République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

M 2844-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de motion de Florian Gander, Ana Roch, Patrick Dimier, Daniel Sormanni, Gabriela Sonderegger, Jean-Marie Voumard, Françoise Sapin pour ne pas se laisser dépasser par les nouveaux moyens de transport à assistance électrique
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 31 août et 1er septembre 2023.
Rapport de majorité de M. Souheil Sayegh (LC)
Rapport de minorité de M. Christo Ivanov (UDC)

Débat

La présidente. Nous passons à la M 2844-A, traitée en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, on va encore essayer de rattraper l'ordre du jour et d'accélérer.

La M 2844 visant à «ne pas se laisser dépasser par les nouveaux moyens de transport à assistance électrique» a été traitée à la commission des transports. En résumé, les motionnaires partent du postulat que l'augmentation du nombre des accidents de la route, piétons compris, est liée à l'arrivée de nouveaux moyens de transport à assistance électrique: vélos, trottinettes, etc. Cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat «à installer des ouvrages de réduction de vitesse comme des dos d'âne ou des doubles barrières de ralentissement sur les pistes et bandes cyclables; à limiter la vitesse maximale à 15 km/h pour tous les usagers des pistes et bandes cyclables connexes aux trottoirs; à mettre en place des contrôles importants liés au respect de cette vitesse et de la LCR de manière plus générale; à instaurer un dispositif efficace (radars, plaques d'immatriculation, etc.) permettant d'identifier les éventuels contrevenants.»

La commission a eu l'occasion d'auditionner le département et la police, et en est arrivée à la conclusion suivante: au sujet de la première invite... (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur. Est-ce que je peux demander qu'on interrompe les multiples petites discussions qui ont lieu en face de moi ? Merci.

M. Souheil Sayegh. Merci, Madame la présidente. Au sujet de la première invite, les barrières ne sont pas utilisées car contreproductives sur un aménagement cyclable dont le but - ça paraît intuitif - est de permettre aux usagers de se déplacer de manière fluide.

Au sujet de la deuxième invite, l'ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR) ne prévoit pas de limite maximale de vitesse inférieure à 30 km/h, hors zones de rencontre à 20 km/h, et ces limitations de vitesse sont valables pour l'ensemble de la chaussée, cyclistes compris. Il faut noter aussi que la vitesse moyenne des vélos sans assistance est de 13 à 17 km/h, et celle des vélos à assistance électrique de 25 km/h; en ville, elle est de 15 à 21 km/h.

Au sujet de la troisième et de la quatrième invites, l'immatriculation des véhicules est gérée au niveau fédéral. Les cyclistes, conducteurs de trottinettes, de même que tous les usagers de la route, doivent par ailleurs respecter les limitations de vitesse.

Il faut aussi savoir - petite note à l'attention des personnes qui nous écoutent - qu'à partir du 1er avril de l'année prochaine, les nouveaux vélos électriques rapides devront être équipés d'un compteur de vitesse - les nouveaux, hein -, et à partir du 1er avril 2027, tous les vélos à assistance électrique rapides devront être équipés d'un compteur. Il faut aussi rappeler que la police effectue de manière régulière des campagnes de prévention et de dissuasion.

En résumé, de nombreux points de la motion sont du ressort fédéral, les aménagements qui sont réalisés ou en cours le sont pour la sécurité, des campagnes de sensibilisation sont menées, et l'installation de barrières ou autres entraves à la circulation des deux-roues représente un danger plutôt qu'une évolution spectaculaire de leur sécurité. En gros, ne mettons pas de bâtons dans les roues de ces engins ! Les auditions du département et de la police ont permis à la majorité de la commission de se forger l'opinion qu'il convient de rejeter cette proposition de motion, et elle vous recommande d'en faire de même.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. On ne va pas refaire tout le débat, qui a eu lieu déjà plusieurs fois. Mon préopinant a raison sur beaucoup de points. Mais lors de plusieurs auditions, des faits ont quand même été indiqués, notamment par le major Pulh, le représentant de la police routière. Il dit: «Une limitation à 15 km/h serait idéale, mais actuellement, l'Office fédéral des routes vise 25 km/h pour l'ensemble du pays sur les pistes ou bornes cyclables. On note une augmentation drastique des contrôles en 2021. Près de 300 opérations ont eu lieu dans l'année.»

Au niveau des invites, comme l'a dit mon préopinant, la deuxième propose 15 km/h - ce qui exaucerait le voeu de la police - alors que sur le plan fédéral, on aimerait maintenant 25 km/h. En réalité, ce qui est actuellement dans le droit fédéral, c'est 20 km/h. Or, il y a eu un amendement pour revenir à 20 km/h, ce qui correspond au droit fédéral; il a été refusé par la commission, ce qui me paraît assez inconséquent et assez incompréhensible.

Je vous demande donc d'accepter cette motion avec l'amendement à 20 km/h au lieu de 25 km/h. Merci.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, il suffit de lire les invites de cette motion qui demande de mettre des ralentisseurs, des dos d'âne, des barrières, des obstacles sur les pistes et les bandes cyclables, pour constater qu'elle est non seulement totalement contraire à la loi sur la mobilité douce - qui émane d'une initiative populaire acceptée par le peuple et demande que les pistes et bandes cyclables soient structurées, continues, directes et sécurisées - mais en plus de cela, profondément absurde, puisque évidemment, si on commence à placer des dos d'âne et des barrières sur les aménagements cyclables, on mettra gravement en danger les usagers de ces infrastructures, sans apporter du tout une meilleure sécurité pour les autres usagers. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de la rejeter. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Avant de continuer le débat, je précise que pour l'instant, aucun amendement n'a été déposé. La parole est à M. Pascal Uehlinger.

M. Pascal Uehlinger (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, une grande partie de ce que j'avais préparé a été dit. En lisant cette motion, on hésite entre se dire qu'il s'agit d'une genevoiserie de plus ou que l'enfer est pavé de bonnes intentions. En lisant les PV, on remarque qu'elle répond en fait aux deux appréciations.

La genevoiserie de plus, c'est cette lisibilité du 15 km/h, qui apparaîtrait un peu partout avec d'autres panneaux qui n'ont pas les mêmes indications: il faut admettre que pour le quidam qui se balade, ce serait très peu lisible et ça créerait une difficulté. La deuxième appréciation, c'est le problème de limiter la vitesse en mettant des chicanes, ce qui serait probablement plus accidentogène que de ne pas en mettre; en outre, il faudrait payer ces chicanes, les éclairer, les signaler, ce qui ferait apparaître une foison de panneaux supplémentaires pour une simple limitation de vitesse.

Enfin, il y a en effet un problème avec le droit fédéral, qui dit qu'il faut toujours rouler à une vitesse qui permette de s'arrêter à temps. Le problème est donc, aujourd'hui, uniquement le non-respect de la loi.

Finalement, la solution est aussi indiquée dans les PV: prévention, sensibilisation et répression, qui font partie de nos moyens. Pour cette raison, notre groupe refusera de voter cette motion.

La présidente. Je vous remercie. Ce serait appréciable que les personnes qui parlent au téléphone le fassent en dehors de la salle. La parole est à M. Yves Nidegger.

M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. La dernière fois qu'on a véritablement parlé de cette question, c'était en 1849, lorsque ce Grand Conseil, sous inspiration radicale à l'époque - vous vous souvenez de ce parti -, décidait d'abattre les fortifications. A l'époque, il y avait des fortifications un peu partout. Elles étaient destinées à tenir éloignés ce qu'on n'appelait pas encore des frontaliers, mais les Savoyards, par tout un système de défense qui occupait beaucoup de terrain et qui, évidemment, empêchait la ville de respirer et de s'étendre. L'abattage des fortifications voté en 49 a permis l'ouverture de nouveaux quartiers, l'essor du commerce et toutes sortes d'autres choses qui ont amené la prospérité à cette bonne ville.

Le problème est que ça ne résolvait pas la question des Savoyards (qui ont un peu changé de nom entre-temps). Et les Genevois, qui ne sont jamais en panne d'une bonne idée, se sont dit: «On va reconstruire les fortifications, mais à l'intérieur.» Alors on met des dos d'âne, on installe des mâchicoulis de diverses formes qui permettent de se faire très mal lorsque l'on se déplace à pied, à vélo, à trottinette et en voiture; dans l'idée d'empêcher le trafic de nous atteindre de l'extérieur, on s'empêche nous-mêmes de circuler, dans une joyeuse genevoiserie masochiste comme on en a le secret, appréciée en tant que friandise humoristique de l'autre côté de la Sarine, jusque dans les lointaines contrées suisses alémaniques.

C'est de cela qu'il s'agit encore une fois aujourd'hui: reconstruire les fortifications, mais au dedans, empêcher quiconque de bouger, y compris nous-mêmes, ce qui est parfaitement absurde, tout comme l'est cette motion que vous refuserez - ce que nous vous recommandons de faire.

M. Cédric Jeanneret (Ve). Je serai bref, juste pour rappeler qu'un bon moyen de supprimer les bouchons en ville, de diminuer le bruit et la pollution, c'est de favoriser la pratique du vélo, pas de l'empêcher. En matière d'aménagements cyclables, pour plus de fluidité, plus de sécurité, il s'agit prioritairement de séparer les flux entre les piétons, les vélos et les transports motorisés. Les Vertes et les Verts vous invitent, comme la majorité de la commission, à rejeter cette proposition de motion.

M. Patrick Dimier (MCG). En matière de circulation routière, et a fortiori urbaine, seule l'attention est une bonne conseillère. Il suffit de voir le comportement de certains piétons pour se dire qu'ils sont mal conseillés. Mais il faut aussi dire qu'avec certains cyclistes ou des cyclistes assistés - je pense que ceux-ci sont les pires -, on se retrouve véritablement dans un coupe-gorge. Que dire ? (L'orateur rit.) Il n'y a rien à dire, si ce n'est que tant et aussi longtemps que chacun ne respectera pas l'autre, rien ne sera possible, et que si l'on a un minimum de respect les uns pour les autres, tout se passera bien. Merci.

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. François Baertschi pour deux minutes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Madame la présidente. En entendant certains de mes préopinants, j'ai l'impression qu'ils n'ont pas compris que nous changeons de civilisation. Nous ne sommes plus, comme dans les années 50-60, dans une période où il y a une mobilité douce et une mobilité dure caricaturales, avec de braves vélos exploités. On se retrouve face à cette vision qu'ont développée les post-soixante-huitards, qui voudraient nous faire croire que cette mobilité prétendument douce est non violente, alors que c'est tout le contraire. Baladez-vous ! Allez voir l'un ou l'autre de ces vélos électriques ou de ces trottinettes, et vous verrez très bien que face à eux, un piéton, une personne âgée à pied n'ont aucune chance: il faut les protéger !

Ce que souhaite cette motion, qui n'a hélas pas été comprise par beaucoup de personnes dans cet hémicycle - et je remercie le rapporteur de minorité d'avoir défendu cette cause -, c'est qu'on prenne à tout prix conscience de cette nouvelle donne, qu'on en tienne compte, qu'on prenne les décisions qui s'imposent et qu'on fasse en sorte qu'il y ait des dispositifs adaptés à ces nouveaux types de mobilité.

A la commission des transports, si nécessaire, on aurait pu améliorer les invites, mais on n'a rien fait. C'est véritablement la politique de l'autruche: dans ce parlement, on préfère rester dans de vieux combats archaïques plutôt que de voir réellement la Genève actuelle, celle de 2023. Je vous demande de soutenir cette motion. Merci. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Je ne vois plus de demande de parole, nous procédons donc au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2844 est rejetée par 67 non contre 13 oui (vote nominal).

Vote nominal