République et canton de Genève

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PL 12711
Projet de loi de Mme et MM. Pierre Bayenet, Jocelyne Haller, Pierre Vanek, Rémy Pagani modifiant la loi sur le tourisme (LTour) (I 1 60) (Pour une meilleure information de l'Etat sur la location temporaire d'appartements)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 4 et 5 juin 2020.
Délai de traitement en commission dépassé (cf. article 194 LRGC)

Premier débat

Le président. Nous reprenons nos travaux avec les deux derniers délais de traitement en commission dépassés. J'appelle d'abord le PL 12711, qui est classé en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Ce sujet a déjà été traité un certain nombre de fois à la commission de l'économie. C'est même le troisième ou plutôt la troisième conseillère d'Etat qui suit ce dossier, si je me souviens bien. En fait, nous attendons des réponses de la part du Conseil d'Etat, il s'agit de déterminer si la bonne loi est concernée. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs, de renvoyer cet objet à la commission de l'économie.

Mme Caroline Marti (S). Je suis d'accord sur un renvoi en commission, mais pas sur la destination. En ce qui concerne le groupe socialiste, nous considérons qu'il s'agit véritablement d'une problématique de logement: Genève connaît une crise du logement, il y a un manque d'appartements à destination de notre population, et un certain nombre d'entre eux sont soustraits à la location de longue durée, ne peuvent pas être utilisés pour héberger des familles, car ils sont retirés du marché pour être proposés sur des plateformes de location temporaire.

De plus, Mesdames et Messieurs, on constate que la commission de l'économie n'a pas su traiter ce texte dans les délais, que ce soit par manque de temps ou d'intérêt pour la question, raison pour laquelle je vous propose son renvoi à la commission du logement.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs, le groupe UDC ne soutiendra pas ce projet de loi et vous invite tous à le refuser. Ce texte est aujourd'hui périmé, il n'a plus aucune raison d'être, car la problématique qu'il voulait traiter a été réglée entre-temps. En effet, Airbnb paie maintenant la taxe de séjour, ce qui fait que le problème est résolu, cet objet n'a plus de sens.

Je rappelle ce qui était visé par le projet de loi: l'objectif était que ce type de plateformes intermédiaires annoncent lorsqu'elles louent un appartement et que si la taxe n'est pas payée, elles deviennent même codébitrices pour le règlement de celle-ci. Cela a été fait, donc ce texte n'a plus aucun sens ni aucune raison d'être, et je vous propose de classer le dossier. Merci de votre attention.

M. Jean Burgermeister (EAG). L'intervention de M. Pfeffer montre pourquoi il faut renvoyer ce projet de loi à la commission du logement. La commission de l'économie nous a indiqué qu'elle attendait des réponses du Conseil d'Etat - nous les attendons encore alors que le projet de loi a été déposé en 2020 -, voilà pourquoi il a été gelé. Et maintenant, M. Pfeffer nous dit: «C'est terminé, nous votons contre.»

Ce texte doit faire l'objet d'un traitement attentif en commission, c'est évidemment une question démocratique de fond. Si la commission de l'économie et notamment M. Pfeffer ne sont pas intéressés à effectuer ce travail ou n'en ont pas le temps - je ne vais pas faire de procès d'intention à tous ses membres ni même à sa majorité -, alors il faut examiner l'objet à la commission du logement, laquelle avait d'ailleurs fait une demande pour traiter ce texte. Pourquoi ? Parce que la commission du logement a déjà réalisé un travail sur cette question.

Par ailleurs, il y a une certaine urgence à se pencher là-dessus: Genève connaît une crise du logement aiguë, et on ne peut pas se permettre d'accepter qu'autant d'appartements soient finalement soustraits de l'offre pour les locataires du canton sous prétexte qu'il est parfois plus rentable de les louer, même si c'est la moitié de l'année, à des touristes sur des plateformes de type Airbnb. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, comme le proposait la députée Caroline Marti, à voter le renvoi à la commission du logement.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). C'est bien la première fois que j'entends dire dans cette salle que le problème du logement n'est plus d'actualité à Genève ! Je ne peux pas souscrire aux propos du député Pfeffer à ce sujet, tout comme je ne partage pas non plus l'avis exprimé par la porte-parole du parti socialiste qui estime que la commission de l'économie n'a pas su - je trouve cela un petit peu méchant - traiter ce projet de loi.

Nous avons entamé son étude et attendons effectivement un certain nombre de réponses de la part du Conseil d'Etat. Voilà pourquoi - cela a été rappelé - le texte a été gelé. Notre groupe, compte tenu de l'actualité de cet objet et des travaux déjà amorcés, juge plus logique de le renvoyer à la commission de l'économie. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui nous concerne, nous pensons que ce projet de loi est aujourd'hui dépassé: un certain nombre de règles ont déjà été imposées aux plateformes de type Airbnb et des contrôles sont effectués par l'Etat. On ne peut pas louer son appartement la moitié de l'année, c'est maximum nonante jours. Par conséquent, nous sommes d'accord avec la proposition de mon collègue, M. Pfeffer, à savoir de ne pas renvoyer ce texte à la commission du logement, mais de le rejeter. Merci.

Le président. Je vous remercie. Monsieur Alberto Velasco, c'est à vous pour deux minutes.

M. Alberto Velasco (S). Oui, merci, Monsieur le président. Je ne comprends pas comment on peut dire, dans une ville où le taux de vacance est pratiquement de zéro, où il n'a jamais été aussi difficile de se loger qu'aujourd'hui, que ce projet de loi est dépassé. La vérité, c'est que le système Airbnb soustrait une partie des appartements à la location, voilà la réalité. Et le département, malgré les moyens dont il dispose, n'arrive pas à contrôler ce qui se passe.

Ensuite, un deuxième problème se pose, à savoir qu'il y a des gens qui exercent une profession pour laquelle ils n'ont ni autorisation ni formation, c'est-à-dire la profession d'hôtelier. Les choses se passent comme ça, et on ne dit rien du tout ! On peut très bien contrôler les hôteliers, vérifier si les personnes qui travaillent dans un établissement perçoivent le salaire adéquat, mais là, par contre, on est face à des gens qui pratiquent la profession d'hôtelier et on ne dit rien, ça se passe comme ça.

Sans parler du fait qu'ils soustraient des logements à la location. On l'a vu en Vieille-Ville, deux immeubles étaient quasi entièrement occupés par des appartements Airbnb pendant toute l'année. Il a fallu que le département intervienne, et la situation s'est rétablie. Mais soutenir que le sujet n'est pas d'actualité...! Je suis désolé, il est plus que jamais d'actualité. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission du logement, s'il vous plaît. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Je rends la parole à M. André Pfeffer pour une minute quarante.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Je crois qu'il y a un malentendu pour certains, notamment pour M. Guinchard. Soit ils n'ont pas compris, soit ils n'ont pas lu ce projet de loi. Je le répète: dans ce texte, il n'est absolument pas question de la crise du logement, il ne s'agit pas non plus de déterminer s'il y a trop ou pas assez d'appartements qui sont soustraits à la location de longue durée. Si vous vous donnez la peine de le lire - il n'y a qu'un seul et unique article -, il est question de contrôler les logements soumis à la location temporaire, il s'agit également de faire payer la taxe de séjour aux personnes qui louent leur appartement de manière temporaire.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, c'est un fait, le problème est réglé. Je rappelle qu'Airbnb annonce les appartements loués à Genève depuis sa plateforme et que les gens paient la taxe de séjour. Aussi, le problème soulevé par ce projet de loi a été résolu. Maintenant, évidemment, il y a une crise du logement, mais décider si trop ou pas assez d'appartements sont mis à disposition pour de la location temporaire constitue une autre question. Je vous recommande de rejeter ce projet de loi. Merci de votre attention.

M. Yvan Zweifel (PLR). Personne ici ne remet en cause le fait qu'il y a une crise du logement et que cela n'est évidemment pas acceptable en soi que des appartements qui ont pour fonction de servir de logements soient retirés du parc immobilier. Des mesures ont été prises par le Conseil d'Etat, nous avons été saisis d'une proposition de motion de Mme Caroline Marti sur le sujet, sauf erreur, qui est encore à l'ordre du jour ou a peut-être déjà été votée. Le gouvernement et notamment M. Hodgers nous ont indiqué maintes fois que des mesures avaient été prises et que des contrôles sont mis en place, personne ici ne s'y oppose.

Le PLR était contre ce projet de loi sur le fond dans la mesure où il s'agit pour nous d'un transfert de responsabilités qui n'est tout simplement pas tolérable. La responsabilité d'annoncer qu'un logement a été mis à disposition sur une plateforme de type Airbnb est celle du propriétaire du bien. A l'image du client qui réserve ses vacances via Booking ou un autre portail, celui-ci ne sert que d'intermédiaire pour mettre en relation des personnes avec des hôtels; la vraie relation contractuelle s'établit entre le client et l'établissement.

Ici, c'est exactement la même chose: la relation contractuelle s'opère entre le client et le propriétaire du bien, la plateforme ne servant que d'intermédiaire. On veut refiler la patate chaude à quelqu'un qui n'entretient pas de relation contractuelle avec le client de base ni avec le bailleur mettant son logement à disposition. Voilà pourquoi, sur le fond, nous étions opposés à ce texte, nous étions partis pour le refuser.

Maintenant, Mesdames et Messieurs, si vous souhaitez absolument continuer à l'étudier, alors qu'on le fasse au moins dans la commission qui en a déjà commencé l'examen. La commission du logement, pour sa part, a traité la proposition de motion - je ne sais plus si elle a été votée ou non, mais si elle figure encore à l'ordre du jour, elle le sera prochainement -, que le présent projet de loi retourne à la commission qui l'a examiné, c'est-à-dire à celle de l'économie. Néanmoins et sur le fond, le PLR y sera opposé pour les raisons que j'ai expliquées.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à M. Jacques Blondin pour deux minutes.

M. Jacques Blondin (PDC). Monsieur le président, merci. Vous transmettrez à M. Velasco que je partage l'entier de ses propos... (Remarque.) Si, si ! ...quant à la pertinence de cette thématique. Je ne le rejoins pas sur un seul point, à savoir sa conclusion. Pourquoi renvoyer l'objet à la commission du logement alors que vous n'avez évoqué que des aspects économiques ? Vous avez parlé de concurrence, de personnes qui exercent une profession pour laquelle elles ne sont pas formées... Il est certain que la problématique est réelle, on doit la discuter, on doit aller au bout du travail.

Je ne sais plus pourquoi la commission n'a pas finalisé le produit - est-ce que le rapport a été déposé trop tard ou pas du tout ? -, mais il est évident qu'il s'agit d'un problème économique et que c'est à la commission de l'économie d'aller au bout de la question. Nous avons déjà commencé l'étude, une certaine idée se dégage des travaux en ce qui concerne ces activités, il est sûr qu'on doit savoir qui fait quoi comment et que tout cela doit être contrôlé. J'incite dès lors le parti socialiste - si on tient compte de la teneur de vos propos, Monsieur Velasco - à renvoyer ce texte à la commission de l'économie. Merci.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, une fois encore, nous nous trouvons confrontés à la difficulté de réguler l'activité d'une entreprise dite de plateforme. Cette nécessité d'un contrôle par l'Etat est totalement d'actualité aujourd'hui, je suis persuadée qu'il faut avancer sur la question.

Un certain nombre de mesures ont été prises depuis le dépôt du projet de loi, mais la pratique actuelle reste essentiellement insatisfaisante. En effet, nous sommes dans la situation où nous réclamons des informations à une plateforme qui n'a pas envie d'en donner et où nous n'avons aucun autre moyen d'agir que sur la base des renseignements extrêmement lacunaires qu'il est possible d'obtenir, sans leviers de contrainte vis-à-vis de cette société.

Aujourd'hui, il existe un groupe de travail interdépartemental piloté par le département du territoire - il a été créé en 2017 - qui vise à coordonner l'action des différents offices concernés par ces questions, parmi lesquels les services concernant la mise à disposition de logements - c'est donc le département du territoire -, mais aussi la PCTN qui a la capacité de procéder aux contrôles. Les lignes directrices selon lesquelles ce groupe de travail fonctionne sont au nombre de deux et guident l'ensemble des réflexions et propositions: d'une part traiter de façon égale les différents acteurs du secteur de l'hébergement, d'autre part ne pas soustraire des objets au marché du logement.

Certes, la taxe de séjour est perçue maintenant, mais nous n'avons aucun moyen de vérifier qu'elle l'est sur l'ensemble des appartements mis à disposition. La limite fixée dans le règlement de la LDTR (le RDTR) est de nonante jours par an, et une partie de la réglementation se trouve dans le RRDBHD, qui soumet à autorisation la mise à disposition et applique le critère des nonante jours. Cela étant, nous n'avons pas la possibilité d'identifier les bailleurs ni les objets proposés, nous ne pouvons donc pas contrôler le respect des nonante jours.

Pour ces raisons, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. La difficulté que nous rencontrons en ce moment, c'est de trouver les moyens techniques pour opérer les vérifications. Le groupe de travail a mis en avant des options, notamment autour de la mise en oeuvre d'une demande d'autorisation préalable à la mise à disposition de logements via une plateforme de type Airbnb, ce qui obligerait les propriétaires à s'annoncer et les objets à être communiqués. Cela nous permettrait d'instituer - c'est en tout cas la piste étudiée en ce moment - un registre avec des données territorialisées, c'est-à-dire que les informations dont nous avons besoin pour exercer le contrôle seraient créées à Genève, gérées par un maître de fichier à Genève et nous permettraient d'aller au bout de nos objectifs.

Maintenant, le siège dans lequel se trouvent l'ensemble des outils pour atteindre nos buts, soit la loi sur le tourisme qui est ciblée dans le projet de loi dont vous êtes saisis maintenant, ne semble pas du tout adéquat, notamment parce que la Fondation Genève Tourisme n'a aucun moyen de procéder elle-même à des contrôles et d'opérationnaliser les objectifs poursuivis. Il semblerait plus judicieux de fixer ces dispositions dans la LRDBHD qui, comme vous le savez, fait l'objet d'une procédure de refonte, mais la PCTN, pour avoir été largement occupée par une autre entreprise de plateforme, n'a malheureusement pas encore eu le temps d'arriver au bout de ce qu'elle peut présenter, notamment sur le thème d'Airbnb dans le cadre de la réforme de la LRDBHD, et n'a donc pas pu apporter les réponses nécessaires attendues par la commission de l'économie.

Mais tout cela avance, nous avons repris le travail sur cette question et devrions pouvoir vous présenter des résultats prochainement, sans doute au tout début de la prochaine législature, en commission. C'est la raison pour laquelle je vous propose de renvoyer le projet de loi dont il est question ici à la commission de l'économie: nous devons pouvoir avancer sur la base de l'acquis des discussions et travaux déjà effectués, sur la base des retours attendus par le groupe interdépartemental, et tout cela devrait vraiment se faire sans plus de délai. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis de deux différentes demandes de renvoi, d'une part à la commission de l'économie, d'autre part à la commission du logement. Je mets aux voix la première proposition.

Mis aux voix, le renvoi pour six mois du projet de loi 12711 à la commission de l'économie est adopté par 77 oui contre 7 non.

Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).