Séance du jeudi 21 mars 2013 à 8h
57e législature - 4e année - 6e session - 35e séance

La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Gabriel Barrillier, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, David Hiler, Pierre-François Unger, François Longchamp, Michèle Künzler et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat, ainsi que Mme et MM. Antoine Bertschy, Roberto Broggini, Alain Charbonnier, Pierre Conne, René Desbaillets, Emilie Flamand, Vincent Maitre, Guy Mettan et Philippe Morel, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Les points suivants seront traités ensemble: les points 27 et 29, 31 et 32, de même que 43 et 53.

Je vous rappelles les urgences qui seront examinées ce matin, après les points initiaux: point 66, proposition de résolution 700 intitulée: «SIG: de la nécessaire évaluation des risques financiers»; point 105, rapport du Conseil d'Etat RD 975 et proposition de résolution 724, objets ayant trait au plan directeur cantonal; point 99bis, rapport PL 11099-A relatif à l'organisation judiciaire et au nombre de procureurs; et enfin, point 93, PL 11130 modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques.

Communications de la présidence

Déclaration relative aux séances consacrées au budget 2013

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues - et je me lève pour vous faire cette déclaration ! (Le président se lève. Remarque.) Mais vous, vous pouvez rester assis ! Avant de poursuivre notre ordre du jour, je souhaiterais revenir sur les séances consacrées au budget de jeudi et vendredi passés. Avec le recul, je ne suis pas sûr que notre Grand Conseil ait donné l'image que nos concitoyennes et concitoyens étaient en droit d'attendre de nous. Je ne parle évidemment pas des différents votes qui ont eu lieu, mais de la teneur générale du débat et des différentes invectives lancées de part et d'autre, sans oublier les accusations de mensonge fusant de tous côtés... Nous sommes en année électorale, certes. Mais je me permets de vous rappeler que le parlement a été élu pour un mandat de quatre ans, mandat devant être consacré pour l'essentiel à voter des lois, et non à parodier, comme ces six derniers mois, les émissions de débats télévisés.

Une autre préoccupation de votre président porte sur l'escalade verbale et les dérapages qui ont eu lieu en parallèle sur les réseaux sociaux. Je vous rappelle que chaque député est responsable de ce qu'il publie sur son compte Facebook. J'estime que les commentaires sont allés trop loin - dans le sexisme, dans les attaques verbales ou les injures. Cela vaut aussi pour les propos outranciers et portant atteinte à l'honneur qui ont été tenus dans cette salle après la dernière séance de vendredi. Chers collègues, je vous exhorte à garder votre sang-froid, à restaurer un débat respectueux au parlement - et en dehors du parlement ! - afin d'aborder au mieux les derniers mois de cette législature. Nous pouvons maintenant poursuivre nos travaux ! (Longs applaudissements.)

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Lettre du 20 mars 2013 adressée au président du Grand Conseil par M. GARDIOL Maurice, président de CAMARADA, suite au rapport de minorité de M. GOLAY Roger au sujet du PL 11063 (copie transmise à la Commission des finances). (C-3206)

Annonces et dépôts

Le président. La parole est à Mme Béatrice Hirsch.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le président. Le groupe démocrate-chrétien retire la motion 2133.

Proposition de motion de Mmes et MM. Vincent Maitre, Fabiano Forte, Guy Mettan, Anne Marie von Arx-Vernon, Béatrice Hirsch, Serge Dal Busco, Michel Forni : Des solutions pour une nuit genevoise attrayante et sans vacarme ! (M-2133)

Le président. Merci, Madame la députée, il en est pris note.

Les pétitions suivantes, parvenues à la présidence, sont renvoyées à la commission des pétitions:

Pétition pour un contournement de Jussy (P-1864)

Pétition pour le maintien et l'accessibilité au public des vestiges découverts à l'Esplanade Saint-Antoine (P-1865)

Pétition 1864 Pétition 1865

Le président. Le Conseil d'Etat nous informe qu'il sera répondu à la question 3715 lors de notre session des 25 et 26 avril 2013.

Nous passons maintenant à la première urgence et débutons par la proposition de résolution 700.

R 700
Proposition de résolution de Mme et MM. Renaud Gautier, Pierre Weiss, Mathilde Chaix, Edouard Cuendet, Frédéric Hohl, François Haldemann, Ivan Slatkine, Francis Walpen SIG : de la nécessaire évaluation des risques financiers

Débat

Le président. Il s'agit d'un débat en catégorie II: trente minutes. La parole est au premier signataire de la résolution, M. le député Renaud Gautier.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, la vie politique est ainsi faite que cette résolution met presque un an entre sa rédaction et son arrivée devant ce plénum. Elle a malheureusement une certaine actualité puisqu'elle traite de problèmes bien spécifiques, entre autres les Services industriels, mais je crois qu'elle couvre des principes qui sont beaucoup plus larges. Dans cette motion, il est fait référence à la question de l'appréciation de la notion des risques. Il ne s'agit pas ici de discuter la manière dont, dans une vision comptable, telle ou telle entreprise évalue le coût desdits risques. Il s'agit au contraire de se demander comment l'on doit résoudre la différence qu'il peut exister entre une appréciation parfaitement comptable des risques et une appréciation plus politique. C'est d'autant plus vrai que nous avons affaire à une entité externe au petit Etat, mais qui voit quand même ses comptes adoptés, d'abord par son conseil d'administration, puis par le Conseil d'Etat. Dès lors, comment résoudre cette équation, lorsque le pouvoir politique a le sentiment que l'appréciation des risques faite par telle ou telle entité ne correspond pas forcément à la réalité ? Dans le cas des SIG, je m'étais interrogé, d'une part sur l'appréciation des risques par rapport à la saga Alpiq, d'autre part sur la problématique de leur caisse de retraite, voire sur l'appréciation politique de l'usage que font les SIG d'instruments financiers dérivés, dont je ne suis pas convaincu que ce soit forcément leur compétence la plus développée. Cette question, Mesdames et Messieurs les députés, est d'actualité - nous en avons d'ailleurs relativement longuement parlé hier en commission des finances - mais elle ne s'adresse pas seulement aux SIG. On peut voir, par exemple, que la demande concernant l'avenir de l'aéroport pose aussi la question de l'appréciation politique que ce parlement fait des affirmations du directeur de l'aéroport, qui voit arriver 25 millions de passagers à Genève fort bientôt. Somme toute, en posant cette question au Conseil d'Etat, il est attendu de celui-ci qu'il nous explique comment mettre à égalité une appréciation purement comptable, d'un côté, et une appréciation politique nécessaire, de l'autre, ce d'autant plus que ce parlement, rappelons-le, exerce la haute gouvernance ou le contrôle supérieur sur les entités et les activités de l'Etat. Je suggère donc de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.

Mme Christina Meissner (UDC). Cette résolution émanant du groupe libéral a tout son sens. Les SIG sont à la tête d'un monopole, un monopole de fait puisqu'ils contrôlent tout: notre réseau d'eau, l'assainissement, l'énergie, l'incinération des déchets... En réalité, tout ce qui fait fonctionner notre société dépend des SIG. Les SIG ont couru des risques, il est vrai... (Brouhaha.) ...notamment en prenant des parts dans Alpiq; il est pleinement raisonnable, dès lors, d'évaluer ces risques et de voir quels sont ceux qui pèsent sur nous tous, en tant que contribuables, en tant que membres de ce grand réseau qu'est SIG, dont nous dépendons. C'est pour cette raison que le groupe UDC acceptera le renvoi au Conseil d'Etat de cette résolution nécessaire.

M. François Lefort (Ve). Ce que disent les considérants de cette résolution est inquiétant; la situation était déjà préoccupante il y a un an, comme l'a rappelé M. Gautier, et elle risque de le devenir encore plus en raison des difficultés rencontrées par le groupe Alpiq. Les chiffres d'Alpiq, en 2012, sont également plus inquiétants qu'auparavant. Pourquoi ? D'abord en raison du contexte international, de l'augmentation de la capacité de production électrique en Europe due à de nombreuses centrales à gaz mises en service en 2008, mais aussi - et c'est une bonne surprise - en raison de l'augmentation très importante de la capacité de production en énergies renouvelables. Et la conséquence inattendue, eh bien c'est qu'il y a trop d'électricité, et que le prix a baissé. Alors il n'a pas baissé pour les consommateurs, pour lesquels il est resté stable, mais il a baissé sur le marché. Ça, ce sont les problèmes, c'est le contexte.

Alpiq, dans ce contexte de centrales à gaz non rentables, a dû effectuer de grosses dépréciations en 2011: 1,6 milliard de dépréciation. C'est important, parce qu'Alpiq appartient en partie à EOSH et en partie, donc, aux SIG. Je le disais: baisse de valeur en 2011, ce qui se ressent dans les chiffres des SIG avec moins 138 millions. En 2012, selon les chiffres publiés le 13 mars, cela s'est aggravé. Le groupe Alpiq a enregistré un chiffre d'affaires de 12,7 milliards, en recul de 9%, mais, surtout, il a encore déprécié pour 1,3 milliard et a perdu 1,1 milliard. Alpiq jongle avec des milliards négatifs et Alpiq va donc mal, pour la deuxième année consécutive. Et les causes de cette maladie n'ont pas disparu: prix bas de l'électricité, nouvelles centrales, production concurrentielle des énergies renouvelables, sans oublier une cause qui ne va pas disparaître, celle de la hausse des coûts liés à l'élimination des déchets nucléaires - cette dernière cause ne peut que prendre plus d'importance, c'est un secret de polichinelle. Alors bien sûr, les SIG ont commencé à changer de stratégie fin 2011 - vous vous rappelez, ils ont acheté des barrages sur le Rhin pour s'éloigner un peu d'Alpiq. En 2012, les SIG allaient donc bien, comme nous l'avons vu dans les comptes. Cependant, leur endettement était important et va s'accentuer pour des raisons locales. En effet, la recapitalisation de la CAP va leur coûter environ 450 millions. Si en 2012, nous le disions, nous étions inquiets, nous sommes maintenant beaucoup plus inquiets car la situation d'Alpiq s'aggrave, et celle des SIG pourrait s'aggraver aussi. D'autres stratégies doivent être envisagées, y compris celle de la fuite, d'autres stratégies qui permettront de s'éloigner du Vortex des faillites programmées en raison des mauvais choix du nucléaire faits par le passé. Ces mauvais choix se paient, et les premières traites sont en train d'être présentées aux citoyens. (Brouhaha.) Alors la demande libérale de solliciter du Conseil d'Etat une réflexion sur l'évaluation des risques financiers auxquels sont exposés les SIG n'est pas une demande farfelue, c'est peut-être le moment d'élaborer une autre stratégie, et les Verts soutiendront le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, les hasards du calendrier font que cette résolution est discutée aujourd'hui, devant nous, alors qu'hier Eric Stauffer était renvoyé en justice pour avoir prétendument violé le secret de fonction dans le cadre de son activité de membre du conseil d'administration des SIG. Lorsqu'en 2008, précisément, le seul, le premier, avant tout le monde, il a tiré la sonnette d'alarme en demandant des comptes aux SIG, en demandant des explications, cela lui a valu l'ouverture d'une procédure administrative qui a abouti à son exclusion. (Brouhaha.) Oui, vous avez raison aujourd'hui de vous poser des questions; un peu tard, Mesdames et Messieurs les députés ! Un peu tard ! Car ce que disait Eric Stauffer il y a cinq ans était manifestement prémonitoire: une régie publique n'a pas à investir l'argent des usagers dans des actions cotées en bourse ! Parce que, certes, on peut espérer des gains, mais on peut aussi craindre des pertes. Et ce sont ces pertes qui se réalisent aujourd'hui. Alors lorsqu'on demande, dans cette résolution, d'inviter le Conseil d'Etat à mener une réflexion, j'ai quelques doutes; j'ai quelques doutes quant au fait que cette réflexion puisse être menée par un Conseil d'Etat, même s'il n'est pas le même que celui de l'époque, sachant que M. Robert Cramer - qui était alors à la tête du département de tutelle des SIG - n'avait absolument rien fait. Pire encore, il a ouvert lui-même la procédure disciplinaire contre Eric Stauffer, l'empêcheur de tourner en rond, celui qui dénonçait «les petits arrangements entre bons amis», comme on dit.

Alors il faut renvoyer cette résolution là où il y aura véritablement une réflexion sur le sujet, c'est-à-dire non pas au Conseil d'Etat, mais auprès de la commission de l'énergie, dont je crois qu'elle a déjà anticipé le problème en convoquant certains représentants des SIG à sa séance de vendredi. Je vous demanderai donc de renvoyer cette résolution à la commission de l'énergie; subsidiairement nous appuierons évidemment son renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Le parti démocrate-chrétien soutiendra le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat. Les risques inhérents à l'activité des SIG ont de quoi faire peur, tant sur le plan comptable que sur le plan politique. Par contre, il nous apparaît que c'est clairement au Conseil d'Etat de mener cette évaluation, et non pas à la commission de l'énergie. Si cette dernière est, certes, la commission de l'énergie et des Services industriels, en l'occurrence, concernant ces risques financiers - et il en a été longuement fait débat hier en commission des finances, M. Gautier l'a rappelé - ce n'est pas aux députés d'effectuer le travail. (Brouhaha.) Nous aimerions être rassurés sur l'évaluation des risques déjà menée par les SIG. Parce qu'il faut aussi savoir que les SIG n'ont pas attendu cette résolution pour effectuer des audits; ils ont un audit des risques, mené sous la responsabilité du conseil d'administration, et dans le cadre d'Alpiq cela fait des années qu'ils sont attentifs à ce qu'il se passe. C'est vrai que nous aimerions savoir ce qu'il en est, mais ils n'ont pas attendu cette résolution pour le faire, de même que pour la CAP. Aujourd'hui, M. Gautier l'a rappelé, il s'agit non seulement de risques purement comptables, mais également d'une évaluation politique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et, pour ce faire, il nous semble que c'est une réponse du Conseil d'Etat qu'il faudrait obtenir. C'est donc au Conseil d'Etat que nous renverrons cette résolution.

M. François Haldemann (R). Le groupe radical soutiendra le renvoi direct au Conseil d'Etat de cette résolution, dont nous sommes d'ailleurs signataires. Il s'agit de faire la lumière sur les risques financiers encourus dans le cadre de cette participation dans Alpiq, et ceci en toute transparence. De quoi s'agit-il ? Alpiq voit actuellement une réévaluation de ses actifs par une dépréciation qui se traduit finalement en pertes comptables, et ce dans le cadre d'une dépréciation générale européenne de tous les actifs dans la production d'électricité. Si vous vous rappelez, SIG a pu faire l'acquisition de participations dans des barrages sur le Rhin dans des conditions particulièrement avantageuses. Eh bien, c'est exactement dans ce contexte de dépréciation générale d'actifs qu'Alpiq doit observer cette dépréciation. Il faut savoir qu'une dépréciation d'actifs est très vite très mal cotée sur le marché boursier, et, par conséquent, on peut s'imaginer pourquoi peu de gens aujourd'hui souhaitent investir dans Alpiq tant que le marché ne sera pas haussier. Mais il ne faut pas croire que c'est parce qu'il y a eu une dépréciation d'actifs que, forcément, l'entreprise est mal gérée, qu'elle va à la dérive ou à la faillite. Attendons donc le résultat des travaux du Conseil d'Etat: merci.

Mme Marie Salima Moyard (S). Les grands esprits se rencontrent: alors qu'en janvier le groupe socialiste, par ma plume, a déposé la question 3715 soumettant à peu près les mêmes demandes au Conseil d'Etat, nous étudions aujourd'hui cette résolution du groupe PLR. Je ne reviendrai pas sur la problématique de l'état financier actuel d'Alpiq. On peut, par contre, éventuellement s'interroger sur les raisons de la dépréciation des actifs, comme le soulignait M. Haldemann. Il y a des questions de stratégies, de politiques d'investissement choisies par Alpiq qui ont souvent été dénoncées et remises en cause à juste titre, car elles reflètent une certaine conception de la croissance dans le domaine énergétique pouvant montrer un manque de vision à long terme. Il y a aussi des investissements au niveau des centrales à gaz, notamment en Allemagne, qui peuvent soulever des interrogations. Et puis surtout - et c'est le plus grave pour le groupe socialiste - il y a le fait qu'Alpiq semble céder très facilement à l'argumentation tant rabâchée des producteurs nucléaires, à savoir qu'il faudrait laisser encore engranger de l'argent de manière à ce qu'ils puissent payer le démantèlement - parce qu'actuellement ils ne le peuvent pas... Donc continuons à produire du nucléaire, continuons à utiliser du combustible nucléaire, sinon, vous comprenez, Mesdames et Messieurs, les pouvoirs publics devront payer !... Cette argumentation, très souvent répétée par les producteurs nucléaires, est scandaleuse ! Mais évidemment, quand on sait qu'Alpiq possède 40% de Gösgen, 32% de Leibstadt, des participations à hauteur de 33% dans les centrales nucléaires en participation SA, ou des droits de tirage à Fessenheim, on comprend, bien sûr, qu'ils soient tentés de céder à cette argumentation facile ! On comprend quand on est le conseil d'administration d'Alpiq... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...on comprend nettement moins quand on est actionnaire des SIG, comme nous le sommes au niveau de l'Etat de Genève. Et puis c'est toute la question du prix du kilowatt nucléaire qui est artificiellement trop bas, nous le savons, puisqu'il ne tient pas compte des véritables coûts du nucléaire. C'est donc toute cette problématique bien plus large qui doit nous occuper aujourd'hui.

Dans cette Q 3715 que j'ai déposée pour le groupe socialiste en janvier, il y avait la question de l'impact réel sur les résultats SIG, il y avait des questions sur les solutions préconisées par le Conseil d'Etat pour sortir de cette ornière, et il y avait une réflexion demandée sur d'autres collaborations. Je crois que la réponse à ces différentes interrogations est d'une extrême actualité, pourtant il est relativement piquant de savoir - et je pense que ce n'est pas étranger au fait que nous traitions aujourd'hui de la R-700 - que le Conseil d'Etat...

Le président. Il vous faut conclure, madame la députée.

Mme Marie Salima Moyard. ...via la Chancellerie - je vais le faire tout de suite, Monsieur le président - a sollicité un report de sa réponse - qui aurait dû arriver pour la session de mars - sur la session d'avril, étant donné que, sic, il n'avait pas tous les éléments en main. Je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle en termes de réflexion, ou une inquiétude supplémentaire...

Le président. Madame, il vous faut conclure !

Mme Marie Salima Moyard. ...mais c'est pour ces raisons que le groupe socialiste vous propose de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, subsidiairement à la commission de l'énergie. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Mauro Poggia, à qui il reste quarante secondes.

M. Mauro Poggia (MCG). Je constate que la vérité a toujours le même cheminement, selon l'adage bien connu, d'abord elle est farouchement combattue, ensuite elle est raillée, et enfin elle devient une évidence. (Brouhaha.) Alors merci à toutes et à tous ici de venir au secours de la victoire. Sachez simplement qu'Eric Stauffer a été condamné par la justice genevoise... (Protestations.) ...pour avoir demandé des comptes, lorsque vous étiez toutes et tous contre lui voici cinq ans en disant qu'il violait le secret de fonction en se plaignant de l'opacité des SIG. Aujourd'hui vous êtes tous derrière lui à vous en plaindre ! C'est bien d'arriver au secours de la victoire, il fallait vous réveiller avant !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat - cela vous surprendra peut-être - accueille cette résolution avec bienveillance et sérénité. Sérénité parce qu'il s'agit, à travers cette résolution, de poser les vrais enjeux, mais de les poser dans les bons endroits. Et j'aimerais d'emblée dire ici que l'analyse des risques de SIG ne doit pas se faire dans les prétoires mais doit se faire dans le parlement, dans les commissions, respectivement au Conseil d'Etat. Et puis bienveillance aussi, car cette résolution est à la fois fondée et pertinente. Elle est fondée parce que vous avez le droit, vous avez même le devoir, Mesdames et Messieurs, de vous poser un certain nombre de questions. Ces questions reposent sur une inquiétude légitime, plusieurs d'entre vous l'ont évoquée, puisque les SIG c'est le bien commun; c'est l'énergie; c'est, dans passablement d'aspects de l'activité déployée par cette entreprise publique, la prise en charge de responsabilités de caractère monopolistiques, donc qui appartiennent à l'ensemble de la population. Mais c'est aussi des activités, vous le savez, depuis quelques années, en marché plus libre. De ce point de vue-là, il est parfaitement légitime de vous poser des questions, notamment dans le domaine de l'électricité, sur un secteur qui subit - et j'insiste sur ce terme - qui subit aujourd'hui une financiarisation croissante, donc une augmentation des risques liés aux marchés financiers. Mais j'aimerais dire ici que le Conseil d'Etat entend, sur la base de cette résolution, procéder à une analyse des risques non seulement financiers, mais aussi économiques ! Qu'il entend avoir avec vous une discussion sur l'engagement, ou pas, des Services industriels dans le dossier délicat mais passionnant - parce qu'il recèle des enjeux importants pour notre canton - de la fibre optique.

Et puis, parler des risques, c'est aussi parler des risques juridiques, et là je vous renverrai, peut-être, Mesdames et Messieurs, à une certaine forme d'autocritique quand le parlement décide de ponctionner, à travers la redevance, des dizaines de millions supplémentaires, générant ainsi une certaine instabilité pour l'entreprise.

Enfin, c'est aussi parler des risques d'image pour SIG qui doit, sur les marchés financiers et par rapport à une approche romande, défendre une certaine solidité de son bilan. Alors oui, le gouvernement est favorable à une analyse des risques. Mais il vous le dit ici très clairement, ce sera une analyse globale. Ce sera aussi une analyse, et c'est la vertu de cette résolution, qui nous permettra de nous situer, nous, le gouvernement, à notre bon niveau. Parce que si demain - et nous nous en félicitons - vous auditionnez, à travers la commission de l'énergie, les Services industriels, leur présidence, leur direction générale, à qui il revient de procéder à une première analyse des risques, c'est ensuite effectivement au gouvernement, de par la Constitution, de par la loi, d'analyser cette vision des risques de SIG et de vous proposer une lecture de celle-ci. Et enfin, il revient au parlement de la valider ou pas, notamment à travers le vote annuel du budget. La vertu de cette résolution, et c'est pour ça que je parlais d'une résolution non seulement fondée mais également pertinente, c'est de situer les bons acteurs au bon niveau. De ce point de vue-là, Mesdames et Messieurs, je me félicite effectivement que vous puissiez la voter.

Un dernier élément afin de répondre à la préopinante socialiste: s'il est vrai qu'une question a été posée en janvier, nous sommes tenus, Madame, de répondre dans les limites que nous impose le secret des affaires. Et ce qui nous retient un mois supplémentaire, c'est moins la question de savoir si l'on dispose de tous les éléments que le fait de savoir si, dans le cas d'une participation à une société cotée en bourse, même si c'est par le truchement d'EOS, nous pouvons donner un certain nombre d'informations. Mais soyez ici assurés, Madame, Mesdames et Messieurs les députés, que nous donnerons effectivement toutes les informations relatives au cas particulier d'Alpiq, qui n'est pas si noir que cela mais qui peut effectivement générer passablement d'inquiétudes. Rendez-vous, donc, en commission, puis en plénum pour pouvoir répondre à toutes vos questions légitimes. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Remarque.) Le vote nominal est demandé, est-il soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Il l'est. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'énergie et des SI, que je mets aux voix.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la proposition de résolution 700 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 50 non contre 28 oui.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais maintenant voter la prise en considération de cette résolution.

Une voix. Vote nominal ! (Plusieurs mains se lèvent.)

Le président. Le vote nominal est soutenu.

Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 700 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 81 oui (unanimité des votants).

Résolution 700 Appel nominal

RD 975
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le projet de plan directeur cantonal 2030
R 724
Proposition de résolution du Conseil d'Etat approuvant le projet de plan directeur cantonal

Débat

Le président. Nous abordons maintenant notre deuxième urgence, soit le point 105 de notre ordre du jour. Il s'agit d'un débat en catégorie II: trente minutes. La parole n'étant pas demandée... (Remarque.) Si, elle l'est ! Mais c'est vraiment juste à temps ! Alors la parole est à Mme la députée Anne Mahrer. Je vous demande un peu d'attention, Mesdames et Messieurs; je ne veux pas aller trop vite, mais enfin, avançons.

Mme Anne Mahrer (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts saluent... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la qualité du document «Plan directeur cantonal 2030» qui nous a été remis, à l'aménagement, tout récemment. Les mois qui nous séparent de son adoption, le 20 septembre prochain, ne seront pas de trop pour l'étudier, nous permettre de juger de sa pertinence et, cas échéant, lui apporter des modifications. Les Verts sont heureux de constater que le plan directeur cantonal s'inscrit dans la vision d'une agglomération multipolaire, compacte et verte, et qu'il a pris en compte - et c'est très important - la révision de la LAT, votée le 3 mars dernier. Les Verts ont également lu avec intérêt le document introductif «Genève - Envie»; un certain lyrisme, voire un lyrisme certain, pour évoquer cette envie qui doit devenir une réalité pour les habitantes et les habitants de ce canton. Jamais l'aménagement du territoire n'aura inspiré de telles envolées.

La révision de la LAT, Mesdames et Messieurs les députés, a été adoptée par tous les cantons, sauf, vous le savez, le Valais. Le souci des Verts est donc de savoir comment vont faire le PLR, le PDC, l'UDC et le MCG, qui ont appelé à voter non à la LAT. Alors bien sûr, ils n'ont pas fait une campagne d'enfer sur le canton; ils ont laissé, comme d'habitude, la Chambre immobilière, la FER, la Chambre de commerce et de l'industrie faire le travail et dire non... Mais alors, comme nous disait, l'autre jour, avec insistance l'un de nos collègues radical à la commission des travaux: que vont-ils dire à leurs électeurs ? Eh bien, je vous le demande, Monsieur le député ! Et que va dire le candidat PDC au Conseil d'Etat qui a fait campagne contre cette révision ? Que va-t-il dire ? Eh bien, notre ancien collègue Luc Barthassat, qui est par ailleurs conseiller national et agriculteur, va dire que pour être élu il lui faut le soutien des milieux immobiliers, et que c'est pour cela qu'il a demandé de voter non à la LAT. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, il faut se souvenir... (Brouhaha.) ...que le plan directeur cantonal n'est pas un rêve de promoteur ou de constructeur, non. Sur le papier, les Verts adhèrent notamment aux intentions, aux objectifs transversaux, à tout cela. Ils croient même lire leur programme: politique environnementale, énergétique, empreinte écologique, gestion durable des ressources naturelles, protection de la population contre les nuisances...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Anne Mahrer. Mesdames et Messieurs les députés, nous osons espérer que nous trouverons, déjà en commission de l'aménagement, une majorité pour accepter, avec peut-être des modifications, le plan directeur cantonal 2030. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). Vous me permettrez de répondre à Mme Mahrer sur une question parallèle avant de parler directement du plan directeur cantonal: par rapport à notre position sur la LAT, sachez, Madame Mahrer, que cette position - Genève ne risquait pas grand-chose, il faut le dire - a été décidée en raison des problèmes de bureaucratie engendrés par les négociations multiples... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui devront être menées pour arriver à savoir comment compenser les pertes de toutes les personnes qui se trouveraient avec des biens qui ne seraient plus constructibles. Ces moins-values seront certainement compensées par ceux qui seront obligés de construire. Un processus de quinze ans, vingt ans, pour nous, c'était un problème qui n'avait pas été pris en compte, raison pour laquelle nous avons voté non.

Cela étant, pour revenir sur le plan directeur cantonal, bien entendu, c'est la grande image qui est absolument nécessaire pour voir comment nous allons évoluer. Cette grande image, elle est forcément transfrontalière. Et si aujourd'hui nous sommes saisis de la belle et grande image du plan directeur cantonal, il reste un flou plus que certain quant à ce qui va se passer de l'autre côté de la frontière, sur le bassin genevois. Qu'en est-il de la cohérence entre les deux ? J'espère qu'en commission nous verrons si cette cohérence existe au niveau transfrontalier.

Mme Mahrer disait qu'il fallait répondre aux envies, moi je dis que le plan directeur cantonal doit d'abord répondre aux besoins, aux besoins des habitants existants. Et là c'est déjà un véritable défi, sachant qu'il faudra aussi assumer l'arrivée de tous ces nouveau habitants que l'on doit, paraît-il, accepter - plus 100 000 habitants, plus 50 000 logements - mais à quel prix. Et là aussi, un examen en commission sera absolument nécessaire. Il faudrait encore parvenir à un rééquilibrage - c'est clair, c'est l'objectif de ce plan - au niveau des logements et au niveau des emplois. Mais la France voisine, n'a pas, aujourd'hui, la fiscalité attractive pour arriver au rééquilibrage des emplois, et ce plan directeur ne répond pas à cette question fondamentale qu'est la fiscalité.

Enfin, en ce qui concerne le principe du logement: si les gens s'installent en France voisine, c'est bien parce que c'est aussi une question d'espace. Nous avons un canton exigu. Là, à un moment donné, il faudra quand même faire des choix. Et ces choix, il ne faut surtout pas qu'ils se fassent au détriment des habitants de ce canton. Nous y veillerons, car des logements, oui, mais des logements de qualité.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Christina Meissner. Je vais conclure, mais j'aimerais quand même rappeler une chose: cela fait trente ans qu'il y a un déséquilibre. Est-ce que ce plan directeur arrivera à inverser la tendance ? Nous le verrons en commission. Trente et une communes se sont opposées à ce plan directeur, nous devrons aussi les entendre pour voir si ce nouveau modèle convient. Et enfin, concernant l'agglomération compact, verte, et multipolaire, j'ai des doutes, vu les infrastructures qu'il sera nécessaire de construire: des routes, des trams, des trains...

Le président. On arrive au bout, Madame la députée !

Mme Christina Meissner. ...qui seront extrêmement coûteux. Le budget que nous avons aujourd'hui ne nous permettra pas de répondre à l'ambition de ce plan directeur. Raison pour laquelle, le diable étant dans les détails, il faudra bien examiner ce plan en commission avant de pouvoir, peut-être, dire oui.

Le président. Merci, Madame la députée. Vous avez quand même un peu dépassé, je vous le dis. Je suis magnanime ce matin, mais bon... La parole est à M. Serge Dal Busco.

M. Serge Dal Busco (PDC). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le parti démocrate-chrétien salue avec beaucoup de satisfaction l'arrivée de ce plan directeur cantonal dans notre parlement et en commission. On se réjouit de l'étudier. Celui qui vous parle... (Commentaires.) ...et qui essaie de se faire entendre... (L'orateur s'interrompt.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le député ! Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, un peu d'attention !

M. Serge Dal Busco. Je vous remercie, Monsieur le président. Je disais: celui qui vous parle a le privilège de connaître assez bien ce plan directeur pour avoir participé activement à son élaboration, d'abord dans le cadre du projet d'agglomération, ensuite au sein de la commission de l'aménagement du territoire. Je crois pouvoir dire, et je le dis au nom du groupe démocrate-chrétien, que c'est un travail de grande qualité qui a été entrepris, qui a été effectué. C'est vrai qu'au niveau du processus, de la communication, peut-être que les choses n'ont pas été faites comme elles auraient dû l'être, en tout cas dans un premier temps. Je voudrais d'ailleurs saluer le travail qui a été réalisé par M. Longchamp depuis qu'il a accédé à ses nouvelles fonctions au département de l'urbanisme. Il a très clairement amélioré la situation, notamment la compréhension de la part des communes.

Le document introductif que d'aucuns considèrent avec une certaine ironie, moi je trouve qu'il est très important. «Envie», c'est un vocable que j'ai souvent utilisé pour parler de l'aménagement du territoire, pour parler de la fiscalité, notamment communale. Et je pense qu'effectivement il faut donner à ce canton envie de se développer, de se développer de manière harmonieuse; il faut donner aux communes et aux habitants l'envie d'avoir des beaux quartiers qui se développent à proximité de chez eux; il faut donner envie aux gens de vivre à Genève, et la possibilité aux citoyens genevois qui doivent malheureusement quitter notre canton pour des questions de logement de pouvoir y rester. L'envie, c'est quelque chose qui ne fait pas forcément avancer les dossiers de manière concrète, mais ça donne un état d'esprit. Ça, c'est très important, et personnellement je suis très heureux que l'on parte sur ces bases-là.

Je voudrais encore ajouter, Mesdames et Messieurs - et là c'est le pragmatisme qui revient au galop - que, même en donnant envie, même en inscrivant un projet, même en faisant un magnifique plan directeur cantonal, eh bien on se heurte à des considérations financières. Et je suis désolé de le rappeler à chaque fois que je prends la parole, mais tout cela doit absolument s'accompagner d'une réforme en matière de fiscalité. Il faut aussi donner envie, et donner objectivement des raisons aux communes, en particulier, de construire du logement, et pour cela il faut réformer un certain nombre de choses dans notre fiscalité. C'est ce qu'il faut faire en parallèle de ce plan directeur. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Haldemann (R). Comme l'a dit mon excellent préopinant, collègue et ami Serge Dal Busco, il s'agit de la vision de l'aménagement pour les quinze prochaines années, et il faut que nous en ayons envie, il faut que nous ayons envie d'imaginer ce futur proche. Ce plan directeur cantonal est un outil de planification, mais il faut rappeler quand même l'obligation, selon le droit supérieur, de soumettre un tel document à la Confédération pour que le Conseil fédéral puisse l'adopter. Et c'est dans ce sens que les délais qui nous sont soumis dans le cadre du rapport du Conseil d'Etat et de la proposition de résolution sont absolument nécessaires, afin de renvoyer, dans la plus brève échéance, ces deux objets à la commission de l'aménagement. Il faut imaginer que ces travaux devront être menés sur des durées relativement courtes, et je tiens d'ailleurs à féliciter tous ceux qui ont mené les travaux préalables auprès des communes, afin que nous soit proposé un document qui puisse être accepté très largement au sein de notre commission. En revanche, je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire d'effectuer l'audition des 31 communes qui se sont opposées au plan directeur cantonal, version 2011, car nous pouvons imaginer que nous ne respecterions pas les délais qui nous sont demandés. Voilà. Le groupe radical, évidemment, soutiendra le renvoi de ces deux objets à la commission de l'aménagement. (Applaudissements.)

M. Christophe Aumeunier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je vous remercie d'avoir accepté ma motion, voici six ans, pour réinitier les travaux sur le plan directeur cantonal, alors même qu'à l'époque M. Cramer - comme d'autres, d'ailleurs, et comme un grand nombre de nos concitoyens - avait du mal à se projeter dans l'avenir, du mal à imaginer que les plans directeurs doivent être initiés plusieurs années à l'avance pour finalement produire du logement quinze ans plus tard. Il faut saluer la qualité du document qui nous a été remis, cela je dois le répéter, parce que nous savons que ce dernier est issu du projet d'agglomération qui a duré pendant trois ans. Et je suis étonné qu'aucun de mes préopinants, pas un seul d'entre eux, n'ait mentionné le fait que c'est le premier plan directeur transfrontalier. C'est une grande avancée que nous devons saluer, puisque c'est la première fois que nous travaillons en concertation avec nos voisins pour définir le projet d'une région, une région qui existe et qui doit vivre. Ce n'est pas un rêve de constructeurs, Madame Mahrer; c'est le rêve de loger nos enfants. Et à cet égard, notre responsabilité est bien celle-là, celle de loger nos enfants. D'ailleurs, si nous avons été opposés à la révision de la loi sur l'aménagement du territoire, c'est parce que celle-ci rend plus difficile les déclassements et qu'ainsi il faut craindre que nous ne puissions produire les logements dont nos enfants ont besoin. A ce sujet, le Conseil d'Etat aura la responsabilité - puisqu'il avait une position favorable à la révision de la LAT - de défendre intégralement le plan directeur cantonal, et nous comptons sur lui pour que cela soit fait. Au fond, ce projet de plan directeur cantonal est cohérent avec le projet de territoire suisse, et c'est heureux ce projet de territoire suisse qui veut... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...un développement qualitatif de notre nation, et qui, ainsi, nous permet de disposer d'un document technique beaucoup moins discutable que le document politique qu'est celui de la LAT.

Les libéraux, confiants en l'avenir et dans un développement durable et qualitatif, se prononceront donc favorablement à ce projet de plan directeur cantonal.

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, avec ces deux rapports nous sommes au coeur des débats sur l'aménagement du territoire. Les enjeux sont importants, puisque c'est le lieu de la réalisation des engagements qui ont été pris durant la législature que nous achevons. Pour les socialistes, il est primordial que l'examen de ces rapports porte sur le réquilibrage des emplois et du logement, selon le ratio «Un emploi / un logement» que nous avions défendu dans le cadre de l'examen du projet de déclassement de la zone Praille-Acacias-Vernets. Il faut également que ce plan directeur soit le lieu de la réalisation des promesses qui ont été faites dans le cadre la nouvelle politique du logement. Il faut préciser ici que, pour l'instant, ces promesses sont restées vaines, puisqu'on constate que, depuis 2000, nous avons une perte de logements sociaux de l'ordre de 3300 logements et que les LUP qui ont été construits ne permettent même pas de compenser les logements qui sortent du contrôle HLM.

Les socialistes seront également extrêmement attentifs à ce que les instruments de mise en oeuvre des fiches techniques qui figurent dans ce plan soient suffisamment sérieux; je pense en particulier à une politique d'acquisition foncière. L'Etat doit pouvoir disposer, via ses fondations immobilières de droit public, via les rentes immobilières, via également la fondation pour les terrains industriels, de terrains pour atteindre les objectifs qui sont fixés par le plan directeur que nous allons traiter.

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes abordent cet examen avec d'autant plus d'entrain que le peuple a accepté, le 3 mars dernier, la modification de la loi sur l'aménagement du territoire, loi fédérale, et que cette loi prévoit une augmentation du taux de la taxe sur la plus-value foncière de 15% à 20%. Cela était effectivement l'objectif initial du parti socialiste, qui avait déposé un projet de loi en son temps, projet qui avait été refusé au profit d'un projet rabaissé à 15%. Je pense qu'aujourd'hui il sera possible de déclasser ces terrains avec un peu plus d'équité puisque nous aurons ces 5% de taxe supplémentaire, qui profiteront notamment aux communes et à la construction des infrastructures.

M. Jean-François Girardet (MCG). Chers collègues, le groupe MCG, bien sûr, ne s'opposera nullement au renvoi de cette résolution concernant le projet de plan directeur cantonal. Nous voulons simplement relever ici qu'un effort a été entrepris par le conseiller d'Etat pour une meilleure consultation de l'Association des communes genevoises, suite au refus massif - trente et une communes sur les quarante-cinq du canton - du projet pour une agglomération compacte, multipolaire et verte.

En révisant ce plan directeur cantonal, le Conseil d'Etat a essayé d'intégrer les remarques des communes. Dès lors, nous aurions souhaité que les modifications puisse être présentées non seulement à l'ACG de manière rapide, mais qu'il y ait une véritable consultation au sein des conseils municipaux des différentes communes, pour que celles-ci puissent voir, se rendre compte des changements qui ont été opérés. J'encourage donc les conseils municipaux des communes à demander un retour de ce nouveau plan qui nous est proposé aujourd'hui, et à le préaviser favorablement si les remarques émises dans un premier temps ont été prises en compte.

Ce plan directeur cantonal s'inscrit dans la continuité du précédent, qui allait jusqu'à 2015, et il s'inscrit également dans le cadre du projet d'agglomération franco-valdo-genevois, dont il traduit la vision d'une agglomération compacte, multipolaire et verte. Cela dans la perspective d'un développement durable, lequel met l'accent sur la mobilité, les espaces naturels et paysagers et la protection de la zone agricole comme thèmes centraux de la politique fédérale des agglomérations.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Jean-François Girardet. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai terminé.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord vous remercier, au nom du Conseil d'Etat et au nom des principaux départements qui sont concernés par ce plan directeur, parmi lesquels figurent le département de l'urbanisme et le département de l'intérieur et de la mobilité, pour les compliments qui ont été faits sur la qualité de ce travail.

Le plan directeur a une mission, reflète une volonté, une volonté politique forte, c'est celle d'être capable de loger nos enfants. On peut le dire, Madame la députée, avec lyrisme, ou on peut le dire de manière factuelle, peu importe. Aujourd'hui, notre canton a une faiblesse, et une faiblesse qui lui coûtera fort cher s'il n'est pas capable de la surmonter. Cette faiblesse, c'est notre incapacité à loger nos propres enfants. Avant de se demander, Madame la députée Meissner, si nous devons accueillir ou pas des gens venus d'ailleurs, j'aimerais vous dire que nous avons 100 000 enfants, aujourd'hui, qui ont entre 0 et 19 ans à Genève, et qui, dans le temps qui est nécessaire à l'édification de projets d'aménagement, devront être logés. Nous ne sommes pas, aujourd'hui, en mesure de le faire, et il existe certaines conséquences sociologiques autant que sociales, qui sont lourdes. Le taux de fécondité - je me dois malheureusement de le rappeler pour que les gens aient une conscience de cela - le taux de fécondité à Genève est de 1,4 enfant par femme; il est de 0,5 point inférieur au taux de fécondité de la proche région vaudoise et de la proche région française qui nous entourent. Nous avons un âge médian qui est de deux ans et demi supérieur à celui de ces mêmes régions, alors même que les années qui nous attendent sont celles du vieillissement de la population. Nous avons un phénomène qui s'accélère, à Genève, en raison de notre incapacité à créer des logements. La volonté de ce plan directeur, et des mesures qui l'accompagneront, c'est de pouvoir, aujourd'hui, en créer.

Ce projet devra être accompagné de différentes mesures; on en déjà esquissé un certain nombre. Le Conseil d'Etat a déposé plusieurs projets et nous sommes en discussion avec l'Association des communes genevoises, notamment sur la fiscalité des communes. Il y a aujourd'hui une fiscalité qui non seulement n'est pas incitative pour les communes qui font des efforts, mais qui, au contraire, les sanctionne. Il n'est pas normal que l'essentiel des charges des communes soit lié à la présence d'habitants, et que l'essentiel des ressources des communes soit lié à la présence d'emplois. Nous devons inverser cette logique. C'est le sens des projets que le Conseil d'Etat a soumis en consultation, avec un mécanisme péréquatif qui permet à ces communes, celles qui font des efforts, d'être soutenues. Monsieur dal Busco, vous vous êtes exprimé tout à l'heure, la vôtre fait ces efforts. Il est clair qu'il est illusoire de demander à la commune de Bernex, qui a quelques millions de budget d'investissement annuel, de devoir assumer des centaines de millions de francs d'équipement public à sa seule charge. Nous devons assister et aider ces communes qui, par leur situation géographique, sont idéales pour construire et densifier notre canton. Bernex en est une mais il y en a d'autres. Nous devons les encourager et nous devons les soutenir.

Par ailleurs, j'aimerais vous rappeler, Madame la députée Meissner, vous qui êtes membre d'un parti qui nous fait l'éloge des frontières, qu'une frontière c'est notamment - et c'est sa grande fonction - la séparation de deux systèmes juridiques différents. Je vous entends bien sur le fait que le plan directeur, qui est un document volumineux et qui aborde tous les aspects du territoire, y compris sur le plan régional, devrait être également en mesure de changer le système fiscal français, qui se décide à Paris. Je ne veux pas présumer des forces du Grand Conseil genevois ou de la commission d'aménagement, mais je doute, chère Madame, que nous soyons en mesure d'influer de manière déterminante sur les options fiscales qui sont prises à Paris et qui s'appliquent à la France entière. Si nous avions cette possibilité, je vous assure que nous l'utiliserions car nous avons un intérêt réciproque, avec nos voisins, de rééquilibrer le logement et l'emploi de part et d'autre de la frontière.

Monsieur Dandrès, enfin, vous avez rappelé quelques faits sur le logement social; j'aimerais vous en rappeler quelques autres dont nous aurons l'occasion de parler lors du dépôt des comptes 2013. Les crédits LUP ont été, pour la première fois, utilisés en totalité. Le Conseil d'Etat a la volonté d'encourager, dans l'absolue disponibilité de ses moyens - et nous avons utilisé tous ces moyens l'année dernière - la construction de logements d'utilité publique, et de pouvoir aussi, quand c'est nécessaire, procéder à des acquisitions foncières. Mais j'ai eu l'occasion de vous le dire ici, les acquisitions foncières sont fort rares à Genève, et pour cause, le marché est particulièrement bloqué. Nous examinons une par une toutes les vraies propositions de vente dans la zone de développement, et il est très rare que nous puissions trouver des parcelles qui répondent aux critères que nous nous sommes fixés, à savoir celui de la possibilité de construire, et l'absence, pour le nouveau propriétaire qui acquiert ces parcelles, de volonté de construire. Nous sommes malheureusement, Madame la députée Sobanek, dans une situation inverse: nous devons éviter que les communes préemptent, non pas pour construire, mais pour s'interdire de construire ou pour construire moins. Ce n'est pas comme ça que l'on logera nos 100 000 enfants. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets le renvoi de ce rapport et de cette proposition de résolution à la commission d'aménagement.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 975 et de la proposition de résolution 724 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 84 oui et 1 abstention.

PL 11099-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ) (E 2 05) (Nombre de procureurs)
Rapport de Mme Nathalie Schneuwly (R)

Premier débat

Le président. Nous sommes au point 99bis de notre ordre du jour. Madame la rapporteure, souhaitez-vous vous exprimer ? (Mme Nathalie Schneuwly acquiesce.) Je vous passe la parole.

Mme Nathalie Schneuwly (R), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la réforme Justice 2011 a prévu 35 procureurs. Après 18 mois, il est évident que c'est complètement insuffisant, d'où ce projet de loi proposant de passer de 35 à 43, soit une augmentation de 8 procureurs. Un chiffre pour en faire la démonstration: si l'on applique le ratio bâlois, il nous faudrait 96 procureurs. Avec 35, on est donc loin du compte. Le procureur général et le Conseil d'Etat sont réalistes, ils ne demandent pas de tels moyens - de toute façon, si l'on engageait autant de procureurs, on ne saurait pas où les installer et on serait confrontés à un manque de locaux et à des soucis d'organisation.

Aujourd'hui, le Ministère public s'organise pour gagner en efficience; il a créé un greffe de procédure de masse qui traite les délits en matière de circulation routière, et le procureur général étudie la possibilité d'étendre cette pratique. Quelques exemples pour vous montrer les différences entre la situation avant le nouveau code de procédure et maintenant: avant, le procureur général pouvait classer en opportunité; aujourd'hui, ce n'est plus possible. En 2010, sur 18 782 procédures, 11 264 ont été classées; en 2011, sur 15 128 procédures, seules 4 559 ordonnances de non-entrée en matière ont été rendues. C'est une différence d'un tiers à deux tiers.

En outre, de nouvelles tâches ont été attribuées au Ministère public, comme la levée de corps ou la nomination d'avocats d'office. Enfin, les permanences sont lourdes: la permanence des arrestations réclame 2 procureurs, tous les jours, dès 6h, pour entendre les personnes arrêtées; la permanence des urgences demande tous les jours un procureur pour les cas graves, 24h sur 24; la permanence des entrées demande tous les jours, de 8h à 17h, un procureur pour recevoir les plaintes, soit 40 à 80 dossiers par jour. Au total, cela représente 52 jours de permanence par procureur.

Au vu de tous ces éléments, et indépendamment du budget, il est urgent de voter ce projet de loi. Sur les 8 procureurs, il est prévu d'en avoir 4 en juillet 2013 et 4 autres en janvier 2014. La commission, à l'unanimité, vous recommande de voter ce projet de loi, afin d'avoir une politique de sécurité cohérente tout au long de la chaîne pénale. Je vous remercie de votre écoute.

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'augmentation du nombre de procureurs est une nécessité pour Genève. Si l'on compare les chiffres avec d'autres cantons comme Zurich ou Bâle, Genève est véritablement l'enfant pauvre. On le savait quand il y a eu Justice 2011, et on s'en est inquiétés à l'époque; on savait que le nombre de 35 procureurs ne serait pas, et de loin pas, suffisant. D'où, aujourd'hui, cette nécessité de réellement renforcer le Ministère public. Et 8 procureurs de plus, cela signifie aussi que les procureurs prendront plus de temps... (Brouhaha.) ...pour analyser les procédures - aujourd'hui, celles-ci sont parfois, je ne dirai pas bâclées, mais effectuées dans l'urgence parce que les dossiers s'accumulent. Il y a un autre élément, et il est de taille: avec la nouvelle procédure, le Ministère public doit rédiger l'acte d'accusation lorsque cela concerne le Tribunal des mineurs, ce qui n'était pas du tout le cas avant. Aujourd'hui, un procureur doit soutenir l'acte d'accusation, que ce soit en première instance ou en appel; cette nouvelle tâche complique terriblement le travail des procureurs, dont on sait qu'environ six d'entre eux sont dévolus à cette tâche.

Mais ce qui pose réellement problème à Genève, c'est qu'il y a les transferts de détenus - on a mis le Ministère public à Chancy. Au départ, on devait construire des cellules nocturnes; ces cellules aujourd'hui ne sont que diurnes, ce qui veut dire que les gens ne restent que la journée. C'est donc un véritable casse-tête pour la police et pour les procureurs, car il faut sans arrêt effectuer des transferts entre Champ-Dollon et le Ministère public. Le soir, parce que les détenus ne peuvent pas rester sur place, il faut les transférer à nouveau à Champ-Dollon, à Carl-Vogt ou en Vieille-Ville. Cela représente un travail énorme pour la police et aussi pour les procureurs, car ils doivent sans cesse agender les entretiens avec les détenus, et l'on ne peut pas recevoir plus de 14 détenus dans la journée.

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Loly Bolay. Oui, je vais conclure, Monsieur le président. Je dis que, pour l'avenir, il faut véritablement que le futur gouvernement - qui sortira des urnes en novembre - réfléchisse à trouver un bâtiment pour le Ministère public, afin de regrouper toutes les instances judiciaires en une seule enceinte, précisément afin de prévenir, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les coûts énormes qu'engendre ce fonctionnement de la justice.

Le groupe socialiste a voté en commission, il votera aujourd'hui, ici, ces 8 procureurs de plus, car c'est une nécessité pour que toute la chaîne judiciaire - toute la chaîne sécurité - soit véritablement renforcée. Je vous en remercie. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, bien sûr, l'Union démocratique du centre va voter ce projet. Mais j'aimerais quand même mettre en évidence certaines choses. Non, contrairement à ce que disait ma préopinante, ce n'est pas une nécessité: c'est une contrainte imposée par ce nouveau code de procédure pénale, qui nous amène dans des errements d'engagement de personnel ! J'en veux pour preuve que M. le procureur, dans sa justesse - et ce n'est pas lui que je critique ici - dit que si l'on veut fonctionner normalement, il sera nécessaire qu'il mette en place des trinômes: pour chaque procureur, il faudra un juriste et un greffier.

Et ceci aussi, pour répondre à ma préopinante: oui, il y avait une solution, mais peut-être que, pour des raisons budgétaires ou autres - nous l'avons entendu... Mais il serait nécessaire que les violons du Palais de justice - soit 19 cellules - afin de permettre aux gens de rester et afin d'éviter les transbordements - qui gênent l'avancement du travail des procureurs et même, pour finir, nuisent aux détenus - soient mis en route, puisqu'on pourrait traiter plus rapidement leurs dossiers.

Au vu de cela, Monsieur le président, je pense que la population doit absolument être consciente que nous ne pouvons pas faire autrement, que ce sont des contraintes incontournables, mais malgré tout malvenues, qui proviennent d'une erreur de ronds-de-cuir, à Berne, qui n'ont pas fait la différence entre la théorie et la pratique ! Nous sommes maintenant dans la pratique, on voit que cela ne joue pas, et on est obligés d'augmenter le nombre de ces procureurs. L'Union démocratique du centre acceptera donc ce projet de loi.

Mme Nathalie Fontanet (L). Monsieur le président, les groupes libéraux et radicaux sont évidemment extrêmement favorables à ce projet de loi, tout d'abord parce que le Ministère public est évidemment un maillon essentiel de la chaîne sécuritaire et que, actuellement, nos procureurs sont totalement submergés et dans l'incapacité de traiter l'ensemble des procédures qui leur reviennent.

Ensuite, il est essentiel que ces procédures ne durent pas de façon indéfinie et il est aussi important pour les personnes contre lesquelles des plaintes sont déposées - ou qui ont des procédures pénales - que leur cas soit réglé rapidement. Les procédures ne peuvent pas se prolonger pendant des années et des années faute de procureurs en place.

Et enfin, Mesdames et Messieurs les députés, la santé de nos procureurs est également quelque chose d'essentiel. Aujourd'hui ils sont fatigués, ils ont immensément trop de travail, alors les 8 procureurs supplémentaires constituent vraiment un minimum. D'autres l'ont relevé avant moi, en terme de chiffres Genève est un parent pauvre; notre canton est celui qui a le moins de procureurs, alors même que nous avons un nombre de procédures qui va grandissant. Mesdames et Messieurs, je ne peux que vous encourager à voter ce projet de loi, et cela au nom des radicaux et des libéraux. Merci !

M. Roger Golay (MCG). Comme vous le savez tous, et les citoyens qui nous écoutent le savent aussi, deux des priorités du MCG sont l'emploi et, bien sûr, la sécurité. Le groupe MCG veut une augmentation de policiers, et il faut pour cela plus de juges - cela va de pair - afin que la chaîne «de production», si je peux appeler cela de cette manière, puisse se faire. Bien entendu, à la fin de cette chaîne, il faudra aussi plus de gardiens de prison, ce que nous voulons également. Nous l'avons dit, nous allons soutenir toute augmentation de policiers... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et de gardiens de prison, et il va de soi que, pour cela, et pour juger tous les multirécidivistes qui pourrissent la vie des Genevois, il nous faudra plus de procureurs. Donc le MCG ne peut qu'abonder dans le sens de ce projet de loi et soutiendra cette augmentation de 8 procureurs.

M. Miguel Limpo (Ve). Les Verts sont évidemment très favorables à ce projet de loi qui augmente le nombre de procureurs généraux.

J'aimerais juste revenir sur plusieurs éléments qui ont été mentionnés. Le premier d'entre eux est celui qui consiste à dire que le code de procédure pénale implique des effets collatéraux, et notamment cette augmentation de procureurs généraux; c'est vrai en partie, mais ce n'est qu'un des facteurs qui expliquent l'ensemble. Je vous rappelle que Bâle, par exemple, dispose de plus d'une centaine de procureurs généraux, et depuis bien avant la révision du code de procédure pénale; donc cela montre que ce n'est pas forcément que ça ! Je rappelle que ce code de procédure pénale a été voté aussi - au niveau fédéral - par l'UDC, qui est quand même le premier parti de notre pays. (Brouhaha.)

Je voudrais également souligner que, même si c'est très bien d'augmenter le nombre de procureurs généraux, on a aussi besoin d'un budget ! Et par rapport à ce que vient de dire M. Golay, moi j'ai l'impression qu'on est en train de faire «Retour vers le futur» ! Là on n'est pas en septembre 2012 ou en octobre 2012, où l'on peut faire de grandes déclarations en disant que, oui, il faut un budget, ou qu'il faut plus de policiers ! Là, nous sommes en mars 2013, et actuellement - il y a une semaine - le MCG a refusé une augmentation de postes de policiers et une augmentation des dotations qui sont données à la justice !... Je veux bien qu'on dise qu'il faut donner des moyens à la justice, mais soyons cohérents du début à la fin ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Bien. La parole est maintenant à M. le député Roger Golay. Je n'aimerais pas qu'on recommence...

M. Roger Golay (MCG). Merci, Monsieur le président...

Le président. Attendez, Monsieur le député...

M. Roger Golay. Je parle tout de suite, sinon...

Le président. Monsieur le député !

M. Roger Golay. ...vous allez me prendre mon temps de parole, et il ne m'en reste plus beaucoup ! (Protestations.)

Le président. Mais non, je vous l'accorde, votre temps de parole !

M. Roger Golay. Alors, simplement pour répondre à M. Limpo... (Brouhaha.) ...j'ai l'impression qu'il n'a pas du tout écouté le débat sur le budget ! Nous avons bien dit qu'il fallait une augmentation de policiers et de gardiens de prison par des crédits supplémentaires; par contre, on limera, partout où il faudra ! Là où il y a des abus au niveau budgétaire... (Brouhaha.) ...et des dépenses qui sont inutiles, comme sait le faire la gauche !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Cerutti, le temps de parole de votre groupe est épuisé - je vous remercie. (Commentaires.) La parole est à M. Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement préciser à mes collègues, et à celles et ceux qui nous écoutent déjà, que le MCG fait des théories sur le nombre de policiers... (Remarque.) ...mais que, dans les communes, il refuse l'engagement d'agents de police municipale supplémentaires. Donc j'aimerais bien... (Remarque. Brouhaha.) C'est vrai ! C'est la réalité ! Cela a été le cas à Plan-les-Ouates, cela a été le cas dans d'autres communes... (Brouhaha.) C'est la réalité du MCG... (L'orateur est interpellé.)

Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. ...qui prône la sécurité, mais qui refuse d'engager des agents de police municipaux ! (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît... Nous allons avoir un débat tout à l'heure sur un sujet fiscal ! Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet. (Le président est interpellé.) Je suis désolé, il n'y a plus de temps ! (Remarque. Commentaires. Le président agite la cloche.) S'il vous plaît ! Vous aurez l'occasion de vous exprimer dans un instant ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Sans prolonger abusivement ce débat, je voulais simplement ici, au nom du gouvernement, dire à quel point il nous semble important, à travers ce projet de loi, de soutenir le troisième pouvoir, le pouvoir judiciaire, qui doit, non seulement pour une question de moyens - et malgré les éclats de voix récents, aujourd'hui ou il y a quelques jours, dans ce parlement - donc qui doit, pour une question de moyens, voir sa dotation augmenter, mais également, par souci de cohérence dans la chaîne pénale, voir les autres partenaires que sont la police et les prisons également monter en symétrie.

J'aimerais dire ici que ce projet de loi, qui a été traité avec diligence par la commission judiciaire et de la police - et je remercie en particulier sa présidente mais également les membres qui la composent - ce projet de loi représente non seulement une nécessité, mais également un signal. Un signal important, pour faire en sorte, par exemple, que celles et ceux qui se voient maintenus en situation de détention avant jugement, en détention préventive, parfois pendant très longtemps - et l'on sait qu'ici, à Genève, on a des situations qui se prolongent abusivement - eh bien, en dotant de moyens le Ministère public, cela permettrait précisément de traiter - là aussi avec diligence - des cas, ce qui libérerait plus rapidement des places en prison.

Donc, loin d'imaginer que ces nouveaux procureurs vont charger davantage le bateau carcéral, je défends l'idée, avec le procureur général, que, au contraire, on facilite le travail de la justice, on fluidifie la chaîne pénale, et l'on se donne les moyens - certes, dans une proportion moindre que ce que l'on pouvait espérer au départ, mais quand même - on se donne les moyens de faire fonctionner correctement notre état de droit.

Raison pour laquelle le gouvernement répète ici à quel point il appuie cette démarche, et il espère que, dans cette enceinte, les deux autres chaînons importants que sont et la police et les prisons feront l'objet de la même attention, du même intérêt, et surtout du même soutien, dans les jours qui viennent, s'agissant des moyens à leur conférer.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11099 est adopté en premier débat par 85 oui (unanimité des votants).

La loi 11099 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11099 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 84 oui (unanimité des votants).

Loi 11099

PL 11130
Projet de loi de Mmes et M. Lydia Schneider Hausser, Anne Emery-Torracinta, Roger Deneys modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Suspension en 2013 et 2014 du dispositif relatif à la charge maximale - bouclier fiscal)

Premier débat

Le président. Nous traitons maintenant notre quatrième urgence, le PL 11130. Ce débat est en discussion immédiate. La parole est à M. Stéphane Florey... Non, excusez-moi, Monsieur le député ! J'ai été trop vite ! (Remarque.) Le premier signataire a une priorité, merci de me l'avoir rappelé ! La parole est alors à M. le député Deneys !... Roger ! (Remarque.) Ou à Madame... Lydia ! (Remarque.) La parole est à Mme Lydia Schneider Hausser, excusez-moi !

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs... (Commentaires. Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Poursuivez, Madame la députée. Avec mes excuses !

Mme Lydia Schneider Hauser. Je vous en prie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce bouclier fiscal, qui fixe un plafond d'impôt sur le revenu et la fortune à 60% du revenu imposable, est un cadeau de 40 à 45 millions par année que les Genevois offrent à environ 1300 contribuables, qui économisent chacun, en moyenne, 35 000 F d'impôts. En clair, plus le revenu financier de la fortune est élevé par rapport au revenu du travail, moins la personne paie d'impôts. Les socialistes demandent de suspendre, durant deux ans consécutifs, cette ristourne faite aux personnes fortunées, afin de mettre en route des réformes au niveau de l'Etat, sans pénaliser les moins favorisés et la classe moyenne du canton. Depuis 2009, la diminution des revenus de l'Etat, par la baisse de l'impôt principalement des plus riches, est devenue la raison d'être principale de la droite, car l'Etat coûterait trop cher ! Ce qui attire, Mesdames et Messieurs les députés, les entreprises à Genève. Mais ce qui fait Genève, c'est la qualité de ses écoles, du système de formation, la qualité de ses hôpitaux, de sa structure de soins... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de ses logements - pas très nombreux, je l'avoue et je vous le concède - de son offre culturelle, de ses transports publics, de sa protection sociale efficace. Cette alchimie ne peut pas être éliminée, réduite drastiquement sans conséquence aucune non seulement sur la qualité de vie des Genevois mais également sur notre attrait au niveau de l'économie.

La gauche a toujours soutenu que l'Etat devait arbitrer la redistribution des richesses, afin de permettre au plus grand nombre d'habitants de vivre correctement. Cette détermination des socialistes ne date pas de la semaine dernière, contrairement à ce que certains ont bien voulu faire croire; nous avions déjà soutenu la suspension du bouclier fiscal lorsqu'il a été déposé par le Conseil d'Etat. Compte tenu de la situation tragique réservée au budget lors des travaux en commission, nous avons tenté de trouver des revenus supplémentaires qui évitaient de faire subir des baisses de prestations aux plus fragiles de nos concitoyens, voire à tous nos concitoyens. Visiblement, la proximité des élections rend la droite - ou une partie de la droite - nerveuse et génère chez elle des comportements et des prises de position étranges, incompréhensibles, et cela depuis le premier débat, en septembre, sur le budget. Avec la droite populiste, le PLR a continué de refuser de donner sa confiance au Conseil d'Etat et a nié ainsi les efforts déjà fournis pour freiner, voire diminuer les dépenses - efforts fournis par le Conseil d'Etat et le gouvernement, mais également, et il faut le souligner, depuis des années, par toute l'administration publique. Comme à son habitude, le MCG a utilisé ce projet de loi pour faire joujou et semer le chaos. Nous vous demandons aujourd'hui d'aller jusqu'au bout des règles démocratiques et, en conclusion, Mesdames et Messieurs, à revenir à Genève et à réserver un bon accueil à ce projet de loi. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Que l'on soit d'accord ou non avec ce projet de loi, nous ne pouvons décemment pas nous prononcer comme ça, sur un coup de tête, soit en l'adoptant, soit en le refusant. D'abord, dans l'exposé des motifs, on mentionne de vieux chiffres: on parle de 2010, alors que nous sommes déjà en mars 2013. En outre, il serait important, justement, de réactualiser ces chiffres, de connaître quelles seraient les incidences complètes d'une telle mesure: combien de personnes sont concernées, quelles pourraient être les éventuelles recettes supplémentaires pour le Conseil d'Etat, quels seraient les risques encourus de voir des contribuables fortunés quitter notre canton. Je rappelle qu'à Zurich, par exemple, bon nombre de grosses fortunes ont déjà quitté le territoire.

Pour toutes ces raisons, nous demandons un renvoi immédiat à la commission fiscale afin d'avoir de vraies évaluations, afin qu'un vrai débat puisse se faire et qu'on puisse poser toutes les questions nécessaires quant à l'étude d'un tel projet de loi. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous soumets le renvoi de cet objet à la commission fiscale.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 11130 à la commission fiscale est rejeté par 61 non contre 24 oui.

Le président. Nous poursuivons donc notre discussion immédiate. La parole est à M. le député Serge Dal Busco.

M. Serge Dal Busco (PDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, laissez-moi exprimer, au nom du groupe démocrate-chrétien... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...notre satisfaction de pouvoir débattre de cette question maintenant et que celle-ci ne soit pas renvoyée en commission fiscale. Il y a d'ailleurs un objet tout à fait analogue, en commission fiscale, sur lequel la commission pourrait se déterminer. Mesdames et Messieurs, le sujet est vraiment très important, et c'est maintenant qu'il faut en discuter. Il y a vraiment urgence, Monsieur Florey, et je ne vois pas très bien comment ou peut parler d'urgence en renvoyant à la commission fiscale !

Alors la logique du parti socialiste, on la connaît - c'est toujours à peu près la même - ça consiste à augmenter les impôts. C'est aussi la logique qui prévaut d'ailleurs outre-Jura, ce qui ne nous étonne pas. Sur la limite de ce bouclier fiscal à 60%, il faut peut-être préciser que ce sont 60%, s'agissant de l'impôt cantonal et communal; mais il faudrait y ajouter l'impôt fédéral direct, c'est-à-dire plus de 12%. Et vous voyez qu'en additionnant les deux on s'approche de chiffres qui sont de l'ordre de 70% à 75%, ce qui doit certainement vous rappeler des chiffres qui ont été articulé outre-Jura. Alors il faut vraiment être, Mesdames et Messieurs, très vigilants avec cela.

J'aimerais quand même rappeler que ce bouclier fiscal a fait partie d'une votation que le peuple genevois a approuvée en 2009, et approuvée à plus de 70%. Ce n'est pas une genevoiserie, ça existe dans d'autres cantons, comme à Bâle-Ville, et puis, surtout, dans le canton de Vaud. D'ailleurs c'est la raison pour laquelle le peuple avait accepté cette proposition de bouclier fiscal: pour éviter que des contribuables fortunés ne franchissent tout simplement la Versoix - c'est extrêmement facile - pour ensuite aller alimenter les caisses de nos amis vaudois.

Notre système fiscal, Mesdames et Messieurs, est très fragile. Notre pyramide fiscale est très pointue ! Quelques chiffres: 2% des contribuables, selon les dernières informations mises à disposition par l'OCSTAT, paient 30% de l'impôt personnes physiques; 4% en paient 40%, Mesdames et Messieurs, chers collègues ! Et 11% en paient 60% ! C'est déjà très progressif. Le parti démocrate-chrétien soutient évidemment une certaine progressivité de l'impôt, c'est la logique même de ce dernier, de son caractère redistributif, de la contribution que doivent faire les plus nantis d'entre nous, disons, au bien commun, mais il ne faut pas exagérer ! On a, aujourd'hui, 420 personnes - toujours selon les derniers chiffres dont j'ai pu disposer - qui assurent le 10% de l'impôt personnes physiques ! C'est incroyable ! Il faut vraiment faire très attention ! Je vous garantis qu'il y a déjà des officines, des bureaux d'avocats, des études, des spécialistes qui sont en train d'étudier des possibilités de relocalisation fiscale pour nos contributeurs les plus fortunés, au cas où des mesures comme celles-là, comme la suppression ou la suspension d'un bouclier fiscal, seraient adoptées. Il faut donc être très prudents ! Naturellement, si l'on perd cette manne fiscale, cela se passera comme d'habitude, puisqu'il y a 40% des contribuables qui ne paient que 3,8% des impôts à Genève. Ce sera donc la classe moyenne, disons, en gros, les gens qui ont un revenu imposable en 50 000 et 150 000 F qui vont casquer et qui verront leur fiscalité augmenter par la force des choses.

Mesdames et Messieurs, il faut refuser cette proposition de loi avec la plus grande fermeté possible. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Les Verts ont toujours soutenu, et soutiendront toujours, la suspension du bouclier fiscal, voire sa suppression. Lors de la dernière réforme fiscale qui a été entreprise par ce parlement, si nous avions accepté le paquet final ficelé, nous nous étions cependant toujours opposés, en commission, à l'introduction de ce bouclier fiscal. Nous resterons donc toujours sur la même ligne.

Nous estimons, en effet, que le bouclier fiscal n'est pas une bonne mesure. Il va à l'encontre du principe de la progressivité de l'impôt, et crée donc une injustice face à celui-ci. Je vous dirai que ce constat n'est pas seulement partagé sur les rangs de la gauche, puisque je vous rappelle - et là je réponds peut-être à M. Dal Busco - que même M. Sarkozy a supprimé le bouclier fiscal en 2011. (Commentaires.)

L'effort qui doit être entrepris pour les finances cantonales - et nous avons toujours insisté sur ce point-là - ne doit pas être simplement entrepris sur les charges, mais également sur les revenus. Et je vous rappelle que c'est bien le Conseil d'Etat, il y a environ un an, qui était venu auprès de notre Grand Conseil pour proposer la suspension de ce bouclier fiscal. J'ajouterai d'ailleurs une nuance: il ne proposait pas sa suppression mais bien sa suspension pour deux ans, projet que reprend actuellement le parti socialiste, et que nous soutenons. C'est donc bien dans cette optique-là - les Verts sont toujours, vous le savez, un parti extrêmement gouvernemental - que nous allons continuer à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG avait voté l'urgence sur ce projet de loi. Nous l'avons dit, et je le répète ici aujourd'hui: nous voulons des comptes à l'équilibre, étant entendu - et ce que je vais dire maintenant est très important...

Des voix. Ah ! (Le président agite la cloche.)

M. Eric Stauffer. ...étant entendu, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons certains doutes sur la ligne qu'est en train de tenir le PLR par la voix de son président, qui a publié sur son profil Facebook qu'il accepterait un budget déficitaire. Nous avons certaines craintes. Je vous le rappelle, le MCG a dit qu'il voulait un budget à l'équilibre. Nous ne bougerons pas de cette ligne !

Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés - et vous transmettrez au PLR, Monsieur le président: je vais demander soit le renvoi en commission, soit l'ajournement de ce projet de loi. Faute de quoi l'UDC et le MCG voteront avec la gauche pour que le peuple se prononce ! (Protestations.) Nous voulons des garanties que le PLR ne changera pas d'avis et ne retournera pas sa veste dans l'exercice du budget 2013 ! (Brouhaha.) Maintenant, chacun assumera sa responsabilité, nous voulons des comptes à l'équilibre et nous exigeons, aujourd'hui, de nos alliés de circonstance, une ligne sans faille !

Alors, Monsieur le président, je demande deux choses: le renvoi en commission ou, s'il est refusé, l'ajournement de ce projet de loi. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député, voilà qui est clair. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 11130 à la commission fiscale est rejeté par 63 non contre 23 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant l'ajournement de ce projet de loi.

Mis aux voix, l'ajournement du projet de loi 11130 est rejeté par 62 non contre 23 oui.

Le président. Nous poursuivons notre débat. La parole est à M. le député Christophe Aumeunier.

M. Christophe Aumeunier (L). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi est un simple copier-coller du projet de loi du Conseil d'Etat qui a été refusé par notre Grand Conseil en septembre 2012. On ne voit donc vraiment pas pourquoi on revient sur le sujet. En réalité, le bouclier fiscal, donc le fait que l'on plafonne l'imposition à 72% du revenu du contribuable, a été également adopté par le peuple d'une manière extrêmement large, puisque - et nous en avons tous la conscience - au-delà, c'est véritablement de l'impôt confiscatoire. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Tribunal fédéral. Alors suspendre ce bouclier pour les périodes fiscales 2013-2014, ou 2014-2015, peu importe, c'est prêter le flanc à l'incertitude, c'est prêter le flanc à l'imprévisibilité, c'est faire ce que font les Français, c'est faire ce que font les gens irresponsables qui ne permettent pas aux contribuables d'avoir une certaine sérénité et de pouvoir, ainsi, contribuer de manière sûre aux finances de l'Etat.

On nous parle de niches fiscales; mais qu'est-ce donc que des niches fiscales lorsqu'elles touchent toutes la même catégorie de contribuables, lorsque nous nous trouvons dans le canton qui taxe la fortune, impôt désuet, impôt qui touche en plein les contribuables genevois à raison de 1% ? Eh bien il ne s'agit pas de niches fiscales, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'enclumes fiscales ! Et alors, que dire des palais d'économies que doit faire l'Etat ? Je ne suis guère étonné, aujourd'hui, de voir les socialistes et les Verts alliés dans la même démarche qu'ils avaient en l'an 2000, puis en l'an 2005, lorsqu'ils s'opposaient au frein à l'endettement fédéral ! Aujourd'hui, que nous montre la situation fédérale ? Que les finances fédérales sont assainies, que la fonction publique fédérale se porte bien, qu'elle est efficace, et que les revenus des fonctionnaires fédéraux ne cessent d'augmenter ! Et les prestations fédérales, qu'en est-il, Mesdames et Messieurs les députés ? Elles se portent parfaitement bien ! Il n'y a eu aucune coupe ! Vous nous rejouez le même jeu que vous avez joué en 2000 au niveau fédéral, en pleurnichant - excusez-moi du terme ! - et en nous disant que nous allons couper dans les prestations de l'Etat... Ce n'est pas vrai. La démonstration fédérale est faite, il faut de la rigueur, il faut être responsable, et c'est dans ce camp-là que nous sommes.

Mais alors, que s'est-il passé à Genève ? Eh bien, à Genève, nous avons un ministre des finances qui semble ne pas craindre un exode fiscal vers le canton de Vaud, canton de Vaud qui applique le bouclier fiscal dont nous parlons aujourd'hui. Alors je pose franchement la question - que j'ai d'ailleurs posée à plusieurs reprises dans d'autres textes, mais j'y reviendrai: quelle gestion des risques avons-nous lorsque nous avons, comme l'a démontré le député Dal Busco, une pyramide fiscale extrêmement fragile, une fragilité extrême des revenus de l'Etat, avec 50% des contributions qui reposent sur 4% des contribuables ? Expliquez-moi l'équilibre ! Cette fragilité extrême est insupportable; il faut un maintien de l'équilibre, il faut une prévisibilité fiscale, il faut, en définitive, travailler sur l'ensemble de la fiscalité pour que celle-ci soit attractive non pas dans un domaine fiscal ou dans un autre. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser fermement ce projet de loi.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce serpent de mer a des effets collatéraux tout à fait détestables, on l'a entendu tout à l'heure. La discussion sur la fiscalité est par définition une discussion intéressante, mais elle réclame, de la part de celles et ceux qui veulent en parler, un minium de bonne foi. Ce n'est pas ce que j'ai entendu de la part de mes collègues des bancs d'en face. Lorsqu'une députée - vous transmettrez, Monsieur le président - parle de revenir à la réalité, soit ! Mais cela suppose, alors, que l'on ne donne non pas les chiffres relatifs mais aussi les chiffres absolus de celles et ceux qui profitent de ce bouclier fiscal. Cela suppose aussi que l'on s'intéresse, à Genève, à un autre bouclier fiscal: celui des 20% à 30% de la population qui ne paient aucun impôt et qui profitent en plein de l'entier des prestations de l'Etat ! On ne peut pas s'occuper que d'un extrême sans s'occuper de l'autre ! Ou alors, effectivement, on est dans l'arbitraire !

Ensuite, deuxième point, lorsque Mme la numéro deux vient nous parler, ici, de la progressivité de l'impôt comme étant une espèce de vertu cardinale, je réponds franchement: non ! Vous postulez que l'impôt doit être progressif... Mais il y a d'autres manières de calculer l'impôt qu'à travers une échelle progressive ! Où l'on demande à ceux qui font le plus d'efforts et qui gagnent le plus d'être le plus solidaires des autres !

Troisième point: parler de la fiscalité, c'est très directement parler de l'efficience de l'Etat. Les socialistes souhaitent augmenter la fiscalité. Mais pourquoi ? On nous a parlé de la culture, on nous a parlé du social, on nous a parlé de l'éducation... Bien évidemment, ce sont, pour certains d'entre eux, des fonctions régaliennes de l'Etat, mais faut-il, encore et toujours, continuer à remplir un seau dont chacun d'entre nous connaît le nombre de trous qui entraînent des fuites ? La réponse est non ! Une fiscalité plus forte, soit, mais pour un Etat plus efficient, et pas une fiscalité plus forte pour un Etat moins efficient. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la question de l'éventuelle levée du bouclier fiscal doit être absolument dépassionnée. (Rires. Remarque. Le président agite la cloche.) C'est une mesure qui a été introduite en 2009 dans les dispositions fiscales genevoises, à l'occasion de la baisse d'impôts du projet de loi 10199. Déjà à l'époque, une partie de ce Grand Conseil avait estimé que cette mesure spécifique méritait un débat à part, et ne devait pas être intégrée à cette réforme de la fiscalité dont l'objectif annoncé était de préserver et d'améliorer le sort de la classe moyenne.

Ici, on a affaire à une disposition qui protège en réalité les grandes fortunes. Il y a, par exemple, environ 80 contribuables genevois qui ont une fortune de plus de 100 millions de francs et qui bénéficient, grâce à ce bouclier fiscal, d'un rabais d'impôt qui s'élève à 180 000 F par an. Et je pense que c'est bien sur cette question qu'on doit placer le débat. Aujourd'hui, on a envie d'opposer le taux d'imposition des uns à celui des autres - pourquoi quelqu'un qui gagne 20 000 F par année aurait un taux d'imposition différent de celui qui gagne plusieurs millions par année ? En réalité, la question c'est quand même le revenu disponible à la fin du mois et si la personne est capable d'avoir une existence décente avec ce qui lui reste une fois qu'elle a payé, si possible, le minimum, c'est-à-dire son loyer, ses charges, son assurance-maladie, l'éducation de ses enfants. Dans ce sens-là, le bouclier fiscal peut quand même, aujourd'hui, être remis en question, surtout quand on entend un certain discours sur l'ampleur de la dette et sur le fait que certaines associations - les associations pour les femmes, les associations pour les handicapés - doivent faire des économies. Alors on fait économiser moins de 2000 F à Pro Infirmis sous prétexte de l'état des comptes du canton... On fait économiser 10 000 F aux associations pour les femmes, comme Viol Secours... Et puis, dans le même temps, on maintient ce bouclier fiscal qui préserve les fortunes supérieures à 5 millions de francs !... Mais si on dit qu'il faut un équilibre budgétaire, pourquoi ne pas envisager aussi de nouvelles recettes fiscales ? Pour les socialistes, la question mérite en tout cas d'être posée ! Il n'y a pas de dogme en la matière, on peut imaginer que des efforts doivent être faits pour améliorer l'efficacité de l'Etat, et les socialistes les ont toujours soutenus. D'ailleurs, l'an dernier, nous avions proposé plusieurs millions d'économies dans le projet de budget 2012: le PLR et les autres partis n'en ont pas voulu, ma foi, nous le regrettons ! Mais il n'y a pas de tabou, on doit aussi pouvoir se demander si la suspension du bouclier fiscal n'est pas une mesure susceptible d'améliorer les comptes du canton de Genève et, aussi, de contribuer à réduire la dette. A l'époque - nous avions d'ailleurs déjà soulevé cela - la baisse d'impôts, qui coûtait 400 millions de francs par an, était certainement trop élevée compte tenu de l'état de la dette du canton. Aujourd'hui, si notre parlement acceptait ce projet de loi, c'est de toute façon le peuple qui devrait trancher; on peut donc aussi lui faire confiance et voir ce qu'il en pense ! Est-ce qu'il estime que c'est un effort supplémentaire injuste pour une certaine catégorie de la population, et donc qu'il faudrait refuser cette proposition ? Ou, à l'inverse, est-ce que l'effort supplémentaire qu'on demande à certains privilégiés - essentiellement moins de 1000 personnes - mérite d'être fourni, afin de préserver certaines prestations à la population, dans les domaines de l'éducation, de la santé, des prestations sociales ?... (Remarque.) Et de la sécurité, bien entendu ! La question mérite d'être posée. Moi, je n'ai pas de tabou. On peut dire qu'à Zurich des gens sont partis, en même temps on peut rétorquer que d'autres sont arrivés, qui sont des contribuables qui, eux, paient des impôts, donc... Je pense que la question du bouclier fiscal doit être posée à la population.

Nous vous invitons à soutenir ce projet de loi, afin que la population puisse trancher pour ou contre cette disposition. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jacques Jeannerat, après quoi nous ferons une pause ! Vous avez la parole, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. Difficile de parler d'un projet de loi sur la fiscalité sans donner quelques chiffres ! Je vais répéter certains de ceux qui ont été donnés par M. dal Busco, parce qu'ils sont importants.

Il faut savoir qu'à Genève, Mesdames et Messieurs, avec la loi actuelle, moins de 1% des contribuables - je parle de l'impôt sur le revenu - paient 25% de l'impôt, et... (Brouhaha.) ...pour la fortune, moins de 1% des contribuables paient 50% de l'impôt - vous trouvez ces chiffres sur le site de l'OCSTAT. Donc il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, Mesdames et Messieurs !

C'est sûr qu'en adoptant votre projet de loi, qui consiste à enlever ce bouclier fiscal ne serait-ce que pour deux ans, eh bien l'exode des plus riches est assuré ! Parce que plus on est riche, plus on a une capacité importante à se délocaliser et à aller ailleurs. Et au fond, sur le principe même, vous avez raison, Monsieur Deneys: Il faut prendre l'argent là où il est. Il faut effectivement le prendre chez les riches. Mais il ne faut pas prendre plus d'argent auprès des riches ! Il faut prendre de l'argent auprès de plus de riches ! Il faut attirer les gens !

Au fond, le groupe radical est favorable à une attractivité, plutôt qu'à l'exode des gros contribuables. Et je suis convaincu, Monsieur Deneys, que, au contraire, le bouclier fiscal va permettre d'attirer des gens et, donc, de continuer à augmenter les recettes fiscales ! Vous y êtes tellement favorables ! Eh bien, c'est justement par le maintien du bouclier fiscal que nous allons attirer des gens qui ont une certaine capacité financière mais qui ne seront pas affolés, parce qu'ils ne seront pas sacrifiés sur l'autel de la fiscalité ! Pour conclure, nous vous recommandons le rejet de ce projet de loi.

Une voix. Bravo. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, je suspends les débats.

Fin du premier débat et deuxième débat: Session 06 (mars 2013) - Séance 36 du 21.03.2013

M 2133
Proposition de motion de Mmes et MM. Vincent Maitre, Fabiano Forte, Guy Mettan, Anne Marie von Arx-Vernon, Béatrice Hirsch, Serge Dal Busco, Michel Forni : Des solutions pour une nuit genevoise attrayante et sans vacarme !

La proposition de motion 2133 est retirée par ses auteurs.

Le président. Nous reprenons nos travaux à 10h !

La séance est levée à 9h40.