République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13183-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi de Stéphane Florey, Christo Ivanov, Gilbert Catelain, Patrick Lussi, André Pfeffer, Marc Falquet, Virna Conti, Thomas Bläsi, Sébastien Thomas modifiant la loi sur l'organisation des institutions de droit public (LOIDP) (A 2 24) (Il n'appartient pas aux institutions de droit public d'assumer les errances du Conseil d'Etat !)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 2 et 3 mars 2023.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (LC)
Rapport de minorité de Mme Virna Conti (UDC)

Premier débat

La présidente. Nous poursuivons avec le PL 13183-A, classé en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur de majorité, si vous demandez la parole, je vous la donne ! (Remarque.) C'est à vous, Monsieur Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. J'attendais simplement que la rapporteure de minorité s'installe confortablement ! Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, le projet de loi qui vous est soumis fait référence à un épisode, certes malheureux, qui a vu le Conseil d'Etat révoquer le mandat de la présidente de l'Aéroport international de Genève au motif d'une rupture du lien de confiance entre ladite présidente et l'autorité de surveillance de cette entité, soit le Conseil d'Etat. Saisie d'un recours, la justice a estimé qu'il n'y avait pas de faute grave et a ainsi donné tort au Conseil d'Etat. Suite à des négociations, la présidente a accepté un dédommagement de 210 000 francs, lesquels ont été versés par l'Aéroport international de Genève.

C'est en réalité ce dernier point que le projet de loi entend régler pour l'avenir. Plusieurs commissaires, il faut le dire, ont rappelé la gravité de ce type de crise institutionnelle, dont l'effet sur l'image de notre canton a été particulièrement délétère. Tout en relevant à réitérées reprises que cette crise n'avait pas été anodine, les commissaires de la majorité sont toutefois parvenus à la conclusion qu'il apparaissait disproportionné de procéder à une modification législative pour un fait unique, qui ne devrait pas se reproduire. Qui plus est, les conséquences juridiques de la modification de la loi n'ont pas pu être explicitées de façon très claire par son auteur et ont laissé planer un flou qui n'a pas convaincu du tout les commissaires de la majorité.

Dès lors, Mesdames les députées, Messieurs les députés, sur la base de ce rapport, nous vous remercions de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi et vous invitons à le faire dans la même proportion que celle enregistrée à l'issue des débats de la commission. Je vous remercie.

Mme Virna Conti (UDC), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est inutile à ce stade de revenir sur le contexte, qui a été extrêmement bien résumé. En guise de préambule, j'aimerais toutefois rappeler - et il est véritablement important de le souligner - que cette modification de loi fait suite à un dysfonctionnement qui est apparu lorsqu'une présidente d'un conseil d'administration nommée par le Conseil d'Etat s'est vu démettre de ses fonctions par ce même Conseil d'Etat.

Selon le magistrat en charge, le lien de confiance est le point central dans la nomination de la présidence, un lien qui dépendrait d'une alchimie - il l'a d'ailleurs indiqué durant les séances de commission -, soit d'un élément qui se veut à ce moment-là purement et simplement subjectif. Ainsi, le Conseil d'Etat accorde déjà sa confiance à chacune de ces personnes et procède également à une première sélection à ce stade. Je le répète, la question centrale était donc ce lien de confiance qui était apparemment rompu.

On l'a rappelé, la Chambre administrative de la Cour de justice a admis le recours et a ainsi annulé l'arrêté. Suite à cela - il s'agissait en effet de pallier cette erreur de jugement, un élément qui a finalement été reconnu par le rapporteur de majorité -, l'ancienne présidente a touché un dédommagement, dont le montant a été en réalité imputé sur les comptes de l'aéroport. Le principe du dédommagement n'est pas remis en cause dans ce contexte; ce qui l'est, en revanche, c'est d'avoir fait payer une institution - en l'occurrence l'aéroport - qui n'était absolument pas à l'origine de cette faute. Partant, ce n'était pas à elle de payer pour les erreurs du Conseil d'Etat.

Actuellement, la loi ne prévoit rien en la matière, mais ce manquement juridique peut à l'avenir être évité si le Conseil d'Etat assume lui-même ses erreurs et ne fait pas payer les autres pour celles qu'il commet. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous espérons que vous réserverez un bon accueil à ce projet de loi en acceptant l'entrée en matière. Merci.

M. Stéphane Florey (UDC). Madame la présidente, j'aimerais ajouter deux éléments suite aux propos du rapporteur de majorité. Effectivement, c'est un cas unique, mais pour le moment ! On ne peut pas prédire si cela se reproduira ou non. Le problème, c'est que sur le plan institutionnel, ce qu'on a décrié et qui a mené au dépôt de ce projet de loi est pour nous inacceptable, il s'agit donc simplement de se prémunir contre ce qui pourrait arriver à l'avenir.

Deuxièmement, le rapporteur a dit en substance: «M. Florey n'a pas réussi à expliquer pourquoi il fallait modifier la loi, le contenu même de la loi, ce qui a fait douter la commission.» Monsieur le rapporteur de majorité - vous lui transmettrez, Madame la présidente -, je ne sais pas ce qu'il faut que je dise pour expliquer que l'on veut justement se prémunir pour le cas où une telle situation surviendrait à nouveau. Même si cela ne se reproduit pas, il nous semble important - on le répète ici - que ce ne soit pas au contribuable... aux institutions concernées, pardon, de payer pour les erreurs et les problèmes que pourrait avoir le Conseil d'Etat avec les personnes qu'il nomme dans ces conseils d'administration. Parce que là, clairement, l'argent a été sorti du budget même de l'aéroport, alors qu'il aurait dû provenir de celui du Conseil d'Etat. Voilà uniquement ce qu'on souhaitait expliquer, et j'espère que maintenant notre point de vue a été suffisamment bien exposé pour que vous compreniez où on voulait en venir. Je m'arrêterai là à ce stade, mais je vous remercie par conséquent de changer d'avis et d'accepter ce projet de loi. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur Yves Nidegger, vous avez la parole pour cinquante secondes.

M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. J'aimerais juste dire qu'il ne s'agit pas ici de revenir sur la question du licenciement - qu'on qualifiera plus ou moins sévèrement -, car la justice s'en est déjà chargée. Le seul point qui a donné naissance à ce projet de loi, c'est cette «Schnapsidee» du Conseil d'Etat d'ordonner à un tiers de régler une facture qui lui revient. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Or si cette idée est venue une fois à l'esprit du Conseil d'Etat, il se peut qu'elle revienne par la suite, tout simplement parce qu'il n'existe pas d'interdiction claire dans la loi. Il y a donc une utilité à ce que vous entriez en matière. Je suis arrivé au terme de mes cinquante secondes, j'imagine ? Merci, Madame la présidente.

M. Diego Esteban (S). Mesdames et Messieurs les députés, si le groupe socialiste va refuser l'entrée en matière, ce n'est pas parce que le constat du problème n'est pas partagé. Je pense au contraire que si ce constat n'est pas unanimement partagé, il l'est en tout cas très largement. Il y a eu une erreur, une bévue - on peut la qualifier comme on veut -, mais la justice s'est effectivement chargée de poser le cadre. Selon nous, il n'est pas forcément nécessaire de procéder à une révision législative pour renforcer ledit cadre, car ce n'est pas vraiment ce dernier qui a dysfonctionné - du reste la justice a apporté quelques corrections. Pour autant, si on estime malgré tout que le cadre doit être corrigé au moyen d'une modification législative, est-ce que celle-ci est la bonne ?

En plénière comme en commission, on a certes pu écouter l'UDC nous expliquer ce qu'elle entendait par cette formulation. Le problème, c'est que si le Grand Conseil accepte le texte qui lui est proposé, c'est bien cette formulation qui figurera dans la loi pendant des décennies, si ce n'est pour l'éternité, or force est de constater que les termes utilisés sont flous. Ils donnent lieu à énormément de questions et apportent relativement peu de réponses. Je pense que la meilleure chose à faire pour l'UDC aurait probablement été de patienter encore un peu, le temps de trouver une formulation portant précisément sur les éléments problématiques, parce qu'on se retrouve ici avec un projet de loi dont les conséquences de l'application seraient particulièrement imprévisibles, ce que nous ne souhaitons pas.

Ce que nous désirons, en revanche, c'est que le cas ayant donné naissance à ce projet de loi serve d'exemple, reste unique en son genre et soit l'exception qui confirme la règle selon laquelle ce type d'erreur ne doit au contraire pas se produire. Voilà les raisons pour lesquelles le groupe socialiste vous enjoint de refuser l'entrée en matière sur ce texte.

Mme Dilara Bayrak (Ve). Le groupe des Verts refusera également l'entrée en matière sur ce texte, tout simplement parce qu'on ne crée pas de projet de loi pour des cas individuels et précis. S'il est nécessaire de concevoir une loi, alors le Grand Conseil s'en chargera.

Dans le cas d'espèce, la formulation du projet est aussi très problématique, puisque l'article 8, alinéa 3, mentionne «les engagements pris par le Conseil d'Etat». De quels engagements s'agit-il ? Est-ce que toutes les impulsions données par le Conseil d'Etat sont visées ? Les engagements vis-à-vis du climat, de l'égalité, etc. ? Est-ce que ça signifie que toutes les politiques insufflées par le gouvernement doivent être financées par le budget de l'Etat alors qu'en réalité elles concernent les institutions autonomes ?

Ma deuxième question porte sur les engagements pris par le Conseil d'Etat dans l'exercice de sa surveillance. Dans ce projet de loi - et même dans la situation précise -, le texte rate sa cible, puisque le Conseil d'Etat a demandé la révocation avec sa casquette non pas de surveillant, mais d'autorité de nomination. On constate donc que même dans le cas visé, le présent objet ne répond pas à cette problématique.

Pour ces raisons-là, et eu égard au principe selon lequel on ne crée pas de projet de loi pour un cas précis qui ne s'est produit qu'une fois, nous vous invitons également à refuser l'entrée en matière.

M. Yvan Zweifel (PLR). Pratiquement tout le monde a reconnu qu'il y avait bien un problème, un problème institutionnel, qu'on ne pouvait pas simplement laisser sous le tapis. Le groupe PLR voit un autre souci: celui qui touche à l'autonomie de ces institutions. Elles sont censées être autonomes, or ici on découvre que ce n'est évidemment pas le cas, puisque si le Conseil d'Etat a effectivement la charge de nommer le président ou la présidente de ces institutions, la justice lui a rappelé qu'il ne pouvait pas les démettre ainsi. Et encore, s'il s'agissait de démettre quelqu'un qui avait fauté ou qui, par hypothèse, n'avait finalement pas la compétence requise, on pourrait l'admettre, mais ce n'est absolument pas le cas dans le contexte que l'on connaît.

La plupart des intervenants ont indiqué que la proposition formulée était floue, qu'elle ne permettait pas de résoudre le problème, qu'elle n'allait pas assez loin, ou que sais-je encore... Comme disait l'autre, il y a un doute qui plane - quoique, pour l'aéroport, c'est peut-être normal ! -, mais ce que j'entends pour ma part, c'est que tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il existe un problème, alors s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, notamment vous qui siégez dans cette commission, réglez-le ! Si vous considérez que la formulation de l'UDC comporte des lacunes juridiques ou des flous, proposez des amendements pour qu'on puisse la retravailler !

Au vu de ces éléments, puisque tout le monde est d'accord pour dire qu'il existe un problème et que la proposition est peut-être mal énoncée, le groupe PLR sollicite le renvoi en commission. Nous demandons aux membres de la commission législative de prendre le problème à bras-le-corps, puisqu'il y en a un, et de rédiger un amendement qui puisse réellement le régler. En cas de refus, nous voterons ce projet, car on ne peut pas se permettre de laisser la problématique sous le tapis.

La présidente. Je vous remercie. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. Les rapporteurs souhaitent-ils s'exprimer sur cette requête ? Madame Virna Conti, vous avez la parole.

Mme Virna Conti (UDC), rapporteuse de minorité. Merci, Madame la présidente. Le groupe UDC acceptera le renvoi en commission.

M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, au vu des éléments qui ont été mentionnés avec pertinence par le député Zweifel, notamment eu égard au flou qui a été soulevé ici à plusieurs reprises, je vous recommande d'accepter le renvoi en commission.

La présidente. Je vous remercie. Le Conseil d'Etat souhaite-t-il s'exprimer sur le renvoi en commission ? Si ce n'est pas le cas, nous procédons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13183 à la commission législative est adopté par 55 oui contre 34 non et 2 abstentions.