Séance du jeudi 27 août 2015 à 14h
1re législature - 2e année - 7e session - 47e séance

M 2251
Proposition de motion de Mmes et MM. Olivier Cerutti, Serge Hiltpold, Jean Romain, Bertrand Buchs, Murat Julian Alder, Raymond Wicky, Bénédicte Montant, Daniel Zaugg, Frédéric Hohl, Patrick Saudan, Nathalie Fontanet, Pierre Ronget, Simone de Montmollin, Pierre Weiss, Beatriz de Candolle pour favoriser la production indigène des fenêtres
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 19 et 20 février 2015.

Débat

Le président. Nous arrivons à la proposition de motion 2251. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à son auteur, M. Olivier Cerutti.

M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, faut-il rappeler que l'Etat de Genève a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'était pas en mesure de respecter le délai fixé au 31 janvier 2016 par la RCI pour procéder au changement des vitrages des bâtiments dont il est propriétaire et se mettre en conformité avec les exigences de la nouvelle loi sur l'énergie ? (Remarque.) Il est indispensable de maintenir l'égalité de traitement avec les privés en différant cette échéance pour eux aussi. Oui, Mesdames et Messieurs, voilà où se trouve l'enjeu de cette proposition de motion. Outre les difficultés rencontrées par de nombreux propriétaires pour procéder à ces changements de vitrages d'ici le 31 janvier 2016, il faut également considérer la capacité de production locale. Il est certainement peu opportun de favoriser l'importation de fenêtres préfabriquées en PVC alors que la réalisation de ces fenêtres pourrait être confiée à des artisans genevois et effectuée avec des matériaux plus adaptés, la question de l'impact écologique des matériaux utilisés étant globalement aussi importante que celle de l'assainissement thermique. Effectivement, Mesdames et Messieurs, on pourrait facilement transformer bon nombre de ces fenêtres dont les ossatures sont aujourd'hui en bois et qui sont parfois en relativement bon état, en y introduisant des vitrages isolants, alors que ce processus d'assainissement des vitrages est largement en cours et que la mise en conformité ne concerne plus qu'une partie minoritaire du parc immobilier privé. La preuve de ces éléments est l'indice de dépense de chaleur, l'IDC. Nous avons parlé à plusieurs reprises cet après-midi des IDC. Je vous rappellerai que les IDC ont été mis en place à l'époque par le conseiller d'Etat Maitre sous dérogation du Conseil fédéral. En l'espèce, c'était M. Ogi qui avait autorisé à ne pas mettre en place de décompte individuel de frais de chauffage; en revanche, nous devions inscrire un seuil dans la loi. Celui-ci avait été fixé à 600 mégajoules par mètre carré de surface chauffée et l'on voit aujourd'hui que cette cartographie du canton existe et qu'elle est unique au monde, car seul le territoire de Genève connaît les IDC de ses bâtiments de plus de cinq logements. Compte tenu de ces éléments, la réglementation au 31 janvier 2016 devrait être repoussée - c'est le but de cette motion - afin de respecter l'égalité de traitement entre les privés et l'Etat. A ce stade, un renvoi au Conseil d'Etat qui, lui, pourrait prolonger ce délai par voie réglementaire me paraît beaucoup plus opportun qu'un renvoi à la commission des travaux. Je vous laisse le soin d'en débattre et vous remercie de l'accueil que vous réserverez à cette motion.

Mme Bénédicte Montant (PLR). Comme l'a expliqué son premier signataire, cette motion déposée en janvier 2015 pointe la difficulté à respecter les délais imposés par le RCI pour mettre en conformité technique les vitrages dans notre canton conformément aux exigences de l'article 16 de la loi sur l'énergie. Si cette difficulté est ressentie par les propriétaires privés et par les institutionnels, comme l'a également relevé le premier signataire, elle l'est aussi par l'Etat, ainsi que par les entreprises qui peinent à répondre à la demande. Les délais étaient connus, c'est vrai, mais force est de constater qu'aujourd'hui, un grand nombre de foyers et d'institutions n'arriveront pas à respecter le délai du 31 janvier prochain pour arriver à se mettre en conformité. Qu'allons-nous faire ? Les amender, alors que l'Etat lui-même n'arrive pas à se montrer exemplaire en respectant ce même délai et qu'il n'en a - soit dit en passant - pas vraiment les moyens ? Il ne s'agit certainement pas de remettre en cause la nécessité de ce procédé, mais juste de revoir le délai imparti. Cette motion pose un grand nombre de questions, dont celle de l'égalité de traitement. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues, le parti libéral-radical vous recommande de la renvoyer pour examen à la commission des travaux.

M. Jean-Louis Fazio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste soutiendra le renvoi de cette motion à la commission des travaux pour étude. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En effet, bien que cette loi ait été promulguée depuis plus de vingt ans, il est impossible pour les quatre-vingts entreprises de menuiserie implantées dans le canton de parvenir d'ici au 31 janvier 2016 à mettre en conformité l'entier du parc immobilier genevois. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Un exemple: rien que pour mon entreprise, un immeuble représente trois semaines de travail pour deux ouvriers. Si on veut tenir les délais, c'est la porte ouverte aux entreprises slovaques, lituaniennes et polonaises avec des employés payés à 10 euros de l'heure, qui dorment dans des hôtels Formule 1, comme c'est le cas actuellement. On estime encore à 20% le parc immobilier privé à isoler. Depuis trois ans, les propriétaires ont pris le problème à bras-le-corps, puisque nous, toutes les entreprises de menuiserie, nous croulons sous les demandes de devis. Un report de trois ans serait donc le bienvenu afin de laisser le temps aux propriétaires, à l'Etat de Genève et aux entreprises genevoises de procéder aux changements de vitrages. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'aimerais par ailleurs souligner que toutes les entreprises genevoises respectent les CCT. Je vous remercie.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Voilà plus de vingt ans quand même ! C'est de 1989, Mesdames et Messieurs, que date cette obligation d'assainissement énergétique pour les doubles vitrages ! Nous sommes en 2015, et je pense qu'il faut un certain toupet pour avancer l'argument du manque de matières premières ! En vingt ans, je pense que la matière première a déjà fait le tour du monde ! C'est pour cela que le MCG s'opposera à cette motion qui est vraiment déplacée et inadmissible. Je vous rappelle que vous venez de voter une motion 2150 signée par les Verts et les socialistes invitant à faire réaliser par les propriétaires les travaux de rénovation énergétique obligatoires. Si vous acceptez la présente motion, c'est qu'il y a quand même un problème à Genève. Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)

M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai déjà évoqué ce matin la thématique: il est vrai que cette loi a été votée il y a passablement d'années, mais toujours est-il qu'elle fixait des termes, comme vous l'avez relevé, et que certains se sont pliés à ces exigences et ont mis en place des politiques d'assainissement de leurs bâtiments alors que d'autres ne l'ont pas fait en espérant la motion de ce jour, en se disant: «On va reporter parce que de toute façon, ils n'auront pas les moyens et l'Etat non plus n'aura pas les moyens d'appliquer cette politique. Donc ils nous donneront trois ans, six ans, voire dix ans, pourquoi pas ?» Notre groupe n'est pas favorable à reporter le délai. (Remarque.) En revanche, il s'agit d'appliquer cette politique de manière judicieuse et de ne pas décider - par exemple parce qu'on rencontre des problèmes patrimoniaux - qu'on doit maintenant doubler le vitrage de, je ne sais pas, la cathédrale ou...

Une voix. La salle du Grand Conseil !

M. Rémy Pagani. ...la salle du Grand Conseil, par exemple ! (Commentaires.) C'est complètement stupide ! Mais c'est ce qui est demandé d'ailleurs, par une application un peu stricte, j'ose le dire - je ne veux pas donner le nom de l'office cantonal chargé d'appliquer cette loi. Il ne s'agit pas non plus de la faire appliquer dans des bâtiments utilisés très rarement le soir et qui n'ont pas besoin d'être assainis au sens de la loi telle qu'elle est rédigée. Il faut aussi prendre en considération les cas où des rénovations d'ampleur - je pense par exemple à la Cité-Jonction - doivent être réalisées: on ne va pas changer les vitrages maintenant pour procéder ensuite aux rénovations dans cinq ou six ans ! C'est complètement absurde ! Il s'agit donc d'avoir une application intelligente, et de même, de ne pas reporter le délai et de faire en sorte que ceux qui ont respecté ce délai soient rassurés. Parce que pour eux aussi, il y a une injustice: on leur a dit qu'ils seraient pénalisés, ils ont fourni les efforts et les autres ne seront pas pénalisés ! Il s'agit donc d'appliquer cette loi de manière intelligente et je compte sur la perspicacité du conseiller d'Etat et du Conseil d'Etat en général pour appliquer cette loi avec toute la rigueur qui s'impose mais l'intelligence aussi. Je vous remercie de votre attention.

Mme Danièle Magnin (MCG). Quand j'ai lu le texte de cette motion, je me suis dit: tiens ! Cela me rappelle la fable du lièvre et de la tortue: «rien ne sert de courir, il faut partir à point». Cela m'a rappelé aussi cette maxime de droit romain - je vais vous la citer en français: «personne n'est entendu en train d'alléguer sa propre faute». Or c'est bien le cas de ceux qui proposent cette motion, qui disent: «On ne l'a pas fait jusqu'à maintenant parce qu'on s'en est bien fichu, alors il faut nous accorder un plus long délai.» Et pendant ce temps, qui paie ? Ce sont les habitants des immeubles concernés qui doivent payer des factures de chauffage faramineuses, et franchement, ce n'est pas juste ! C'est d'autant moins juste que les propriétaires auront le droit de répercuter une partie des frais sur les loyers, mais pour autant que la consommation d'énergie et son coût baissent grâce à cela. C'est pourtant très simple à faire ! Si, ma foi, des fenêtres devaient venir de Pologne, c'est que la Pologne effectue en ce moment toutes les boiseries parce que leurs forêts sont gigantesques, parce qu'ils font des agglomérés, etc.

Une voix. Et la main-d'oeuvre !

Mme Danièle Magnin. La main-d'oeuvre, c'est le prix de la main-d'oeuvre en Pologne !

Une voix. C'est des frontaliers !

Mme Danièle Magnin. Mais faites venir vos cadres de Pologne et effectuez le travail de la pose de vitrage, au lieu simplement de ne rien faire ! (Commentaires.) Je trouve que c'est absolument inacceptable et que c'est se moquer de la population ! Dans un canton où une majorité des gens est locataire et non propriétaire, c'est un abus de position dominante ! (Remarque.) C'est un abus de la faiblesse des autres et nous ne soutiendrons en aucun cas cette motion. (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Daniel Sormanni pour quarante-trois secondes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit. Effectivement, cette loi a été votée en 1988, il y a déjà eu plusieurs prolongations... (Commentaires.)

Une voix. On n'entend rien !

M. Daniel Sormanni. ...à la demande des propriétaires. Il est à mon sens inutile de prolonger encore maintenant, autrement on ne va jamais terminer ! Par ailleurs, je crois qu'il faut veiller à ce que les bâtiments patrimoniaux soient préservés; c'est sauf erreur le travail des services du DALE et peut-être qu'il faut y veiller plus particulièrement.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Daniel Sormanni. Encore environ 20% des immeubles sont semble-t-il concernés, et je crois que c'est maintenant qu'il faut s'y mettre... (Commentaires.) ...et ce n'est pas cette façon de faire, et je termine là-dessus, qui va...

Le président. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni. ...relancer la production indigène de fenêtres !

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle une phrase très simple qui dit que l'énergie la plus propre est celle qu'on ne consomme pas. Aujourd'hui à Genève, on compte encore bon nombre de passoires énergétiques dont le potentiel d'économies d'énergie est énorme, un potentiel qu'il s'agit d'exploiter car cela représente un gain en termes de qualité de vie et, cela a été dit précédemment, un gain pour les habitants qui vivent dans ces logements. D'ailleurs, ma collègue me citait l'exemple d'une pétition qui avait été déposée à la régie d'un immeuble demandant que les doubles vitrages soient enfin installés dans cet immeuble et à laquelle la régie avait répondu: «Non, le délai est fixé bien plus tard, donc nous ne ferons rien.» Si on s'amuse à repousser le délai à chaque fois, on ne commence jamais à entreprendre les travaux, si bien qu'on se retrouve aujourd'hui, vingt ans après - même plus de vingt ans, je rappelle que cette clause a été introduite en 1989, alors que je n'avais qu'un an, donc vingt-six ans après - avec un déficit important puisqu'on n'a simplement pas commencé. (Commentaires.) Il s'agit donc aujourd'hui de mettre l'ouvrage sur le métier, de réaliser ces économies d'énergie, d'améliorer d'une manière importante la qualité de vie des locataires et de répondre aux enjeux énergétiques auxquels nous sommes confrontés.

J'aimerais revenir également, puisque c'est un des arguments de la motion, sur la question de l'exemplarité de l'Etat. Il me semble qu'on touche là un point intéressant; effectivement, il s'agit aujourd'hui de faire de la rénovation énergétique des bâtiments une vraie priorité de l'Etat. Je me réfère à la question écrite urgente 257 et profite de cette occasion pour interpeller le Conseil d'Etat à ce propos, puisque dans la réponse à cette question, on nous informait que «l'objectif est de proposer, d'ici à l'été 2015, une stratégie de mise en conformité globale et un plan de rénovation de ces bâtiments les plus énergivores». J'aimerais donc savoir ce qui est envisagé et quelle est la planification prévue. J'estime effectivement que l'enjeu du tournant énergétique, tout comme celui de la qualité de vie des habitantes et des habitants, doit être une priorité pour l'Etat et pour les privés. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). Produire local, pourquoi pas ? Produire à l'étranger, pourquoi pas non plus ? Quelle qualité de vie souhaitons-nous ? Souhaitons-nous une qualité de vie qui permette aux gens qui vivent dans ce canton de pouvoir continuer à travailler et de pouvoir continuer leurs activités ? Voulons-nous des bâtiments complètement hermétiques ou voulons-nous des bâtiments qui respirent encore un petit peu ? Voulons-nous prendre en considération l'énergie grise qui est l'énergie nécessaire à la production industrielle et qui se trouve, elle, à l'étranger ? Qu'aujourd'hui on remplace les anciennes fenêtres par des neuves en PVC qui arrivent par camions semi-remorques, parce qu'on ne prend pas le temps de le faire avec des vitrages tout simplement d'actualité, je trouve que c'est une erreur malheureuse. Tout comme l'est le fait de ne pas donner le temps à l'économie locale de se retourner et d'effectuer le travail...

Mme Emilie Flamand-Lew. Vingt-six ans ! (Rire.)

M. Olivier Cerutti. ...et de continuer de créer des inégalités de traitement entre le sieur Etat que nous représentons et nos privés qui nous permettent de travailler et de faire nos budgets. Mesdames et Messieurs, mon choix est clair: mon choix est d'accepter cette motion et de nous donner les délais, et ceci en est la raison. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Je n'entendais pas intervenir dans ce débat, mais... En politique, franchement, on a tous nos contradictions ! (Rires.) Mais entendre le MCG - je suis désolé, chers collègues - faire le panégyrique des entreprises étrangères... ! Parce que si on ne donne pas un délai aux entreprises locales... Ce ne sont pas les entrepreneurs qui sont responsables de cette situation. Eux, ils répondent à la demande. Alors, que certains propriétaires aient attendu, c'est possible !

Une voix. Tu m'étonnes !

M. Gabriel Barrillier. Mais entendre ma collègue Magnin dire - c'est ce que j'ai compris: «Vous comprenez, on ne veut pas leur donner un délai, parce qu'ils n'avaient qu'à faire !» Ce que j'ai compris, c'est que vous allez privilégier les entrepreneurs notamment de Haute-Savoie qui cherchent du boulot pour venir monter des fenêtres à Genève ! Alors, chers collègues, moi, je ne vous crois plus ! (Commentaires.) Non, mais je regarde ici ! (L'orateur désigne les bancs du MCG.) Deuxième remarque, vous avez peut-être appris qu'EgoKiefer... (Remarque.) ...un des producteurs les plus importants de fenêtres en Suisse, est en train de fermer et de délocaliser en Tchéquie, Pologne, Ukraine ou je ne sais où. Continuons donc comme cela, chers collègues MCG ! Mais moi, à l'avenir, quand vous me critiquerez sur le CEVA et l'adjudication à des entreprises étrangères, je ne vous croirai plus ! Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Rassurez-vous, cher collègue et préopinant Barrillier, l'UDC soutiendra cette motion et est même favorable à son renvoi direct au Conseil d'Etat et à ce qu'elle n'aille pas perdre son temps en commission. Mais vous permettrez que je vous rappelle, avec le sourire - c'est triste de sourire, parce qu'il est vrai que je reprends les paroles de ma préopinante MCG - qu'il y a quelque temps, tout le monde disait: «Non, non, les plombiers polonais, c'est bien qu'ils viennent, c'est normal !» Et nous, l'UDC, étions quasiment les seuls à soutenir le contraire. Nous nous retrouvons dans ce même cas de figure. Je sais, Monsieur Barrillier, que vous vous battez aussi pour maintenir les entreprises locales en essayant d'infléchir cette législation. L'UDC vous soutient, mais face à ces propos, nous ne pouvons pas nous empêcher d'être sarcastiques ! Vous venez de déplorer le fait que les gens vont délocaliser leurs entreprises, or vous êtes de ceux - du moins votre parti - qui au quotidien se positionnent en faveur d'une grosse immigration ! Je rappelle simplement qu'il y a l'immigration de pointe que certains de vos milieux souhaitent parce que les gens de chez nous ne sont prétendument pas assez pointus, d'accord; et puis il y a tout le reste: la petite main-d'oeuvre, les petits travailleurs qu'on avait auparavant et qui étaient prêts à aller travailler dans ces entreprises du bâtiment, ces entreprises de basse formation. Evidemment, vous acceptez qu'on les délocalise, alors que va-t-on faire avec ces gens ? Il serait peut-être temps de les renvoyer justement dans les pays concernés par la délocalisation que vous prônez. Mais je stigmatise. L'UDC vous recommande de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Finalement, le principal reproche que formule cette motion à l'endroit du Conseil d'Etat est qu'il impose à l'économie genevoise et aux privés un délai trop court pour leur permettre de réaliser les travaux nécessaires de mise en conformité du double vitrage d'ici le 31 janvier 2016. Mesdames et Messieurs, cela a été souligné à plusieurs reprises, le délai dont il est question a été introduit dans le règlement en 1989. 1989, souvenez-vous !

Une voix. T'étais pas né ! (Rires.)

M. Antonio Hodgers. Ronald Reagan terminait son mandat, le mur de Berlin était en place et paraissait inamovible. François Longchamp, il me le glissait à l'instant, avait vingt-six ans, n'était même pas entré dans l'administration, n'était même pas secrétaire général adjoint chez Guy-Olivier Segond et rêvait de la chute de l'Union soviétique, Union soviétique qui à ce moment-là semblait éternelle. (Commentaires.) Internet n'avait pas encore été inventé et n'en était même pas à ses balbutiements. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Pierre Maudet, quant à lui, ne pouvait pas rêver de devenir le doyen du Conseil d'Etat en se rasant tous les matins parce qu'il avait onze ans, il n'avait pas de barbe ! (Rires.) Vous remarquez donc que 1989, à l'échelle de ce que l'humanité a réalisé entre-temps, c'est de la préhistoire ! Or, durant ce délai, les acteurs économiques genevois n'ont pas eu le temps de s'organiser, visiblement - c'est ce que j'entends de leur part... (Commentaires.) ...pour réaliser peu à peu la rénovation des fenêtres selon une obligation qui a été introduite depuis lors et qui a été repoussée, Mesdames et Messieurs ! En effet, puisque le délai fixé en 1989 était de vingt ans, il nous portait à 2009 ! Or nous sommes bientôt en 2016 ! Le débat que vous tenez aujourd'hui a donc déjà eu lieu auparavant, avec une demande de report. Et que s'est-il passé vu que cette demande de report a accordé encore sept ans de sursis avant que cette obligation n'entre en vigueur ? Que s'est-il passé ? Rien ! Rien, vu que visiblement les fabricants de fenêtres sont aux abois ! Dans ce délai de trois ans, que va-t-il donc se passer ? Il n'y aura pas davantage de production de fenêtres ! (Commentaires.) On va repousser encore une fois et dans trois ans, nous aurons le même débat. (Remarque.) C'est ridicule, Mesdames et Messieurs !

Ce qui m'agace quand même dans cette affaire, c'est que le Conseil d'Etat a répondu de manière très claire à ce parlement qu'il n'entendait pas être plus conciliant à l'égard de lui-même - particulièrement à l'égard de mon collègue Dal Busco, en charge de l'office des bâtiments - qu'à l'égard de l'économie privée. Il n'y a pas d'inégalité de traitement entre le public et le privé, et ce qui a été dit par M. Cerutti est clairement faux. (Remarque.) Cela a été clairement indiqué dans la réponse à la question 257 de Mme Meissner qui portait sur ce sujet. Mesdames et Messieurs, pour répondre à M. Pagani, bien évidemment, le département appliquera cette obligation avec souplesse. C'est là la deuxième surprise de ce débat, car cette souplesse a été longuement négociée avec les milieux de la construction, avec la FMB notamment. Je suis quand même un peu surpris par le fait que d'un côté on se serre la main et on nous dit qu'on est d'accord, et que d'un autre ses représentants au parlement viennent nous dire que cela est impossible. Qu'avons-nous négocié ? Que d'ici le 31 janvier, tous les propriétaires doivent annoncer leurs intentions. Dans le meilleur des cas, ils ont réalisé les travaux de double vitrage et l'obligation est remplie, sinon ils doivent présenter à l'Etat un plan d'assainissement qui est fixé, qui peut bien évidemment dépasser l'horizon du 31 janvier 2016 et qui peut s'étaler sur plusieurs années. C'est de cette manière-là que l'OBA sera traité car, comme cela a été relevé, si un propriétaire public ou privé présente à l'office cantonal de l'énergie un plan d'assainissement et me dit: «Ecoutez, Monsieur Hodgers, dans quatre ans, on va revoir toute l'enveloppe du bâtiment, ce qui aura un impact énergétique positif beaucoup plus important que ce simple double vitrage», c'est bien évidemment plus intelligent et ce sera autorisé; le délai sera donné sans aucun problème. C'est de cette façon que nous allons traiter l'Etat de Genève, c'est-à-dire quand même plus d'un tiers de son patrimoine immobilier et du patrimoine au sens historique du terme. Là encore, il s'agit d'une autre source de dérogation possible. Evidemment, l'aspect patrimonial du bâtiment peut permettre toute une série de dérogations, soit temporelles, soit ayant trait aux normes obligatoires en matière de rénovation énergétique. La troisième dérogation possible concerne la disproportion économique. Je pense là notamment aux PME et aux petits artisans et commerçants qui occupent des arcades. (Commentaires.) Rénover une arcade coûte très cher. C'est très lourd pour les artisans et les commerçants. Dans ce cadre-là, une petite entreprise peut demander une dérogation de plusieurs années en expliquant que le surcoût économique engendré par l'installation d'un double vitrage est trop important par rapport à son activité. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Voilà, Mesdames et Messieurs, en gros, les trois types de dérogations possibles. Ce que nous demandons finalement à tous les propriétaires d'ici le 31 janvier 2016, c'est de s'annoncer et de nous faire part de leurs intentions. Je crois que cette obligation est raisonnable. Sinon, j'ai eu le même sentiment, pour ce qui est de la fable du lièvre et de la tortue. Mais dans l'histoire du lièvre et de la tortue, celle-ci part à temps et arrive avant le lièvre qui, lui, part plus tard. Or ici j'ai l'impression que c'est la tortue qui partirait plus tard ! (Rires.) Nous sommes donc carrément hors délai ! Je le dis donc très clairement: le Conseil d'Etat n'entend pas modifier ce délai. En revanche, il fera preuve de toute la souplesse et de toute l'intelligence nécessaires pour que cette mise en oeuvre s'étale sur plusieurs années. (Commentaires.) Nous ne sommes pas naïfs: nous savons très bien qu'on ne va pas se réveiller le 1er février 2016 avec tous les bâtiments en double vitrage, mais maintenant il faut arrêter. Cette motion décrédibilise l'Etat et compromet l'égalité de traitement vis-à-vis des propriétaires qui se sont conformés à ces normes. Je crois que nous devons maintenant appliquer l'accord que nous avons conclu avec les milieux de la construction et mener cette rénovation énergétique fondamentale pour baisser aussi les coûts de la consommation de chauffage de tous les locataires du canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais donc voter sur le renvoi de la proposition de motion 2251 à la commission des travaux.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2251 à la commission des travaux est adopté par 48 oui contre 33 non et 4 abstentions.