République et canton de Genève

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PL 13388
Projet de loi du Conseil d'Etat pour une contribution d'urgence en faveur des populations civiles touchées par le conflit dans la région du Proche-Orient et pour la promotion de la paix
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 16, 17, 23 et 24 novembre 2023.

Premier débat

La présidente. Nous commençons nos urgences avec le PL 13388, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je remercie les personnes qui nous rejoignent de le faire en silence. Etant donné que ce projet de loi nous arrive directement du Conseil d'Etat, je donne la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet pour une présentation.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a effectivement décidé de déposer en urgence un projet de loi en vue d'octroyer une aide financière en faveur d'organisations oeuvrant auprès des populations touchées par le conflit qui fait actuellement rage dans la région du Proche-Orient et pour la paix.

Il s'agit tout d'abord de montrer que nous sommes aux côtés des victimes civiles d'un conflit d'une violence inouïe. Il s'agit ensuite, pour nous, de proposer une alternative au PL 13382; nous avons appris qu'il a été retiré et nous en remercions sincèrement le groupe des Verts. Nous souhaitions, en effet, mieux prendre en considération la complexité des enjeux qui entourent ce conflit en intégrant les besoins de l'ensemble des populations civiles touchées, en oeuvrant pour le rappel du droit international humanitaire, pour la protection des détenus et des otages et en proposant une contribution en faveur du dialogue et de la négociation, afin de poser d'ores et déjà les bases pour l'avenir.

Mesdames et Messieurs, les armes tonnent ! Leurs échos nous parviennent et nous bouleversent, et l'horreur des récits provoque en nous des réactions profondes. L'affrontement ravive des fractures anciennes et complexes et les lieux où il se déploie sont proches; certaines ou certains d'entre nous ont des liens personnels avec ces terres. Nos émotions en sont d'autant plus vives ! En ces temps troublés, nous avons la conviction qu'il convient de rester ferme sur les principes constitutifs de notre identité. J'aimerais, au nom du Conseil d'Etat, en rappeler trois.

Le premier est celui de la cohabitation pacifique. Genève a pour tradition d'accueillir des femmes et des hommes en provenance du monde entier. Les différentes communautés présentes vivent en paix, et, ensemble, elles forment un groupe riche de ses diversités et plus fort que la somme de ses parties. Il en est ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, depuis des siècles, et nous souhaitons qu'il en soit ainsi encore longtemps.

Le Conseil d'Etat l'a répété à maintes reprises depuis le début de ce conflit, et il m'appartient ce soir de le répéter une fois encore afin que plus aucune ambiguïté sur la question ne soit possible: nous ne tolérons pas et nous ne tolérons en aucun cas les appels à la haine, les propos ou actes antisémites, racistes, islamophobes sur notre territoire ! Les attaques fondées sur la religion, réelle ou supposée, nous heurtent très profondément. Mesdames et Messieurs, nos écoles accueillent des enfants avant tout, et non des chrétiens, des juifs, des musulmans ou des adeptes d'autres confessions. A Genève, nous respectons et nous avons jusqu'à présent totalement respecté la liberté d'expression. En revanche, nous ne tolérerons pas les manifestations de racisme, d'antisémitisme ou de violence. Le droit, garant de la sécurité de toutes et tous, sera appliqué ! Nous y veillerons !

Le deuxième principe est celui de la solidarité. A l'époque du Refuge, Genève est devenue une terre d'hospitalité pour les populations persécutées. Il y a cent soixante ans, elle a commencé à héberger de grandes institutions humanitaires et oeuvrant pour les droits de l'Homme, et elle est aujourd'hui une capitale mondiale dans ces domaines. Ces vingt dernières années, elle a par ailleurs mis en place un soutien systématique, encadré par la loi, à des organisations qui agissent ailleurs pour alléger les souffrances et construire un avenir meilleur: le CICR en est le principal bénéficiaire. Cette générosité nous définit ! Notre passé et notre prospérité nous y obligent ! C'est dans cet esprit que nous vous proposons un nouveau projet de loi, ambitieux, en faveur de tous les civils affectés par le conflit dans la région. Il s'agit de soutenir des organisations qui, non seulement, apportent une aide humanitaire d'urgence, mais aussi défendent le respect du droit international humanitaire et contribuent, par le dialogue et la médiation, à participer aux efforts de paix.

Le troisième et dernier principe est celui de la neutralité. Il se peut qu'il soit plus difficile à accepter, mais nous le croyons profondément utile: nous le considérons comme un outil au service de la paix. En notre qualité d'autorité hôte de la Genève internationale, nous voulons préserver un espace de dialogue ouvert à toutes et tous. Il en va aussi de la sécurité et de l'efficacité des organisations que nous soutenons. Notre rôle n'est pas de prendre position publiquement en faveur des uns ou des autres. D'ailleurs, à quel titre le ferions-nous ? Nous n'avons pas de légitimité ou d'expertise particulière en la matière. En revanche, nous souhaitons de tout coeur le respect général du droit international humanitaire, et en particulier des conventions qui portent le nom de notre cité. En outre et surtout, nous nous tenons prêts à faciliter, d'entente avec la Confédération, les initiatives qui pourraient naître ou se développer sur notre territoire et contribuer à un règlement pacifique de ce conflit. Notre seul camp, Mesdames et Messieurs, est celui de la paix !

Cohabitation pacifique, solidarité et neutralité ! Nous exhortons toutes les personnes vivant à Genève, quels que soient leur origine, leur nationalité, leur appartenance politique ou religieuse, leur genre ou leur âge, à soutenir ces trois principes fondamentaux.

Avant de conclure cette déclaration portant sur un contexte exceptionnel, je tiens, au nom du Conseil d'Etat, à dire avec force que nos pensées vont à l'ensemble des victimes des guerres qui sévissent dans le monde. Nous refusons d'établir une hiérarchie entre elles ! La Genève internationale a une vocation universelle, et nous la maintiendrons ! Nous vous remercions par avance de voter ce projet de loi. (Vifs applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Lara Atassi (Ve). En premier lieu, j'aimerais remercier le Conseil d'Etat de prendre en compte les impulsions des députés, en l'occurrence un projet de loi déposé par les Vertes et les Verts, pour faire évoluer ou exprimer plus clairement sa position.

Chers collègues, malgré les frustrations que cela peut provoquer, j'aimerais, ce soir, vous demander de ne pas faire de la politique. En effet, ce n'est pas le temps de nous affronter sur nos visions du monde, mais plutôt celui de nous rassembler autour de ce qui fait notre socle commun: notre humanité. Cette humanité, c'est elle qui nous met du baume au coeur quand nous voyons un enfant jouer, mais c'est aussi elle qui nous attriste quand nous le voyons pleurer sa mère.

Aujourd'hui, dans la bande de Gaza, il y a environ 1,5 million de déplacés. Il y a des enfants qui font la queue pendant six heures pour un morceau de pain. Il y a des hommes et des femmes qui ne mangent rien pendant des jours pour offrir ce qu'ils et elles trouvent à leurs enfants. Il y a des milliers de personnes qui boivent de l'eau de mer ou celle des égouts, parce qu'il est impossible de trouver de l'eau propre à la consommation. Il y a des enfants de 2 ou 3 ans qu'on retrouve gardant leur petit frère ou petite soeur de seulement quelques mois à cause de l'absence de membres survivants de leur famille. Il y a des enfants qu'on doit amputer sans aucune anesthésie par manque de médicaments. Il y a des bébés prématurés qu'on entasse, collés les uns aux autres pour essayer de les maintenir au chaud, car il n'y a plus de quoi faire fonctionner les couveuses qui leur permettent de maintenir leur température corporelle. Il y a des patients dans les plaies desquels on trouve des vers, parce qu'on ne peut même plus trouver de quoi désinfecter les plaies.

Je vous ai parlé de notre humanité. C'est aussi elle qui a poussé Henry Dunant, il y a maintenant cent soixante ans, à créer la Croix-Rouge. Ce fut la première d'une longue liste de structures humanitaires que nous avons l'honneur d'abriter. C'est notre rôle ce soir, me semble-t-il, de leur dire que nous admirons leur travail, que nous le soutenons et que ce soutien sera d'autant plus fort que la situation est désespérée, car cela signifie que leur travail est d'autant plus indispensable.

Alors soutenons-les ! Soutenons le CICR afin qu'il protège les populations vulnérables, défende les Conventions de Genève et permette à des otages de rentrer chez eux. Soutenons le Programme alimentaire mondial afin qu'il apporte de la nourriture à ces corps que nous voyons se mourir. Soutenons l'UNRWA afin qu'il amène de l'eau, des biens de première nécessité et un refuge aux personnes déplacées. Soutenons MSF, qui est la dernière organisation à ce jour qui arrive à apporter des fournitures médicales dans les hôpitaux sur place. Soutenons enfin le CDH, qui permet des moments de dialogue et de médiation, lorsque le désespoir mène les personnes vers des idéologies extrêmes.

Chères et chers collègues, ce texte n'est pas l'occasion de refaire la géopolitique de cette région ni de discuter de ses conséquences sur notre sol. Ce soir, je vous demande de vous référer uniquement à votre humanité, et donc de voter ce texte, afin que ces souffrances insoutenables que je viens de vous énoncer puissent être quelque peu soulagées. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Leonard Ferati (S). Mesdames et Messieurs les députés, le conflit au Proche-Orient entre Israël et le Hamas ne doit pas polariser notre société au point de nous mettre dans une position binaire et aveugle qui nous force à prendre parti pour l'un ou l'autre des deux camps. En tant que parlement genevois, nous devons proposer une analyse plus consistante et surtout prendre parti pour les civils. Alors oui, il faut condamner avec la plus grande fermeté et sans équivoque l'attaque du Hamas, qui a engendré plus de mille deux cents morts du côté israélien, et oeuvrer pour le retour des plus de deux cents otages le plus rapide possible.

Cette condamnation ne doit pas nous permettre d'occulter les conséquences humanitaires dramatiques que fait subir l'Etat d'Israël aux civils palestiniens en ne respectant pas les conventions internationales. Permettez-moi, Madame la présidente, de faire état de quelques chiffres. Depuis le début de ce conflit, quarante jours se sont écoulés. En quarante jours, une personne sur deux est devenue sans abri dans la bande de Gaza. En quarante jours, une personne sur cent a été blessée par les bombardements. En quarante jours, une personne sur deux cents est morte dans la bande de Gaza. Parmi elles, une majorité d'enfants en bas âge !

Oui, la Suisse est neutre, mais être neutre ne veut pas dire ne rien faire, car ne rien faire, dans une situation coloniale, favorise toujours l'oppresseur. D'après le Département fédéral des affaires étrangères, la Suisse donne à sa neutralité une orientation humanitaire et pacifique conforme à sa tradition en matière de bons offices et d'aide humanitaire. Compte tenu des besoins de la solidarité internationale, elle aménage sa neutralité en la mettant au service du maintien de la paix et de la prospérité. Vous le savez aussi bien que moi, les pays occidentaux ont des intérêts géostratégiques et économiques dans la région. C'est pourquoi leurs prises de position sont parfois biaisées à propos de ce conflit. Pour cette raison, la Suisse doit oeuvrer pour une paix durable et une justice pour tous, sans émettre de condamnation à géométrie variable à l'encontre des auteurs, quels qu'il soient, d'actes de barbarie.

Il est également primordial de relever que les violences à l'égard des civils palestiniens n'ont pas commencé le 7 octobre: l'Etat d'Israël applique contre eux une politique d'apartheid ultraviolente en annexant et en colonisant les territoires palestiniens et en imposant un blocus sur la bande de Gaza. Selon Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l'ONU pour les territoires palestiniens occupés, Israël invoque l'article 51 de la Charte des Nations Unies, qui traite du droit de se défendre. Néanmoins, le recours à cet article n'est pas recevable, dans la mesure où Israël ne peut pas se défendre contre un territoire qu'il occupe déjà militairement, d'autant plus que la ségrégation se poursuit en Cisjordanie, alors même que le Hamas ne gouverne pas ce territoire.

Genève n'a pas de conflits armés sur son territoire, mais elle est présente dans la majorité des conflits armés dans le monde, car quasi tous les belligérants font appel au respect des Conventions de Genève et autorisent plusieurs ONG ayant leur siège social ici à oeuvrer pour la paix dans ces zones de conflit. Nous vivons dans le canton de la Genève internationale, de la Genève de l'ONU et de la Croix-Rouge ! Nous avons pour devoir d'incarner ces valeurs humanistes pour tous les peuples sans distinction ethnique, religieuse ou de couleur de peau. Aujourd'hui, nous avons rendez-vous avec l'histoire, car la Suisse humaniste et le monde nous regardent. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à accepter toute initiative pour la paix. Tâchons d'être à la hauteur ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Je soutiens ce projet de loi et une aide rapide et urgente, mais j'ai proposé deux amendements demandant d'accorder la totalité de la somme au CICR. A mon avis, il y a urgence à soutenir le droit humanitaire, les lois régissant la guerre, à savoir les Conventions de Genève, et le CICR, institut qui défend ces droits et ces valeurs.

L'attaque du Hamas du 7 octobre a montré l'horreur pure. Contrairement à certains actes de terrorisme lâches, les victimes n'ont pas été choisies par hasard: le 7 octobre, les victimes ont été ciblées et les actes ont été planifiés pour créer le maximum de haine et la contre-attaque la plus féroce. La réaction recherchée n'a pas tardé et a lieu dans l'un des territoires les plus peuplés du monde, où 45% de la population a 14 ans et moins. Il faut plus que jamais défendre le CICR et les Conventions de Genève. Je vous remercie de soutenir ce texte ainsi que, je l'espère, les amendements qui proposent de verser la totalité de la somme au CICR. Merci de votre attention.

M. Vincent Subilia (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, face au drame humain qui embrase le Proche-Orient, la Genève humanitaire ne saurait se taire. Le PLR apporte donc, et vous l'aurez compris, son plein soutien au projet de loi que nous soumet le Conseil d'Etat, et souhaite souligner la très grande qualité de l'intervention de notre conseillère d'Etat Nathalie Fontanet: elle a rappelé, à très juste titre, le triple principe d'universalité, de solidarité et de neutralité qui marque l'esprit de Genève, ce même esprit de Genève dont nous sommes ici toutes et tous porteurs en fédérant les bonnes volontés, sans clivage partisan ou politique.

On l'a dit, ce projet de loi obéit d'abord à une réelle nécessité: celle de répondre dans l'urgence à une tragédie humaine sans précédent. En outre, l'objectif de ce texte s'inscrit dans ce qui fait l'ADN de cette cité pour laquelle nous nous battons toutes et tous; celle-ci est la patrie des droits de l'Homme ainsi que de la tradition humanitaire qu'incarne Henry Dunant, sous la forme des conventions qui portent le nom de notre canton. Ce texte répond également, je le disais, à un principe de solidarité. Du reste, il vaut la peine de souligner qu'au niveau fédéral, la Confédération a aussi sollicité un soutien d'un montant de 90 millions qui s'inscrit dans le même sens.

Au-delà du fait qu'il constitue une réponse urgente, humanitaire, ce projet de loi revêt aussi une vision prospective, parce que, si elle est le berceau et le bastion de l'action humanitaire, Genève est aussi la capitale de la paix, que nous appelons toutes et tous de nos voeux. Même si la lueur est infime, il est de notre devoir de veiller à ce que la paix puisse se faire. C'est pour ça que la part du montant alloué à la recherche de solutions pacifiques nous paraît s'inscrire dans l'ADN de cette cité que nous chérissons. Il n'est pas nécessaire d'en rajouter, je crois qu'on doit faire preuve de sobriété, celle que mérite cette situation tragique. Le PLR votera naturellement avec conviction ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (LC). La cohérence de nos engagements pour une Genève pleinement consciente de sa responsabilité face aux souffrances des populations où qu'elles soient dans le monde est malheureusement encore d'actualité. Les êtres humains du Moyen-Orient souffrent: nous l'entendons et nous pouvons agir pour le manifester. Faire de la politique ce soir - vous transmettrez, Madame la présidente - c'est s'impliquer pleinement dans l'action que nous menons ici et maintenant dans ce parlement ! Faire de la politique, c'est aller jusqu'au bout de notre engagement et porter notre humanité au-devant de l'autre; tout le reste n'est que de la géopolitique. Faire de la politique dans ce parlement, c'est aussi prendre soin du prochain et entendre la souffrance. C'est en tout cas la politique que souhaite mener Le Centre, ce qu'il a toujours fait en soutenant les plus démunis !

Au nom du groupe Le Centre, je remercie le Conseil d'Etat pour le dépôt de ce projet de loi et notamment la précision de la répartition de l'aide. Il est de notre responsabilité de garantir l'acheminement de l'aide et surtout sa distribution aux populations concernées.

Aujourd'hui, il y a énormément de tensions - on l'a dit - dans notre population aussi à cause de ce qui arrive au Moyen-Orient, et rester silencieux ne nous épargnera pas de tensions supplémentaires. Nous devons prendre la parole et c'est ce que nous faisons ensemble ce soir. Ce geste démontre notre attachement aux valeurs d'entraide, de solidarité et de soutien. Acceptons à une large majorité le projet de loi tel qu'il nous a été présenté par le Conseil d'Etat ! C'est ce que fera Le Centre. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. La parole revient à M. Yves Nidegger pour une minute trente.

M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. Je dois vous faire part d'un certain malaise: je suis de ceux qui se sont publiquement étonnés de ce que la Suisse, par la voix de M. Cassis, n'ait pas appelé au cessez-le-feu ni proposé de bons offices en vue d'une solution politique, en d'autres termes, que la neutralité suisse ait tout simplement été oubliée, de même que, par conséquent, la vocation de la Suisse. Est-ce que Genève peut rattraper cela en mettant la main au porte-monnaie ? On a un peu ce réflexe. Il y a de la souffrance dans le monde, ce qui est un problème, alors on se déleste d'un peu d'argent et, de cette façon-là, on effectue un blanchiment de conscience relativement autocentré. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne façon de faire.

La Suisse a un renom dans le monde: sa politique de neutralité est discrète, ce qu'elle fait pour aider, elle veille à ce que personne ne le sache. C'est grâce à cette modestie-là que nous avons été pendant de nombreuses années très utiles à nos prochains à travers le monde. Or exprimer aujourd'hui cet esprit cocardier, lancer ce débat assez inutile - on vient de voir que, d'un côté à l'autre de l'hémicycle, on prend parti pour ou contre le Hamas -, c'est exactement l'inverse... (Exclamations.) ...de ce que devrait faire la Suisse, c'est exactement l'inverse de ce que doit faire Genève. Pour toutes ces raisons et à cause du malaise qui découle de ce débat que je trouve mal engagé, parce qu'un peu autocentré, je vous recommande d'accepter plutôt les amendements, qui nous ramènent à notre modestie naturelle. Laissons faire ceux qui savent...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Yves Nidegger. ...laissons le CICR agir, et cessons de nous mettre en avant et de blanchir nos consciences face à la souffrance du monde. Ça ne nous élève pas d'un centimètre !

M. Francisco Taboada (LJS). Qui, chers collègues, n'est pas impacté par les images que l'on peut voir tous les jours dans les médias ? On a entendu de belles phrases, de beaux propos de la part de tous les représentants de ce Grand Conseil. On peut féliciter et remercier ce soir le Conseil d'Etat pour sa position !

Genève a rendez-vous avec l'histoire ! Genève a accueilli de nombreuses réunions visant à trouver des accords de paix dans le monde. Genève doit aujourd'hui prendre cette posture et aller de l'avant !

Au nom du groupe LJS, je félicite une fois de plus le Conseil d'Etat, et notamment notre conseillère d'Etat, Mme Nathalie Fontanet, pour ses propos; je suggère que nous laissions le Conseil d'Etat concrétiser ce projet de loi de la manière qu'il estime la bonne et effectuer les contrôles nécessaires pour que l'argent arrive à bon port de la meilleure manière possible. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, tout a été dit quasiment à l'unisson. Celui qui ne veut rien faire trouvera toujours une excuse, celui qui veut faire quelque chose trouvera une raison. Merci au Conseil d'Etat d'avoir trouvé les raisons de faire quelque chose avec tact et sensibilité dans une situation où l'émotion s'exprime vite et parfois mal ! Nous sommes à Genève: personne ailleurs ne peut parler des Conventions de Genève mieux que dans ce parlement. Ces conventions doivent être respectées, et dans le cas où elles ne le seraient pas - et j'utilise volontiers le conditionnel, car l'histoire et d'autres que nous en décideront -, nous devons malgré tout être là pour apporter notre secours aux populations civiles.

Merci à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet pour ses propos ! Je pense que personne ne pourrait mieux expliquer les motivations qui doivent nous animer aujourd'hui. Que votre démarche soit couronnée de succès !

En notre for intérieur, nous avons tous une opinion, mais nous devons nous rappeler que la force du petit pays qui est le nôtre, c'est d'abord sa neutralité, c'est d'abord de pouvoir offrir nos bons offices à celles et ceux qui veulent venir ici pour trouver des solutions. Pointer du doigt des coupables n'est évidemment pas adéquat pour un pays comme le nôtre. Il n'y aurait pas de Conventions de Genève, il n'y aurait pas de CICR si la Suisse n'était pas neutre. N'oublions pas que nous tuerions la matrice en infligeant des sanctions à la va-vite aux uns et aux autres. Soyons là où il faut être, c'est-à-dire auprès des victimes ! Merci. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 13388 est adopté en premier débat par 88 oui et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Nous sommes saisis de deux amendements de M. Pfeffer. Nous votons sur le premier, libellé comme suit:

«Art. 1 But (nouvelle teneur)

La présente loi vise à assurer une contribution humanitaire d'urgence afin de soutenir les activités du CICR dans la bande de Gaza.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 80 non contre 11 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté.

La présidente. Voici le second amendement de M. André Pfeffer:

«Art. 2 Financement (nouvelle teneur)

Une subvention pour un montant total de 4 millions de francs est accordée par l'Etat au CICR, afin d'assurer la poursuite de son action humanitaire en faveur de la population de la bande de Gaza.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 81 non contre 11 oui.

Mis aux voix, l'art. 2 est adopté, de même que les art. 3 à 5.

La présidente. Nous nous prononçons à présent sur l'article 6 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 6 est adopté par 89 oui et 3 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13388 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 91 oui et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 13388 Vote nominal