République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12593-B
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier le projet de loi de Adrienne Sordet, Marjorie de Chastonay, Yves de Matteis, Pierre Eckert, Delphine Klopfenstein Broggini, Isabelle Pasquier, David Martin, Jean Rossiaud, Yvan Rochat, Paloma Tschudi, Alessandra Oriolo, Mathias Buschbeck, François Lefort modifiant la loi sur l'énergie (LEn) (L 2 30) (Pour un abaissement des seuils IDC)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 23 et 24 mars 2023.
Rapport de majorité de M. Adrien Genecand (PLR)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Premier débat

Le président. Nous abordons notre urgence suivante, classée en catégorie II, quarante minutes. La parole est à M. Adrien Genecand.

M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le rapport qui vous est fait ce jour sera très court, vu les autres urgences à traiter. Ce projet de loi a été déposé au début de la législature, à la suite de l'acceptation d'une motion sur l'urgence climatique. Dans les grandes lignes, il s'agit de décider de la politique que nous voulons dans ce domaine et si elle doit être subventionnée ou pas. Le rapport, qui fait 121 pages, vous donne les grandes lignes.

Philosophiquement, on rencontre deux principes. Soit on décide de laisser à la discrétion de l'exécutif la capacité de financer les gens qui n'ont pas les moyens de rénover leur bâtiment - ce qu'on va leur imposer de faire, Mesdames et Messieurs, à l'horizon 2026, puis 2030. A l'attention de ceux qui n'ont pas eu l'occasion de lire le rapport, je situe l'élément dont on parle: il sera demandé à un propriétaire de villa entre 60 000 et 120 000 francs d'investissement, et à un propriétaire d'appartement, 100 000 francs pour un quatre à cinq-pièces de 100 mètres carrés - ce sont les éléments que vous devez avoir à l'esprit au moment de réfléchir à cette question. Voilà ce que l'exécutif, qui n'a toujours pas rénové certaines de ses façades et de ses fenêtres, va imposer à l'ensemble de la population, que ce soit à vous, comme propriétaires, ou à vous, à travers la caisse de pension qui possède des immeubles. C'est à peu près 1000 francs par mètre carré de surface, selon une étude de l'HEPIA; c'est le coût qu'on va imposer aux gens, qui n'a évidemment pas été provisionné.

Or, l'enjeu est supérieur, puisqu'il s'agit de la transition énergétique. A ce titre, il nous semble logique que si on veut réaliser cette transition énergétique, une partie importante des coûts revienne à l'Etat. Que ce soit 35% ou 50%, selon le mécanisme, ça nous semble raisonnable; ça veut quand même dire que le propriétaire privé devra payer 50% des fameux 1000 francs ou des sommes fonction des objets.

Mesdames et Messieurs, si on veut réaliser cette transition énergétique, ça va coûter de l'argent, un montant substantiel. Or, il est quelque peu surprenant de constater que les écologistes, qui nous parlaient d'urgence et qui nous en parlent toujours, dans le domaine de la réalisation... On parle ici de 50% des émissions de CO2 qui émanent du bâtiment. C'est une façon assez efficace de diminuer nos émissions, mais ça va coûter de l'argent.

C'est pourquoi, comme je l'ai dit d'ailleurs pendant le covid, durant l'une des auditions, c'est à marée basse qu'on voit ceux qui nagent nus, et dans ce domaine, Mesdames et Messieurs, on constate que l'exécutif nage très, très, très nu. (Rire.) Il faut donc assumer le fait que celui-ci ne veut pas de la transition énergétique rapide et que sera constitué un fonds de subventions données au bon vouloir de l'exécutif, en fonction des affinités avec les uns et les autres.

A l'inverse, nous proposons un mécanisme ambitieux, qui consisterait à octroyer des subventions pour que tout le monde fasse l'exercice, pour que les métiers du bâtiment puissent se développer, puisqu'ils connaîtront leur horizon. Il faudra décider de cette question sachant que, pour ceux qui seraient sensibles à la cause post-hiver 2022, tout l'enjeu est de savoir si les locataires seront impactés ou non. L'amendement, qui inclurait idéalement une forme d'automaticité, ne prévoit aucun impact sur les locataires, c'est-à-dire que ceux-ci bénéficieraient d'une forme de protection complète sur leur loyer, ainsi que, à la clé, une baisse de charges dans le cas des immeubles les moins bien isolés.

C'est pourquoi nous encourageons vivement ceux qui ne l'ont pas encore fait à étudier cette question très rapidement pour qu'on puisse voter le plus vite possible sur ce projet de loi. Merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. L'objectif de ce projet de loi est de fixer un cadre favorable qui incite à effectuer les travaux énergétiques sur environ 28 000 bâtiments ou maisons privés. Ce texte a été discuté et traité durant de nombreux mois en commission, et il y a - il faut le relever - consensus sur de nombreux points. Une large majorité s'accorde sur quatre points. Article 15C, alinéa 5: l'abaissement du seuil IDC doit permettre d'atteindre les objectifs du plan 2050; alinéa 6, des mesures d'accompagnement sont mises à disposition des propriétaires privés avec des subventions, des prêts à taux préférentiel et des incitations fiscales; alinéa 7, des subventions d'assainissement sont accordées aux propriétaires dans l'incapacité de financer les travaux énergétiques; alinéa 8, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil des subventions à hauteur de 500 millions.

Si cette base satisfait tous les partis, le rapporteur de minorité vous propose de voter ou de revoter deux amendements. Le premier, l'amendement PDC, propose d'augmenter le pourcentage des subventions en faveur de ceux qui effectuent des travaux permettant d'aller au-delà du seuil minimum. Le second, l'amendement PLR, propose de déduire la subvention pour toute éventuelle répercussion sur les loyers.

Je répète, ce projet de loi est une loi-cadre en vue d'inciter les propriétaires à entreprendre les travaux énergétiques. Il n'a aucune influence sur les locataires; la LDTR prévoit déjà un mécanisme de baisse de charges compensée avec maximum 10 francs par pièce et par mois. Il n'y a aucun changement. Cet objet est et doit rester compatible avec le système intercantonal qui permet de bénéficier des aides de Berne. Le rapporteur de minorité, qui représente tout de même trois commissaires PLR, vous propose d'accepter les deux amendements et d'accepter ce projet de loi.

Je répète, ce projet de loi veut uniquement favoriser les travaux énergétiques; les seuils IDC sont déjà fixés, de même que les délais pour déterminer les travaux à entreprendre. En favorisant les travaux, les objectifs énergétiques fixés par l'Etat pourront être atteints. Enfin, il est question d'éviter de transférer des charges sur les locataires. Je vous remercie de votre attention.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, ce projet de loi a fait l'objet de très, très nombreuses et de très longues discussions à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève; on est arrivé, semble-t-il, à un compromis qui était acceptable. Deux ou trois questions étaient restées ouvertes, à savoir: oui ou non, les loyers sont-ils touchés ? La décision de la majorité de la commission a été que non. Deuxièmement, qui peut toucher des subventions ? Tous les propriétaires qui démontrent être dans l'incapacité d'assumer ces transformations et ces travaux énergétiques. Je pense qu'il s'agit d'une bonne solution.

Entre-temps est arrivée l'initiative de l'ASLOCA: celle-ci propose aussi des subventions pour assainir les bâtiments, avec un mécanisme de réhabilitation du fonds à la rénovation, qui n'est plus alimenté depuis plusieurs années, sauf erreur depuis la législature précédente; ce fonds serait financé en partie par les bénéfices de la Banque nationale. Je vous laisse imaginer le problème: ce n'est pas possible par les temps qui courent.

Par conséquent, il serait utile de renvoyer à nouveau ce texte en commission pour qu'il puisse être utilisé comme contreprojet à l'initiative de l'ASLOCA. Ça incitera peut-être celle-ci soit à retirer son initiative, soit à la soumettre au vote, auquel cas il y aura cependant un contreprojet crédible, à savoir celui qui est sorti de la commission. C'est, semble-t-il, la meilleure solution aujourd'hui; même si on votait ce soir ce projet de loi, je ne crois pas, d'après ce qu'on sait, que l'ASLOCA retirerait son initiative, et au bout de la course, celle-ci écraserait ce projet de loi. C'est pourquoi la meilleure solution est de renvoyer à nouveau ce projet de loi à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève. Voilà ce que je vous demande, Monsieur le président, et vous prie de soumettre aux votes.

Le président. Merci, Monsieur le député. A propos de cette demande de renvoi, Monsieur le rapporteur de minorité ?

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Je pense qu'il ne faut pas renvoyer ce projet en commission: il date d'il y a quatre ans et a déjà été largement traité. Merci.

M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Le roi est nu ! C'est-à-dire que ceux qui nous ont expliqué qu'il y a urgence climatique et que c'est un véritable enjeu décident, aujourd'hui, de renvoyer cet objet en commission et de ne pas le traiter avant la fin de la législature.

Le président. Merci. Monsieur le conseiller d'Etat, à propos du renvoi en commission ? (Remarque. Le président rit.) Très bien. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 50 oui contre 40 non.