Séance du vendredi 23 janvier 2015 à 15h
1re législature - 2e année - 1re session - 3e séance

P 1874-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition pour des places en institution pour les personnes handicapées qui en ont besoin
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.

Débat

M. Christian Frey (S). Vous vous souvenez tous de cette pétition, acceptée à la quasi-unanimité de ce Grand Conseil et renvoyée au Conseil d'Etat. Le rapport que nous avons reçu mentionne un certain nombre de choses positives pour améliorer la situation des places manquantes. N'empêche qu'il y a aussi des points à compléter. Si l'augmentation des subventions octroyées aux EPH est significative - vous l'avez lu dans le rapport du Conseil d'Etat, elle est à saluer - on relève également un élément plutôt négatif, à savoir que la destination précise des places créées ou à créer n'est pas spécifiée: de quel type de places s'agit-il ? S'il s'agit de places d'atelier, ça n'a pas du tout la même signification que s'il s'agit de places d'hébergement ou, comme on dit dans le jargon, d'hébergement avec occupation, c'est-à-dire une prise en charge complète. Toujours par rapport au manque de places, il est par ailleurs mentionné une possibilité étonnante, celle de placements extra-cantonaux. Aux dernières nouvelles, chaque canton se replie sur lui-même; cette possibilité demeure ainsi assez théorique dans la mesure où chaque canton s'occupe prioritairement de ses propres besoins.

Ensuite, le principal élément qui pose problème dans ce rapport, c'est que la planification 2015-2018 n'est pas du tout explicitée; on reste malheureusement dans des généralités. Pourtant, la planification pour les prochaines années existe, mais elle n'est d'aucune manière mentionnée en termes de type de places à créer, de nombre de places à ouvrir. Un certain nombre de chantiers sont effectivement en cours, mais les questions demeurent: quand ces places vont-elles être ouvertes, de quelles places s'agit-il et pour quel type de handicap, quelles personnes vont pouvoir être accueillies ?

Il est également à noter - et c'est extrêmement positif - la création d'une plateforme interdépartementale pour une politique transversale du handicap. En effet, le handicap n'est pas un problème seulement social; il concerne bien sûr le DEAS mais aussi les autres départements, pour l'accessibilité, la mobilité. La mise en place de cette plateforme est donc à saluer. Ce qu'on peut éventuellement regretter, c'est qu'il n'y ait pas d'aspect participatif à cette plateforme. Il serait en effet utile que les associations de personnes concernées - je pense à Insieme, à Cerebral - puissent, d'une manière ou d'une autre, donner leur avis à partir du terrain. Les parents savent exactement de quoi leur enfant ou leur proche a besoin.

En résumé, ce rapport est à saluer. Nous ne demanderons pas son renvoi au Conseil d'Etat pour les précisions concernant la planification, qui est un élément essentiel. Les parents qui ont déposé cette pétition veulent des places pour leurs enfants, comme cela est spécifié autant dans la législation fédérale que cantonale. Pour clarifier les points qui sont encore à préciser, le groupe socialiste vous propose de renvoyer ce rapport à la commission des affaires sociales, qui est compétente dans ce domaine, de manière qu'elle puisse dans la mesure du possible recevoir les pétitionnaires et voir avec eux quels sont les problèmes concrets qui se posent. Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce rapport à la commission des affaires sociales. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai bien évidemment entendu ce qui vous est demandé. Cela fait déjà un certain temps que cette pétition a été déposée puisqu'elle remonte au mois de juin 2013. Au sein du Conseil d'Etat, nous partageons la préoccupation des pétitionnaires; il est évident qu'une place adaptée pour chaque personne handicapée est une question prioritaire. Par contre, il ne faut pas oublier que la notion de personne handicapée n'est pas uniforme: il y a des polyhandicapés, des handicapés mentaux, des handicapés psychiques, des handicapés physiques... Pour chaque type de handicap, il faut une structure adaptée.

Si l'on vous dit que l'on ouvre dix places d'accueil sans préciser exactement pourquoi elles sont ouvertes, quelle est la spécificité de l'institution qui les met à disposition ni quel type de handicap celle-ci est en mesure d'accueillir, la réponse est naturellement insuffisante. Il faut qu'il y ait une adaptabilité des places au sein des institutions, et nous y travaillons. J'ai entendu dire que l'on ne savait pas exactement quel type de places avaient été ouvertes. Vous trouvez quand même, en page 4 du rapport, un tableau qui vous indique l'évolution des places selon les spécificités, que ce soient des homes avec occupation, des homes seuls, des ateliers, des centres de jour ou un accueil avec encadrement hôtelier.

Ce qu'il faut savoir, c'est que nous disposons d'une commission cantonale d'indication, qui reçoit les dossiers et examine les institutions qui seraient en mesure d'accueillir la personne souffrant d'un handicap spécifique ou de polyhandicaps. Il y a malheureusement - la presse s'en fait parfois l'écho - des situations où les familles de ces personnes handicapées se déclarent insatisfaites, ne pouvant trouver une place qui, selon elles, serait adaptée. Récemment, nous avons pu découvrir dans les médias le témoignage d'une mère qui, dans une déclaration très touchante, disait qu'elle souhaitait que sa fille soit accueillie dans une institution spécifique mais que celle-ci n'avait pas de place pour elle. Or il se trouve que la commission cantonale d'indication avait proposé à cette famille une place dans une autre institution qui, elle, était disposée à recevoir cette personne handicapée, mais cela ne correspondait pas aux voeux de la famille.

Il faut reconnaître qu'il y a une sous-occupation de ces institutions, certes modeste, mais néanmoins réelle, puisque le taux d'occupation n'est que de 97%: il y a donc encore une marge de manoeuvre pour recevoir des personnes. Or, bien souvent, soit la place n'est pas adaptée, soit elle ne correspond pas aux voeux - voeux respectables, légitimes, bien sûr - de la personne concernée. Il va de soi qu'un Etat doit faire son maximum, mais il ne peut pas forcément offrir à chacun une place là où cette personne souhaite aller. Nous avons la même problématique, vous le savez, en matière d'EMS. Laissez donc l'Etat faire son travail ! Vous savez que nous sommes en période de planification sanitaire, dans laquelle nous intégrons aussi les EPH, établissements accueillant des personnes handicapées. Le Grand Conseil, par l'intermédiaire de sa commission de la santé, va être saisi, dans le premier semestre de cette année, du rapport pour la planification des quatre prochaines années. Ne surchargez donc pas inutilement le travail des commissions et, indirectement - même si nous sommes à votre service - celui de l'administration, car c'est un sujet sur lequel nous travaillons déjà. Laissez-nous simplement le temps de faire ce travail. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'appelle les députés à voter sur la proposition de renvoi à la commission des affaires sociales.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1874 à la commission des affaires sociales est adopté par 76 oui contre 5 non et 4 abstentions.