Séance du vendredi 8 mai 2015 à 15h
1re législature - 2e année - 5e session - 30e séance

P 1902-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Etudier dans des conditions décentes devrait être une priorité politique
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 7 et 8 mai 2015.
P 1903-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Rénovation d'Uni-Bastions pour les 150 ans de la pose de la première pierre en 2018
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 7 et 8 mai 2015.
P 1905-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition pour étudier dans des conditions décentes
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 7 et 8 mai 2015.

Débat

Le président. Nous nous penchons maintenant sur les objets liés P 1902-B, P 1903-B et P 1905-B. Je donne la parole à M. le député Olivier Baud.

M. Olivier Baud (EAG). Non, c'était pour le point précédent, Monsieur le président.

Le président. Bien, alors je la passe à M. Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes étonnés par ce rapport - enfin, pour ceux qui s'étonnent encore ! On parle tout de même de nos responsabilités quant aux conditions-cadres à offrir pour que la formation et l'éducation, seules richesses de ce pays, soient convenables. Voici ce qu'on nous dit aujourd'hui - je lis le premier paragraphe de ce rapport parce qu'il est extrêmement limpide: «Un important retard d'entretien a été accumulé durant les dernières décennies.» Or que s'est-il passé durant les dernières décennies ? La majorité de ce parlement a réduit les impôts de manière drastique, et nous nous trouvons aujourd'hui... (Exclamations.) Je poursuis: «Cette situation chronique de sous-investissement [...] se traduit aujourd'hui par des dysfonctionnements» - notez bien, des dysfonctionnements ! - «et des coûts d'entretien très importants.» Non seulement on a réduit les impôts et on n'a pas pris nos responsabilités en ce qui concerne l'entretien des bâtiments scolaires tant du cycle d'orientation que de l'université, mais en plus on a coupé drastiquement dans les effectifs qui nous auraient à tout le moins permis de maintenir les bâtiments à niveau. Maintenant, c'est un champ de ruines ! Je recommande à celles et ceux qui ont le sens des responsabilités... J'imagine que la majorité de ce parlement a le sens des responsabilités puisqu'une bonne partie des députés ont voté les réductions d'impôts et se retrouvent aujourd'hui devant cette responsabilité-là !

On nous dit qu'on a mis en place un instrument génial pour expertiser nos bâtiments. Mais, Monsieur le conseiller d'Etat, nous savons exactement dans quel état de vétusté se trouvent les bâtiments scolaires, ceux de l'université comme du cycle d'orientation ! Et on ajoute, de manière tout à fait ironique, qu'un coup de pinceau a été passé à la demande des parents parce qu'il était quand même désagréable de voir les bâtiments dans cet état. On a donc fait du replâtrage, on a mis sur une jambe de bois des choses qui ne tiendront pas. D'ailleurs, tous les investissements qu'on fait aujourd'hui ne sont que du replâtrage, j'ose le dire ! Cela revient même à jeter l'argent par les fenêtres: tant que nous n'aurons pas effectué un entretien systématique des structures - non seulement un entretien mais également un rattrapage d'entretien et une remise à niveau - nous ne parviendrons pas à mettre à disposition de celles et ceux qui ont besoin de se former, des générations actuelles - je ne parle même pas des générations futures - les conditions-cadres réclamées dans toutes ces pétitions. M. le député Olivier Baud l'a dit tout à l'heure en ce qui concerne l'enseignement: on se fout de la tête des pétitionnaires ! Là aussi, on se fout de la tête des pétitionnaires, notamment des parents qui réclament des conditions d'étude à peu près convenables, du cycle d'orientation à l'université.

Ensuite, cerise sur le gâteau, on nous dit - pas dans ce rapport, mais on l'entend - que le bâtiment d'Uni Bastions est tellement décrépi qu'on va laisser l'université gérer ça ! On va ainsi créer une armée mexicaine, c'est-à-dire qu'on va déléguer les compétences de l'Etat - il existe encore des fonctionnaires compétents à l'Etat pour organiser des travaux d'entretien minimal - à de grandes institutions qui vont constituer leur petit bureau d'études, leur petit bureau d'architecture, leur petit bureau de mandataires pour rénover des bâtiments qui devront de toute façon être rénovés - je parle d'Uni Bastions par exemple. Et ça ne va pas en finir parce que les fonctionnaires qui ont accumulé de l'expérience - il y a malgré tout encore des fonctionnaires compétents au sein de l'administration et notamment à l'OBA, c'est au moins le bien commun qu'il nous reste - vont en être dépossédés pour la remettre à d'autres qui, eux, recommenceront les choses à zéro et referont les erreurs que commettent tous les maîtres d'ouvrage au moment où ils mettent en place des structures de ce genre. Non seulement on constate dans ce rapport l'état de décrépitude - encore une fois, j'ose le dire - dans lequel se trouvent une majorité des bâtiments en relation avec l'enseignement, mais on organise quasiment une débandade ! On évoque aussi les Ports francs et le fait qu'on pourrait leur confier cette tâche. Les Ports francs, l'université, pourquoi pas l'hôpital, voire l'aéroport ?! Ah non, l'aéroport, c'est déjà fait ! Tout ça n'a aucun sens.

A Ensemble à Gauche, nous sommes pour que l'Etat assume au moins ses responsabilités de base, à savoir mettre à disposition des enseignants, des élèves et des parents des conditions de formation acceptables et qu'on ne se retrouve pas avec des toits percés, des chaudières qui ne fonctionnent pas et tout ce qui est écrit là-dedans. (Remarque.) Vous avez beau protester, Madame, c'est inscrit tout à fait explicitement, et je vous recommande de lire ce rapport. Je remercie d'ailleurs les fonctionnaires qui l'ont rédigé parce qu'ils ont tout au moins fait un état clair et net de la situation. Nous demandons que l'Etat arrête... Ah oui, il y a encore un nouveau système qu'on nous met en avant, c'est le frein à l'endettement: voilà ce qui va nous arriver si on entretient ces bâtiments convenablement, on va se retrouver dans un mécanisme encore pire que ce qui est prévu. Vous avez donc vidé les caisses de l'Etat, et maintenant vous nous garantissez de maintenir... (Commentaires.) Monsieur Sormanni, c'est la même chose: vous nous garantissez de maintenir ces bâtiments dans un état lamentable ! Il faut que les parents, les élèves et les enseignants le sachent. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)

Mme Isabelle Brunier (S). Le parti socialiste, quant à lui, a décidé de voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. S'il est vrai que, pendant des années et en fonction de restrictions budgétaires, les budgets alloués à l'entretien des bâtiments en général et scolaires en particulier ont été rabotés, ce rapport montre tout de même une prise de conscience de la part du Conseil d'Etat, qui engage - il a d'ailleurs déjà engagé - des travaux de reprise en main, si je puis dire, de ces bâtiments scolaires: il a en effet lancé un système d'organisation, de priorisation des travaux à effectuer ainsi qu'établi une stratégie. De ce point de vue là, ce qu'on entend nous donne plutôt envie de lui faire confiance.

J'aimerais simplement rappeler, et le groupe socialiste avec moi, que l'effort ne doit pas se relâcher, non seulement de la part de l'exécutif mais également du législatif que nous sommes. Il conviendra donc de se souvenir qu'il ne s'agit pas simplement de lancer les travaux en cette année 2015, mais qu'il faudra les poursuivre durant de nombreuses années pour rattraper le retard accumulé, tout en assumant les nouvelles constructions comme l'école de commerce de Frontenex, dont la première pierre a été posée la semaine dernière. Dans cette enceinte, nous devrons ainsi voter quand ce sera le moment les crédits qui nous seront demandés et ne pas oublier, nous non plus, les belles promesses que nous pouvons faire aux pétitionnaires. (Quelques applaudissements.)

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Les Verts prennent acte de ce rapport. Comme les socialistes, ils saluent la volonté de combler l'immense retard pris dans l'entretien des bâtiments publics, la décision de consacrer 60% du crédit de renouvellement 2015-2019 aux travaux de rénovation, la constitution d'un répertoire de vétusté - disons-le ainsi - de même que la séparation des budgets de transformation et de rénovation, qui va améliorer l'efficacité de la gestion. Les Verts se réjouissent de la priorité - 135 millions en cinq ans et 56,25% des montants totaux - accordée à la rénovation et aux investissements dans les bâtiments scolaires.

Nous demeurons toutefois très vigilants quant à l'application de ces engagements car nous partageons pleinement la conclusion du rapport, que je me permets de citer: «L'école doit être de qualité pour tous les enfants et les jeunes de l'école genevoise, sans exception et en tout point du territoire, afin qu'elle puisse continuer à jouer son rôle d'ascenseur social.» A cet égard, le fait que les travaux de rénovation du collège Rousseau n'aient pu être entièrement réalisés, à cause d'un problème de budget semble-t-il, forme un signal inquiétant, comme d'ailleurs la planification des investissements scolaires qui prévoit que les prochains bâtiments seront consacrés à l'enseignement secondaire II ou au tertiaire alors que très vraisemblablement, d'ici cinq ou six ans, nous aurons besoin d'un cycle sur la rive gauche. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que j'hallucine quand j'entends un certain discours - vous transmettrez à M. Pagani, Monsieur le président. Je pense que nous devons entretenir notre patrimoine, nous devons entretenir les écoles, et tout ça a commencé. En tout cas, si les crédits sont présentés devant ce Grand Conseil, le groupe MCG les votera. Il est absolument primordial que les écoles soient en bon état et accueillantes pour nos élèves.

Mais pour donner des leçons au Grand Conseil, il faut être exemplaire ! Or, Monsieur Pagani, avez-vous entretenu le patrimoine de la Ville de Genève ? Non ! (Commentaires.) La Ville de Genève a-t-elle baissé ses centimes additionnels, les recettes ont-elles diminué ? Non ! Les logements de la Ville de Genève ? Il y en a pour un milliard de travaux en retard ! Parlons de certains immeubles: 90 millions de travaux viennent d'être votés pour ceux des Minoteries parce qu'ils n'ont jamais été entretenus, et il y a encore ceux de la Cité-Jonction et d'Ernest-Pictet - j'en passe et des meilleures. Alors je crois que pour donner des leçons, il faut d'abord être exemplaire, et vous ne l'êtes pas alors que vous avez les moyens de l'être !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani. J'ai été mis en cause, Monsieur le président !

Le président. Non, vous n'avez pas été mis en cause. Je rappelle que nous sommes ici au Grand Conseil, pas au Conseil municipal. La parole est à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, merci tout d'abord à celles et ceux qui ont pris la parole pour dire qu'ils voulaient faire confiance au Conseil d'Etat; c'est en effet ce que nous vous demandons. Ce rapport établit la vérité dans toute sa simplicité, et sa complexité aussi. La situation n'est pas brillante, vous l'aurez compris, mais nous nous engageons à essayer de la rétablir. Comment allons-nous faire ? En affectant des montants dans le crédit de renouvellement, en l'occurrence 80 millions par année - dans un monde idéal, on pourrait, on devrait pouvoir en affecter davantage que ce que nous prévoyons - mais de manière plus précise, plus ciblée, plus efficace. Par exemple, 60% des moyens à disposition sont maintenant destinés exclusivement aux rénovations. A l'office des bâtiments, nous nous sommes par ailleurs récemment dotés d'outils de gestion spécifiques, qui devraient nous permettre de rendre réellement chaque franc dépensé beaucoup plus efficace que par le passé. Nous fondons donc de grands espoirs de ce côté-là.

Le problème, c'est que le cadre général, d'un point de vue financier, est malheureusement obéré, limité. Je me tourne vers M. Pagani ainsi que vers M. Baud, qui évoquait tout à l'heure des mouvements syndicaux: j'ai aperçu, dans le cadre des actions du début de cette année et de la fin de l'année dernière, des tracts des milieux qu'au demeurant vous représentez, indiquant que la dette était une illusion comptable. Je me suis ainsi employé à expliquer que tel n'était pas le cas, et j'en veux pour preuve le fait que les 230 à 240 millions d'intérêts que nous payons chaque année - c'est fort heureusement limité parce que les taux d'intérêt sont bas - correspondent à la construction de trois cycles d'orientation flambant neufs par an. Il faut juste rappeler ce genre de chiffres. Si nous n'avions pas ces 240 millions à payer, nous pourrions faire plus, beaucoup plus, ce qui est nécessaire en l'occurrence. C'est un rappel que je tenais à faire. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il est pris acte du rapport sur ces trois pétitions.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur les pétitions 1902, 1903 et 1905.