Jusqu’au XVIIe siècle, cette zone bordant la muraille et la porte Neuve est tournée vers des activités rurales. Elle abritait divers bâtiments (granges, écuries, remises) dont le souvenir s’est transmis à travers le nom de "rue des Granges".
La rue des Granges, un lotissement luxueux du XVIIIe siècle
Autour de 1717, l’Etat de Genève décide de lotir les terrains qui jouxtent la porte Neuve, alors la principale entrée de la ville. Dans ce but, l’Etat s’associe avec quelques riches bourgeois et, en moins de onze ans, sont érigés trois hôtels particuliers et quatre immeubles destinés à des locataires aisés. Le percement et le lotissement de la rue des Granges forment la plus prestigieuse opération immobilière du XVIIIe siècle à Genève.
Les commanditaires des trois hôtels particuliers comptent parmi les grandes fortunes de la ville: il s’agit de banquiers et négociants protestants réfugiés à Genève au siècle précédent, Jean Sellon et ses beaux-frères Pierre et Gaspard Boissier.
Pour bâtir ces demeures, ils font appel à Jean-Jacques Dufour, ancien marchand et fabricant de dorure reconverti dans l’architecture. Ce dernier décède cependant au tout début du chantier, après avoir dessiné l’élévation des façades. D’autres intervenants coopèrent au projet, comme l’ingénieur militaire Jacques-Bartélémy Micheli du Crest, qui dessine la distribution intérieure de l’hôtel Sellon.
Embellir l’entrée de la ville
Le lotissement de la rue des Granges ne consiste cependant pas seulement en la construction de remarquables hôtels: le chantier implique également d’importantes modifications topographiques. Les parcelles du quartier sont pentues, or il faut une vaste surface plane pour bâtir les hôtels et aménager les jardins. Aussi, la muraille est remplacée par un imposant mur de soutènement, permettant l’aménagement de terrasses. Ainsi surélevées, les façades côté jardin dominent la campagne alentour. La silhouette de la cité s’en trouve embellie: les premiers bâtiments que les voyageurs aperçoivent de la ville en arrivant par la porte Neuve sont ces somptueux hôtels particuliers.
Si l’ensemble architectural de la rue des Granges est admiré pour son harmonie, les propriétaires sont inquiétés pour n’avoir pas respecté les lois somptuaires, qui imposent une certaine sobriété dans le bâti. Par la hauteur des étages, l’ornementation des façades et la préciosité des décors intérieurs, l’hôtel Sellon et les constructions voisines contreviennent effectivement aux ordonnances de l’époque.
La visite du musée de la Fondation Zoubov permet de découvrir de plus près un de ces hôtels particuliers.