République et canton de Genève

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M 2890-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de motion de Salika Wenger, Yves de Matteis, Didier Bonny, Jean Batou, Pierre Vanek, Marta Julia Macchiavelli, Marjorie de Chastonay, Ruth Bänziger, Anne Bonvin Bonfanti, Nicole Valiquer Grecuccio, Jocelyne Haller, Badia Luthi, Jean-Charles Rielle pour un mémorial des victimes du VIH-sida
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 31 août et 1er septembre 2023.
Rapport de majorité de M. Yves Nidegger (UDC)
Rapport de minorité de M. Matthieu Jotterand (S)

Débat

La présidente. Nous passons à la M 2890-A, classée en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole si vous la demandez.

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Je la demande et je la prends, merci, Madame la présidente. La commission des Droits de l'Homme a examiné le 15 juin 2023 cette proposition de motion déposée par Mme Salika Wenger tout à la fin de la législature passée, le 1er décembre 2022. Elle demande l'érection à Genève d'un mémorial pour les personnes décédées du sida. Après en avoir débattu, la majorité de la commission a décidé, par 6 voix contre 3, de rejeter cette motion, avec deux arguments principaux: le premier est qu'un mémorial, qui fait état d'un devoir de mémoire, n'a de sens que lorsqu'une génération veut projeter vers l'avenir, à l'attention des générations futures, un souvenir qui soit de nature à éviter qu'un fait ne se reproduise. En particulier, lorsqu'une idéologie surgie d'un esprit criminel a causé un grand nombre de morts, on tient évidemment, lorsqu'on est dans la génération qui a connu tous ces morts, à faire savoir pour le futur que certaines façons de penser, par exemple, peuvent conduire à des conséquences criminelles ou meurtrières. Le devoir de mémoire, c'est cela.

Lorsque vous vous adressez à des virus qui peuvent muter sans arrêt aux quatre coins du monde, la mémoire du virus n'est pas forcément très perméable aux messages symboliques. Ces virus se promènent rarement devant les mémoriaux afin de s'imprégner et de s'édifier de la sagesse qu'ils peuvent renforcer. En d'autres termes, on ne va pas prévenir par une action de mémoire la survenance de nouveaux virus éventuellement capables de nous tuer.

Et puis, la deuxième raison: les victimes d'une maladie, certes, mais pourquoi celle-ci ? On meurt beaucoup plus à travers le monde, et de manière écrasante - prenez les chiffres de l'OMS -, de maladies cardiovasculaires ou de maladies respiratoires, beaucoup plus mortelles que n'a pu l'être le sida, qui par ailleurs ne tue pas directement: il affecte votre système immunitaire, et ce qui vous tue au final, ce sont d'autres maladies opportunistes qui se développent parce que votre système immunitaire est défaillant.

Pour ces deux raisons, la majorité de la commission a considéré que l'idée d'un mémorial n'avait pas grand sens et qu'il convenait par conséquent de rejeter cette motion, ce que la majorité vous invite à faire également ce soir. Je vous en remercie par avance.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il existe de par le monde de nombreux mémoriaux pour de nombreuses raisons, et là où je rejoins le rapporteur de majorité, c'est que si on a un mémorial sur un sujet, pourquoi pas sur un autre ? Ça, c'est tout à fait vrai. Cela dit, il existe déjà de nombreuses villes où des mémoriaux pour le VIH-sida sont érigés: on peut citer Londres, San Francisco, New York. A n'en pas douter, la Genève internationale, siège de l'Organisation mondiale de la santé et d'ONUSIDA, serait certainement une ville indiquée pour en accueillir un. Mais il n'en va pas de même pour les commissaires d'extrême droite, malheureusement rejoints pour l'occasion par les commissaires de droite, à la commission des droits humains.

La première question, posée par le commissaire UDC, consistait à se demander s'il s'agissait de se souvenir de morts ou, je cite, des «victimes de l'homosexualité masculine». Voilà donc un raccourci, et si les questions qui ont suivi étaient moins directement formulées, elles allaient toutefois dans le même sens, à savoir qu'un mémorial qu'ils estiment être, entre guillemets, «pour les homosexuels» n'a pas lieu d'être. La désignation de ce commissaire UDC, M. Nidegger, comme rapporteur de majorité par la commission semble confirmer le ralliement malheureux des commissaires de droite et d'extrême droite.

Il s'agit d'un virus, c'est vrai, mais il s'agit aussi de la réponse que les humains y ont apportée. Et là, c'est vite oublier ce qui s'est passé dans les années 80 et 90, Mesdames et Messieurs, c'est vite oublier les discriminations, les comportements inhumains qui ont eu lieu, l'absence de réponse et de moyens alloués. Pourquoi ? Evidemment, parce que ça a touché des pauvres, des personnes défavorisées, des personnes discriminées. C'est vite oublier ça, Mesdames et Messieurs.

Mais alors, qu'a fait la commission ? Elle a refusé toute audition, sans débat ! On en a discuté vingt minutes, on a refusé toutes les auditions et on n'a rien fait d'autre. On aurait pu entendre certains acteurs, certains survivants et survivantes. On aurait pu se forger ainsi une opinion et pas seulement se baser sur le dogme. Malheureusement, l'opinion était déjà arrêtée. Le commissaire MCG a estimé qu'auditionner des personnes et refuser ensuite l'objet pourrait engendrer un «ressenti subjectif de méprise à leur égard». Ce qui est certain, c'est que refuser ne serait-ce que de les entendre engendrera chez eux un ressenti totalement objectif de la méprise de la majorité de la commission à leur égard.

Etant donné que la commission des droits humains a jeté le bébé avec l'eau du bain, pour un objet qui somme toute ne demande pas grand-chose, et la commission n'ayant pas été en mesure de comprendre les enjeux sous-jacents à l'apparition d'une maladie totalement nouvelle, à la réaction humaine à cette maladie qui touche plusieurs pans souvent défavorisés de la population et qui avait causé de graves discriminations liées à la réponse apportée à l'époque, la minorité propose un renvoi à la commission de la santé pour réétudier l'objet, en espérant un travail un peu plus objectif et moins dogmatique. (Commentaires. Applaudissements.)

La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de la santé. Monsieur le rapporteur de majorité, souhaitez-vous vous exprimer à ce propos ?

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Oui, merci, Madame la présidente. Je m'oppose au renvoi. Je signale au passage que j'accepte volontiers la controverse, mais de là à me citer de travers, ce n'est pas très honnête de votre part.

Une voix. C'est dans le procès-verbal.

M. Yves Nidegger. Ce n'est pas ce que j'ai dit. (Remarque.)

La présidente. Je vous prie de ne pas tenir un dialogue à deux. Monsieur le rapporteur de minorité, s'il vous plaît, vous aurez la parole après. (Remarque.)

M. Yves Nidegger. Tout à fait d'accord, mais lorsqu'on est capable de citer un collègue de manière fausse afin de faire déraper sur l'homophobie le débat... Il ne faut pas aller le faire en commission de la santé, ça n'apportera rien.

La présidente. Je vous remercie. Nous allons voter sur la demande de renvoi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission de la santé est rejeté par 56 non contre 33 oui.

La présidente. Nous continuons le débat, la parole est à M. Pierre Conne.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, un mémorial est destiné à conserver ou à perpétuer un souvenir; or, je tiens à rappeler ici que nous sommes dans l'actualité: en 2022, près de 40 millions de personnes dans le monde vivaient avec le VIH-sida; plus de la moitié, 53%, étaient des femmes et des filles, et sur ces 40 millions, seules un tiers des personnes ont accès au traitement.

On n'est donc pas, Mesdames et Messieurs, dans une situation de mémoire aujourd'hui, on est face à une épidémie active qui nous menace tous, y compris en Suisse, et pour laquelle nous devons non seulement continuer à être vigilants sur le plan de la santé publique par tous les moyens - nous les avons heureusement à Genève -, mais également soutenir des actions de santé publique pour les pays qui en ont besoin dans le cadre de projets de coopération. Nous sommes dans l'actualité, nous sommes dans un combat à l'échelon mondial pour pouvoir permettre à toutes et à tous de se protéger et, le cas échéant, de vivre avec la maladie, ainsi que pour éradiquer cette maladie à terme - c'est évidemment l'espoir que nous mettons dans la recherche. Le jour où elle aura disparu, peut-être que le moment sera venu de se poser la question d'un mémorial. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, le PLR vous propose de rejeter cette motion. Je vous remercie.

Mme Christina Meissner (LC). Effectivement, les mémoriaux s'adressent aux humains par rapport à des actes de barbarie qui ont été commis par des humains et dont on souhaite qu'ils n'aient jamais lieu à nouveau. Leur but est donc d'influencer la mémoire des humains pour qu'ils se rappellent ce qui s'est passé et les conséquences catastrophiques de ces événements.

Comme l'ont dit le rapporteur de majorité et M. Conne avant moi, effectivement, le problème des maladies en général, mais spécialement des maladies virales, c'est qu'il y en a eu, il y en aura encore, et elles sont pleinement d'actualité. Ce n'est donc pas un mémorial qu'il faut faire, mais plutôt lutter encore et toujours contre des maladies dont certaines ont eu des conséquences dramatiques - il n'y a pas que le VIH, je crois qu'en matière de virus, on a eu notre dose dernièrement avec le covid. C'est un travail médical qui est nécessaire, un travail de lutte au niveau mondial auquel il ne faut pas mettre fin. Le Centre refusera cette motion.

M. Yves de Matteis (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion, dont la première signataire est notre ancienne collègue Salika Wenger, est particulièrement modeste. Elle ne demande pas de financement et ne coûtera pas un centime à l'Etat, mais constituerait un soutien symbolique important de la part de notre Conseil. En effet, le mémorial dont il s'agit fera l'objet d'une souscription auprès des citoyens et citoyennes qui désireront l'appuyer. Ce texte avait été corédigé peu avant le 1er décembre, Journée mondiale du sida, par des personnes directement ou indirectement concernées.

D'aucuns pensent que l'épidémie de sida est derrière nous, que les situations qu'elle a engendrées étaient certes dramatiques, mais que plus personne aujourd'hui n'est concerné, en tout cas chez nous; c'est faux. Il y a une année, j'ai mangé et discuté avec de nombreuses personnes séropositives à l'occasion d'un repas organisé par PVA Genève, et j'ai pu constater que malheureusement, encore aujourd'hui, des personnes contractent cette maladie, dont certes les conséquences, et c'est heureux, sont moins graves que par le passé.

On meurt encore du sida aujourd'hui à Genève. D'ailleurs, peu de temps avant la rédaction de ce texte, j'ai moi-même perdu un ami de cette maladie après des années de rémission. De plus, il y a tous ceux et toutes celles qui restent. C'est peut-être avant tout pour elles et pour eux qu'il faudrait édifier un tel monument, et pas seulement pour celles et ceux qui ne sont plus avec nous et ne pourront plus le voir.

L'épidémie de VIH-sida a créé plus de stigmatisation et de discrimination qu'aucune autre maladie depuis des décennies, voire des siècles. J'en veux pour preuve la Journée mondiale du sida, qui a toujours lieu aujourd'hui, et l'existence de l'ONUSIDA, qui siège dans notre ville. Chaque année, le 1er décembre voit un service interreligieux réunir les Eglises chrétiennes ainsi que des responsables musulmans, juifs, voire d'autres religions. Beaucoup de ces personnes verraient peut-être d'un oeil favorable l'édification d'un mémorial un peu plus durable que cette expression de la solidarité et du souvenir légitime, mais qui n'a lieu qu'une fois par an. Nous aurions d'ailleurs pu demander en commission leur avis aux personnes concernées, voire aux membres de cette coalition, mais la majorité a voulu agir de manière plus expéditive. Pourtant, tant la thématique que les personnes concernées auraient mérité mieux, ce d'autant plus que la motion ne demandait, je le répète, qu'un soutien symbolique.

Pour cette raison, je me permets de vous redemander un renvoi en commission, afin que ces associations ou ces personnes puissent être auditionnées, même de manière groupée; je parle ici de la commission des Droits de l'Homme. J'ai peine à croire que les partis qui placent l'humain au centre ou qui ont été durant des années les défenseurs d'un humanisme qui caractérise encore aujourd'hui l'«esprit de Genève» refuseront cette demande de renvoi en commission, que je me permets de réitérer. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de minorité, souhaitez-vous vous exprimer au sujet de cette nouvelle demande de renvoi ?

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Oui, très brièvement, pour vous dire que la demande de renvoi en commission est tout à fait légitime. (Brouhaha.) Cet objet n'a pas eu de réel...

La présidente. Excusez-moi. Mesdames et Messieurs, pas besoin de vous préciser qu'une discussion en travers de la salle, ça pose problème. Merci.

M. Matthieu Jotterand. A moins évidemment que ce soit pour le renvoi en commission, auquel cas...

La présidente. Et je vous rappelle, pour ceux qui ont un doute: lors d'une demande de renvoi en commission pour un objet qui sort de commission, nous votons immédiatement sur le renvoi. Si c'est un nouvel objet, nous votons à la fin du débat. Allez-y, Monsieur le rapporteur de minorité.

M. Matthieu Jotterand. Je profite de cette rapide intervention pour rappeler que les propos que j'ai prêtés à M. Nidegger proviennent exactement du procès-verbal. Je le répète, cet objet n'a pas bénéficié d'un réel traitement en commission: je vous invite à lui donner une réelle chance de traitement, quitte à le refuser, et pas à juste servir du dogme tel que cela a été fait à la commission des droits humains. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de majorité ?

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Ma position est la même que pour la première demande de renvoi, Madame la présidente.

La présidente. Je vous remercie. Nous votons sur cette demande de renvoi à la commission des Droits de l'Homme.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 47 non contre 36 oui et 3 abstentions.

La présidente. Nous continuons le débat, et c'est Mme Jacklean Kalibala qui a la parole pour deux minutes vingt-cinq.

Mme Jacklean Kalibala (S). Merci, Madame la présidente. Pour revenir au devoir de mémoire et au mémorial, ce dernier a en effet pour but que nous nous rappelions quelque chose. Maintenant, je pense qu'il est important de relever qu'en ce qui concerne le virus du VIH-sida, la mémoire n'est pas là pour rappeler quelque chose au virus, mais aux gens. C'est un virus contre lequel on doit encore lutter, mais il faut bien comprendre que la lutte contre le VIH-sida passe essentiellement par des moyens individuels. Il faut influencer le comportement des gens: il faut porter un préservatif, il faut se faire tester; et pour que les gens fassent ça, ils doivent se sentir concernés par ce qui se passe.

Aujourd'hui, grâce aux avancées des traitements, on ne voit plus les malades du VIH comme des malades graves, et c'est une bonne chose. Mais ça a pour résultat que les gens ne se sentent plus concernés par cette maladie. Pourtant, même si en Suisse, par rapport à d'autres endroits dans le monde, nous sommes peu touchés par cette maladie, en Suisse romande, notamment à Genève, nous avons le taux d'incidence de nouveaux cas du VIH le plus haut de notre pays, à savoir 6,2 pour 100 000 personnes, contre 3,6 au niveau national. Nous sommes donc particulièrement touchés par cette maladie. Nous devons rappeler aux jeunes, à toutes les personnes qui ont des rapports sexuels, de se protéger pour lutter contre cette maladie. C'est pour cette raison-là qu'il y a un devoir de mémoire.

L'autre point qui a été rappelé est que Genève est un lieu important pour ONUSIDA, l'organisation internationale qui défend les malades du sida et travaille dans la lutte contre ce virus. On est un chef-lieu pour cette organisation et beaucoup d'autres qui se consacrent au sida, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l'International AIDS Society, etc.

Il y a donc beaucoup de raisons d'ériger un mémorial contre ce virus à Genève. C'est seulement en gardant cette mémoire active et vivante qu'on pourra lutter contre cette maladie qui touche des millions de personnes dans le monde et qui tue encore aujourd'hui. Je demande un renvoi à la commission de la santé... (Commentaires.) ...parce que c'est un problème de santé publique et pas un problème de droits humains, qui doit être traité par des personnes compétentes qui ont une sensibilité par rapport à la santé ! Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de minorité, avez-vous quelque chose à ajouter concernant le renvoi en commission ? (Commentaires.)

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Oui, merci, Madame la présidente. Je pense que c'est bien ce qui a été dit par ma préopinante qui compte. Il y a vraiment une nécessité de mémoire et surtout, il n'y a pas besoin d'attendre que ce soit terminé: on a par exemple des mémoriaux sur des conflits armés, sur des guerres, qui ne sont pas forcément terminés; il n'y a pas maintenant la paix sur terre partout, tout le temps, et pourtant on érige des mémoriaux. Que ce soit absolument terminé, ce n'est pas la question.

Les mémoriaux représentent un devoir de mémoire vraiment beaucoup plus complexe que ce qui a été établi de manière extrêmement expéditive par la majorité, qui en réalité a envie d'évacuer ce mémorial sur un sujet qui l'ennuie - sachant que, bien entendu, celui-ci n'empêche pas de faire des monuments sur d'autres sujets. D'ailleurs, on a voté plus tôt un projet de loi sur le Haut-Karabakh, cela ne veut pas dire pour autant que les autres causes ne valent rien. On est ici exactement dans la même configuration, il faut donc absolument traiter de cet objet sérieusement, même s'il y a des réticences. Pour l'instant, ce traitement sérieux n'a pas eu lieu, le Grand Conseil n'a pas daigné le faire; pour cette raison, un renvoi en commission me semble tout à fait nécessaire.

La présidente. Je vous remercie. Même s'il est tard, j'invite les personnes à rester à leur place et à ne pas lancer de discussions dans les travées, merci. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission, vous avez la parole.

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Madame la présidente, on vient de rejeter le renvoi à la commission de la santé. On nous demande de voter à nouveau dix minutes, cinq minutes plus tard, sur la même question, donc évidemment, ma position n'a pas changé. C'est maintenant un problème de santé; peut-être qu'étant donné qu'il s'agit d'un monument, c'est aussi un problème d'aménagement du territoire ! On peut essayer toutes les commissions jusqu'à la fin de la soirée... (Remarque.) ...mais si véritablement l'argumentation adverse et minoritaire n'a pas d'autres arguments que d'énumérer nos commissions telle une litanie, il vaudrait mieux arrêter et procéder au vote.

La présidente. Je vous remercie. Je ferai volontiers voter sur cet objet quand nous serons à la fin du débat. Pour l'instant, nous votons sur la nouvelle demande de renvoi à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission de la santé est rejeté par 55 non contre 30 oui et 2 abstentions.

La présidente. Nous continuons le débat. La parole est à M. Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est pernicieuse. Pourquoi l'est-elle ? Parce qu'elle prend le parlement en otage, en laissant entendre à celles et ceux qui nous écoutent que les parlementaires qui ne la soutiendraient pas ne seraient pas sensibles à ce qu'ont vécu les victimes du HIV. C'est inadmissible !

Je pense que le travail qui a été fait pour la préparation de cette motion est mauvais puisqu'on essaie aujourd'hui, par une pirouette qui s'éloigne du texte, de nous faire croire qu'on va voter sur autre chose que ce qui nous est soumis.

Je rappelle que le texte demande un mémorial pour «rappeler à notre mémoire les milliers de personnes décédées des suites de l'épidémie de sida». On ne nous demande pas d'ériger un mémorial pour la souffrance issue de la discrimination dont ont été victimes les personnes atteintes du sida. Si on veut un mémorial en souvenir des personnes qui sont décédées du HIV, il faudrait, par égalité de traitement, ériger des mémoriaux pour toutes les personnes décédées en raison d'une épidémie, d'une catastrophe naturelle ou de je ne sais quoi d'autre. C'est tout simplement pour cela que nous ne voulons pas ce mémorial.

L'invite demande de «réaffirmer une nécessaire solidarité avec les personnes vivant avec le VIH ou malades du sida qui vivent dans notre canton»: on va faire un mémorial pour rendre hommage aux personnes qui souffrent du sida, or ce n'est pas d'un mémorial qu'elles ont besoin, mais d'une action ! Et cette action est menée quotidiennement par les associations qui ont des mandats de prestations de l'Etat pour détecter la maladie, évidemment, la prévenir avant tout, et ensuite pour prendre en charge ces personnes de manière correcte, quel que soit d'ailleurs le lieu de la contamination.

Qu'on ne se trompe donc pas de débat: il n'est pas question ici de mémorial, et quand j'entends dire: «Il faut un mémorial pour que les gens se souviennent d'aller se faire tester», bien sûr, on va passer devant le mémorial et se rappeler que peut-être il faut se faire tester... Non, évidemment ! Il faut d'autres mesures beaucoup plus efficaces, et ces mesures sont en cours. Des millions sont investis par le canton de Genève pour continuer à lutter, avec l'OMS, contre cette terrible maladie. Pour toutes ces raisons, le MCG vous demandera de rejeter cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Il n'y a plus de temps de parole pour le groupe des Verts. Je donne la parole à M. Pierre Conne pour une minute trente-neuf.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Madame la présidente. Je souhaite rappeler que Genève n'a pas à rougir par rapport à ce qui a été fait politiquement et médicalement pour lutter contre la maladie. Genève, au début des années 90, grâce à l'initiative de l'ancien conseiller d'Etat chargé de la santé Guy-Olivier Segond, a été le premier canton en Suisse à rendre accessibles les premiers traitements aux personnes qui vivaient avec un virus qui à l'époque était systématiquement mortel.

Par la suite, ça vient d'être dit, des engagements ont été pris, ils sont maintenus et sont très actifs, notamment avec les associations comme Personnes vivant avec (PVA), et également avec le Groupe sida Genève, devenu Groupe santé Genève. Ces engagements montrent bien à quel point nous sommes actifs politiquement à Genève aujourd'hui pour permettre aux personnes atteintes par la maladie d'avoir accès aux traitements et à celles qui seraient à risque de se protéger.

Je crois donc que la question liée à la prise en charge médicale et sanitaire est réglée: il n'y a dès lors absolument aucune raison de s'orienter vers cette question-là en renvoyant cette motion à la commission de la santé. Une fois de plus, le PLR vous propose de passer maintenant au vote et de rejeter cette motion. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Je donne la parole à M. Sylvain Thévoz pour vingt secondes.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Madame la présidente, je serai très rapide. Il y a des mémoriaux pour l'épidémie de sida à Londres, à New York, à San Francisco, il y en a un pour la peste en Autriche, celui de Montréal érigé en 1997 rappelle évidemment le nombre de victimes, mais est aussi un symbole...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Sylvain Thévoz. ...d'espérance pour les personnes atteintes aujourd'hui et un rappel de la nécessité de tout faire pour éviter que d'autres personnes soient contaminées. Donc les arguments du type «on n'en veut pas, ça sert à rien»...

La présidente. Merci, vous avez terminé.

M. Sylvain Thévoz. ...ce sont des arguments qui visent simplement à refuser ces mémoriaux. (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements. L'orateur continue de parler hors micro.) Je demande le renvoi à la commission de la santé... (Vives exclamations.) ...que vous accepterez grâce à mon dernier argument, j'en suis sûr !

La présidente. Je vous remercie. La prochaine fois, je saurai que vingt secondes, ce n'est pas suffisant pour vous donner la parole. Monsieur le rapporteur de minorité, sur le renvoi en commission ?

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression qu'on est parfaits, à savoir qu'il y a une épidémie mondiale mais qu'on a tout sous contrôle: on est parfaits ! Non, ce n'est pas ça, Mesdames et Messieurs les députés, le VIH, c'est actuellement encore beaucoup de nouvelles infections, ça reste une problématique complètement actuelle.

Et je m'étonne des propos de l'ancien conseiller d'Etat à la santé, qu'on a la chance d'avoir maintenant dans nos rangs. Ce dernier, alors que le parlement avait voté deux fois une motion pour rendre les tests VIH gratuits dans un but de prévention pour cette maladie, ne l'a pas mise en oeuvre - étonnant ! -, et il nous dit ensuite que tout va bien, alors que justement les personnes qui en souffrent aujourd'hui seraient probablement les premières à souhaiter que d'autres n'aient pas les mêmes épreuves à vivre. (Commentaires.) On voit bien l'hypocrisie qui saisit ce parlement. Je ne peux donc que recommander de renvoyer ce texte dans une commission qui souhaitera en faire un traitement sérieux !

La présidente. Merci. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez déjà donné votre opinion, c'est tout bon ?

M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Oui, c'est tout bon. Je suis un peu lassé par le chantage émotionnel: on parle d'hypocrisie, seulement parce que la majorité a changé dans ce parlement. Vous savez, la démocratie, c'est comme ça, les élections, ça arrive !

La présidente. Je vous remercie. Nous allons voter sur cette nouvelle demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2890 à la commission de la santé est rejeté par 57 non contre 29 oui et 2 abstentions.

La présidente. La parole est à M. Murat-Julian Alder pour vingt-quatre secondes.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Madame la présidente. Rassurez-vous, je serai bref. Je tiens simplement à dénoncer une instrumentalisation à des fins électorales totalement scandaleuse... (Commentaires.) ...de la part des auteurs de cette motion. Si véritablement un tel mémorial pouvait sauver la moindre vie, ça se saurait ! Je vous invite à refuser cette motion, merci beaucoup. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. La parole est à M. Francisco Taboada.

M. Francisco Taboada. Je retire ma demande.

La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole, nous passons au vote sur la proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2890 est rejetée par 54 non contre 28 oui et 6 abstentions (vote nominal).

Vote nominal