République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

M 2775-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Florian Gander, Ana Roch, Patrick Dimier, Daniel Sormanni, Sandro Pistis, Thierry Cerutti, François Baertschi, Jean-Marie Voumard, Françoise Sapin : Stop aux velléités étatiques anti-deux-roues motorisés !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 7 et 8 avril 2022.
Rapport de majorité de M. Murat-Julian Alder (PLR)
Rapport de première minorité de M. Thomas Wenger (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Dilara Bayrak (Ve)

Débat

La présidente. A présent, l'ordre du jour appelle le traitement de la M 2775-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Murat-Julian Alder, vous avez la parole.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il y a deux ans - presque deux ans -, le parti libéral-radical de la Ville de Genève avait déposé une pétition munie de 2536 signatures qui demandait aux autorités de créer davantage de places de parc pour les deux-roues motorisés. La proposition de motion 2775 dont nous sommes saisis ici, qui a été remaniée dans le cadre des travaux de la commission des transports, poursuit exactement le même objectif.

Finalement, ce texte n'est rien d'autre que l'application d'un principe de bon sens, le bon sens le plus élémentaire qui commande que les infrastructures que l'on met à la disposition des usagers, quels qu'ils soient, soient également adaptées à l'évolution démographique de notre canton. Chaque fois que quelqu'un passe de la voiture à la moto ou au scooter, il contribue aussi au transfert modal, il contribue aussi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, même s'il opte pour un véhicule motorisé. L'augmentation de la demande en matière de parkings pour les deux-roues devrait être suivie au niveau de l'offre; or ce n'est pas du tout la politique qu'a menée le Conseil d'Etat lors de la dernière législature, puisqu'il lui tenait davantage à coeur de sanctionner les deux-roues motorisés que de leur offrir des espaces pour se garer.

La motion qui fait l'objet de notre débat d'aujourd'hui et qui est soumise à vos votes ne vise rien d'autre que de demander au Conseil d'Etat de changer sa façon de voir les choses, de passer du bâton à la carotte et d'offrir aux propriétaires de deux-roues motorisés les places de stationnement dont ils ont besoin pour se parquer, mais aussi pour cesser d'être en infraction et donc de risquer des sanctions. Pour l'ensemble de ces raisons, Madame la présidente, j'invite le parlement à accepter ce texte tel que sorti des travaux de commission.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on a souvent parlé des deux-roues motorisés et du trafic individuel motorisé en général dans le cadre de nos débats au Grand Conseil. Je rappelle qu'aujourd'hui, environ 55 000 deux-roues motorisés sont immatriculés dans le canton de Genève, auxquels il faut ajouter l'ensemble des deux-roues motorisés venant des régions limitrophes, à savoir du canton de Vaud et de France voisine.

Pour ma part, j'ai de la peine à comprendre l'argument de la droite, qui nous dit toujours: «Plus on favorise les deux-roues motorisés, mieux c'est, parce qu'il y a un report modal des personnes qui utilisent leur voiture sur le deux-roues motorisé.» Mais enfin, si c'est le cas, Monsieur le rapporteur de majorité, je ne vois pas pourquoi la circulation continue à augmenter à Genève, je ne vois pas pourquoi les bouchons continuent à augmenter à Genève.

Si vraiment il y a un report modal de la voiture au deux-roues motorisé, alors prenons un certain nombre de places de stationnement pour les voitures au centre-ville et transformons-les en parkings pour deux-roues motorisés. Il me semble qu'une place pour voiture correspond à quatre places pour deux-roues motorisés; ce serait déjà quelque chose de positif.

Le deux-roues motorisé, comme son nom l'indique - et on ne le souligne pas suffisamment -, est un véhicule motorisé, donc induit une certaine pollution atmosphérique. Parfois, selon les années de fabrication ou la catégorie de ces engins, ils sont même plus polluants que les voitures, ce que les gens ne savent pas toujours.

Par ailleurs, le deux-roues motorisé engendre également une pollution sonore importante suivant la conduite de la personne qui se trouve dessus. Aujourd'hui, dans le canton de Genève, environ 120 000 personnes vivent dans des zones urbaines où les normes fédérales antibruit sont dépassées; il s'agit d'une vraie problématique de santé publique, Monsieur le rapporteur de majorité, et nous devons défendre ces 120 000 personnes en prenant des mesures.

Quelles sont ces mesures ? On les a déjà souvent évoquées: favoriser la mobilité plus durable, c'est-à-dire la marche, le vélo, le vélo à assistance électrique - on a observé un boom post-covid des ventes de vélos et de vélos électriques, et c'est tant mieux -, les transports publics et le ferroviaire.

L'objectif d'une politique raisonnable... Vous parliez d'un principe de bon sens: le bon sens, par rapport à tout ce que je viens de mentionner, c'est de promouvoir une mobilité durable et de réduire au maximum le trafic motorisé, ce qui permettra de diminuer la pollution ainsi que le bruit. Voilà ce que nous voulons, nous, le groupe socialiste et la minorité; nous voulons un canton où il fait bon vivre pour les habitantes et les habitants, pour les gens qui y travaillent, pour les familles, pour les enfants, pour nos seniors qui, eux aussi, ont droit à un environnement agréable, à de la tranquillité et à une belle qualité de vie. Merci, Madame la présidente.

Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Tout ce qui relève des chiffres a déjà été évoqué par mon collègue, donc en ce qui me concerne, je vais plutôt aborder la question du traitement négatif qui est réservé aux sujets en lien avec la mobilité au sein de ce Grand Conseil; c'était vrai lors de la législature précédente, mais j'ai l'impression que cette tendance va se renforcer avec la nouvelle composition du parlement.

Eh bien ça suffit ! Chaque fois qu'on parle de mobilité, on se retrouve dans un face-à-face qui ne se base absolument pas sur les chiffres ou sur les stratégies à long terme, mais uniquement sur l'émotion, sur le ressenti, sur la guerre des transports, et cela doit cesser.

Je parlais tout à l'heure avec un collègue sur le bien commun qui doit nous guider, nous, parlementaires, pour faire en sorte que les projets qu'on discute ici ne servent pas nos collègues ou nous-mêmes, mais bel et bien la population genevoise. Malheureusement, sur les questions de mobilité, ce n'est pas le cas.

En effet, on n'arrive pas à mener des débats constructifs qui pourraient aboutir à quelque chose de durable, à quelque chose de bénéfique pour toute la population genevoise, que ce soit les piétons ou les usagers et usagères de la route, quels qu'ils soient, à quelque chose de vraiment cohérent.

Aujourd'hui, on traite cette proposition de motion qui est née du sentiment que les deux-roues motorisés ont été mis de côté pendant très longtemps, qu'ils ne sont pas pris au sérieux par la politique, qu'il faut pouvoir leur redonner une place afin d'opérer un transfert modal des voitures aux deux-roues motorisés. C'est insatisfaisant. Pourquoi est-ce insatisfaisant ?

Parce que le département de M. Dal Busco avait initié toute une stratégie en matière de mobilité, que ce soit avec la moyenne ceinture ou la libération de l'espace en surface. Effectivement, l'espace en surface doit être réservé aux gens, à des éléments qui permettent vraiment de l'occuper. Là, on veut créer des places de parc pour les deux-roues motorisés alors que la stratégie globale présentée par le Conseil d'Etat consistait à les mettre dans les parkings, notamment dans le cadre d'accords avec la Fondation des parkings. C'est quand même intéressant: moi, en tant que Verte, je défends la Fondation des parkings ! Il s'agit vraiment de développer une vision à long terme - à long et à moyen terme -, de suivre une stratégie cohérente pour qu'on puisse faire quelque chose sur les espaces en surface.

Cette manie de faire constamment un pas en avant, deux pas en arrière, à qui nuit-elle ? Elle nuit à tout le monde ! Avec ce genre de proposition de motion, on n'arrive à rien.

J'aimerais conclure sur la chose suivante: on a renvoyé en commission énormément de sujets traitant des transports en soutenant qu'il y avait un nouveau parlement ainsi qu'un nouveau ministre des mobilités; eh bien je propose qu'on fasse de même avec cet objet. Il n'y a aucune raison qu'on l'adopte en l'état puisque, comme je l'ai indiqué, les statistiques et les chiffres qui nous ont été exposés par le département sont en contradiction claire avec le texte de la motion. Je demande donc un renvoi en commission.

Une voix. Oh, mais non !

La présidente. Je vous remercie. Les autres rapporteurs souhaitent-ils dire un mot sur cette requête ? (Remarque.) Allez-y, Monsieur Wenger.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Je pense qu'un retour en commission peut effectivement être intéressant pour connaître la position de notre nouveau conseiller d'Etat. Notre corpus législatif comprend plusieurs lois très claires sur la mobilité douce, il y a aussi la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée... (Remarque.) Et le plan climat cantonal, exactement, et tous ces textes tendent vers le même objectif, à savoir réduire le trafic motorisé. Un renvoi en commission nous permettrait d'auditionner le nouveau conseiller d'Etat chargé de la mobilité pour connaître ses objectifs, cette proposition me semble donc judicieuse.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Il peut certes être intéressant de connaître le point de vue du nouveau conseiller d'Etat chargé de la mobilité sur les questions qui touchent aux transports, mais enfin, Mesdames et Messieurs, on ne va pas non plus renvoyer systématiquement en commission tous les objets figurant à l'ordre du jour sous prétexte qu'il y a un nouveau conseiller d'Etat ou une nouvelle conseillère d'Etat à la tête du département concerné ! Il ne s'agit, vous l'aurez compris, de rien d'autre que d'une manoeuvre «dilaratoire» ! (Exclamations.) Je vous invite à la rejeter et à poursuivre les débats.

Une voix. Excellent !

La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir vous prononcer sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2775 à la commission des transports est rejeté par 56 non contre 27 oui.

La présidente. Nous poursuivons la discussion, et je passe la parole à M. Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. Vous transmettrez à la rapporteuse de seconde minorité qu'elle vient de gagner un deuxième paquet de mouchoirs pour les propos qu'elle vient de tenir ! Plus sérieusement, les mêmes partis qui jouent aujourd'hui les pleure-misère ont passé les cinq dernières années à rallumer la guerre des transports en soutenant coûte que coûte une politique destructrice, menée tambour battant par l'ancien conseiller d'Etat et qui a conduit au chaos qu'on connaît actuellement dans cette république. Eh bien, il fallait y réfléchir à deux fois avant de voter tout et n'importe quoi !

En ce qui concerne la proposition de motion, il aurait été plus simple d'agir en amont. Il faut remonter une bonne quinzaine d'années en arrière, pour ceux qui étaient déjà présents ici, peut-être même plus: un jour est tombée l'OPB avec une date butoir qu'il fallait respecter. A l'époque, le Conseil d'Etat n'a rien trouvé de plus intelligent, plutôt que de demander les crédits nécessaires pour l'appliquer - donc pour de basses raisons budgétaires -, que de venir sans cesse devant ce Grand Conseil ou d'aller taper directement à la porte du Palais fédéral pour solliciter des dérogations et repousser les délais, ce à quoi le Conseil fédéral a consenti - pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c'est selon: il a successivement accordé plusieurs délais supplémentaires afin de permettre aux cantons d'appliquer l'OPB.

Résultat, l'OPB, qui a subi quelques modifications dans l'intervalle, n'a jamais vraiment été mise en oeuvre à Genève; on a joué la montre avec des dérogations, certaines majorités de l'époque ont refusé des crédits. Si nous avions réellement appliqué l'OPB, nous ne serions pas obligés de discuter de ce texte maintenant, nous ne serions pas amenés à parler du bruit, parce que nous disposerions d'un réseau routier totalement assaini. En effet, la base de l'OPB consiste en la pose systématique de revêtement phonoabsorbant.

C'est la raison pour laquelle cette motion est inutile et doit être refusée largement. Il est à espérer que le nouveau conseiller d'Etat prendra conscience de la problématique et viendra nous soumettre de bons projets avec des demandes de crédits adéquates afin que nous puissions aller de l'avant et régler ces problèmes de bruit. Je vous recommande par conséquent, Mesdames et Messieurs, de rejeter cet objet. Merci.

M. Jacques Jeannerat (LJS). Personne ne pourra le contester, il y a trop de véhicules dans l'agglomération genevoise, surtout des voitures avec un seul individu dans l'habitacle. Ce n'est pas compliqué à comprendre, n'importe quel enfant, même à l'école enfantine, le saisirait: une voiture prend beaucoup plus de place qu'un deux-roues motorisé. C'est valable tant pour la voie publique, pour les routes que pour les places de stationnement.

Nous devons dès lors encourager le report de la voiture au deux-roues motorisé, notamment pour les personnes seules dans leur véhicule. Il faut faciliter la vie de ceux qui passent de la voiture au deux-roues en construisant des parkings à la fois en surface et dans certaines zones des ouvrages souterrains de la Fondation des parkings. Pour cette simple raison, Mesdames et Messieurs, LJS vous recommande de voter oui à cette motion.

La présidente. Merci, Monsieur. Je l'ai déjà demandé de façon non officielle, mais les rapporteurs peuvent-ils cesser de discuter entre eux ? Ce serait bien. Je donne la parole à M. Cédric Jeanneret.

M. Cédric Jeanneret (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je me suis pris un trottoir à vélo, j'ai une belle entorse, je vous propose donc que l'on supprime tous les trottoirs de la ville afin que les cyclistes puissent enfin circuler sans entraves ! (L'orateur rit. Commentaires.) Non, il ne s'agit pas d'un amendement de dernière minute - même si j'ai cru comprendre que ce parlement en était friand ! Je plaisante, bien sûr, mais malheureusement, les auteurs de cette proposition de motion ne plaisantent pas: les deux-roues motorisés constituent leur solution, ils déposent un texte à ce sujet pour demander les infrastructures qui conviennent à leur mode de transport favori.

Je suis nouveau dans cette assemblée, et si je l'ai rejointe, c'est parce que je suis convaincu, comme ma collègue Dilara, qu'on peut y servir une sorte d'intérêt commun dans lequel des principes comme «ma liberté s'arrête là où commence celle des autres» s'appliquent. La canicule de cet été nous l'a rappelé, les menaces sur notre approvisionnement énergétique l'hiver prochain devraient nous inciter à y réfléchir: nous ne pouvons plus consommer ce qu'on veut, quand on veut, et aller où on veut, quand on veut. Nous ne sommes plus dans un monde d'abondance où il suffit d'appuyer sur le démarreur et de n'avoir plus besoin de personne en Harley-Davidson - je vous rassure, ne disposant pas d'un aussi bel organe vocal que le rapporteur de majorité, je ne pousserai pas la chansonnette !

Je vous propose simplement d'accepter qu'il soit possible de bien vivre en respectant la notion de limite: limite de la place sur la chaussée, limite des émissions de CO2, limite à nos petits ego qui nous empêchent parfois de voir plus loin que le bout de nos guidons. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser cette motion, non parce que je suis anti-moto, anti-bagnole ou anti-trottoir, mais pour donner un signal à notre nouveau magistrat chargé du casse-tête de la mobilité, un signal qui pourrait être le suivant: la guerre des transports est terminée, ce parlement est prêt à prendre un peu de hauteur et attend de lui des solutions pour les divers besoins de mobilité de celles et ceux qui nous ont élus. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe MCG soutiendra cette motion. La situation à laquelle sont confrontés les conducteurs de deux-roues - ou de trois-roues, puisque mon véhicule en possède trois - dans ce canton et tout particulièrement en ville de Genève est inacceptable. En effet, le quotient de places de stationnement est de 2,5 pour dix véhicules; cela signifie que les personnes qui circulent avec un deux-roues, qui l'utilisent pour aller travailler et ne le laissent pas à proximité de leur domicile toute la semaine ne trouvent tout bonnement pas de place là où ils se rendent.

Je suis bien placé pour le savoir: je travaille actuellement à proximité du boulevard des Tranchées, eh bien si vous arrivez après 8h30, il n'y a tout simplement plus aucune place. J'ai interpellé à ce propos les services de notre magistrat - qui découvre le sujet et va nous trouver des solutions, je n'en doute pas une seconde -, lesquels m'ont indiqué que je peux aller me garer dans le parking Saint-Antoine.

Bon, il se trouve qu'avec mon métier, je bouge fréquemment; systématiquement passer de Florissant à Saint-Antoine pour chercher et déposer mon véhicule, chacun comprendra que c'est franchement impossible. Et lorsqu'il m'arrive, comme il y a quarante-huit heures, de dépasser de dix centimètres le dernier espace de stationnement pour deux-roues, empiétant ainsi sur une place de livraison, je me retrouve avec une amende de 40 francs.

Non seulement on ne crée de loin pas suffisamment de places de parc - et je ne demande même pas le un pour un -, mais en plus, on ne fait preuve d'aucune tolérance. Dans le même temps, vous voyez des cycles et des vélos-cargos accrochés n'importe comment à tous les poteaux de la ville, sur les trottoirs, et ils ne sont évidemment pas amendés, puisqu'on ne sait pas qui en sont les détenteurs.

Non, tout cela suffit, je pense qu'il faut témoigner un minimum de respect à ces personnes qui sont des contribuables. Quand j'évoquais le quotient de 2,5, je ne parlais pas encore de l'ensemble des deux-roues qui viennent de l'autre côté de la frontière tous les jours et qui, eux, arrivent le matin et occupent toute la journée des places de parking, places que les gens qui doivent se déplacer professionnellement ne peuvent alors plus utiliser. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, je ne vais pas en rajouter dans ce débat sur la mobilité. Au risque de vous décevoir, j'ai pensé parler d'autre chose, et M. Jeanneret m'a tendu la perche: je vais pousser la chansonnette. Pardonnez d'avance la légèreté de l'exercice et surtout la qualité de ma prestation. C'est parti ! (L'orateur essaie de mettre de la musique.) Il faut que j'y arrive ! (Commentaires.) Bon, ça ne marche pas, alors écoutez-moi bien:

Quand on partait de bon matin

Quand on partait sur les chemins

En voiturette

Nous étions quelques bons copains

Y avait les Vertes, y avait les rouges

Y avait la droite, y avait la gauche

Et puis Le Centre

On était pour ou contre celle

Qui se sentait pousser des ailes

La bicyclette

Sur les petits chemins de terre

On y peignait à tour de main

Des lignes jaunes et des dessins

De bicyclettes

Faut dire qu'ils y mettaient du coeur

C'était de nuit, c'était hier

C'était Genève

Et depuis maintenant deux ans

On a traité en transpirant

Et des PL et des motions

Tout plein de textes

On a causé des radars

On a pruné sur les trottoirs

Les mobylettes

Puis ils ont déposé ce texte

Avec l'espoir qu'on réglerait

Et le trafic et le parking

Des mobylettes

Et c'est alors qu'en commission

Se profilaient à l'horizon

Nos bobinettes

On profitait joyeux, contents

De déposer des amendements

Sans critiquer un seul instant

Les bicyclettes

Voter enfin la motion

Oublier un peu les tensions

Des mobylettes

On se disait «c'est pour demain»

«J'oserai, j'oserai demain»

Quand on ira au Grand Conseil

A trottinette

Alors je ne sais pas pour vous, mais moi, je n'ai pas perdu «Montand» ce soir... (Exclamations et rires. Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Souheil Sayegh. ...et je vous annonce que Le Centre votera la motion telle qu'amendée en commission, parce que tout a été dit et que je ne compte pas en rajouter. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Une autre voix. Bravo, excellent, franchement !

La présidente. Je vous remercie. La parole revient à M. Cyril Aellen.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Madame la présidente...

Une voix. Qu'est-ce que tu vas chanter ?

M. Cyril Aellen. Rien ! (Rires.) Je n'en suis pas capable, mais ce que je suis en revanche à même de vous dire, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il y a non seulement les chiffres rappelés par notre collègue Mauro Poggia, mais également des signes politiques qui nous sont régulièrement transmis. Et je crois que la nouvelle composition de ce parlement est aussi l'illustration d'un certain mécontentement de notre population s'agissant de la politique des transports. Je suis d'accord avec notre collègue Vert Jeanneret pour dire qu'aujourd'hui, cette motion représente un signal politique à donner.

Certains d'entre nous sont en campagne électorale actuellement - c'est mon cas -, et cela nous donne l'occasion d'aller à pied, sur les trottoirs, distribuer des tracts. Eh bien sachez que quand vous vous rendez en ville, notamment dans les zones nouvellement modifiées que sont la rue de la Tour-Maîtresse ou la rue du Port - il n'y a pas que le boulevard des Tranchées -, l'un des sujets principaux qui revient, c'est la suppression de 172 places de parking pour deux-roues motorisés.

Et je ne parle pas de personnes qui défendent leur propre liberté sans respecter celle des autres: ce sont des gens qui se lèvent tôt, qui travaillent, qui préparent votre café le matin, qui livrent votre journal, qui bossent pour la république et qui se retrouvent péjorés dans leur activité au service de la population.

Aujourd'hui, il faut lancer un signal positif dans le cadre de nos débats: oui, le deux-roues motorisé constitue véritablement un outil de travail pour un certain nombre de professionnels, il fait partie des conditions-cadres pour que notre économie fonctionne. Ce n'est pas contre les vélos-cargos, ce n'est pas contre la mobilité douce, ce n'est pas contre les trottoirs, ce n'est pas contre la population, c'est simplement permettre aux personnes d'exercer correctement leur métier, de pouvoir librement se déplacer et, pour certains, de remplacer l'automobile, et je pense que c'est de bon aloi.

Ce n'est pas non plus contre les pistes cyclables. J'ai souvent défendu devant ce parlement la construction de pistes cyclables, j'ai également soutenu la mobilité douce, mais il en faut pour tout le monde. A l'heure actuelle, on complique la vie des détenteurs de deux-roues motorisés, c'est totalement inadmissible et nous voulons envoyer un signe politique au magistrat nouvellement en place pour lui dire qu'il nous en faut plus. Merci. (Applaudissements.)

M. Skender Salihi (MCG). Je voudrais juste ajouter que la fin de la tolérance concernant le parcage des deux-roues ne nous convient pas. Cette situation pose problème aux 68 000 usagers de deux-roues motorisés du canton, lesquels sont lourdement amendés depuis en tout cas deux ans. Le MCG considère qu'il faut maintenir les places et surtout en ajouter. Je suis tout de même surpris par la position de l'UDC, qui a retourné sa veste, puisque à la base, ses membres soutenaient ce texte... (Remarque.) Contrairement à eux, le MCG ne retournera pas sa veste et votera la motion.

Une voix. Bravo, bravo !

La présidente. Je vous remercie. Monsieur Stéphane Florey, vous n'avez plus de temps... (Remarque.) Oui, je transmets le message que vous m'avez communiqué: Mesdames et Messieurs, M. Florey souhaite modifier sa conclusion et dire que le groupe UDC votera la motion. (Remarque.) Vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur, j'ai transmis votre message. Nous passons aux rapporteurs; la deuxième minorité n'a plus de temps non plus, c'est donc le tour de M. Thomas Wenger pour trois minutes douze.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, je commencerai par la prise de position de l'UDC qui, une fois de plus, est extrêmement claire, l'UDC qui ose parfois soutenir dans nos débats au sein de ce Grand Conseil - et je l'ai entendu aussi dans le cadre de la campagne aux élections fédérales - que la question de l'environnement n'est plus seulement l'apanage des Verts ou des socialistes, mais de tous les partis et notamment de l'UDC, qui s'en préoccupe beaucoup. C'est oublier que sur le plan fédéral comme cantonal, l'UDC refuse absolument toute proposition allant dans le sens de la protection de l'environnement ou de la mobilité durable: ses membres ont rejeté la loi climat, la loi CO2 et s'opposent peu ou prou à tout ce qui doit amener une meilleure qualité de vie et la préservation du climat.

Vous transmettrez ensuite ceci à M. Aellen, Madame la présidente: moi aussi, je suis en campagne pour le Conseil national, sauf que contrairement à lui, j'étais déjà au courant qu'il y avait des trottoirs à Genève et qu'on pouvait y rencontrer des gens ! Ça n'arrive pas seulement pendant les campagnes électorales: à tout moment, des individus se baladent sur les trottoirs... (Remarque.) ...et justement, ils sont extrêmement contents de pouvoir s'y promener ! Je dirais même que les personnes à mobilité réduite, les parents avec des poussettes sont très heureux de ne pas se heurter constamment à des deux-roues motorisés...

Une voix. Et les trottinettes ?

M. Thomas Wenger. Attendez !

La présidente. S'il vous plaît !

M. Thomas Wenger. ...à moitié parqués sur le trottoir. Pour répondre enfin, dans la suite de mon argumentation... (Commentaires.)

Une voix. Chut !

La présidente. Peut-on écouter l'intervention, s'il vous plaît ? (Remarque.) Monsieur Aellen, vous n'avez pas été interrompu tout à l'heure, je vous prie de respecter l'orateur.

M. Thomas Wenger. Vous transmettrez donc à M. Poggia, Madame la présidente - et aussi au collègue MCG qui s'est exprimé avant -, dans la continuité de mon argumentation, que le fait de ne pas pouvoir garer les deux-roues motorisés sur les trottoirs ne relève absolument pas d'une décision du Conseil d'Etat, qui ne serait plus pour la tolérance. C'est Luc Barthassat qui, à l'époque, avait introduit un principe de tolérance, mais cette mesure était illégale eu égard à la loi fédérale. Le MCG, qui espère peut-être resiéger seul à Berne parmi 246 parlementaires, devrait connaître le droit supérieur ! La législation fédérale dispose qu'il faut garder un espace d'un mètre cinquante pour que les personnes à mobilité réduite ou les gens avec des poussettes puissent circuler sur les trottoirs. Quand Luc Barthassat avait pris cette décision, le procureur général du canton de Genève avait indiqué au Conseil d'Etat: «Vous ne pouvez pas appliquer cette tolérance.»

Pour le reste, bon, je n'ai plus beaucoup de temps de parole... Alors on peut rire, j'adore pour ma part rigoler, pousser la chansonnette - vous me connaissez, Mesdames et Messieurs -, mais le problème, c'est que le sujet est grave: aujourd'hui, la population souffre du bruit, subit la pollution de l'air dans notre canton, que ce soit dans nos villages qui sont traversés par des milliers et des milliers de véhicules motorisés - des deux-roues et des voitures - ou dans les quartiers des zones urbaines. De notre côté, nous refuserons cette motion. Encore une fois, nous voulons limiter le trafic motorisé, nous sommes en faveur d'une mobilité plus durable pour les personnes qui habitent et travaillent à Genève. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

La présidente. Merci, Monsieur. Je cède maintenant la parole à M. Murat-Julian Alder pour une minute vingt-cinq.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Depuis hier soir, on sait que les socialistes et les Verts veulent une augmentation des primes d'assurance-maladie... (Exclamations.) ...par une extension du catalogue de prestations. Mais ce qu'on sait depuis toujours, Mesdames et Messieurs, c'est que les Verts et les socialistes veulent une hausse des embouteillages au centre-ville par une politique qui consiste à poser des chicanes partout et ainsi à augmenter les émissions de CO2 !

Plus sérieusement, je comprends que M. Wenger soit en campagne électorale, et on se réjouit pour lui, mais il mélange tellement tout qu'il en a oublié d'évoquer le sujet qui nous préoccupe, à savoir celui des deux-roues motorisés. En l'occurrence, cette motion ne propose rien d'autre que de faire un pas en direction des personnes dont les besoins en mobilité ne sont actuellement pas couverts, et c'est pour cette raison élémentaire que je vous invite à la soutenir. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, s'il y a bien un point sur lequel l'ensemble des députés et députées présents dans ce parlement s'accordent, c'est qu'il règne un certain mécontentement quant aux deux-roues motorisés, qu'on les accuse de polluer et de stationner sur les trottoirs ou qu'on déplore le manque de places. Vous êtes tous d'accord là-dessus, et nous l'avons entendu, puisque ce sujet a été l'une des questions centrales de la première journée des états généraux des mobilités du 1er septembre dernier, lors de laquelle nous avons essayé d'identifier les problèmes et de dégager des pistes à suivre.

A cet égard, j'aimerais vous indiquer que l'une des options évoquées par un membre de l'Automobile Club de Suisse (ACS), qu'on ne peut pas suspecter d'être archifavorable à la mobilité douce, consistait à dire qu'il fallait peut-être se décentrer quelque peu et admettre que la problématique dans notre ville, que ce soit pour les deux-roues ou les quatre-roues motorisés, est liée au trafic pendulaire.

Il est vrai, si l'on reprend l'exemple des trois rues citées tout à l'heure par le député Aellen - rue de la Tour-Maîtresse, rue du Port, rue du Prince -, où de très nombreuses - environ deux cents, me semble-t-il - places de parc ont été supprimées, que cette opération a été réalisée de façon plus ou moins concertée, mais surtout sans analyse du type de conducteurs de deux-roues motorisés qui y stationnent.

J'entends les doléances du député Poggia qui circule dans la journée, qui utilise alternativement plusieurs places de parking en ville. Nous sommes confrontés, en ce qui concerne la circulation pendulaire, il faut le souligner, à un véritable problème avec des véhicules, que ce soit des deux-roues ou des quatre-roues - les deux-roues mobilisent certes moins de place -, qui stationnent à journée faite sur la voie publique. Cela doit être un objectif partagé que de viser à ce que les usagers de ces véhicules, deux-roues ou quatre-roues, se garent en ouvrage, voire se reportent sur les transports publics - je parle ici des pendulaires.

S'agissant à présent des deux-roues motorisés qui circulent davantage, je souhaite rappeler trois éléments qui conditionnent la mise en application de cette proposition de motion. Le premier a été mentionné par le rapporteur de minorité Wenger, c'est que la politique pénale n'est définie ni par le parlement ni par le gouvernement, mais est appliquée strictement par le Pouvoir judiciaire; alors on peut regretter l'usage de l'adverbe, on peut déplorer les circonstances dans lesquelles elle est mise en oeuvre, mais c'est ainsi.

François Mitterrand disait qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment; eh bien nous sommes sortis de l'ambiguïté à notre détriment, la loi est exécutée, «dura lex, sed lex». C'est le procureur général, le Ministère public qui l'applique de façon extrêmement stricte et qui donne des consignes à la Fondation des parkings quant à la verbalisation systématique des deux-roues motorisés parqués sur les trottoirs, qu'il y ait de la place, qu'il n'y en ait plus, qu'il y ait un petit peu, beaucoup de place, que l'engin déborde de dix centimètres ou pas. C'est ainsi, la séparation des pouvoirs l'exige, et nous n'avons pas de marge de manoeuvre là-dessus.

Le deuxième point n'a été soulevé par personne, mais je tiens tout de même à insister dessus: je me rends compte, après un peu plus de trois mois d'activité, que tout cela est bien gentil, mais qu'en ville de Genève notamment, les voies de circulation sont municipales. Dès lors, on peut faire ce qu'on veut, si la commune n'est pas d'accord, il est extrêmement difficile d'aller à son encontre, il faut composer avec cette situation. Je soutiens ici que la Ville de Genève est capable de discuter, j'ai l'impression qu'elle y est disposée, nous le verrons ces prochains mois à l'épreuve des faits.

J'ai entendu le député Poggia, et le commentaire est exact, signaler le problème des vélos-cargos qui, eux aussi, prennent beaucoup de surface par rapport aux scooters; sachez que nous travaillons avec la Ville de Genève à la création de places d'un certain calibre qui seraient indifféremment affectées aux deux-roues motorisés et non motorisés afin de tenir compte de ces évolutions sur la voie publique. Toutefois, nous ne pourrons rien entreprendre si les communes ne sont pas parties prenantes et n'en veulent pas. Je vous le dis très clairement: c'est la loi qui en dispose, en particulier en ville de Genève où, je le répète, toutes les routes sont municipales.

Le troisième élément - mais les auteurs de la motion l'ont bien intégré, ce qui me fait dire que celle-ci est raisonnable -, c'est la question des compensations. Les règles sont claires et fixées par la loi, elles rendent un certain nombre de propriétaires fonciers enclins à envisager des conversions de places pour quatre-roues motorisés en stationnements pour deux-roues motorisés sur lesquelles nous pouvons entrer en matière, mais cela restera toujours marginal eu égard au ratio - évoqué tout à l'heure par l'un d'entre vous - du nombre de véhicules qui circulent par rapport aux places mises à disposition, qui est de 2,5 pour 10.

Ce soir, le propos du Conseil d'Etat sera de vous dire qu'il s'agit de l'un des points capitaux sur lesquels portera notre deuxième journée des états généraux des mobilités le 17 octobre prochain et que nous avons l'intention, de façon assez large, de traquer un peu plus le trafic pendulaire ainsi que de favoriser, pour les deux-roues motorisés et non motorisés, la mise à disposition de davantage d'espaces, à condition qu'ils circulent et représentent des gens qui font vivre la ville, qui se déplacent dans la journée.

De manière globale, certes, nous allons plutôt vers une augmentation du nombre de places de parc, mais il ne faut pas s'attendre à des miracles. En effet, je conclurai en vous rappelant une réalité: la voirie n'est pas extensible à l'infini, et on observe également une volonté de la population de se réapproprier les rues, les routes; on parle de zones 30 km/h, de zones 20 km/h, d'espaces, notamment au centre-ville, qui doivent d'abord être propices, cela a été relevé tout à l'heure, aux piétons, à des modes de mobilité active. Je mentionne au passage - nous vous en reparlerons à l'occasion - que nous projetons une action déterminée s'agissant de la circulation des trottinettes, lesquelles posent aujourd'hui des problèmes de sécurité majeurs - pas de parcage, mais de sécurité -, mais tout cela devra s'opérer dans une forme de consensus, faute de quoi nous n'avancerons pas.

C'est sur cette considération oecuménique que j'achève mon intervention. Le Conseil d'Etat, si vous décidez de lui renvoyer cette motion, lui réservera un bon accueil et la prendra comme un signal, un message; si vous ne la lui renvoyez pas et que vous décidez de clore ici l'exercice, sachez que nous reviendrons de toute façon sur la question des deux-roues motorisés, car il s'agit d'un enjeu primordial en matière de mobilité.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets le texte aux voix.

Mise aux voix, la motion 2775 (nouvel intitulé) est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 31 non (vote nominal).

Motion 2775 Vote nominal

La présidente. Avant de passer au point suivant, je salue à la tribune la présence de M. Thomas Bläsi, notre ancien collègue député et actuel conseiller national ! (Applaudissements.)