République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12708-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Rémy Pagani, Jocelyne Haller, Pierre Vanek, Jean Batou, Françoise Nyffeler, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Nicole Valiquer Grecuccio, Nicolas Clémence ouvrant un crédit supplémentaire de 1 000 000 de francs en faveur de dépenses urgentes en matière de mobilité douce liés au COVID-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.
Rapport de majorité de M. Murat-Julian Alder (PLR)
Rapport de minorité de M. Jean Burgermeister (EAG)

Premier débat

Le président. Nous continuons avec l'ordre du jour ordinaire et abordons le PL 12708-A. Le débat se tient en catégorie II, trente minutes. M. Jean Burgermeister, rapporteur de minorité, est remplacé par M. Rémy Pagani. M. Alder, rapporteur de majorité, la parole est à vous.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des finances a traité cet objet il y a maintenant quelques années, lorsque nous étions dans la crise du covid. Nous estimons que ce projet de loi s'inscrit dans la logique d'une partie de ce parlement et du gouvernement, qui consiste à vouloir accorder une part prioritaire au vélo par rapport aux autres moyens de transport, et qu'il viole les principes de la complémentarité et du libre choix des modes de transport au même titre que la politique menée par le Conseil d'Etat. Selon nous, l'Etat n'a pas de raison de subventionner l'acquisition et l'entretien de vélos; c'est pour cette raison que nous refusons ce texte, position également adoptée par la majorité de la commission des finances. Merci de votre attention.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Je suis assez stupéfait de voir M. Murat Alder... Je ne sais pas comment il est venu ici, mais... (Remarque.) A pied ? Ah, c'est encore mieux, à pied. Les trottoirs ont été élargis depuis, pour permettre à tout un chacun de circuler librement, et on a enlevé les obstacles. Moi, je suis venu en scooter électrique. Je n'ai pas suffisamment de place et j'en réclame au gouvernement. Toutes les épingles à vélo, juste à côté de l'Hôtel de Ville - je propose aux citoyens de le vérifier - sont squattées par des scooters. Voilà la situation actuelle.

Je trouve qu'affirmer encore aujourd'hui, deux ans après le dépôt d'un projet de loi qui m'est cher et a été défendu par notre chef de groupe, M. Burgermeister, que c'est illégal - les termes que vous avez utilisés sont un peu, si j'ose dire, radicaux, bien que vous ne soyez plus de la tendance radicale que je pouvais apprécier à certains moments - et qu'il faut balayer tout ça du revers de la main... Il y a pourtant nécessité de mettre plus d'épingles à vélo, même si depuis deux ans beaucoup ont été installées, ce que je trouve assez remarquable. Cela répond à une de mes préoccupations et de mes demandes, c'est-à-dire de faire en sorte que la Ville de Genève, puisque j'ai déposé un objet similaire quand j'étais aux affaires... La Ville de Genève a fait son boulot, si j'ose dire, et le canton aussi, même sans le vote de ce projet de loi. Très bien !

Il y a aussi la nécessité de soutenir... C'est là où je ne vous comprends pas. Vous soutenez les petites et moyennes entreprises, les petits entrepreneurs, notamment les réparateurs. Il y a, selon ce que je sais, une vingtaine de mécaniciens de vélos; je ne parle pas de ceux qui sont soutenus par la Ville de Genève, Genèveroule par exemple, mais de tous les autres, qui ont fait florès depuis deux ans et vendent des vélos. Ça se vend, et en disant que tout ça est stupide, n'a aucune valeur et est illégal, vous êtes hors de notre temps ! (Remarque.)

En conséquence de quoi je vous invite à voter ce projet. Certes, tout a été réalisé, sauf le fait d'offrir une subvention de cinquante francs - cinquante malheureux francs ! - pour aider les gens qui auraient encore un vélo dans leur cave à le ressortir, à se souvenir d'ailleurs qu'ils en ont un dans leur cave ou... (Commentaires.) ...dans leur garage à vélos, les inviter à aller chez ces petits réparateurs - enfin, ces petits, parfois ce sont de grosses arcades, elles font beaucoup de chiffre d'affaires et rapportent beaucoup d'impôts à notre république - pour faire réparer leur vélo. Ça coûtera évidemment beaucoup plus cher de faire réparer son vélo, mais cette aumône de l'Etat, si j'ose dire, permettrait à tout un chacun, y compris à vos supporters, qui sont prétendument les petites et moyennes entreprises - ce dont je doute, parce que de plus en plus nous les soutenons plus que vous... Vous, vous soutenez des grandes multinationales, les assurances, tout ça, mais les petits ne croient plus en votre discours. Il n'y a qu'à entendre ce que vous venez d'affirmer: ça vous est inutile de soutenir ces petites et moyennes entreprises, alors que c'est notre volonté, à moi et à notre groupe Ensemble à Gauche, de soutenir ces magasins de vélos qui réparent de manière tout à fait efficiente - pour utiliser vos termes - les vélos et pourraient mieux les réparer et avoir encore plus de clients. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Je n'ai pas très bien compris, Monsieur le président, pourquoi notre collègue Murat Alder dit que ce projet de loi enfreint le principe de complémentarité des transports. Franchement, dans le texte, il n'y a rien qui interdit aux voitures et aux motos de circuler. Il n'y a rien ! Il est seulement demandé que soit prévu un crédit d'un million afin de donner, comme l'a dit M. Pagani, 50 francs aux gens qui ont peu de moyens.

Vous connaissez le pavillon Cayla, dans ce magnifique quartier qu'est Saint-Jean: c'est un petit pavillon qui devait être détruit et qu'on a remis en état grâce à des aides. L'objectif est justement d'y réparer des vélos. Vous serez étonnés: des gens qui n'ont même pas les moyens de se payer les pièces y viennent. C'est pour cette raison qu'un petit fonds existe, pour que les gens dans la difficulté puissent réparer leur vélo; on leur donne les pièces et ils les réparent eux-mêmes. Quand on propose 50 francs, ce n'est donc pas une proposition sans fondement: c'est vrai, des personnes ont des difficultés à réparer leur vélo. C'est une action qui, pour moi, est très très importante, et je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à voter ce projet de loi.

Ensuite, les personnes qui vont à vélo ne produisent pas de CO2; elles n'usent pas... (Remarque.) Mais c'est vrai ! ...le béton de nos routes; elles n'engendrent pas beaucoup de coûts et ont une meilleure santé. Il faut donc d'une part tout faire pour encourager les gens à circuler à vélo et d'autre part, si par malheur ils ne peuvent ni réparer leur vélo ni s'en acheter un, les aider pour cela.

Je ne comprends pas comment un parti ouvert, libéral - ça vient du mot «liberté» - peut s'opposer à cette subvention. Je ne comprends pas ! En plus, comme l'a dit M. Pagani - il a raison -, ça encourage les petites et moyennes entreprises, les vendeurs et les réparateurs de vélos. C'est donc positif du point de vue économique, de la santé et de la circulation. Monsieur Alder, je vous le dis, ça ne contredit absolument pas le principe de complémentarité des divers transports, publics et non publics. Par conséquent, chers collègues, le parti socialiste votera avec beaucoup de plaisir ce projet de loi, et je vous encourage à faire de même. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je comprends que les 500 000 francs évoqués dans l'article 2 concernent des supports sécurisés pour vélos, mais est-ce qu'on parle bien des épingles à vélo ?

Des voix. Oui.

M. Jacques Blondin. Alors j'ai un amendement à vous proposer: j'aimerais remplacer les épingles à vélo par des pinces à vélo. (Commentaires. Rires.)

Des voix. Oui !

M. Jacques Blondin. Mais oui ! Parce que tant qu'à faire... Permettez-moi cette boutade. Concernant l'utilisation des vélos, vous le savez, dans les communes il y a des aides pour les achats de vélos; elles sont bienvenues, normales, et de plus en plus pratiquées, parce que c'est incitatif, etc. Maintenant, quand on a un vélo, on s'en occupe, on le soigne. A partir du moment où il y aurait une participation à l'entretien d'un vélo, un certain laisser-aller serait à craindre, puisque finalement il suffirait de l'amener à la réparation.

Puis alors les communes... Je ne comprends plus: on est en période d'élaboration du budget - ceux qui sont à la commission des finances le savent - et on est en train d'essayer d'obtenir des transferts de charges de l'Etat aux communes. Or là, tout d'un coup, on parle de 500 000 francs; ce n'est pas énorme, mais c'est quand même beaucoup d'argent. C'est pourtant l'Etat qui va arroser les communes pour une prestation dont elles peuvent s'occuper si elles ont envie de le faire.

Je ne veux pas banaliser l'intérêt d'utiliser un vélo - je m'y suis mis moi-même, Monsieur Velasco, et je vous prouve ainsi que rien n'est impossible -, on soigne son vélo, on en fait avec grand plaisir; les communes nous aident, elles participent à l'achat d'un vélo, certes de moins en moins mais toujours. Or nous, on trouve que cette contribution d'un million est excessive et ne va pas dans le sens de l'incitation à l'usage du vélo. On doit acheter un vélo, oui ! Electrique ou pas, ce n'est pas important ! Quand on a un vélo, on le soigne. On peut se le faire voler, il faut donc des épingles, mais les communes ont largement les moyens de les installer là où elles peuvent le faire. C'est pourquoi le PDC refusera ce projet de loi. Merci.

M. Serge Hiltpold (PLR). Tout d'abord, j'aimerais rappeler la temporalité. C'est un projet de loi qui demande une ligne au budget 2021, et on est en train d'élaborer le budget pour 2023. On est donc déjà trop tard.

J'aimerais vous rendre attentifs à une chose: on a tout un travail sur la répartition des tâches entre le canton et les communes. Le deuxième point que vous demandez, c'est que l'Etat subventionne les communes pour les soutenir dans l'implantation de supports. Mais on ne va pas apporter un soutien aux communes de Collonge-Bellerive, de Genthod ou de Cologny pour qu'elles créent des supports à vélo ! Je pense que les communes sont assez responsables pour savoir ce qu'elles ont à faire sur leur territoire, ce d'autant qu'elles le connaissent suffisamment pour installer ces supports dans les lieux adéquats. Ça, c'est le premier élément.

Ensuite, il y a une question philosophique: jusqu'où on va aller, où va-t-on s'arrêter ? On va inciter les gens à acheter des baskets en leur donnant une prime, parce qu'ils marchent ? (Rires. Commentaires. Exclamations.) Non, mais jusqu'où vous voulez aller ? Franchement ! A un moment donné, ça suffit ! Ce n'est juste plus possible ! Moi, je suis un cycliste; on fait le choix d'un mode de transport - je ne suis pas en train de critiquer le vélo -, et après, on assume ! Quand je vais changer les pneus de mon vélo, je ne vous demande pas de l'argent; de même en ce qui concerne la voiture. Je ne vois pas pourquoi on ferait un cas séparé pour changer un pneu de vélo, un dérailleur, une poulie ou une cassette ! Si vous faites le choix de rouler à vélo et que vous n'avez pas d'argent, vous allez à des endroits comme le Vélosophe, vous empruntez des outils, vous démontez la cassette et vous vous débrouillez. Il n'y a aucun problème, Monsieur Velasco ! Si vous voulez, on peut le faire ensemble. (Rires.) Je le fais volontiers.

Voilà, je pense qu'il faut simplement être rationnel. Je ne vais pas entrer dans le discours de M. Pagani, selon qui Ensemble à Gauche soutient les entreprises. Je dirais juste que nous, les petits entrepreneurs et commerces, nous n'avons pas vraiment été aidés par les deux jours de grève des fonctionnaires; et je ne pense pas que nos milieux aient soutenu les syndicats. Merci, Monsieur le président, j'ai terminé. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). On s'est plaint, tout à l'heure, du manque de sérieux d'une pétition. C'était une pétition qui prétendument n'avait pas d'unité de matière. Admettons. Elle a été classée, ce qui est quand même assez infamant dans les règles de ce Grand Conseil. Et là, on découvre un projet de loi de la plus grande fantaisie: la mobilité douce aurait un lien avec le covid-19 ! Ça voudrait dire que la mobilité douce est contagieuse... (Commentaires.) ...ou que le covid-19 peut circuler avec une mobilité dure ou douce. Je ne sais pas ! On est dans un illogisme complet ! C'est vraiment une fabrication idéologico-politique de la plus grande... Comment dire ? Fantaisie. Je me demande si c'est du Pierre Dac, en fait ! (Rires. L'orateur rit.)

Une voix. Lui, il avait du talent !

M. François Baertschi. C'est du Pierre Dac. Je me demande si c'est un gag. Soit les auteurs de ce projet de loi étaient bourrés, soit ils ont voulu faire une farce, soit ils n'avaient plus d'imagination et ils se sont dit: «Qu'est-ce qu'on va faire sur la mobilité douce ou sur le covid ?» Moi, j'ai quelques idées à vous donner: il y avait «Martine à la plage», «Martine à la montagne». (Rires.) Ecrivez «Le covid à la plage», «Le covid à la montagne», «Le covid aux sports d'hiver», je ne sais pas, on peut trouver tout un ensemble de choses complètement insolites. Continuons dans cette direction !

Je crois que c'est un manque de sérieux total de ce Grand Conseil que d'examiner... de proposer, déjà, ce genre d'objet. Quelque part, j'ai un petit peu honte pour les auteurs de ce projet de loi - car il s'agit bien d'un projet de loi, pas d'une pétition. C'est aussi une manière de dire: «Tiens, on fait n'importe quoi dans ce Grand Conseil, on fait n'importe quoi avec l'argent du contribuable.» Pour cette seule raison, il est tout à fait indécent de voter ce texte, et je vous demande de le classer verticalement, c'est-à-dire de refuser l'entrée en matière. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole à M. Velasco. Il vous reste trente secondes.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Je crois que mes collègues ont suffisamment de moyens pour débourser 50 francs au cas où ils doivent réparer leur vélo, mais la réalité - et, Monsieur le président, je le dis à mes collègues Baertschi et Hiltpold, que j'apprécie par ailleurs -, c'est que certaines personnes dans ce canton aujourd'hui n'arrivent pas à boucler la fin du mois. Et si elles ont des familles... La moindre réparation sur un vélo, Mesdames et Messieurs, va au-delà de 50 francs. Au-delà de 50 francs ! Il y a des gens qui, avec leurs revenus, n'arrivent pas à réparer leurs vélos, Messieurs ! (Commentaires.)

Une voix. Voilà !

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de minorité ad interim. D'abord, je souhaite juste répondre - mais je ne sais pas si ça en vaut la peine - et dire que le vélo fait faire de l'exercice et permet de lutter contre le covid. En l'occurrence, il permet à des personnes de vivre plus sainement et d'être plus aptes à affronter ce virus.

Cela étant, il y a une chose que je ne comprends pas sur le fond. On est tout heureux quand la Confédération soutient les projets d'agglomération, mais elle pourrait dire: «Non, mais les Genevois ! Vous savez combien le canton ramène de... combien le canton est prospère ? On ne va pas soutenir les Genevois ! En plus, ils font toujours des lois un peu spéciales !» Et pourtant la Confédération sait qu'en subventionnant largement, avec des millions, ces projets, et ce depuis de nombreuses années, elle invite le canton à imaginer un développement régional cohérent - je vous passe les détails. On reçoit de l'argent de la Confédération, parce qu'on a besoin de structurer notre politique régionale, et on dirait en même temps: «Ah, mais les gens qui ont besoin de réparer leur vélo, il ne faut pas les encourager à le faire, ni à circuler à vélo.» Je trouve que c'est parfaitement incohérent. A ce moment-là, on décide de se passer des subventions fédérales et ça va faire un trou dans le budget du canton, on se passe aussi de la péréquation cantonale.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.

M. Rémy Pagani. De toute façon, j'imagine que ce projet va être refusé, mais dans la réalité, il a été accepté...

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur.

M. Rémy Pagani. ...sauf le subventionnement des petites et moyennes entreprises qui font aujourd'hui avancer la petite reine. Je vous remercie de votre attention.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je crois que le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec Ensemble à Gauche on pédale dans le vide. (Rires.) Ici, ce qui est en cause, c'est le rôle de l'Etat dans le pays où nous nous trouvons. Nous ne sommes pas dans un pays avec une économie planifiée, nous ne sommes pas dans un pays socialiste ou communiste, mais dans un Etat de droit démocratique et libéral. Et dans un tel Etat, le principe cardinal, inscrit tant dans notre constitution fédérale que dans notre constitution cantonale, c'est celui de la subsidiarité. Or ce qui est proposé ici, ce n'est pas la subsidiarité de l'Etat, c'est la politique de l'arrosoir, puisque avec ce projet de loi, même quelqu'un qui gagne des millions et des millions pourrait bénéficier de ce chèque de 50 francs pour faire réparer son vélo. Et la responsabilité individuelle, dans tout ça ? Est-ce que si on fait le choix d'acquérir un vélo, ce n'est finalement pas normal qu'on l'entretienne soi-même et qu'on y mette les moyens ?

Alors oui, effectivement, ce projet de loi est contraire aux principes de la complémentarité et du libre choix du mode de transport, puisqu'il a pour effet de créer une subvention directe au profit d'un moyen de transport en particulier, sans pourtant offrir cette même possibilité aux usagers d'autres modes de déplacement. Le député Serge Hiltpold l'a très bien dit: pourquoi est-ce qu'on ne distribuerait pas 50 francs à chaque Genevoise et à chaque Genevois pour entretenir les semelles de leurs chaussures, parce qu'il est bon de marcher ?

A un moment donné, Mesdames et Messieurs, je crois que le covid a bon dos. Nous dire qu'on doit encourager la pratique du vélo parce qu'il limite le risque de contamination, nous dire que la distance physique est respectée, nous le dire en 2022 alors que cette crise est - on l'espère - derrière nous une bonne fois pour toutes, c'est tout simplement faire preuve de mauvaise foi. Au même titre que la politique menée par le Conseil d'Etat qui consiste à avancer l'argument du covid pour justifier la pose des pistes cyclables, alors qu'il n'y a absolument aucun lien de causalité entre le fait de prendre le vélo et celui d'éviter de tomber malade et ainsi d'en souffrir ! Mesdames et Messieurs, je crois que le moment est venu de siffler la fin de la récréation des mesures covid en matière de mobilité et de refuser ce projet de loi. Merci de votre attention.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il me semble que dans les débats sur le vélo, à part dans celui-ci où effectivement on parle de covid, il est question du développement du vélo, comme dans le débat d'hier soir lors duquel on a parlé des axes forts, etc.; ça n'a donc plus rien à voir avec le covid, c'est tout autre chose. Il faudrait changer de registre, Monsieur le rapporteur de majorité; chaque fois il y a une allusion, au demeurant tout à fait démocratique, mais qui commence à être un peu lassante, à ces fameuses pistes construites nuitamment. On passe donc à autre chose, si vous le voulez bien, mais il ne faut pas dire: «Il faut passer à autre chose» puis continuer à revenir avec cette histoire.

Monsieur Pagani, je me permets, si vous m'y autorisez - je ne dois pas m'adresser directement aux personnes, mais je le fais -, de préciser que vous faites une comparaison un peu hasardeuse entre, d'une part, les projets d'agglomération et les financements fort bienvenus de la Confédération, et d'autre part ce subventionnement que vous proposez: il y a une différence fondamentale entre ces deux éléments. Ça me permet de préciser ma pensée: la Confédération ne verse pas de l'argent comme ça, comme un hélicoptère, elle ne fait pas de l'arrosage; elle verse de l'argent pour financer des projets d'infrastructure, parce qu'elle les juge utiles, etc.

Je pense que c'est effectivement le rôle de l'Etat que d'axer ces moyens financiers sur l'amélioration des infrastructures, en particulier cyclables, comme ce parlement a décidé de le faire hier. Encore une fois, j'exprime ma satisfaction à ce propos. Ce n'est cependant pas le rôle de l'Etat - je partage l'avis de la majorité, nous partageons l'avis de la majorité - d'arroser, comme on voudrait le faire. Ce n'est pas non plus son rôle d'aller dans le sens proposé, notamment s'agissant des frais de réparation, même s'il le fait toujours pour inciter à employer certains types de véhicules comme les vélos cargos, qui sont encore relativement chers - pour ceux-ci, on le fait encore. Ce n'est pas le rôle du canton non plus de donner de l'argent à des communes dont c'est la compétence et qui ont toutes largement la possibilité et surtout les moyens de financer elles-mêmes ces fameux arceaux à vélo. Ça, c'est absolument clair. Il était fait allusion à ces questions de transfert de charges, etc.: je veux dire par là qu'on ne va pas ajouter une couche supplémentaire dans ce domaine-là. Ça fait donc deux raisons très largement suffisantes, me semble-t-il, qui expliquent pourquoi le Conseil d'Etat ne soutient pas ce projet de loi.

Si vous me permettez encore une précision - et là, c'est mon esprit libéral, qui est au fond de mes gènes et qui n'est pas du tout incompatible avec ce volontarisme en matière de mobilité douce et de transports publics, qui s'exprime: si un écosystème se développe autour d'un nombre accru d'usagers du vélo, le marché, auquel je crois profondément, va s'adapter. D'ailleurs on le constate: on voit des échoppes, on voit des magasins qui s'ouvrent, des commerces qui se créent. Ça veut dire qu'un marché est là, tout à fait bienvenu et souhaitable, et que toute une série de services, avec une concurrence et une certaine qualité, vont aussi se développer. Les gens iront entretenir leur vélo, à moins qu'ils ne fassent appel au député Hiltpold qui sait démonter les cassettes. Pour accéder à ces services, si on croit à cet écosystème-là, à cette économie nouvelle qui se met en place, il n'est pas nécessaire que l'Etat apporte une subvention, fasse de l'arrosage de manière totalement indiscriminée.

Voilà donc, Mesdames et Messieurs, un certain nombre de raisons pour lesquelles, même si nous soutenons évidemment avec conviction le développement des équipements cyclables, nous ne pouvons pas aller dans le sens proposé par ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, l'entrée en matière sur ce projet de loi 12708 est soumise au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12708 est rejeté en premier débat par 50 non contre 18 oui et 14 abstentions.