République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13175-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Stéphane Florey, André Pfeffer, Sébastien Thomas, Gilbert Catelain, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Virna Conti, Marc Falquet, Thomas Bläsi, Pierre Vanek, Jean Batou, Jocelyne Haller, Daniel Sormanni, Danièle Magnin, Olivier Baud, Florian Gander, Gabriela Sonderegger, Jean-Marie Voumard, Jean Burgermeister, Sandro Pistis, Pablo Cruchon modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour un exercice des droits politiques en adéquation avec les réalités d'aujourd'hui)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 23 et 24 mars 2023.
Rapport de majorité de Mme Joëlle Fiss (PLR)
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (EAG)

Premier débat

La présidente. Nous poursuivons le traitement des urgences avec le PL 13175-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil, le rapport de minorité de M. Pierre Vanek ne sera pas présenté. Madame Joëlle Fiss, vous avez la parole.

Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, lors de la législature qui vient de s'achever, la majorité de la commission des droits politiques a préconisé le rejet du projet de loi 13175. Le but de ce texte est de diviser par deux le nombre de signatures nécessaires à l'aboutissement d'un référendum ou d'une initiative au niveau cantonal, que celle-ci soit constitutionnelle ou législative. Dans le même esprit, il s'agit aussi de réduire les taux pour une initiative ou un référendum à l'échelle communale. Le Conseil d'Etat sortant a formellement exprimé son opposition à cet objet, la même position que la majorité de la commission de l'époque.

Pour ma part, j'aimerais insister sur le fait qu'il y a un malentendu au sujet de ce projet de loi: soutenir que l'adopter constitue une façon de soutenir la démocratie directe est complètement faux. D'abord, il faut le souligner, les Genevois exercent pleinement leurs droits, aucun problème ne se pose à ce niveau-là aujourd'hui. Et en réalité, si on appliquait vraiment la logique de proportionnalité, la hausse démographique devrait plutôt entraîner le contraire de ce que demandent les auteurs, c'est-à-dire une augmentation du nombre de signatures requises, afin d'assurer la légitimité démocratique.

Baisser le nombre absolu de signatures, c'est diminuer le seuil exigé, on est bien d'accord, pour faire aboutir une initiative ou un référendum, et cela ne permet en rien d'améliorer l'exercice des droits politiques, comme le prétendent les signataires du projet de loi. A l'inverse, je dirais même que le nouveau seuil prévu risque d'effriter la démocratie et de polariser davantage notre société. Ah, je suis ravie que M. Florey soit revenu, Madame la présidente, pour que je puisse enfin m'adresser à lui !

La présidente. Je vous rappelle tout de même qu'on s'adresse à la présidence.

Mme Joëlle Fiss. Oui, il me semble bien avoir dit: «Madame la présidente» !

Deuxièmement, le processus politique à Genève est comparé à la situation d'autres cantons en Suisse, à savoir Zurich et Saint-Gall, mais on ne tient pas compte des prérogatives genevoises, c'est-à-dire que nous, parlementaires, pouvons déposer des projets de lois. Notre république a ainsi le devoir particulier de veiller à un juste équilibre entre la démocratie directe et la démocratie représentative. Or ce PLR dévalorise la fonction des députés, lesquels sont élus...

Des voix. Ce PL !

Mme Joëlle Fiss. Qu'est-ce que j'ai dit ?

Des voix. PLR ! (Rires.)

Mme Joëlle Fiss. Ah, d'accord ! Eh bien ce lapsus me convient ! Ce PL, donc, dévalorise la fonction des députés, lesquels sont élus par le peuple pour légiférer.

Enfin, il faut signaler qu'il y a déjà eu deux baisses des exigences relatives au nombre de signatures: une première en 2012 avec la nouvelle constitution et une autre en 2017. Si ce texte est voté, cela entraînera une inondation de référendums et d'initiatives, dont certains seront superflus; cela risque de fatiguer les citoyens et de diviser davantage la société genevoise. Merci.

M. Jean-Louis Fazio (LJS). Madame la présidente, chères et chers collègues, le groupe Libertés et Justice sociale refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Réduire le taux des quotas ne résorbera pas le déficit de participation aux élections et votations, mais profitera à des minorités agissantes et pas toujours démocrates. Les pays qui ont des quorums trop bas, comme Israël, sont ingouvernables et soumis à des minorités peu démocrates, peu représentatives, plus enclines à la fureur et au bruit qu'au débat. Nous, groupe Libertés et Justice sociale, nous n'avons pas eu peur du quorum ! (Commentaires. Applaudissements.)

Une voix. Mais on ne parle pas de quorum !

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, j'estime, et le groupe du Centre avec moi, que la situation actuelle est satisfaisante. Nous nous méfions de l'opportunisme qui prévaut lorsque certains dans cette enceinte ont recours à des comparaisons intercantonales. On a connu, lors de la crise du covid, l'éternelle comparaison avec Bâle-Ville, mais les faits ont démontré qu'elle était complètement inutile et faussée. Il n'est pas sain d'effectuer des comparaisons qui ne tiennent pas la route. A Saint-Gall et à Zurich, beaucoup moins d'initiatives et de référendums sont déposés qu'à Genève.

C'est dans le caractère du Genevois de contester les décisions que nous prenons ici, nous devons l'admettre; c'est dans le caractère du Genevois de lancer des initiatives. Tant mieux, cela donne vie à notre démocratie, c'est un bienfait que nous acceptons, même si, de temps en temps, nous perdons dans les urnes.

D'autre part, je relève que des modifications ont déjà été apportées: lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution, les taux ont été abaissés, puis à nouveau modifiés en 2017, ce qui montre bien que nous n'avons pas besoin, cinq ans après, de refaire l'exercice. On constate d'ailleurs qu'à Genève, le nombre d'initiatives et de référendums est largement supérieur à la moyenne suisse.

La question essentielle que nous avons à résoudre ce soir est la suivante: le Genevois a-t-il toutes les options en main pour s'exprimer ? On peut citer les pétitions, un droit assez rare qui existe en Suisse; on peut mentionner les initiatives, les référendums. Oui, tous les moyens lui sont donnés pour qu'il puisse exercer ses droits, et c'est la raison pour laquelle Le Centre vous recommande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Je rebondirai sur les propos de notre collègue Guinchard: c'est précisément parce que nous sommes à Genève que nous avons ce débat aujourd'hui ! Il faut bien comprendre que, dans les faits, ce projet de loi se révélerait gagnant-gagnant pour tout le monde.

Je vais citer quelques exemples. Votre nouvelle conseillère d'Etat s'est ramassée sur un référendum qui concernait les cliniques privées. Le PLR a maintes fois échoué sur des initiatives cantonales, sur des référendums cantonaux et même communaux - je pense aux crèches à Lancy, mais il a également fait chou blanc dans d'autres communes. La gauche aussi a échoué, nous-mêmes avons échoué. Pour notre part, voilà trois ans, bientôt quatre, que nous sommes constamment sur le terrain: nous avons lancé une multitude d'initiatives qui sont soit en traitement en commission, soit vont revenir incessamment dans l'ordre du jour. Nous avons également lancé des référendums communaux.

Actuellement, les choses sont difficiles. Il faut bien comprendre qu'il y a l'avant et l'après-covid. Bon, ce n'était déjà pas évident avant la pandémie, mais il est faux de dire que nous avons déjà eu deux baisses, parce que la modification constitutionnelle de 2013 n'a pas amené une diminution du nombre de signatures, elle a entraîné un changement de pratique: avant 2013, il fallait 10 000 signatures pour un référendum constitutionnel; avec la nouvelle constitution, il fallait toujours 10 000 signatures selon le pourcentage voulu à l'époque, donc il n'y a pas eu de réduction. (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi un instant. Mesdames et Messieurs du groupe des Verts, si vous souhaitez tenir un caucus, je vous invite à le faire à l'extérieur, merci ! Poursuivez, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. Ensuite, nous sommes convenus que le pourcentage était trop élevé, et là, il y a effectivement eu une première baisse adoptée par le peuple.

Maintenant, Mesdames et Messieurs, nous sommes dans une situation post-covid où il est toujours aussi compliqué, voire encore plus, de récolter le nombre de signatures suffisant. D'une part, la population a été fortement marquée par la pandémie, il faut dire ce qui est, les gens sont toujours réticents à se faire approcher. Certaines personnes vous passent devant... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et vous disent clairement: «Non, non, on ne veut pas signer.» D'autre part, le fait de déposer son nom sur un document constitue aussi un frein.

Je finirai par là, puisque je n'ai plus beaucoup de temps: le rapport de minorité comporte des amendements que je vous recommande de soutenir et que tous les partis ici présents...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Stéphane Florey. ...comprendront, du moins ceux qui les soutiennent: il ne s'agit plus d'une baisse de 50% du nombre de signatures, mais de 25%...

La présidente. C'est terminé...

M. Stéphane Florey. ...donc j'invite les groupes concernés à entrer en matière sur le projet de loi, à voter les amendements...

La présidente. Merci...

M. Stéphane Florey. ...qui figurent dans le rapport de minorité, puis à adopter le texte amendé. Je vous remercie.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe socialiste votera les amendements de compromis figurant dans le rapport de minorité de M. Vanek. On m'a expliqué que ces amendements seraient soumis au vote dans tous les cas; en ce qui nous concerne, nous soutiendrons cette solution raisonnable qui constitue une étape intermédiaire entre la demande initiale des auteurs et autrices du projet de loi, laquelle nous semblait aller trop loin, et la situation actuelle.

Au groupe socialiste, nous estimons important de trouver un équilibre entre la facilitation de l'exercice des droits politiques d'une part et le fait que notre canton doive rester gouvernable d'autre part. Comme l'a souligné mon préopinant Stéphane Florey, nous évoluons dans le contexte d'une société qui se numérise de plus en plus et rencontrons des difficultés croissantes pour récolter des signatures. Il a donné des exemples, donc je n'y reviendrai pas, mais face à cette situation et de manière générale, nous souhaitons, nous, socialistes, favoriser l'exercice des droits populaires.

Comme cela a été signalé, dans de nombreux cantons - et non des moindres, comme Zurich -, les taux sont beaucoup plus bas qu'à Genève. De plus, contrairement à ce qui a été soutenu ou sous-entendu, notamment par la rapporteuse de majorité, le fait d'avoir diminué les taux en 2017 n'a pas du tout conduit à une explosion de l'usage de la démocratie directe. Mais quand on réduit le nombre de signatures, cela facilite quelque peu l'exercice des droits politiques, ce qui est à saluer.

Une petite précision: il n'y a pas eu de baisse en 2012. Le compromis qui a été négocié à la Constituante, c'était le passage aux pourcentages et, en échange, une diminution du nombre de signatures pour les initiatives législatives; il s'agissait d'encourager cet instrument par rapport aux initiatives constitutionnelles.

J'aimerais encore vite répondre à un autre argument de la rapporteuse de majorité qui consiste à dire qu'à Genève, nous avons la possibilité de déposer des projets de lois; mais ça n'a rien à voir ! Ce que nous voulons, c'est favoriser les droits démocratiques... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et on ne peut pas refuser cela sous prétexte qu'il y aurait un outil réservé aux députés. Ici, on parle des droits populaires, pas des droits pour les parlementaires.

Enfin, je suis resté un petit peu pantois en entendant l'intervention de mon collègue sur les questions de quorum...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Cyril Mizrahi. Il me semble qu'on se trompe de débat, mais si vous aimez les comparaisons, alors je peux...

La présidente. Je vous remercie...

M. Cyril Mizrahi. Bien, je m'arrête là, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter cette solution de compromis. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve). Je ne vais pas invoquer le Genevois ou la Genevoise, comme M. Guinchard, parce qu'il me semble que rien qu'à l'écoute des trois ou quatre dernières interventions, on a entendu trois ou quatre opinions différentes, donc à mon avis, on ne peut pas se baser sur un certain essentialisme genevois, les visions sont plurielles.

En ce qui concerne ce projet de loi, dans son rapport de minorité, M. Vanek a présenté sept bonnes raisons de voter en faveur de l'entrée en matière; je vais en reprendre quelques-unes.

Nous avons à Genève 40 jours pour faire aboutir un référendum; dans le canton de Vaud, c'est 60 jours, soit 50% de plus; à Neuchâtel, c'est 90 jours, soit 125% de plus; c'est aussi le cas à Fribourg, en Valais et à Berne; à Zurich et à Bâle-Ville, c'est 60 et 42 jours respectivement. Ainsi, on constate que les choses varient sensiblement d'un canton à l'autre. Cela étant, aucun canton parmi ceux qui ont été cités ne connaît un délai référendaire aussi bref que le nôtre. Le délai référendaire fédéral, quant à lui, est de 100 jours, soit deux fois et demie plus long que le nôtre.

Par ailleurs, à Zurich, 0,32% du corps électoral peut déclencher un référendum; à Genève, il faut 2%, soit 6,25 fois de plus ! A Berne, c'est 1,34%, avec non pas 40, mais 90 jours, soit 50 jours de plus. Et en Valais, c'est la même chose: 1,34% en 90 jours.

Un autre argument qui est parfois avancé et qui, à mon sens, est tout à fait pertinent, c'est qu'il est particulièrement difficile de récolter des signatures dans notre canton. En effet, Genève compte 40% de population étrangère, laquelle n'a pas le droit de vote aux plans cantonal et fédéral, et ne peut donc pas signer de référendums ou d'initiatives. En Ville de Genève, c'est même plus, puisque la population étrangère frôle les 50%. Et si la récolte de signatures a lieu en été, on a de surcroît toutes les chances de tomber sur des touristes qui, bien sûr, ne disposent pas du droit de vote.

Je vais m'arrêter là, mais voilà déjà quelques éléments objectifs en faveur du projet de loi, en dehors de ceux déjà présentés. Pour conclure, j'aimerais relever que les amendements du rapport de minorité de M. Vanek ne divisent pas les pourcentages de signatures nécessaires par 2, mais par 1,5 et ainsi de suite; ce compromis représente, aux yeux de plusieurs commissaires ou parlementaires, une solution plus raisonnable. Pour toutes ces raisons, je vous enjoins d'accepter, comme moi et plusieurs membres de mon groupe, l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit, donc je vais essayer de ne pas répéter les choses. Les initiatives et les référendums constituent des éléments essentiels de la démocratie. Selon les comparaisons qui ont été citées avec les autres cantons, nous sommes beaucoup plus stricts à Genève, aussi bien sur les délais que sur le nombre de signatures. Il convient dès lors de procéder à ces modifications, et nous soutiendrons ce projet de loi avec les amendements.

Je me souviens de la dernière baisse de 2017, puisque j'étais l'auteur du projet avec Christian Grobet, qui n'est plus dans cette salle. Il s'agissait d'amorcer une réelle diminution, parce que lors de la nouvelle constitution, on est juste passé aux pourcentages, ce qui fait que chaque année, vu l'augmentation de la population, on devait récolter plus de signatures. A mon avis, il n'y a pas de souci à se faire quant à une potentielle inflation du nombre de référendums ou d'initiatives par rapport à ce qui existe aujourd'hui, il s'agit simplement d'une facilitation.

Dans les temps anciens, c'était simple: il suffisait d'aller devant les locaux de vote le vendredi, le samedi et le dimanche, et en trois coups de cuiller à pot, c'était réglé. Aujourd'hui, pour ce qui est du vendredi et du samedi en tout cas, c'est râpé, ils n'existent plus. Aussi, je pense qu'il est temps d'aller dans cette direction et d'abaisser un peu le nombre de signatures.

Tout à l'heure, on a invoqué quelque chose qui n'a aucun rapport, à savoir le fait qu'à Genève, les députés peuvent déposer des projets de lois, mais ce n'est pas le seul canton en Suisse à pouvoir le faire, de loin pas ! Nos voisins vaudois peuvent le faire aussi, et certainement d'autres cantons.

Des voix. Seulement Neuchâtel.

M. Daniel Sormanni. Le canton de Vaud aussi !

Des voix. Non !

M. Daniel Sormanni. Je vous invite à voter ce projet de loi avec les amendements.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, mais que voulez-vous ? Qu'on n'ait pas besoin de faire d'efforts pour récolter des signatures en faveur d'initiatives et de référendums ? Ou alors qu'une seule signature suffise ? J'ai entendu tout à l'heure l'un de nos préopinants s'écrier: «Même le PLR n'a pas réussi à réunir le nombre de signatures nécessaire pour faire aboutir une initiative ou un référendum.» Mais heureusement ! Heureusement !

Une voix. Eh bien bravo !

M. Pierre Conne. Heureusement qu'il existe une barrière et une certaine difficulté à mobiliser suffisamment de voix de la population pour pouvoir faire passer nos idées et obtenir un vote populaire sur un projet !

Où voulez-vous en venir ? Rentrez chez vous, alors, on n'a plus besoin de vous s'il suffit d'avoir une personne dans la rue qui récolte une signature ! On lancera des référendums et le Conseil d'Etat fera des lois qu'on viendra voter ici entre deux bières ! Non, ce n'est pas sérieux, vous ne vous prenez pas au sérieux, vous ne me prenez pas au sérieux. Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là.

Nous sommes parvenus à une solution équilibrée qui a été élaborée de façon extrêmement nuancée en introduisant le principe des pourcentages de la population dans le cadre de la constitution de 2012. Il y a eu un ajustement en 2017, d'accord, avec une baisse du nombre de signatures requises, et nous avons trouvé un équilibre. Certains textes aboutissent, d'autres pas.

Arrêtez d'accuser le covid ou je ne sais quoi d'autre en disant que c'est difficile, qu'il y a trop d'étrangers... Vous soutenez qu'il y a trop d'étrangers, qu'on n'arrive plus à récolter des signatures, mais est-ce que vous vous entendez ?

Ce n'est pas raisonnable, revenons à une position un peu sensée, continuons à faire fonctionner nos institutions comme elles fonctionnent très bien et rejetons ce projet de loi, en refusant au passage les amendements qui ne constituent pas une solution de compromis, mais une tentative de sauvetage in extremis d'un objet mal fagoté visant uniquement à détruire la démocratie parlementaire que nous représentons. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien !

La présidente. Merci. Je redonne la parole à Mme Joëlle Fiss pour trente-sept secondes.

Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais juste réitérer qu'il est important de rejeter ce projet de loi. On ne peut pas, chers collègues, dissocier la démocratie représentative de la démocratie populaire. Il y a des confusions à ce sujet. Genève dispose de droits qui sont différents de ceux d'autres cantons, et c'est pour cela aussi que je vous appelle à refuser ce texte. Merci.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi; il vous enjoint également de rejeter les amendements qui, comme cela vient d'être indiqué, constituent une tentative de sauvetage désespérée d'un texte qui prend l'eau de partout.

Il est vrai que nous devons nous poser ce genre de question. D'ailleurs, vous ne vous en privez pas, puisque à intervalles réguliers, vous réduisez le nombre de signatures nécessaires. Il semblerait que lorsqu'on ne réussit pas à récolter les signatures requises, plutôt que de s'interroger quant à la pertinence de l'initiative ou du référendum qu'on engage, on attribue la faute à un manque de temps; en réalité, on n'a simplement pas trouvé suffisamment de personnes mal informées disposées à signer n'importe quoi.

Il faut dès lors vous donner du temps, parce qu'avec le temps, on parvient toujours - toujours, même avec des objets farfelus - à mobiliser assez de monde. A cet égard, j'aurais bien aimé voir, s'agissant du texte sur le «Cé qu'è lainô» que vous avez voté tout à l'heure, si, dans la rue, vous auriez réussi à convaincre les gens qu'il faut inscrire notre hymne cantonal dans la constitution, des gens qui, parfois, ont de la peine à boucler les fins de mois; ceux-ci auraient pu se poser des questions quant aux préoccupations des parlementaires.

Cela me permet de souligner, comme cela a déjà été rappelé, que Genève est un canton particulier. D'abord, malgré les chiffres et les barrières fixés pour les récoltes de signatures, nous sommes le canton dans lequel sont déposés le plus d'initiatives et de référendums cantonaux, donc il faut croire qu'il ne s'agit pas là d'un obstacle; à la rigueur, cela vous donne l'occasion - cela nous donne l'occasion, puisqu'il m'arrive aussi de le faire - d'aller recueillir des signatures et d'entrer en contact avec la population. Non, ces taux ne constituent pas un frein à la démocratie.

Lorsque parfois, et c'est extrêmement rare, un référendum ou une initiative n'aboutit pas par manque de signatures, est-ce véritablement parce que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour aller chercher les personnes ou, comme je l'ai relevé il y a un instant, parce que la démarche ne méritait pas d'être entreprise et que nous n'avons pas réussi à sensibiliser suffisamment de personnes pour obtenir les quotas exigés ?

Nous sommes un petit canton à la densité de population importante, beaucoup plus grande que dans le canton de Vaud. Récolter des signatures dans le canton de Vaud est plus délicat: il faut s'éparpiller sur l'ensemble du territoire - d'autres cantons ont également une surface plus grande -, il faut une logistique qui n'est pas nécessaire ici, où il suffit de disposer d'antennes dans les plus grandes communes - d'abord la Ville de Genève, puis les communes suburbaines - pour réunir rapidement des signatures. En réalité, il n'y a pas de vrai problème.

Comme cela a été dit, à force de réduire les taux, peut-être pourrait-on instaurer une initiative individuelle ! Chaque citoyenne, chaque citoyen pourrait lancer ce qu'on nomme un appel au peuple; quand quelqu'un a une bonne idée, eh bien il la dépose dans une boîte à suggestions, puis nous organisons une votation populaire !

Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs, la démocratie est trop importante pour être galvaudée de cette manière, d'autant plus dans un canton qui, comme celui de Genève, accorde à la démocratie indirecte une place importante. Contrairement à ce qui a été soutenu il y a un instant, le canton de Vaud ne permet pas aux députés de déposer des projets de lois; ils peuvent enjoindre au gouvernement de préparer un texte de loi sur un sujet déterminé, et ensuite le gouvernement fait son travail.

Chez nous, et cela arrive régulièrement, certains projets de lois sortent de nulle part et amènent parfois le Conseil d'Etat à ne pas demander immédiatement le troisième débat en raison de problèmes de conformité. Et je ne parle même pas des textes qui sont déposés, puis ajoutés à l'ordre du jour avec discussion immédiate, qui ne sont même pas renvoyés en commission et que vous adoptez dans l'enthousiasme général. D'ailleurs, l'objet sur le «Cé qu'è lainô» aurait été ainsi voté en une seule séance, sans même passer en commission - il n'y a pas été renvoyé -, sans même que le Conseil d'Etat puisse être entendu et s'exprimer.

Vous ne vous gênez donc pas - et vous avez raison - pour utiliser les voies de la démocratie indirecte afin de faire passer des projets, donc n'importe quel citoyen peut sensibiliser chacune et chacun d'entre vous sur des textes divers, sur des sujets multiples, et vous êtes précisément là pour cela: pour relayer les préoccupations de la population.

Aussi, soyons raisonnables. Notre démocratie fonctionne bien, je dirais même qu'elle fonctionne mieux qu'ailleurs quand on en voit la vivacité tous les jours à Genève. Ne galvaudons pas ce que nous avons dans les mains et faisons en sorte que lorsque l'on saisit la population sur un sujet, on ait au moins fait l'effort d'aller vers cette même population pour savoir si elle est véritablement intéressée dans une part importante. Voilà la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser à la fois le projet de loi tel que déposé et les amendements du rapport de minorité. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. A présent, nous procédons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13175 est adopté en premier débat par 53 oui contre 34 non.

Une voix.  Ça n'a pas fonctionné !

La présidente. Alors changez de place, Madame la rapporteure de majorité; de toute manière, comme pour le précédent objet, nous n'étions pas à une voix près.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Nous sommes saisis d'une série d'amendements qui figurent dans le rapport de minorité aux pages 29 et 30. Voici le premier:

«Art. 56, al. 1 (nouvelle teneur)

1 2% des titulaires des droits politiques peuvent soumettre au Grand Conseil une proposition de révision totale ou partielle de la constitution.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 35 non.

Mis aux voix, l'art. 56, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Je mets aux voix l'amendement suivant, qui est libellé comme suit:

«Art. 57, al. 1 (nouvelle teneur)

1 1,5% des titulaires des droits politiques peuvent soumettre au Grand Conseil une proposition législative dans toutes les matières de la compétence de ses membres.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 34 non.

Mis aux voix, l'art. 57, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Nous passons au troisième amendement:

«Art. 67, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les lois, ainsi que les autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses, sont soumis au corps électoral si le référendum est demandé par 1,5% des titulaires des droits politiques.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 35 non.

Mis aux voix, l'art. 67, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Nous nous prononçons sur le prochain amendement:

«Art. 71, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Peuvent demander au conseil municipal de délibérer sur un objet déterminé:

a) 10% des titulaires des droits politiques dans les communes de moins de 5000 titulaires des droits politiques;

b) 5% des titulaires des droits politiques, mais au moins 300 d'entre eux, dans les communes de 5000 à 30 000 titulaires des droits politiques;

c) 3% des titulaires des droits politiques, mais au moins 1800 et au plus 2400 d'entre eux, dans les communes de plus de 30 000 titulaires des droits politiques.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 35 non.

Mis aux voix, l'art. 71, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

La présidente. Le dernier amendement a la teneur suivante:

«Art. 77, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les délibérations des conseils municipaux sont soumises au corps électoral communal si le référendum est demandé par:

a) 10% des titulaires des droits politiques dans les communes de moins de 5000 titulaires des droits politiques;

b) 5% des titulaires des droits politiques, mais au moins 300 d'entre eux, dans les communes de 5000 à 30 000 titulaires des droits politiques;

c) 3% des titulaires des droits politiques, mais au moins 1800 et au plus 2400 d'entre eux, dans les communes de plus de 30 000 titulaires des droits politiques.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 36 non.

Mis aux voix, l'art. 77, al. 1 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13175 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 37 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 13175 Vote nominal