire et, pour le surplus, bonne nuit ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.)

Le président. Monsieur Sormanni ! Mesdames et Messieurs, un peu de calme, s'il vous plaît ! (Brouhaha. Un instant s'écoule.) S'il vous plaît, est-ce que je peux avoir un peu de silence ? Nous poursuivons dans le calme, avec M. Eric Stauffer... (Rires.) ...pour trois minutes vingt.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président... (Brouhaha.)

Le président. Pour trois minutes vingt, Monsieur Stauffer !

M. Eric Stauffer. Ah, trois minutes vingt !

J'entends bien le discours de notre collègue Vanek, qui s'emporte... (Brouhaha.) ...mais quand il prétend passer de la parole aux actes, j'aimerais quand même rappeler ici - et par la même occasion à la population genevoise - que M. Vanek a siégé aux Services industriels comme administrateur et membre du bureau, pour plus de 60 000 F par an, et qu'il a couvert pendant toutes ces années le salaire d'un autre membre de la gauche, le socialiste Daniel Mouchet, qui touchait 420 000 F. (Commentaires.) Or, voyez-vous, nous, nous sommes passés de la parole aux actes, et votre modeste serviteur a remis de l'ordre aux Services industriels, non sans mal, puisque je suis le seul administrateur de l'histoire politique genevoise à avoir été révoqué en tant qu'élu par le Conseil d'Etat, parce qu'évidemment mes questions dérangeaient.

D'autre part, vous dites que le MCG protège ses riches promoteurs. Eh bien non, nous, nous voulons justement que la classe moyenne et les plus démunis d'entre nous puissent accéder à la propriété afin de pouvoir ainsi léguer un bien à leur descendance, mais nous constatons avec effroi que des représentants de la gauche sont pris la main dans le sac à louer des studios de 27 m2 à 1600 F par mois. (Applaudissements. Huées.) Et ça c'est un vrai scandale ! Une fois encore, le MCG est passé de la parole aux actes, et la liste - vous le savez bien - de vos très chers collègues... (Commentaires.) ...est loin d'être exhaustive. (Chahut. Le président agite la cloche.)

Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, vous pouvez critiquer la politique menée par Mauro Poggia, mais il n'en demeure pas moins vrai qu'elle est excellente et qu'elle commence à porter ses fruits, à peine deux ans après son élection. (Applaudissements. Exclamations.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni pour une minute quarante et une. (Commentaires.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Ce sera très court... (Remarque.)

Le président. Monsieur Romain, je vous prie de bien vouloir respecter l'orateur.

M. Daniel Sormanni. Merci, Monsieur le président, je serai très bref, et vous transmettrez mes propos à M. Vanek. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je dois avouer que vous me décevez, Monsieur Vanek, car je crois que ce que vous nous proposez comme modèle de société, avec cet accueil, et en disant que vous allez le refaire, en parlant du soutien aux frontaliers... Finalement, qu'est-ce que vous voulez ? Que tous les travailleurs, y compris en Suisse, soient aussi bien payés qu'en Europe ou en France, à 1200 euros par mois ? Parce que c'est là que vous nous amenez, avec votre politique ! Moi je ne vous comprends plus: je vous connais depuis trente-cinq ans environ, je vous ai connu comme combattant syndicaliste, mais là, votre Internationale, elle va mener à quoi ? A la paupérisation des travailleurs de ce canton ! (Remarque.) Et si c'est ce que vous préconisez, eh bien c'est décevant, et c'est pour cette raison que vous, la gauche, Ensemble à Gauche, le parti socialiste et les Verts, vous ne défendez plus les travailleurs; vous êtes des nantis et c'est pour ça que vous avez perdu cet électorat... Et peut-être que nous avons un promoteur immobilier dans nos rangs, mais il n'est pas tout seul: il y a ici au MCG tout plein de gens modestes qui eux défendent véritablement les citoyens et les travailleurs de ce canton. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Pierre Vanek, dans le calme, bien entendu.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président, je serai très bref. (Brouhaha.) Daniel Sormanni me connaît en effet depuis trente-cinq ans, probablement même un peu plus, et s'il fut un temps où il était syndicaliste, un vrai syndicaliste, s'il fut un temps où il était à gauche - vraiment à gauche ? Bon, on peut discuter, mais enfin... (Rires.) - eh bien il m'a connu parce que j'étais membre de la FTMH, la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie, et président d'une commission syndicale d'une usine de métallurgie genevoise, une usine où les gens travaillaient dur et se sont battus ensemble pour diminuer le temps de travail... (Commentaires.) ...pour augmenter les salaires, et je me suis battu au coude à coude avec eux ! (Remarque.) Oui, en effet, j'ai pu me battre au coude à coude avec les travailleurs de cette usine à Carouge - la fonderie et robinetterie Similor - dont probablement 25 ou 30%, et vous le savez bien, Monsieur Sormanni, étaient frontaliers. Et précisément nous nous sommes unis, nous avons débrayé et nous sommes venus manifester - c'est du reste la première fois que je suis entré dans la salle des Pas-Perdus. C'était probablement en 1981, et nous étions 5000 pour défendre le secteur secondaire genevois en bleu de travail, sur la place Neuve, au coude à coude, et nous n'avons pas entrepris de faire la distinction entre ceux qui étaient frontaliers, ceux qui venaient de l'autre côté de la frontière ou d'ailleurs, et les autres. (Brouhaha.)

Nous avons demandé que le Conseil d'Etat, que le gouvernement de l'époque défende le secteur secondaire genevois, défende une activité utile et productive, mais aussi défende l'histoire de Genève, le capital que nous avions et qui était notamment dans les mains d'un certain nombre d'ouvriers qualifiés, du fait de leur formation et de leurs compétences. En effet, cette économie-là a été détruite à Genève, elle a été détruite par la volonté de tertiariser et de défendre une économie de larbinisme, une économie purement bancaire, de services, etc., en espérant que simplement - et c'est le discours de votre parti - quelques-uns puissent profiter des miettes qui tombent de cette table.

Alors, Monsieur Sormanni, vous n'êtes peut-être pas d'accord avec moi ce soir, je veux bien, mais vous m'accorderez une certaine constance dans le combat que je mène, parce qu'il n'y a aucune différence, aucune différence de fond entre le discours que je tiens aujourd'hui et celui que je tenais il y a trente-cinq ans, quand je présidais la commission ouvrière de l'usine de métallurgie genevoise. (Applaudissements. Chahut.)

M. Daniel Sormanni. Il n'y avait pas de chômeurs, à l'époque !

Le président. Monsieur Sormanni, si vous voulez vous exprimer, vous demandez la parole et je vous cède le micro ! Sinon vous écoutez l'orateur, merci. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, encore faut-il ne pas confondre constance et entêtement... (Rires. Exclamations.)

C'est aussi en bleu de travail que je suis ici pour défendre une politique publique... (Exclamations.) ...dont nous n'avons pas à rougir, Monsieur Vanek, puisque nous nous occupons de 21 000 personnes précarisées qui sont soutenues par l'Hospice général. Ces politiques de l'action publique concernent en premier lieu des personnes de notre canton, et c'est pour celles-là que j'aimerais me concentrer en priorité, même s'il est vrai que les devants de la scène sont occupés aujourd'hui par des personnes venant d'ailleurs, qui méritent évidemment notre attention, mais pas autant - n'en déplaise à certains - que celles et ceux qui nous côtoient depuis des années. Les politiques publiques que nous menons nous coûtent cher, vous le savez, mais c'est un prix qu'il faut payer, parce que c'est le prix aussi de cette cohésion sociale dont je parlais il y a un instant, lorsque je m'exprimais à propos du chômage.

S'agissant de l'accès à l'assurance-maladie, Mesdames et Messieurs, le montant s'élève à 277 millions pour 107 000 bénéficiaires - soit 6 millions de plus qu'en 2013 - afin de permettre aux habitants de ce canton de faire face à des primes d'assurance-maladie qui ne cessent d'augmenter d'année en année, dans des conditions sur lesquelles je ne reviendrai pas, tant votre parlement unanime considère qu'il s'agit d'une problématique que nous devons régler à un autre niveau qu'au niveau cantonal.

Pour ce qui est du soutien à la famille, notre canton a adopté de manière tout à fait opportune et légitime des prestations complémentaires familiales, qui nous coûtent toujours davantage d'année en année et qui ont ascendé en 2014 à 10,5 millions - soit 1 million de plus que l'année précédente - pour 3800 personnes. Je suis un fervent opposant au salaire minimum, je l'ai dit et le répéterai, je pense que le salaire minimum est un gouffre pour les plus précarisés, mais nous devons nous demander - et nous le ferons ces prochains mois - si ces prestations complémentaires familiales sont toujours versées avec opportunité, dans des situations qui le méritent. Ne sommes-nous pas en train, en aidant des personnes qui sont des travailleurs pauvres, de financer indirectement notre économie ? Nous devons nous poser la question. Dans le cas où vraiment ces personnes n'auraient pas d'emploi sans cette aide de l'Etat, c'est un geste que nous devons faire, mais le faisons-nous toujours à juste titre ? N'y a-t-il pas des circonstances dans lesquelles certains salaires devraient être adaptés aux besoins de notre société ? Néanmoins, il s'agit d'une politique que nous avons menée à juste titre et que nous continuerons à mener, car nous considérons, et nous considérerons encore, que travailler vaut toujours mieux que d'être à l'aide sociale, et des études sont effectuées au sein de mon département pour examiner avec encore plus de précision quelle est la différence entre le revenu maximum que l'on obtient de l'aide sociale et le revenu minimum que l'on obtient dans certaines professions, soit celles qui sont accessibles aux personnes les moins formées. Y a-t-il véritablement un incitatif suffisant pour que les personnes veuillent regagner le marché du travail ? Et quand je dis «veuillent», je n'entends pas par là qu'il y aurait de la paresse ou un confort à rester à l'aide sociale, mais nous devons réellement faire en sorte que celui qui travaille reçoive la juste rémunération de son effort.

Je le disais, la mise en oeuvre et la conduite des mesures d'action sociale nous coûtent beaucoup d'argent: 272 millions versés par l'Hospice général - 12 millions de plus que l'année précédente - à 21 000 personnes, avec 65 millions de francs de fonctionnement, car il ne s'agit pas uniquement de verser des sommes à des personnes en situation difficile, mais également de les entendre, de les accompagner et de les aider. A ce propos, Monsieur le président, vous direz à M. Deneys qu'il fait fausse route en pensant que les personnes qui ne sont pas inscrites à l'office cantonal de l'emploi vont à l'aide sociale: on peut parfaitement être à l'aide sociale et être inscrit à l'office cantonal de l'emploi, ce qui donne droit à des prestations, à des mesures cantonales... (Remarque.) Effectivement, vous l'avez compris, c'est donc que vous vous êtes mal exprimé, excusez-moi... (Exclamations.) Ainsi, ce n'est pas l'un ou l'autre, mais ce peut être l'un et l'autre, et je précise, Monsieur Deneys, que ce rapport de la Cour des comptes examinait la situation jusqu'en 2012. Je ne dis pas qu'aujourd'hui tout est parfait, mais nous nous améliorons, et heureusement certains évoluent.

En ce qui concerne la protection des adultes, on dénombre 300 000 opérations financières et un accompagnement social pour 3000 dossiers. Vous savez que c'est un domaine difficile, et que l'on a divisé le service de protection des mineurs et le service de protection de l'adulte, même si le travail est en grande partie similaire: les adultes dépendent de mon département, tandis que les mineurs relèvent de celui de ma collègue Anne Emery-Torracinta. Dans ce secteur qui, comme vous le savez, a connu une crise fin 2013 - début 2014, il y a eu des réformes remarquables, avec une atmosphère de travail qui a véritablement changé ces derniers mois. D'ailleurs, la dernière assemblée générale de tous les collaborateurs à laquelle j'ai assisté il y a un mois était vraiment troublante de différence par rapport à la première à laquelle j'avais assisté au début de l'année passée.

J'en viens maintenant aux actions en matière d'asile. Oui, parlons-en un peu, même s'il ne faut pas en parler beaucoup, car je trouve qu'on en parle trop; non pas que le sujet ne mérite pas d'être abordé, mais je pense qu'en comparaison avec les obligations à l'égard des personnes qui vivent dans ce canton, lesquelles - ne serait-ce qu'au niveau de leur nombre - méritent davantage notre attention, on en parle effectivement un peu trop. Qui d'entre vous sait quel est le nombre de réfugiés dont s'occupe Genève à l'heure où je vous parle ? Or tout le monde a son mot à dire sur l'asile, et d'ailleurs beaucoup déclarent que l'on ne fait rien ou que l'on ne fait pas assez. Quoi qu'il en soit, on ne fait jamais ce qu'il faudrait... Eh bien, je vous le dis, ces personnes sont au nombre de 5331, tous statuts confondus, c'est-à-dire y compris des gens qui sont déboutés de l'asile ou frappés d'une non-entrée en matière et qui donc devraient quitter notre canton et notre pays. Et combien, sur ces 5331 personnes, sont dans des abris à l'heure où je vous parle ? Elles sont 137. Alors vous me direz qu'une seule, c'est une de trop, mais il faut quand même avoir une vision proportionnée de la situation et se rendre compte que l'Etat a investi en 2014 dans cette politique de l'asile 37,5 millions - Genève seulement, sans l'aide de la Confédération - soit 5 millions de plus qu'en 2013. Dès lors, nous dire aujourd'hui que nous avons un comportement indigne et indécent à l'égard de ces personnes, je pense que c'est insupportable, au regard des efforts que font les contribuables de ce canton dans ce domaine.

Mais il y a mieux à faire, nous y travaillons, et nous n'avons pas attendu que l'on vienne manifester avec des banderoles pour accomplir notre tâche: nous avons commencé à travailler dès le début de la législature, parce que nous avons senti au début de l'année 2014 que la situation pouvait changer, malgré une baisse de l'asile et du nombre de migrants en 2013; nous avons donc vu que les choses pourraient changer et avons mis la vitesse supérieure. Le Conseil d'Etat unanime est conscient de ses responsabilités et nous n'avons pas non plus attendu que les Conseils administratifs de certaines villes de ce canton viennent nous dire quelles sont nos obligations pour agir. Moi-même, je suis encore allé personnellement dimanche dernier avec deux magistrats du Conseil administratif de la Ville de Genève examiner des locaux qui étaient proposés, locaux qui n'étaient manifestement pas adaptés aux besoins, ce dont mes interlocuteurs ont immédiatement convenu. Vous comprenez donc à quel point j'ai été troublé, et le terme est faible, de lire dans un communiqué de presse du lendemain que le Conseil d'Etat était aux abonnés absents.

Mesdames et Messieurs, nous travaillons dans ce domaine et nous continuerons à le faire, soyez-en rassurés, et je le dis et le répéterai aux collectifs soutenant les gens qui se plaignent de cette situation et qui s'en plaignent fréquemment alors qu'ils n'ont jamais passé un seul jour dans un abri, alors que paradoxalement on n'entend pas ceux qui ont réellement souffert dans leur pays et qui sont là dans des abris depuis souvent plusieurs mois; c'est donc vers eux que notre attention se tournera en priorité, lorsque des alternatives seront à disposition.

S'agissant du surendettement des jeunes, un sujet qui a été abordé et qui nous préoccupe, je ne peux pas vous répondre aujourd'hui, Monsieur le député, vous le comprendrez, et je ne suis même pas sûr de pouvoir le faire demain ou les jours qui viennent pour ce qui est du montant global de l'endettement de nos jeunes. Ce serait une simple estimation, mais ce chiffre est suffisamment important pour que nous en soyons conscients et que nous abordions le sujet. Nous l'avons fait et nous avons reproduit pour une année encore les subventions en faveur des deux entités que vous avez citées et qui s'occupent d'établir des plans de désendettement pour les jeunes. Nous sommes également intervenus auprès de la Confédération, car il y a une situation totalement anormale en matière de LAMal: lorsque les parents ne paient pas les primes d'assurance-maladie de leurs enfants et que ces derniers deviennent majeurs, eh bien ils héritent de ces dettes. Il existe donc des jeunes qui, à 18 ans, le jour de leur majorité, ont déjà des dettes qu'ils n'ont pas eux-mêmes contractées, ce qui est totalement inadmissible, raison pour laquelle nous sommes intervenus pour que ce régime change.

C'est donc une préoccupation à laquelle nous sommes attentifs, comme nous serons attentifs à tous les dysfonctionnements que vous voudrez bien nous signaler, car le Conseil d'Etat n'a pas la science infuse: il est là pour agir mais il ne sait pas tout, alors si vous rencontrez dans votre quotidien des situations qui méritent une action du gouvernement, n'hésitez pas à nous interpeller, nous sommes là pour servir en premier lieu la population de ce canton.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les raisons pour lesquelles je vous demande de soutenir cette politique publique, et je regrette que certains partis de ce parlement considèrent ne pas devoir la soutenir au motif que l'on n'en ferait pas assez, alors que l'on fait déjà beaucoup, en tout cas tout ce que l'on peut raisonnablement faire avec les moyens qui sont à disposition. Nous reviendrons sur des mesures qui ont été proposées, des mesures de bon sens, mais, comme je l'ai dit déjà à une autre occasion, je suis surpris de jour en jour de voir à quel point le bon sens a des adversaires. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer...

Des voix. Vote nominal ! (Commentaires.)

Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal sur la politique publique C.

Mise aux voix, la politique publique C «Action sociale» est adoptée par 50 oui contre 36 non (vote nominal).

Vote nominal

Quatrième partie du débat sur les comptes 2014 (fin du 2e débat et 3e débat): Séance du vendredi 26 juin 2015 à 8h