Séance du jeudi 15 mai 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 8e session - 47e séance

P 1874-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Des places en institution pour les personnes handicapées qui en ont besoin
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 28 et 29 novembre 2013.
Rapport de majorité de M. Cyril Aellen (PLR)
Rapport de minorité de M. Melik Özden (S)

Débat

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

Le président. Nous abordons le point suivant, la P 1874-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de minorité ad interim est M. Christian Frey. Je passe la parole au rapporteur de majorité, s'il souhaite s'exprimer ? (Remarque.) Monsieur Aellen, vous avez la parole.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Une pétition, si elle est infondée, on la classe; si elle révèle un problème qui n'est pas traité par l'Etat ou qu'elle fait part d'une carence grave, on la renvoie au Conseil d'Etat en demandant à ce dernier d'agir rapidement; si elle met en évidence un souci légitime mais correctement pris en charge par l'Etat, on la dépose sur le bureau du Grand Conseil, et c'est cette dernière solution que la commission, dans sa majorité, propose. En effet, la seule invite de la pétition se réfère à l'article 39, alinéa 2 de la nouvelle constitution, et demande à l'Etat d'appliquer la loi. Nous avons donc procédé à l'étude de cette pétition, à l'audition des pétitionnaires, à l'audition du département, et nous sommes arrivés à la conclusion que même si l'Etat pouvait faire mieux - l'Etat peut toujours faire mieux - la loi était correctement appliquée. C'est la raison pour laquelle, en application des principes énoncés en début de mon exposé, il est proposé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Christian Frey (S), rapporteur de minorité ad interim. Le 27 juin 2013, la pétition intitulée «Des places en institution pour les personnes qui en ont besoin», portant 3102 signatures, a été apportée au Grand Conseil par plus de cent personnes, essentiellement des membres de familles concernées. Le président du Grand Conseil d'alors, M. Gabriel Barrillier, a accueilli les pétitionnaires pendant une pause du Grand Conseil, et leur a assuré que ce cénacle ferait tout pour répondre aux besoins légitimes des parents et des familles en question.

La pétition de la FéGAPH repose sur des bases légales claires; le rapporteur de majorité en a cité une, c'est la constitution genevoise. Il n'a pas cité la loi fédérale sur les institutions en faveur de l'insertion des personnes handicapées qui, depuis la nouvelle RPT, donne aux cantons l'obligation de faire face aux besoins dans le domaine du handicap. La question qui se pose maintenant est celle de savoir si, d'une part, les besoins à Genève sont couverts, et d'autre part si le département concerné a pris les mesures nécessaires. Nous n'allons pas nous embarquer dans une bataille de chiffres; effectivement, en 2013, les pétitionnaires disaient qu'il manquait cinquante places en internat, en résidence - je dis bien en résidence, nous ne parlons pas de places en atelier ni en centre de jour. Actuellement, la FéGAPH et les pétitionnaires indiquent qu'il manque cent places dans la perspective de 2015. De quoi s'agit-il ? L'ouverture de 24 places dans une fondation bien connue qui s'appelle Clair Bois était prévue en 2015. Ces 24 places ne vont pas être ouvertes en 2015, elles le seront au minimum au deuxième semestre 2016. Il y a donc effectivement un problème qui se pose, non pas de manière générale mais par rapport aux places de résidence. Les personnes les plus en difficulté sont effectivement celles qui sont en clinique psychiatrique, comme les pétitionnaires l'avaient relevé, c'est-à-dire les personnes qui ont une déficience mentale liée à des problèmes de comportement, des problèmes psychiatriques. La commission des affaires sociales, dans sa première séance de la nouvelle législature, a eu l'occasion de visiter Kaolin, une unité spécialisée des EPI qui accueille justement ces cas extrêmement difficiles. Cela a fait froid dans le dos à certains; c'est ce type de places qui manque à Genève. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, il s'agit de trouver des solutions; il n'y en a ni pour 2014 ni pour 2015, et nous devons renvoyer cette pétition...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Christian Frey. ...au Conseil d'Etat. Il faut donner des réponses concrètes et non pas affirmer que les besoins sont couverts et que le département s'en occupe.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Nous, les Verts, avons un peu de peine à comprendre pourquoi la majorité ne souhaite pas renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Tout le monde en commission a admis, d'après le rapport, qu'il y avait effectivement un manque de places en résidence pour les personnes handicapées qui en ont besoin. Mais certains préfèrent ne rien faire ! Et ce n'est même pas une question d'argent, parce qu'il a été expliqué en commission que finalement cela coûtait beaucoup plus cher d'avoir des solutions intermédiaires telles qu'actuellement et d'envoyer les gens dans des structures inadaptées - qui, très souvent, se trouvent être l'hôpital psychiatrique - plutôt que de les placer dans une institution adéquate et spécialisée qui leur conviendrait beaucoup mieux. Donc si ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de quoi ? On peut se demander si c'est de l'hypocrisie ou du non-respect, j'espère que ce n'est aucun des deux mais j'attends toujours de comprendre.

Placer des personnes dans des structures inadaptées coûte cher, comme je l'ai expliqué, et socialement cela représente aussi des difficultés pour elles. Vous imaginez bien que si vous avez besoin d'être dans une institution spécialisée pour votre problème, l'hôpital psychiatrique ne va pas vraiment vous aider, au contraire; cela va vous couler encore un peu plus. C'est très difficile aussi pour les familles, qui soit se retrouvent à devoir s'occuper de la personne concernée, soit sont dans l'incompréhension quant à la prise en charge de leurs proches. Ce n'est pas possible. La constitution et la loi fédérale demandent un accès aux soins pour tous, mais comme d'habitude rien ne se fait parce que la majorité ne veut pas utiliser les moyens nécessaires pour vraiment améliorer la situation des personnes qui ont besoin de se faire traiter ou soigner.

Ce qui est vraiment essentiel, il faut quand même le rappeler, c'est de pouvoir intégrer les personnes en situation de handicap dans la société; d'ailleurs, si on le faisait correctement, cela libérerait des places en plus grand nombre, ce qui serait bien. Malheureusement, certains ont besoin, soit pour des périodes courtes soit pour des périodes plus longues, de séjourner dans une structure d'accueil et de résidence. Le rôle de notre société, normalement, est de ne pas laisser les gens de côté; c'est finalement ce qu'on est en train de faire de plus en plus souvent, hélas. Pourtant, cette pétition ne demande pas grand-chose; elle demande une prise en charge adéquate et une place en institution pour chaque personne qui en a besoin. Je pense que la renvoyer au Conseil d'Etat n'a vraiment rien d'audacieux, c'est simplement normal. Et si c'est le choix entre une structure ou une autre qui vous fait peur, et le fait qu'on ne puisse pas accepter de toutes les financer, nous avons pour notre part quelques propositions à vous soumettre...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée.

Mme Sarah Klopmann. ...et nous nous réjouissons de les partager avec vous ! (Quelques applaudissements.)

M. Jean Romain (PLR). Monsieur le président, chers collègues, Mme Klopmann vient de dire: «Comme d'habitude, rien ne se fait.» Je ne crois pas que sur un pareil sujet il y ait lieu de créer une polémique. C'est un sujet délicat, un sujet difficile, et fort heureusement des choses se font. Ces dernières années, on a constaté une augmentation des places et des montants de subventions. Il y a encore actuellement des places vacantes dans le dispositif en faveur des personnes handicapées, et ces places vont continuer à être ouvertes dans les années à venir. Le département oeuvre à trouver des solutions de prise en charge de ces personnes, et le Conseil d'Etat fait son travail tout à fait correctement, à ce que nous avons pu voir en commission. Je ne suis donc pas d'accord de dire que d'habitude rien ne se fait, et on se référera, pour s'en convaincre, aux deux objets dont les rapports ont été signés par Mme von Arx-Vernon, le projet de loi 11294 pour jeunes mineurs et pour les personnes majeures, et le projet de loi 11295 seulement pour les personnes majeures: l'un demande 295 millions et l'autre 513 millions, et nous les avons acceptés. Certes, nous pouvons sans doute faire beaucoup mieux, mais dire que nous ne faisons rien, je crois, n'est pas juste, et le dépôt est la voie que nous réserverions, en tout cas au sein du PLR, à cette pétition.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Saudan pour une minute et vingt-sept secondes.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'éthique d'une société se mesure à la manière dont elle s'occupe des personnes les plus fragiles qui la composent, et la pétition 1874 a mis en exergue le fait qu'il manquait environ cinquante places pour des personnes handicapées dans les structures appropriées. On a un problème de démographie, qui est aussi lié au fait que l'Etat s'est beaucoup mieux occupé des handicapés au cours des dernières années, et donc que ceux-ci vivent plus longtemps ! Je vous rappelle que les trisomiques 21 n'arrivaient simplement pas à l'âge adulte il y a encore trente ans, alors que maintenant ils arrivent à l'âge AVS.

Par ailleurs, le problème est aussi celui de la structure des ressources humaines. Comme tous les membres de la commission des affaires sociales, j'ai été très ému par la visite de l'appartement Kaolin, que vous avez cité, Monsieur Frey. Mais vous avez oublié de dire que l'appartement Kaolin, ce sont six résidents, des autistes graves, et 12,5 équivalents plein temps. Donc ce n'est pas qu'une question financière, c'est aussi une question de structure de ressources humaines. L'Etat ne peut pas tout - en tout cas il ne peut pas tout, tout seul, nous en sommes persuadés. De nombreuses solutions intercantonales ont été mises en place, mais c'est vrai que quelquefois, les autres cantons...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député.

M. Patrick Saudan. ...ont les mêmes problèmes qu'à Genève et doivent nous renvoyer des résidents genevois. De 2009 à 2013 - et là je m'inscris en faux quant aux propos de Mme Klopmann - l'Etat genevois a augmenté de 15% ses subventions...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Patrick Saudan. ...et ses places, tant en hôpital de jour qu'en résidence. (Commentaires.) Pour nous, cette pétition doit donc être déposée sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG soutiendra les propos du rapporteur de minorité, M. Frey, qui a très bien expliqué la situation. Aujourd'hui, on ne reproche pas à l'Etat de ne pas faire le nécessaire, parce que l'Etat le fait; mais il ne le fait pas assez. On a besoin d'aller de l'avant. Vous venez de le dire, Monsieur Saudan, les personnes victimes de handicap vieillissent, donc cela crée un plus grand besoin; la population augmente, mais malheureusement on ne va pas au même rythme et on ne fournit pas les institutions nécessaires. On a parlé, il y a encore quelque temps, des appartements adaptés aux handicaps, car l'Etat en manque également; et vous aviez soutenu, Mesdames et Messieurs, le renvoi de la pétition sur ce sujet au Conseil d'Etat. Alors pourquoi ne soutenez-vous pas celle-là? Pourquoi ne pas fournir un peu plus de places à ceux qui en ont besoin ? Vous appuyez les appartements mais pas la mise à disposition de places ? Nous, au MCG, nous tenons à ce que nos concitoyens victimes d'un handicap aient un endroit pour se loger, un endroit pour vivre, car ils méritent le soin de l'Etat. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, je crois que les autres membres de la commission des affaires sociales l'ont précisé, effectivement, la visite de la résidence Kaolin était particulièrement émouvante. J'aimerais cependant dire ici que Kaolin est une belle structure, que les gens peuvent y vivre de manière décente, mais que ce n'est pas une suite au Kempinski ! Ce n'est pas un duplex au centre-ville ! C'est une institution qui permet à des adultes d'avoir une vie un minimum convenable.

Maintenant, j'entends que vous refusez le principe de la création de places supplémentaires pour adultes, et je précise bien qu'il s'agit du principe. Mais alors, quel est le plan B ? Si effectivement une société se mesure à l'aune de la façon dont elle traite les plus faibles, alors à ce moment-là, notre société doit au moins avoir un plan B. Et le plan B, pour ces personnes frappées par la malchance dans leur chair ou dans leur santé mentale, il est simple: c'est la camisole de force et l'hôpital psychiatrique, quand ce n'est pas l'enchaînement à un lit ! C'est ça, le plan B ! Je ne comprends donc pas votre réticence. Ici on ne parle pas d'un problème budgétaire; on sait qu'il va y avoir un coût, mais la pétition demande déjà qu'on entérine le principe. Ce principe, c'est un principe humain qui est la base de notre société, et à mon sens on doit absolument l'accepter ! On ne peut pas aller contre !

Sur le problème du budget et de la dépense, ou sur le problème de l'argent en général, peut-être que cela va sembler un peu bizarre dans la bouche d'un UDC mais je tiens quand même à vous dire - et mon groupe me soutient en la matière - que depuis qu'il n'y a plus de parité sur l'or, c'est du papier qu'on échange tous ! Alors je veux bien qu'on le sacralise, mais quand on sait que les échanges internationaux représentent douze fois ce que peut produire la planète à l'heure actuelle, on doit avoir une réflexion sur la vraie valeur de l'argent et la vraie valeur de l'humain. (Commentaires.) Je pense que sur l'aspect budgétaire et financier de ces structures, nous pouvons montrer nos réticences à vouloir faire des économies. Et si des groupes comme l'UDC veulent que l'Etat fasse des économies sérieuses dans sa gestion, ce n'est pas forcément pour mettre l'argent de la poche droite à la poche gauche; c'est justement pour que l'Etat puisse remplir ses missions prioritaires. Et s'occuper des plus faibles en fait partie. L'UDC soutiendra donc ce projet. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Chères et chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites, et je me suis réjoui de les entendre. J'aimerais déjà remercier ce parlement d'avoir accepté de traiter cette pétition en urgence. Pourquoi ? Parce que comme on l'a dit, elle a été déposée il y a presque un an, et le problème devient de plus en plus pressant. Et il nous a semblé, au sein du groupe socialiste, qu'elle méritait un traitement rapide et sans délai. La date d'aujourd'hui est également symbolique à d'autres titres, notamment par rapport à l'entrée en vigueur, aujourd'hui, pour la Suisse, de la convention de l'ONU sur les droits des personnes handicapées. Cette convention prévoit en particulier à son article 19, lettre b, que les Etats parties veillent entre autres à ce que les personnes handicapées aient accès à des «services à domicile ou en établissement [...] y compris l'aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s'y insérer et pour empêcher qu'elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation». Dans cette convention, il y a quand même l'idée première de l'intégration; c'est évident qu'on va privilégier l'hébergement à domicile - on a parlé des logements tout à l'heure - et on va privilégier aussi les solutions intermédiaires. Mais ce n'est pas valable pour tout le monde; il y a malheureusement des personnes qui ne peuvent pas être prises en charge dans un tel cadre et pour lesquelles des places en résidence doivent être prévues.

Le rapporteur de majorité a cité l'article 39, alinéa 2 de la constitution, je me permets de préciser sa citation. L'article 39, alinéa 2 de la constitution genevoise, qui dans quinze jours sera entrée en vigueur depuis une année, dit que «toute personne a droit aux soins et à l'assistance personnelle nécessaires en raison de son état de santé, de son âge ou d'une déficience». Comme cela figure aussi dans le rapport de majorité, le directeur chargé du handicap au département de l'action sociale, M. Blum, a déclaré clairement que la pétition pointait des problèmes réels. Et ce que l'on observe, c'est que depuis son introduction, ce ne sont plus cinquante personnes qui sont en liste d'attente mais plus d'une centaine. Face à cela, on nous parle de 47 places prévues dont 24 ne viendront qu'en 2016. On voit donc qu'il ne s'agit pas de dire que l'Etat ne fait rien, mais que l'effort n'est pas suffisant et qu'il doit se poursuivre. Certains ont mentionné les deux lois de crédit qui ont été votées...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.

M. Cyril Mizrahi. ...pour les indemnités - je vais conclure, Monsieur le président - c'est-à-dire les PL 11294 et 11295: j'aimerais simplement rappeler qu'il s'agit d'indemnités de fonctionnement, et un effort supplémentaire est demandé aujourd'hui à l'Etat pour créer de nouvelles places. Je vous remercie donc de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je suis indignée, et je me suis un peu emportée tout à l'heure parce que j'ai entendu quelque chose d'absolument scandaleux de la part de ma charmante collègue Verte, qui voulait faire croire qu'on ne faisait rien ! Monsieur le président, c'est inacceptable de laisser dire une chose pareille. Cette pétition a été étudiée avec attention, avec respect, avec une réelle prise en compte des besoins, et personne ne refuse de les reconnaître. Des crédits ont été votés, cela a été dit, et ce sont des choses qui sont d'une évidence telle que je ne connais pas, ici, un seul groupe politique qui dirait qu'il ne faut pas voter de crédits pour ce type de problème et les besoins de ces personnes en situation de handicap. Alors aujourd'hui, Monsieur le président, que l'on dépose cette pétition sur le bureau du Grand Conseil ou qu'on la renvoie au Conseil d'Etat, c'est la même chose ! Les projets sont dans le pipeline... (Commentaires.) ...et ça reviendra au même ! En réalité, on peut très bien faire croire qu'on va aller plus vite si on renvoie cette pétition au Conseil d'Etat, mais c'est faux ! Les choses sont déjà engagées par le Conseil d'Etat, les crédits sont déjà votés ! On peut avoir besoin de crédits supplémentaires, mais tout ça va se faire, c'est une évidence. Alors Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous sommes face à une réalité et qu'il faut arrêter de faire semblant; que ce soit renvoyé au Conseil d'Etat ou déposé sur le bureau du Grand Conseil, c'est exactement la même chose, parce que nous sommes tous convaincus qu'il faut continuer à développer ce qu'il y a de mieux pour les personnes en situation de handicap. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Si voter le renvoi au Conseil d'Etat ou voter le dépôt était la même chose, je ne vois pas très bien ce que nous ferions ici, ou alors nous perdrions énormément de temps. (Commentaires.) Il y a bien une différence fondamentale, à la fois dans le traitement mais aussi dans le signal qui est donné, et c'est la vraie question aujourd'hui. Je crois que nous nous accordons tous à dire que l'Etat ne fait pas rien, mais l'Etat ne fait pas suffisamment pour répondre aux besoins de la population qui aujourd'hui est en situation de handicap, et ne trouve pas de réponse aux besoins qui sont les siens. Alors quel est le message qu'on veut transmettre ? Qu'on a déjà assez donné et qu'on ne peut pas faire plus ? Cela alors que dans ce même parlement, il nous est arrivé d'entendre des choses quand même relativement surprenantes: qu'est-ce que c'est que quelques millions pour couvrir le déficit de la traversée de Vésenaz ! La traversée de la rade, on en a absolument besoin, qu'importe le coût, il nous la faut ! Par contre, pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, aujourd'hui on dit qu'on a assez fait et qu'on n'a pas les moyens de faire plus. C'est inacceptable ! Un parlement comme le nôtre ne peut pas se satisfaire de ce type de réponse; il y a des gens qui sont en situation de détresse aujourd'hui, et des familles sont épuisées parce qu'elles n'ont pas le support dont elles devraient pouvoir bénéficier ! Alors puisqu'il vous arrive de pouvoir dire «qu'est-ce que quelques millions», il s'agit ici, dans ce parlement, de décider à quoi on les attribue, à quels besoins ils doivent répondre en priorité. C'est pourquoi nous vous invitons à renvoyer ce texte au Conseil d'Etat ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts, pour une minute et quarante-deux secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Combien ?

Le président. Une minute et quarante-deux secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste compléter ce qui a été dit par mon collègue. Evidemment, nous sommes complètement d'accord de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Cependant, il nous semble qu'après avoir entendu un certain nombre de familles à la commission des affaires sociales, en ayant regardé et évalué les besoins, on se rend compte qu'on apporte quand même un type de réponse totalement insatisfaisant. Ce n'est pas que le Conseil d'Etat fasse ceci ou cela bien, un peu, beaucoup, passionnément ou à la folie. Personnellement je dirai que le problème qu'on a aujourd'hui est passionnément important. La détresse des familles qui ont des enfants dans le canton de Vaud, un autre ailleurs, trois à la maison, est invraisemblable; c'est un gymkhana incroyable pour arriver tout simplement à ce qu'on prenne en charge, à un moment donné, leur enfant. L'enfant devient adolescent, il devient adulte, et il devient adulte vieillissant; qu'est-ce qu'on a prévu pour cette population ? Il me semble qu'il y a dix ans, quinze ans, vingt ans, puisqu'on est champions de la planification, on a fait une planification socio-sanitaire très importante. Mais qu'est-ce qu'on a fait - et vous dites qu'on a déjà fait beaucoup - pour les personnes handicapées ?

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. J'ai envie de dire que par rapport à la souffrance existante et à la situation des parents qui sont à côté, on a fait juste ce qu'on pouvait pour assurer une sorte de minimum. Tout le reste est absent et à créer. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bertrand Buchs, pour une minute et trente-six secondes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je pense que quoi qu'on vote ce soir, c'est la suite qui est importante. Il faudra être attentifs à ce que le Conseil d'Etat nous propose, et comme nous devrons faire des arbitrages au niveau du budget, des investissements, et que les choses ne sont pas évidentes, eh bien le Grand Conseil devra accepter de faire des choix et privilégier certaines choses par rapport à d'autres. On ne pourra pas tout faire. Et moi je suis extrêmement sensible au fait qu'on aide les gens et les familles non seulement des personnes handicapées, mais aussi les familles de personnes qui ont une maladie, les familles qui se sentent dépassées par les événements et qui ont besoin d'aide. Mais il faudra bien vous rappeler que si vous demandez ça, il y a d'autres choses qu'on ne fera pas parce qu'il faut mettre des priorités. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur, vous voulez prendre la parole ? (Remarque.) Il vous reste une minute et quarante-huit secondes.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Vous m'avez volé une séance complète, donc je prendrai un peu plus qu'une minute et quarante-huit secondes. (Rires.) J'ai entendu certaines choses que je n'ai pas dites: je n'ai jamais dit que l'Etat ne pouvait pas faire mieux; j'ai même spontanément précisé, au début de ce débat, que l'Etat pouvait faire mieux, et j'espère qu'il fera mieux. Certains ont affirmé que nous avions peur. Mais non ! Nous n'avons absolument pas peur. Ce que nous ne voulons pas, c'est utiliser la cause des handicapés pour prendre des postures politiques, comme le font en particulier ceux assis sur le banc situé derrière moi... (Commentaires.) ...qui, dans le cadre des commissions, proposent et votent le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, mais qui, quand il faut aller devant l'ensemble du Grand Conseil, le cas échéant devant les journalistes, viennent nous expliquer que finalement ils ont changé d'avis, uniquement par posture.

Nous avons eu l'occasion, depuis la nouvelle législature, de nous prononcer trois fois sur la cause des handicapés. Une première fois dans le cadre du budget, où deux modifications ont été demandées: d'abord par la droite au profit des plus faibles à l'Hospice général, mais cela a été refusé par la gauche, et par la gauche pour des annuités, ce qui a été refusé par la droite. La deuxième fois, c'était pour des subventions aux personnes handicapées...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Cyril Aellen. ...pour quatre ans, et cela a été voté aux extraits, sans qu'aucun de ceux qui donnent aujourd'hui des leçons pour dire qu'on ne fait pas assez ait déposé un seul amendement. Aujourd'hui, les handicapés méritent beaucoup plus que cette versatilité de certains; ils méritent beaucoup plus que cela, et je compte sur le Conseil d'Etat pour continuer à prendre en charge correctement la cause des handicapés. Je pense qu'il fera plus, je pense qu'il fera mieux...

Le président. Je vous remercie...

M. Cyril Aellen. ...pas forcément avec plus de budget, mais j'ai confiance. Raison pour laquelle cette pétition doit être déposée sur le bureau du Grand Conseil. (Quelques applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Anne Emery-Torracinta. ...en l'absence de Mauro Poggia, qui participe à une conférence intercantonale, je vais vous donner la position du Conseil d'Etat, qui accueille avec bienveillance cette pétition et vous recommande de la lui renvoyer pour que nous puissions vous donner toutes les explications sur ce qui se fait actuellement, et surtout sur ce qui devra se faire ces prochaines années, peut-être dans l'urgence ces prochains mois. Qu'en est-il réellement ? Je crois, Madame Klopmann, qu'on ne peut effectivement pas dire que le Conseil d'Etat ne fait rien; le gouvernement a agi, depuis des années, mais on assiste au vieillissement de la population handicapée - M. Saudan l'a d'ailleurs bien dit - et donc à une réelle augmentation des besoins.

De surcroît - et cela n'a peut-être pas été assez dit ici - ce qui est frappant, c'est que la population handicapée qui a besoin de places en institution est essentiellement composée de personnes ayant à la fois une grosse déficience intellectuelle et des troubles importants du comportement. Ils ne peuvent donc pas rester dans leur famille. Et ce type de situation est plutôt en augmentation. Ce qu'on constate depuis quelques années, c'est l'accroissement des handicaps lourds, des handicaps qui nécessitent des prises en charge toujours plus importantes. Pour ces personnes, c'est par dizaines, effectivement, que les places manquent. Et plus on tarde, plus cela deviendra compliqué, plus cela deviendra coûteux de les créer. Il est donc urgent, effectivement, que l'on se saisisse de cette problématique, et il me semble, par rapport à cela, que la meilleure chose à faire est que vous nous renvoyiez cette pétition.

Enfin, une remarque encore, même si vous avez dit beaucoup de choses et que je ne veux pas revenir sur les différents points: le manque de places dans les institutions pour adultes a des incidences dans le département que je dirige. En l'occurrence, actuellement, nous constatons, dans les structures pour adolescents, notamment à l'office médico-pédagogique, que nous avons un certain nombre de jeunes de 18, 19, 20 ans, qui devraient quitter ces structures, qui devraient aller dans des structures pour adultes, mais que nous devons garder. Et en réalité, nous avons un manque de places maintenant, et je vais certainement devoir revenir prochainement, avec le Conseil d'Etat, pour demander des moyens aussi pour les structures pour adolescents. Soyons donc clairs: si on veut répondre aux besoins, cela ne va pas se faire sans moyens. Cela nécessitera aussi des choix politiques, et je souhaite également que dorénavant - parce que j'ai le sentiment qu'une majorité d'entre vous va accepter le renvoi au Conseil d'Etat - une majorité d'entre vous puisse soutenir les budgets que le Conseil d'Etat lui présentera à ce propos. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. (Remarque.) Monsieur Spuhler, vous n'avez plus de temps de parole. (Commentaires. Exclamations.) Vous n'avez pas été mis en cause. S'il vous plaît ! (Remarque.) Non, vous n'avez pas été mis en cause. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter les conclusions du rapport de majorité, qui sont le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1874 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 64 non contre 21 oui et 3 abstentions.

Le président. Je vais donc vous faire voter les conclusions du rapport de minorité, c'est-à-dire le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1874 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 67 oui contre 5 non et 17 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)