Séance du vendredi 27 janvier 2017 à 14h
1re législature - 3e année - 12e session - 66e séance

M 2173-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Yves de Matteis, Esther Hartmann, Magali Origa, Catherine Baud, Sophie Forster Carbonnier, François Lefort, Miguel Limpo, Anne Mahrer, Emilie Flamand-Lew, Brigitte Schneider-Bidaux : Amélioration des conditions de vie de personnes en situation de handicap ou souffrant de maladies ou de syndromes par l'instauration d'une carte handicap
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 15 et 16 décembre 2016.

Débat

Le président. Sur l'objet suivant, je passe la parole à M. le député Christian Frey.

M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. La commission des affaires sociales avait longuement parlé de cette motion - trop longuement, selon certains - avec beaucoup d'auditions, et surtout des auditions d'associations de personnes concernées. Dans la réponse du Conseil d'Etat à la motion, on trouve à la page 5 cette phrase: «La carte devrait aisément pouvoir être mise en oeuvre [...] sans validation par un organe de l'administration cantonale.» Or, avec ce point-là, on vide complètement la motion de sa substance. La situation à partir de laquelle cette motion a été écrite est celle d'une personne atteinte du syndrome de Gilles de La Tourette, qui provoque des comportements qui peuvent être vus comme menaçants, gestes brusques ou réactions de tout le corps. La personne concernée par ce syndrome se trouve vis-à-vis des représentants de l'autorité publique - nous pensons bien sûr à la police ou à tout autre représentant, des gardiens, des responsables de parking, etc. - dans une situation où il faut absolument une validation officielle de son syndrome. Sans celle-ci, les choses risquent même d'empirer. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste propose de refuser ce rapport et de le renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il imagine une forme de validation simple. Il est trop facile de dire, comme cela figure à la fin du rapport: «Le Conseil d'Etat estime que la poursuite des réflexions entamées doit être menée par les associations concernées» elles-mêmes, qui connaissent mieux la situation spécifique des personnes. C'est refiler la patate chaude, c'est ne pas tenir compte du fait que ces associations ont déjà des cartes, que chacune des organisations les fait un peu à sa manière, et qu'il faut absolument une validation pour que ces cartes aient une signification et rendent service, facilitent la vie des personnes en situation de handicap. Il s'agit de trouver une solution à ce problème, c'est la raison pour laquelle nous proposons le renvoi de son rapport au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Il est certain que tout cela est parti d'une très bonne intention: la volonté de défendre les personnes handicapées. Un effort très important est fourni par l'Etat. La carte de reconnaissance est un élément important, mais on a vu en commission que c'était difficilement praticable d'avoir une carte unique; c'est finalement très complexe et pas nécessairement du ressort de l'Etat, mais du ressort d'associations privées qui ont des besoins souvent très différents. Je pense donc que vouloir s'acharner sur cette question est une erreur. Il y a d'autres combats à mener: un combat pour trouver des moyens visant à donner suffisamment de places et de moyens aux institutions qui doivent accueillir des personnes qui ont des handicaps très lourds. Il faut aussi se concentrer sur cet élément-là pour ne pas régresser, il faut aller à l'essentiel. Avoir une carte est important, mais il faut peut-être laisser aux diverses associations qui existent et font un excellent travail le soin de s'en occuper, accessoirement par une collaboration avec le département, bien évidemment. Mais il me semble qu'il y a d'autres enjeux que celui-ci, même si c'est un enjeu important. C'est d'abord aux associations de s'en occuper selon leurs besoins spécifiques, en fonction des divers handicaps.

Mme Frédérique Perler (Ve). Le groupe des Verts est un peu déçu par la réponse du Conseil d'Etat. Lors des travaux en commission, il avait lui-même proposé un certain nombre d'amendements qui avaient été largement acceptés par la commission, et surtout, il avait été dit durant les travaux que le Conseil d'Etat trouverait une solution avec les associations pour élaborer cette carte handicap. La réponse qui nous est donnée par le Conseil d'Etat est un peu décevante dans le sens qu'on peut comprendre, à lire le rapport, qu'au fond, le Conseil d'Etat s'en remet aux associations: qu'elles se débrouillent pour se réunir et élaborer une proposition. J'ai un peu de peine avec ce type de réponse, alors que nous avions reçu un certain nombre d'assurances en commission et que nous étions pleins d'espoir par rapport à cette démarche, et les associations se retrouvent à présent livrées à elles-mêmes. En effet, dans les invites modifiées, il est précisé que cette carte aurait pu être validée par un service: c'était dans le domaine du possible, d'après le conseiller d'Etat chargé de ces questions. D'où notre déception. Cette réponse alambiquée ne nous convient pas et nous proposons de la retourner au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, voilà une motion évidemment empreinte de bonnes intentions. Comme l'a très justement rappelé M. le député Frey, elle a été déposée sur la base d'un fait divers douloureux: une personne souffrant du syndrome de Gilles de La Tourette avait été brutalement maîtrisée par les forces de l'ordre, qui ne comprenaient pas que son comportement était dû à une atteinte mentale. On peut se poser la question de savoir comment éviter ce genre de traumatisme, puisque les personnes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui souffrent de ce type de syndrome - heureusement peu répandu dans notre république - sont d'autant plus traumatisées qu'elles sont atteintes dans leur santé. Est-ce que la carte handicap est la réponse à ce type de question ? Le simple bon sens fera comprendre à chacun que malheureusement, même si la personne en question avait été porteuse d'une carte handicap qui aurait permis d'expliquer la cause de son mal, une fois que la police l'avait immobilisée voire placée dans un fourgon cellulaire, c'était trop tard pour se rendre compte qu'en réalité cette personne ne présentait pas de danger pour autrui. C'est la raison pour laquelle nous sommes arrivés à la conclusion que c'est véritablement au sein des associations, qui se trouvent au centre de l'action sur le terrain, que des solutions doivent être trouvées. Il y a évidemment la formation, mais les travaux en commission ont justement montré que la police suit des cours dans ce domaine pour être attentive à certains types d'atteintes mentales ou psychiques... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui ne sont pas dangereuses pour autrui mais peuvent avoir une apparence de dangerosité.

La solution proposée par le département peut paraître décevante dans la mesure où celui-ci ne vous dit pas qu'il va faire une carte pour handicapés ou qu'il va mettre son tampon sur des cartes pour handicapés présentées par les associations, mais il faut être réaliste: d'abord, créer ces cartes implique d'avoir une connaissance directe de la pathologie, avec tout ce que cela implique par rapport au secret médical, bien sûr, et au contrôle de la véracité des indications qui figureraient sur la carte. Ensuite, comment cette carte pourrait-elle être présentée ? Il faudrait presque qu'elle soit portée visiblement autour du cou pour que chacun puisse se rendre compte qu'il s'agit d'une carte handicap et qu'avant de faire quoi que ce soit pour cette personne, il faut s'assurer de son contenu, ce qui ne serait pas toujours simple, évidemment. Si l'on veut un tampon, il faut évidemment des fonctionnaires qui le mettent; mais il ne s'agit pas simplement de donner un coup de tampon, il s'agit bien sûr de vérifier le contenu des informations. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je pense que nous avons à Genève un réseau associatif particulièrement riche dans le domaine de la santé, et du social aussi, d'ailleurs: il faut que ce réseau, qui est sensible à cette question - comme à celle du transport des personnes handicapées, dont on parlera à une autre occasion - s'organise précisément pour donner des solutions, l'Etat devant, quant à lui, jouer un rôle de facilitateur. Je vous demande donc de ne pas renvoyer ce texte en commission, car nous n'arriverions pas à aller plus loin que les présentes conclusions. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons été saisis d'une demande de renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Je vous invite à voter sur ce renvoi.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2173 est rejeté par 43 non contre 39 oui.

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2173.