République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2895-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier la proposition de motion de Guy Mettan, Patrick Lussi, Marc Falquet, André Pfeffer, Christo Ivanov, Thomas Bläsi pour un bilan sanitaire et social détaillé de la crise sanitaire du COVID-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 11 et 12 mai 2023.
Rapport de majorité de M. Alexis Barbey (PLR)
Rapport de minorité de M. Guy Mettan (UDC)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous repassons à l'ordre du jour ordinaire avec la M 2895-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Alexis Barbey.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis ici d'une demande du député Guy Mettan de faire une... un... (Un instant s'écoule.) Excusez-moi, j'ai une petite panne informatique. (L'orateur ferme son ordinateur.) Je vais travailler uniquement sur la base de ce qu'il me reste de cerveau. (Rires.) Nous sommes donc saisis d'une demande de M. Guy Mettan de tirer un bilan de la manière dont le covid a été géré à Genève, en particulier sur les plans social, médical et budgétaire.

Or il se trouve que ce bilan a déjà été effectué par le Conseil d'Etat sous la forme d'un rapport extrêmement détaillé qui a été adressé à la commission de contrôle de gestion, laquelle l'a soumis à votre sagacité en vous recommandant de l'accepter, ce que vous avez fait. La commission de contrôle de gestion estime dès lors que la présente requête n'est pas recevable et vous suggère de refuser cette proposition de motion. Je crois qu'il n'y a pas grand-chose à ajouter sur cette question et je me réjouis de pouvoir en débattre avec M. Nidegger.

Le président. Merci. (Un instant s'écoule.) Monsieur Nidegger, vous demandez la parole ?

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Oui, désolé, c'est que deux avocats ont été commis d'office concurremment pour la défense de M. Mettan, qui se trouve en Chine à l'heure actuelle, raison de cette petite confusion. Pour résumer les choses, la minorité de la commission reproche à la majorité d'avoir exécuté dans une ruelle sombre la proposition de motion de Guy Mettan au motif que tout aurait déjà été fait et dit par le Conseil d'Etat dans un rapport qui est pourtant essentiellement d'ordre financier.

Le souci de notre collègue Mettan - jadis député indépendant, recueilli depuis lors dans la famille de l'UDC qui en a maintenant la garde - était beaucoup plus large que celui-là: il s'agissait de dresser un bilan social, un bilan économique - au sens de l'économie réelle, pas juste des comptes de l'Etat -, un bilan sanitaire d'un événement qui, pour les historiens du futur, chers collègues, demeurera un point de bascule dans l'histoire: le moment où l'Occident s'est mis à décliner très rapidement - la fin de la mondialisation joyeuse, pour faire simple. Je vous donne mon billet: tous les historiens décideront que l'année 2020, à cause du covid, constitue ce tournant; d'ailleurs, la crise l'exemplifie extrêmement bien.

S'interroger ainsi, dans un moment de répit, est tout à fait pertinent. En effet, soyons clairs: les virus continueront à se répandre. Depuis celui de la variole qui tire son nom de la vache - il y a 12 000 ans, ayant domestiqué le bovin, l'humanité s'est chopé un virus qui, pour la première fois (du moins de manière historiquement documentée), a muté d'un animal vers l'homme -, ils n'ont cessé de se propager à travers tout le Moyen Age et jusqu'à aujourd'hui, et ça continuera demain. Nous allons vivre avec des virus qui mutent et qui viennent paralyser nos sociétés, et ne pas s'intéresser, dans un moment de répit qui ne sera probablement pas éternel, à la manière dont on a réagi politiquement, aux conséquences qu'ont pu avoir certaines mesures, c'est se condamner stupidement à commettre de nouveau les mêmes erreurs que celles qui ont déjà été constatées.

Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente

Un millier de questions restent ouvertes dans cette histoire. En 2022, c'est-à-dire après la fin du covid, la mortalité était supérieure de 4500 à 7000 décès à la mortalité ordinaire alors que tout le monde avait été vacciné jusqu'à quatre fois. D'où provient cette mortalité excessive - également décelée à Genève ? Il s'agit d'une question éminemment importante au regard de notre politique de santé. Par ailleurs, 265 millions de francs ont été dépensés par l'Etat de Genève - cela figure dans le rapport financier qui a été présenté; oui, mais pourquoi ? Et quel est le coût des dégâts de santé publique, des retards scolaires et de tout le reste ? Si l'on ne veut pas refaire les mêmes erreurs, il faut évidemment traiter cette proposition de motion. C'est la raison pour laquelle je sollicite son renvoi à la commission de contrôle de gestion.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur Barbey, souhaitez-vous vous exprimer sur cette demande de renvoi ?

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Oui, volontiers, merci. Le rapport du Conseil d'Etat sur la crise sanitaire, sociale et financière que nous avons vécue à cette époque répond déjà à toutes les questions que nous pourrions nous poser, et j'invite cette noble assemblée à s'y référer. Ce rapport du Conseil d'Etat montre que la question a été complètement traitée. Dès lors, je m'oppose au renvoi à la commission de contrôle de gestion. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur. Nous procédons au vote sur la proposition de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2895 à la commission de contrôle de gestion est rejeté par 72 non contre 11 oui.

La présidente. Nous continuons le débat. Madame Nicole Valiquer Grecuccio, vous avez la parole.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste refusera très clairement cette proposition de motion. Je crois que le rapporteur de majorité l'a rappelé, notre Grand Conseil a largement étudié la motion 2838 qui avait été déposée en son temps par M. Guinchard. Je ne me rappelle plus si M. Mettan était encore PDC à cette époque, mais ce que je sais, c'est qu'il était député et qu'il a participé au vote du rapport du Conseil d'Etat sur cette motion; nous avions renvoyé en commission cet objet une première fois en novembre 2022 avant que ce plénum, dans sa totalité, accepte le rapport que le Conseil d'Etat lui avait fourni en mai 2022.

Par conséquent, toutes les réponses ont déjà été données. On ne répétera jamais assez que la commission de contrôle de gestion, pendant la crise du covid, a obtenu des rapports circonstanciés de la direction générale de la santé, accompagnée de son conseiller d'Etat d'alors, M. Poggia, qui montraient la très bonne gestion de la pandémie. On devrait faire preuve d'un peu d'humilité et se souvenir que le canton a fait face à cette crise alors qu'il y avait beaucoup d'angoisse, et on la comprend, au sein de la population. Encore une fois, j'abonde dans le sens de M. Barbey et j'invite M. Mettan ainsi que tous les nouveaux députés UDC à lire le rapport sur la motion 2838 qui, j'en suis certaine, saura les rassurer. Merci beaucoup.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le rapport du Conseil d'Etat a déjà été mentionné. Il s'agit d'un rapport extrêmement complet qui, au contraire de ce qu'a soutenu le rapporteur de minorité, couvre tout le spectre des activités de l'Etat. Je viens de le feuilleter: on y évoque les activités sportives et culturelles, l'économie... Encore une fois, il s'agit d'un rapport tout à fait exhaustif.

J'ajouterai que la commission de contrôle de gestion a surveillé jour après jour - ou plutôt semaine après semaine - l'ensemble des activités. Nous avons reçu très régulièrement le conseiller d'Etat, les responsables de la santé, la médecin cantonale: la situation a été suivie de très près.

Le rapport du Conseil d'Etat n'est pas du tout lénifiant, contrairement à ce qu'on pourrait prétendre, il est même relativement critique s'agissant du degré de préparation de l'Etat, de son agilité en matière informatique ainsi que du fonctionnement du dispositif de protection en cas de catastrophe, ORCA GE. Il contient par ailleurs deux rapports externes qui sont cités dans le rapport de majorité.

J'aimerais relever autre chose, à savoir que la gestion des risques est une branche assez complexe qui doit allier des paramètres scientifiques, économiques et éthiques. Dans le cas de la pandémie qui nous a occupés, il a été accordé une valeur élevée aux vies humaines, vous l'avez remarqué, au détriment d'un certain nombre d'autres facteurs, par exemple économiques. En effet, comme cela a été signalé, on a dépensé passablement d'argent dans cette aventure.

Ce que j'aimerais souligner aussi, c'est qu'on a pris un certain nombre de décisions sur des probabilités d'occurrences relativement basses de certains événements. Il s'agissait de choix éthiques, de choix politiques relevant de la culture et des valeurs de chaque canton, de chaque pays. Ainsi, une comparaison avec d'autres pays est parfaitement inutile, puisque quantité de paramètres socioéconomiques sont variables d'un endroit à l'autre de la planète. Tiens, la pyramide des âges, par exemple: vous savez que la pyramide des âges peut avoir une influence extrêmement importante sur la mortalité après une infection. On ne peut donc pas comparer un pays à l'autre, car les pyramides des âges sont différentes.

Enfin, pour ma part, j'ai apprécié la communication de l'incertitude qui a été faite soit par les autorités cantonales, soit par les autorités fédérales. Je vous conseille simplement d'arrêter de remuer la vase; on peut toujours faire mieux, mais on peut aussi largement faire pire. Le Conseil d'Etat a rendu un rapport complet, un certain nombre de recommandations ont été présentées et seront suivies. Nous vous appelons donc à refuser résolument cette proposition de motion.

Mme Patricia Bidaux (LC). Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux propos de M. le député Eckert. Cette proposition de motion invoque différentes choses, notamment le cadre général qui devrait être abordé de manière différente et des décisions collectives qui pourraient être plus efficaces. Eh bien je mets quiconque ici au défi d'établir un protocole qui ne soit pas centralisé, mais bien horizontal lorsqu'il s'agit de prendre des mesures d'urgence ! Les mesures d'urgence exigent d'être rapidement mises en oeuvre et connues de tous à l'avance.

L'augmentation des inégalités fait également partie des arguments de ce texte. Oui, on le sait déjà, il n'est pas question de faire l'autruche. Il y a eu des inégalités, notamment s'agissant de personnes vivant dans des quartiers comme les Libellules: elles ont été bien plus malmenées que celles qui habitaient dans des zones entourées de verdure ou qui possédaient un coin de jardin.

En ce qui concerne les mesures sur le plan médical et épidémiologique, Mesdames et Messieurs, les résultats ont été transmis très régulièrement aux membres de la commission de contrôle de gestion et ont pu être mis en relation avec ce qui s'est passé ailleurs.

Enfin, pour revenir aux inégalités, je rejoins tout à fait M. le député Eckert: on a accordé plus d'importance à certains paramètres, on a privilégié la survie humaine. Il y a eu de grandes difficultés pour les personnes domiciliées en EMS: elles ont été écartées, isolées. Les constats ont été effectués, des mesures pourront être prises à l'avenir afin de gérer les choses de manière équitable et efficiente. Pour toutes ces raisons, Le Centre refusera cette proposition de motion et vous remercie de faire de même.

La présidente. Je vous remercie. La parole retourne à M. Yves Nidegger pour deux minutes quarante-sept.

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Ah, quand même ! Merci, Madame la présidente. Il n'en reste pas moins que les mesures prises ont tout arrêté, sauf le virus. On renvoie au Conseil d'Etat des motions pour beaucoup, beaucoup, beaucoup moins que cela, mais en l'occurrence, parce qu'il y a une sorte de consensus consistant à dire: «On met les choses sous le tapis, on ne veut pas savoir», on ne la renverra apparemment pas, si l'on en suit la majorité.

Chers collègues, l'urgence a duré deux ans. On a largement eu le temps de penser. L'état d'urgence a duré deux ans, mais les paramètres à partir desquels on a réfléchi à cette urgence n'ont pas véritablement changé en deux ans. On avait une speakerine météo avec une calvitie et parfois un chapeau qui venait nous dire, le mercredi, en lisant un prompteur qu'elle n'avait pas elle-même écrit, ce qu'on allait pouvoir faire cette semaine: «Vous pourrez aller à la Migros acheter du savon, mais pas des fleurs, et la semaine prochaine, vous pourrez acheter d'autres choses.» On est entrés dans un vaudeville absolument ahurissant qui a tenu tout le monde éveillé et distrait, mais tout cela n'est pas de la politique.

Quant aux comparaisons prétendument impossibles, je vous rappelle qu'à certains moments, la Confédération avait le «lead» tandis qu'à d'autres, le «lead» était donné aux cantons. Aussi, les comparaisons entre cantons, pour prendre des situations parfaitement comparables entre elles, sont tout à fait possibles si, par hypothèse, on cherchait à faire mieux la prochaine fois. Il faut donc accepter cette proposition de motion et la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, naturellement, on peut toujours faire mieux la fois suivante, également en ce qui concerne le rapport du Conseil d'Etat. On pourrait imaginer qu'il développe davantage un volet de comparaison internationale s'agissant des mesures prises, donc oui, on peut toujours faire mieux. Mais alors, à ce moment-là, il ne faudrait jamais s'arrêter d'écrire de nouveaux rapports pour essayer d'atteindre la perfection. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un modus operandi extrêmement porteur et je ne vous le recommande pas.

Je vous recommande d'autant moins les comparaisons internationales que cette motion nous demande d'effectuer une comparaison épidémiologique entre la Biélorussie et la Suisse alors que la Biélorussie n'a pas exactement la même densité de population que la Suisse, alors que la qualité des chiffres que ce pays présente risque de ne pas être la même que la nôtre. Bien que M. Mettan, l'auteur de ce texte, ressente une affection particulièrement aiguë pour la Biélorussie, je ne vous proposerai pas d'investir du temps du Conseil d'Etat dans une comparaison entre ces deux nations. Par conséquent, je vous invite à refuser cet objet. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de voter.

Mise aux voix, la proposition de motion 2895 est rejetée par 72 non contre 11 oui (vote nominal).

Vote nominal

La présidente. Avant de passer au point suivant, je voudrais m'excuser pour mon arrivée tardive. Il se trouve que j'ai eu le plaisir de représenter notre canton aux 175 ans de la Constitution organisés par le président du Conseil national. J'en ramène une copie conforme de l'ancien écusson genevois qui trône dans la salle du Conseil des Etats. (La présidente montre la copie de l'écusson genevois.) Nous pourrons l'exposer quelque part à l'Hôtel de Ville. (Applaudissements.)