République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.

Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées. (Une partie de l'assemblée, à la droite du président, chante le «Cé qu'è lainô». Applaudissements.)

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Murat-Julian Alder, Christo Ivanov, Patrick Malek-Asghar, Philippe Morel, Youniss Mussa, Patrick Saudan et Raymond Wicky, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Jean-Pierre Pasquier, Philippe Perrenoud, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.

Annonces et dépôts

Néant.

Q 3914-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de Boris Calame : Qu'en est-il de la dangerosité, des mesures envisagées et du remplacement des dalles de verre de surface à la gare de Chêne-Bourg du Léman Express (CEVA) ?
PL 13024-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Cyril Mizrahi, Pierre Vanek, Thomas Bläsi, Nicolas Clémence, Badia Luthi, Grégoire Carasso, Marc Falquet, Salika Wenger, Diego Esteban, Jean Batou, Léna Strasser, Glenna Baillon-Lopez, Rémy Pagani, Charles Selleger, Romain de Sainte Marie, Jocelyne Haller, Christian Zaugg sur les rives du lac et des cours d'eau (LRives)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 3 et 4 novembre 2022.
Rapport de majorité de M. Vincent Subilia (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Amanda Gavilanes (S)
Rapport de deuxième minorité de M. David Martin (Ve)
Rapport de troisième minorité de M. Rémy Pagani (EAG)
Rapport de quatrième minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons le traitement des urgences avec le PL 13024-A, classé en catégorie II, soixante minutes. Monsieur Vincent Subilia, vous avez la parole.

M. Vincent Subilia (PLR), rapporteur de majorité. Soixante minutes, c'est bien ça ?

Le président. Oui, vous disposez de six minutes en tant que rapporteur et de six minutes sur le temps de votre groupe.

M. Vincent Subilia. Parfait, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, après les intonations patriotiques de notre beau cantique genevois, dont la gauche entend nous priver, c'est d'un autre...

Une voix. La gauche ? C'est faux !

M. Vincent Subilia. ...c'est d'un autre bien que cette même gauche...

Une voix. Un individu unique à gauche !

M. Vincent Subilia. Monsieur le président, pouvez-vous faire régner le silence, s'il vous plaît ? (Rires.) En particulier sur ma droite.

Une voix. Oui, mais enfin, quand on dit des bêtises...

Le président. Sur votre droite ?

M. Vincent Subilia. Je disais donc...

Le président. Nous n'entendons pas le rapporteur de majorité, Mesdames et Messieurs, veuillez faire silence !

M. Vincent Subilia. Je disais donc qu'après...

Le président. Attendez un instant, Monsieur Subilia, il manque un rapporteur de minorité à la table. Il faudrait que quelqu'un chez les Verts remplace M. Martin. (Commentaires.)

M. Vincent Subilia. Je vous laisse suspendre le chronomètre, merci.

Une voix. Il n'y a pas de place !

Le président. Merci, Madame de Chastonay, mais restez dans vos rangs... (Commentaires.) Ah, M. Martin est là. Monsieur Martin, restez à votre siège, parce qu'il n'y a pas suffisamment de place autour de la table pour tous les rapporteurs. (Commentaires.) Voilà, Monsieur Subilia, dès que le calme sera revenu dans la salle, vous pourrez procéder à la présentation de votre rapport de majorité. Mesdames et Messieurs, un peu de silence, s'il vous plaît, faute de quoi nous ne pourrons pas terminer les urgences à temps ! (Un instant s'écoule.) Bien. Reprenez, Monsieur.

M. Vincent Subilia. Je vous remercie, Monsieur le président. Je disais donc qu'après avoir voulu nous priver de ce bien précieux qu'est le «Cé qu'è lainô», la gauche entend bafouer un autre principe qui, à nos yeux, l'est tout autant, soit le droit de propriété. Eh oui, chers collègues, le projet de loi porté par notre collègue Mizrahi s'inscrit dans la logique confiscatoire d'une frange de ce parlement qui a déclaré la guerre à notre économie.

En effet, ce texte qui vise à instaurer une norme constitutionnelle afin de garantir l'accès au lac ainsi qu'un cheminement continu le long de ses rives obéit à cette même fronde contre les propriétaires - ou, devrais-je dire, dans une grammaire propre aux militants qui la revendiquent, les nantis. Elle est vraisemblablement alimentée, et c'est un trait commun à de nombreux objets qui nous sont soumis, par un sentiment d'envie, peut-être même de jalousie, lequel sous-tend l'ensemble des politiques de gauche, Mesdames et Messieurs - vous transmettrez, Monsieur le président -, sous couvert de lutte contre les injustices.

Voyez-vous, moi qui ai le plaisir d'habiter dans un appartement, certes avec un petit accès à l'extérieur, eh bien je ne m'en prends pas à celles et ceux qui ont la chance - voire le privilège, pour reprendre un terme très usité à gauche de l'hémicycle - de vivre les pieds dans l'eau ni ne souhaite les exproprier à la manière des révolutionnaires de la Bastille.

Si je m'autorise ce parallèle, c'est que cette même avidité sur laquelle repose le collectivisme est celle qui pousse la gauche, cette année, à multiplier les initiatives allant à l'encontre de celles et ceux qui créent de la valeur: contre le capital (IN 179), contre la fortune (IN 185). Ce sont autant de coups de canif dans notre édifice de prospérité. Mesdames et Messieurs, Genève se trouve à la croisée des chemins au seuil de cette année qui est celle de tous les défis, en réalité de tous les dangers. Selon nous, l'attractivité de notre canton est aujourd'hui en péril, ce qui, partant, met en danger les infrastructures que nous chérissons toutes et tous: les classes du DIP, la géothermie des SIG, les lits des HUG.

Quel est le lien avec les rives du lac, me demanderez-vous ? Il est pourtant évident. Les résidents qui ont le privilège - indécent, s'exclamerait la gauche - de vivre à proximité du Léman et que l'on veut exproprier sont vraisemblablement les mêmes que ceux dont on veut abattre la fiscalité des dividendes (IN 179) ou augmenter de façon suicidaire l'imposition sur la fortune (IN 185). Chers collègues, à l'instar de notre grand voisin hexagonal, Genève est en train d'instiller un climat anti-riches non seulement nauséabond - et je pèse mes mots -, mais surtout obscène quand on pense aux innombrables demandes de financement formulées par les enfants gâtés de la république.

Pour la petite histoire, j'étais ce matin chez nos voisins vaudois - dont le consensualisme, y compris en période électorale, doit être souligné - pour une conférence consacrée à la prospérité, et certains se plaisaient à y rappeler, notamment en lien avec Genève, que celle-ci est fragile. Mesdames et Messieurs, vous ne cessez de jouer avec le feu et de vous attaquer à celles et ceux qui, encore une fois, créent de la valeur, donc de l'emploi et des ressources fiscales; les personnes vivant au bord du lac constituent précisément votre cible. Nous osons espérer que le parlement n'ira pas dans ce sens, puisqu'une majorité semble se dessiner; nous appelons nos collègues au bon sens, y compris nos amis de l'UDC, pour qu'ils se rallient à la vision qui est la nôtre, et nous les en remercions chaleureusement par avance.

Mais revenons de façon plus précise au texte que nous propose M. Mizrahi. Quelques chiffres, d'abord: 107 pages (le rapport qui vous est présenté et dont je fais la synthèse), 20 annexes, 17 auditions, dix séances de commission. Voici encore un autre chiffre que je soumets à votre sagacité: 29. Avez-vous une idée de ce dont il s'agit ? 29, c'est le nombre de plages, de points d'accès à la baignade dont dispose le canton de Genève pour une côte de 32 kilomètres; beaucoup nous envient. Un dernier chiffre: 400 mètres, c'est la longueur de la plage des Eaux-Vives, la dernière née des créations lacustres de Genève, dont nous devons et pouvons toutes et tous nous féliciter puisqu'elle bénéficie à l'entier des Genevoises et des Genevois.

Si je cite ces chiffres, c'est qu'ils permettent de remettre le sujet dans son contexte et surtout qu'ils fourniront quelques contre-arguments à celles et ceux qui soutiendront après moi qu'en raison du réchauffement climatique - que personne ici ne nie, et M. Pagani indiquera certainement que dans deux ans, il fera la même température à Genève qu'à Madrid...

Une voix. Eh oui !

M. Vincent Subilia. ...nous devons pouvoir accéder à des zones de bien-être lacustres, nous devons bénéficier de cet écrin. Il se trouve que c'est déjà très largement le cas, Mesdames et Messieurs.

Trois motifs essentiels peuvent être invoqués de façon parfaitement objective pour appuyer le rejet de ce projet de loi, qui sont d'ordre écologique, diplomatique et financier; un acronyme EDF non pas pour «électricité de France», mais pour «entreprise de destruction des fondamentaux genevois» à laquelle se livrent nos adversaires de gauche.

L'argument écologique, pour commencer. Toutes les auditions auxquelles nous avons procédé parviennent à la même conclusion, Mesdames et Messieurs, et il faut l'entendre: le meilleur service que vous rendez à la nature, c'est de lui ficher la paix, pour le dire de façon triviale. En d'autres termes, plus vous avez de flux sur les bords du lac à la faveur du cheminement que vous appelez de vos voeux, plus cette même nature que vous prétendez défendre - la biodiversité, la faune, la flore - s'en trouvera altérée. Mieux vaut, même si cela ne vous fait pas plaisir, avoir de riches propriétaires terriens qui prennent soin de la faune, de la flore et de la nature... (Exclamations.) ...qui les valorisent, cela nous a été confirmé par les très nombreuses associations que nous avons entendues. (Commentaires.) Dix d'entre elles vous expliqueront que plus vous foulez du pied les bords du lac, plus l'objectif que vous prétendez poursuivre s'éloigne, mettant en péril la biodiversité et cette durabilité que vous affirmez défendre au quotidien. Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, est une véritable ineptie de ce point de vue là.

Ecologique, disais-je, mais aussi diplomatique. S'il y a un sujet qui fédère, c'est bien celui de la Genève internationale, chacun de nous est fier de cette dimension globale qui fait de notre bourgade la plus petite des grandes villes. Nous nous trouvons face à une véritable impossibilité d'appliquer ce projet de loi car, vous le savez, la Convention de Vienne oblige l'Etat hôte, à savoir la Suisse, à diligenter toutes les mesures de sécurité nécessaires pour éviter les violations de domicile des missions diplomatiques. Or celles-ci sont très nombreuses - il y a un principe de quasi-universalité, 180 pays sont représentés à Genève - dont beaucoup - et je m'en réjouis, tant mieux pour elles - ont les pieds dans l'eau. Mesdames et Messieurs, expliquez-moi comment - et même les représentants de cantons très progressistes l'ont souligné - ce texte peut être mis en oeuvre ? Il est tout simplement impraticable.

Le dernier argument - on y reviendra au sein de mon groupe - est de nature financière. Mesdames et Messieurs, personne parmi les auditionnés n'a pu évoquer, tant il est abyssal, le chiffre qui serait celui de la dépense représentée par les expropriations voulues dans cet objet, cette idée est parfaitement irréaliste et irréalisable. Ainsi, tant sous l'angle écologique, diplomatique que financier - EDF, disais-je il y a un instant -, ce texte de loi est impossible à concrétiser, et le rapport - certes fort long, mais qui se voulait exhaustif - que j'ai rédigé à cet effet en apporte la démonstration. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Une voix. Super, bravo !

Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de première minorité. C'est avec grand plaisir que je prends la parole après M. Subilia - vous transmettrez, Monsieur le président - pour défendre un point de vue tout contraire au sien. Lorsqu'on écoute M. Subilia nous parler de son rapport-fleuve, des dix séances consacrées à ce projet de loi à la commission d'aménagement, on a l'impression que c'est une très grande, lourde et écrasante majorité des commissaires qui se sont opposés au texte. Or, après ces dix séances de commission entre janvier et mars 2022, c'est en réalité une très courte majorité qui, en mars 2022, s'est prononcée: huit voix contre sept. Huit voix contre sept ! Et ce ne sont pas un, ni deux, ni trois rapports de minorité qui ont été déposés, mais quatre !

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que pour la très large minorité de sept membres de la commission, cet objet est indispensable afin de mettre en oeuvre l'article 166 de la constitution genevoise, qui prévoit: «L'Etat assure un libre accès aux rives du lac et des cours d'eau dans le respect de l'environnement et des intérêts publics et privés prépondérants.» Offrir un accès aux bords du Léman, ce n'est pas priver les riches et les nantis de ce qui leur appartient, c'est permettre à l'ensemble de la population genevoise de jouir d'un panorama exceptionnel dont nous sommes toutes et tous fiers, que nous voulons toutes et tous préserver.

Il n'est pas normal que nous ne puissions pas cheminer de façon continue autour de cette magnifique rade qui est la nôtre; il n'est pas normal que nous ne nous donnions pas les moyens à toutes les personnes qui ne bénéficient pas d'un point d'eau privé ou d'une source de fraîcheur lors de périodes de canicule de se rafraîchir. Les rives du lac sont de plus en plus fréquentées, les périodes de canicule vont en s'accentuant et en se rapprochant. Nous connaissons les méfaits du changement climatique et nous savons que nous pouvons contribuer à en atténuer les effets pour la population, en particulier pour les personnes qui ne possèdent pas de jardin, de piscine ou d'accès à une source d'eau, précisément en mettant à disposition cet espace de liberté que sont les berges du lac. C'est pourquoi la question de l'accessibilité au lac doit demeurer un point de mire essentiel pour les membres de ce parlement. Nous devons toutes et tous accepter ce projet de loi aujourd'hui, puis le mettre en oeuvre de façon à garantir que, dans les limites de ce qui nous a été exposé lors des séances de commission, notre beau Léman devienne une zone ouverte à tout le monde.

Il tient à coeur au parti socialiste que les populations les plus défavorisées de ce canton aient non pas le luxe, mais le droit de se rafraîchir. Monsieur Subilia, vous évoquiez tout à l'heure la plage des Eaux-Vives, un projet dont nous nous félicitons; vous parliez des vingt points de baignade sur les 32 kilomètres de côte genevoise; c'est magnifique, mais il n'est pas seulement question de lieux de baignade, il s'agit également d'un point de fuite, d'une échappatoire, de pouvoir se balader au bord du lac, pas uniquement de s'y baigner. Or, à l'heure actuelle, ce n'est pas possible, et nous ne trouvons pas cela normal.

Non, il n'est pas normal, alors que notre constitution vieille d'un peu plus de dix ans dispose que l'Etat assure un libre accès aux rives, que nous ne soyons pas capables de l'appliquer pour des raisons «EDF», ainsi que vous le disiez, c'est-à-dire écologiques, diplomatiques et financières. Ces arguments-là ne sont pas suffisants. En tant que Genève internationale, nous sommes très certainement capables de négocier avec les différents Etats qui possèdent des propriétés au bord du lac, nous pouvons trouver un consensus afin de créer un chemin continu qui préserve la biodiversité, nous pouvons dégager les moyens nécessaires. Comme vous le souligniez aussi, Genève est un canton riche, et nous devons nous enorgueillir du fait que les finances publiques servent à garantir le droit de chacun à bénéficier d'un accès à l'eau. C'est pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, que le parti socialiste vous recommande et vous enjoint d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. David Martin (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Je parle depuis ma place, Monsieur le président, mais en tant que rapporteur, je reste assis, c'est juste ?

Le président. C'est tout à fait juste, Monsieur Martin.

M. David Martin. Merci, Monsieur le président. Je vais exposer le point de vue de la minorité Verte sur ce projet de loi. Tout d'abord, dans ce débat, les canards ont bon dos. En effet, jamais le PLR ne s'est autant préoccupé de la biodiversité que depuis que le sujet de l'accès au lac est étudié à la commission d'aménagement, jamais les propriétaires habitant sur les rives lacustres n'ont autant ressemblé à des gardes-faune ni leurs terrains à des réserves de Pro Natura. Pour rester dans le registre de la faune et de la flore, on peut dire que la question du cheminement autour des berges est un long serpent de mer - ou de lac.

La grande différence avec la dernière fois où ce sujet a été débattu - il y a une dizaine d'années, sauf erreur -, c'est que nous pouvons aujourd'hui nous appuyer sur des exemples probants autour du Léman et ailleurs, et j'aimerais en citer deux. Le premier, c'est le sentier qui est réalisé pas si loin d'ici, en France, et qui est maintenant pratiquement continu entre Hermance et Evian. Certes, la composition des constructions entre Hermance et Evian est par endroits quelque peu différente de celle qui borde les rives genevoises, mais à d'autres, elle est aussi très similaire. Ce cheminement français est bien la preuve que quelque chose est possible.

Ce que cet aménagement à la française, si j'ose dire, montre également, c'est que la manière de faire n'est pas exactement celle proposée dans l'objet qui nous est soumis ici. En effet, le texte de loi que nous examinons parle d'un revêtement continu en dur, et il est vrai que sa dimension très «infrastructurée» ne convient pas au groupe des Verts. Cela étant, nous avons senti en commission qu'il y avait matière à discuter. Nous étions proches d'obtenir une majorité pour un projet qui serait davantage un sentier de balade, un chemin peu «infrastructuré», dans la logique de celui qui existe actuellement entre Hermance et Evian.

J'ai indiqué qu'il y avait plusieurs exemples à relever. Le second, tout à fait intéressant, se situe dans le canton de Neuchâtel. Sous la pression d'une initiative cantonale déposée par le parti écologiste en 2016, le Grand Conseil neuchâtelois a adopté, en janvier 2021, un contreprojet indirect qui a mené au retrait de l'initiative - cela prouve que les Neuchâtelois savent trouver des consensus, j'espère que nous y parviendrons aussi à Genève. Ce contreprojet, qui contient un plan directeur des rives du lac de Neuchâtel, pose notamment les bases d'un sentier continu et ouvre un crédit d'engagement de 2,4 millions de francs sur cinq ans afin de réaliser les tronçons manquants. Ainsi, dans le canton de Neuchâtel, la classe politique a pris la mesure des attentes de la population en matière d'accès à l'eau.

Sur les rives genevoises du Léman, la priorité porte actuellement sur la réalisation de grandes plages, et c'est extrêmement intéressant - la plage des Eaux-Vives, le futur aménagement du Vengeron qui comportera aussi une plage -, mais il serait également judicieux, à certains endroits, de compléter les infrastructures de baignade par des cheminements pour la balade.

C'est la raison pour laquelle la minorité Verte demande un renvoi en commission. Nous avons été très déçus de constater qu'il n'y avait pas de majorité ne serait-ce que pour entrer en matière et discuter. Un retour en commission nous permettrait d'aller jusqu'au bout des travaux - nous avons effectué de nombreuses auditions, nous avons énormément de matière -, éventuellement de modifier le projet de loi, voire de le convertir en une proposition de motion.

Il s'agit en effet d'une piste qui avait été évoquée en commission: une proposition de motion qui irait dans la même direction que ce que Neuchâtel a entrepris, qui demanderait par exemple un plan directeur des rives du lac comportant des secteurs avec de nouveaux accès au public pour la détente et le loisir ainsi qu'un itinéraire continu le long des berges, lequel emprunterait les bords par endroits et pourrait s'en écarter à d'autres, notamment à proximité d'éléments à forte valeur naturelle. Voilà la position de la minorité Verte. Nous proposerons donc, le moment venu, un renvoi à la commission d'aménagement. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de deuxième minorité. Le moment étant venu, je passe d'abord la parole au rapporteur de quatrième minorité sur le renvoi en commission. Allez-y, Monsieur Florey.

M. Stéphane Florey. Je n'ai rien à dire.

Le président. Bien, merci. Et vous, Monsieur Pagani, un mot sur le renvoi en commission ?

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de troisième minorité. Oui, merci, Monsieur le président. Je trouve assez bizarre qu'on demande un renvoi en commission avant même le début du débat. Par ailleurs, je constate que certains partis, lors de précédentes votations, y compris à la Constituante - et celle-ci n'était pas uniquement composée d'affreux personnages de gauche -, ont validé ce principe, les constituants ont inscrit dans notre charte le droit de tout un chacun à circuler librement autour de notre beau lac.

Certains groupes, lors de leur campagne électorale - je le rappelle, parce que c'est important -, ont inclus un cheminement continu le long du lac dans leur programme, je pourrais ressortir les programmes des uns et des autres ! Donc ce projet faisait partie des arguments lors de la dernière campagne électorale, il y a maintenant une nouvelle campagne, et j'espère, Mesdames et Messieurs les députés - j'espère ! -, que ces gens ne trahiront pas leur prise de position dans le cadre du débat d'aujourd'hui, d'autant qu'ils passent à la télévision. Je regarde en particulier le rapporteur de quatrième minorité...

Une voix. Je m'expliquerai tout à l'heure !

M. Rémy Pagani. J'espère qu'il ne trahira pas les engagements qu'il a pris, que son groupe a pris lors des dernières élections cantonales comme il ne trahira pas ses nouveaux engagements et ses nouvelles promesses.

Alors bon, je veux bien me rallier au renvoi en commission, mais je trouve qu'il faut trancher cette affaire. De toute façon, les personnes que nous avons auditionnées ont indiqué très clairement qu'elles avaient légalement le droit - légalement, vous m'entendez bien ! - de recourir et d'imposer cette circulation, puisque la Constitution fédérale le permet; le Tribunal fédéral l'a d'ailleurs ratifiée. On nous a déjà annoncé le lancement d'une initiative cantonale pour que ce principe inscrit dans notre constitution - c'est tout de même important - soit enfin concrétisé par le gouvernement. Je vous remercie de votre attention.

Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de première minorité. Le groupe socialiste s'opposera au renvoi en commission. En l'état actuel des choses, nous estimons que nous ne devons pas avoir peur de mener le débat sur cette question, qu'un renvoi en commission ne fera manifestement pas changer les lignes s'agissant de ce projet de loi et qu'il est temps que nous discutions cette question primordiale qu'est l'accessibilité des rives du lac à l'ensemble de la population genevoise. Allons lentement, mais sûrement - enfin, dans les soixante minutes qui nous sont imparties - vers un vote d'entrée en matière et débattons de ce sujet.

M. Vincent Subilia (PLR), rapporteur de majorité. Le PLR s'opposera avec fermeté au renvoi en commission et fait observer pour le surplus, s'agissant des arguments de l'un des nombreux rapporteurs de minorité, le député Martin, la chose suivante: comparaison n'est pas raison, et c'est précisément la raison pour laquelle je me suis fendu d'un rapport particulièrement exhaustif.

Il faut rappeler ici, concernant le canton de Neuchâtel, les propos tenus par sa représentante, laquelle a signalé deux choses, Monsieur Martin - vous transmettrez, Monsieur le président. D'une part, elle a indiqué de façon extrêmement claire que la situation neuchâteloise n'est pas comparable à celle que connaît Genève concernant la typologie de l'habitat au bord de l'eau, et celui ou celle qui a le plaisir, tel le promeneur solitaire, de se rendre sur les berges du lac de Neuchâtel pourra le constater. Neuchâtel, ville internationale s'il en est, ne présente absolument pas le même type de logements ni la même densité que les nôtres, donc le problème est tout à fait différent.

Ce qu'a d'autre part souligné Mme Robyr Soguel, du canton de Neuchâtel - je ne sais pas si M. Martin est intéressé à le savoir ou à s'en souvenir -, c'est qu'avec le même pragmatisme qui marque certaines familles politiques autour de cette table, lorsque des impossibilités de procéder à cet aménagement se sont présentées, tout naturellement, encore une fois avec un consensualisme qui fait défaut au bout de notre lac, des solutions ont été trouvées pour contourner très largement les maisons, et c'est le cas à de nombreux endroits. Dès lors, cessons de comparer des pommes et des poires, Neuchâtel n'est pas Genève. Voilà le premier point.

Le second élément, et j'évoquais tout à l'heure...

Une voix. Sur le renvoi en commission !

M. Vincent Subilia. Oui, oui ! Oui, bien sûr, mais je m'exprimerai aussi longtemps qu'il me sied, Monsieur Batou, je vous remercie - vous transmettrez, Monsieur le président. Le second point porte sur le pragmatisme de certains - M. Pagani parlait de promesses de campagne dans le cadre des programmes: la demande de transformation de ce projet de loi en proposition de motion a déjà été effectuée, et elle a été rejetée; il ne s'agit pas maintenant de rouvrir la boîte de Pandore.

Je rappelle, Mesdames et Messieurs, que nous avons procédé à - laissez-moi consulter mes notes - 17 auditions, donc je vois mal ce qu'un renvoi en commission et de nouvelles séances de travail pourraient apporter de plus sur la question des rives de notre beau lac de Genève ou lac Léman. Merci.

Le président. Je vous remercie. Le Conseil d'Etat souhaite-t-il se prononcer sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Pas d'avis. Très bien, je mets aux voix la demande de renvoi à la commission d'aménagement du canton.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13024 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 76 non contre 15 oui.

Le président. La parole revient à M. Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Enfin on entre dans le vif du sujet ! Bon, M. Subilia s'exclame: «C'est une attaque contre les riches !»

Une voix. Bien sûr !

M. Rémy Pagani. ...comme s'il était question d'attaque... (Remarque.) Encore une, encore une ! Oui, je rappelle aux électeurs qu'ils auront l'occasion, en mars prochain, de trancher - merci, Monsieur Subilia, de mettre le sujet sur la table - l'initiative de la liste d'Union populaire visant à rétablir une situation que les riches admettaient il y a une dizaine d'années, à savoir qu'ils payaient des impôts sur leurs revenus comme tout le monde, comme vous et moi...

Une voix. C'est toujours le cas.

M. Rémy Pagani. Non, puisque vous avez décidé, à une majorité sans doute exceptionnelle, de leur accorder une diminution de 10% s'ils possèdent des actions dans une entreprise, de leur donner le droit de ne pas payer d'impôts sur leurs revenus. (Commentaires.)

Une voix. Tout est faux, tout est faux.

M. Rémy Pagani. Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Subilia ! Cela étant, je suis un nageur et je vais régulièrement nager dans le Léman, puisqu'on a encore le droit de se baigner le long des rives de notre lac à partir de Cologny, et j'ai constaté, Monsieur Subilia, que les personnes fortunées, contrairement à ce que vous soutenez, ne préservent pas la biodiversité. En fait, ce qu'elles font sur leur propriété, c'est couper les arbres pour mieux admirer le panorama, qui est effectivement très beau. Ainsi, vous ne pouvez pas faire valoir comme argument le fait que les propriétaires auraient la volonté de protéger la faune et la flore, c'est faux. (Applaudissements.)

Deuxième erreur, deuxième contrevérité: vous prétendez que les nantis préservent la nature et l'atmosphère, parce qu'en définitive, c'est de ça qu'il est question. Je rappelle un chiffre très parlant: 1% des habitants de la planète dégradent le climat à hauteur de 50% avec l'effet de serre dont ils sont responsables ! Oui, 1% des gens détruisent notre terre à 50%, ils utilisent des produits, du pétrole et autres, ils gaspillent de l'énergie et sont responsables de 50% des émissions de CO2. C'est une réalité incontestable, Monsieur Subilia, et c'est bien pour ça qu'on essaie de faire en sorte que ces riches soient un peu moins riches... (Exclamations.) ...et que les richesses soient mieux réparties, parce qu'à ma connaissance, ils n'ont pas besoin de deux lits, de 25 villas, comme c'est le cas pour certains, de trois yachts qui coûtent des millions, de plusieurs avions, ils peuvent se comporter avec un peu plus de respect... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur... (Commentaires.)

M. Rémy Pagani. Ah, mais c'est M. Subilia qui a ouvert cette boîte de Pandore, donc j'y vais ! Quand on m'en donne l'occasion, je fonce !

Une voix. Allez-y, foncez ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.)

M. Rémy Pagani. Nous sommes très clairement pour une juste répartition des richesses. Or, aujourd'hui - et on le constate en ouvrant n'importe quel journal, il n'y a même pas besoin d'aller chercher des analyses dans des bibliothèques -, tous les journaux vous disent que les personnes aisées sont de plus en plus aisées tandis que la majorité de la population qui produit des richesses - jusqu'à preuve du contraire, c'est bien la majorité de la population qui produit des richesses - s'appauvrit, y compris ici. Elle s'appauvrit d'autant plus qu'elle perd du pouvoir d'achat, voit son salaire stagner, et au profit de qui ? Au profit du capital, pas du travail. Ces trente dernières années, la rémunération du travail a diminué pendant que celle des actions et de la fortune augmentait de manière considérable. Vous ne pouvez pas nier cet état de fait. Voilà pour le volet sur les riches. (Rires.) Mais oui !

En ce qui concerne le sujet qui nous occupe... (Commentaires.) C'est pour cette raison qu'il ne faut pas mener ce débat en disant: «On va préserver la qualité de vie des riches.» Pour notre part, nous constatons, et cela s'est confirmé ces dernières années, un engouement de plus en plus marqué pour la baignade - souvent, malheureusement, là où c'est le plus dangereux, par exemple au bord du Rhône -, les gens demandent un accès facilité à l'eau, l'ouverture de nombreuses plages. Je peux citer un tas de récriminations de la population quant à la pratique de certaines communes qui restreignent l'accès aux plages publiques communales, je pourrais citer encore d'autres exemples. Il y a un véritable besoin, comme l'a relevé Mme Gavilanes, de se rafraîchir, parce que les étés deviendront toujours plus rudes, hélas.

Et vous, vous empêchez ces personnes que vous êtes censés défendre de se balader tranquillement au bord de notre lac sur un sentier - on ne réclame pas une autoroute, mais juste un petit chemin comme celui existant entre Sciez et Thonon. J'ai eu l'occasion d'emprunter plusieurs fois ce petit sentier et je peux vous dire que se promener deux heures au bord du lac avec un panorama exceptionnel constitue un plus pour la qualité de vie, c'est quelque chose que la majeure partie des citoyens de Genève - encore une fois, des gens que nous sommes censés défendre - exigent depuis des années. A tel point que la Constituante, je le rappelle, a fait de ce sujet une priorité, elle a l'inscrit dans la constitution; c'est dire la valeur qu'il revêtait, à quel point il était important pour les constituants. En conclusion, nous sommes en faveur d'un petit amendement - il vous sera proposé - afin qu'un cheminement soit introduit là où c'est possible. Merci, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de quatrième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, j'aimerais apporter quelques précisions au sujet de certains propos qui ont été relatés, voire un peu déformés. Revenons-en au début. Si nous nous sommes retrouvés signataires de ce projet de loi, c'est pour la simple et bonne raison que pendant les travaux de la Constituante, nous avions inscrit l'accès aux rives du lac dans notre programme, et c'est dans cette optique que deux membres de notre groupe ont signé le texte, pensant que cela s'inscrivait dans une certaine continuité. Cela étant, nous avions également indiqué à l'époque de son dépôt que pour nous, groupe UDC, il allait déjà trop loin. Nous avons été clairs depuis le début, nous l'avons dit.

J'ajouterais même que le projet de loi va beaucoup plus loin que ce que permettrait la constitution à son article 166. Lors des travaux de la Constituante, il avait été question de garantir l'accès aux rives du lac; pour éviter que la constitution échoue devant le peuple, c'est cette formulation qui a été définie: «dans le respect de l'environnement et des intérêts publics et privés prépondérants». Ainsi, nous estimons que le projet tel que déposé par le parti socialiste va beaucoup plus loin que ce que stipule notre constitution.

Durant les travaux de commission, nous avons présenté énormément d'amendements pour atténuer les effets du projet de loi; nous avons étudié la solution neuchâteloise et avons même évoqué un potentiel retrait du projet de loi afin de le transformer en une proposition de motion qui irait dans le sens du projet développé dans le canton de Neuchâtel.

A cet égard, il faut préciser que la grande différence par rapport au PL 13024, c'est que le modèle neuchâtelois est basé uniquement, et c'est là sa force, sur le volontarisme. Voilà la grande force du projet neuchâtelois, c'est-à-dire qu'ils ont réussi à éviter tous les écueils du PL 13024 qui nous est soumis maintenant en disant: «Si un propriétaire concerné n'est pas d'accord, on développe une option de contournement» - le rapporteur de majorité l'a relevé - «afin d'obtenir malgré tout un sentier continu et de se rapprocher au maximum de la volonté populaire.»

Partant du principe que l'UDC tient également à la garantie du droit de propriété - c'est un fait -, nous considérons aujourd'hui que le texte devrait être retiré par son auteur; peut-être celui-ci pourrait-il revenir avec un objet un peu plus abouti et moins contraignant, éventuellement sous la forme d'une proposition de motion allant dans le sens de ce que j'ai écrit dans mon rapport de minorité, lequel mentionne précisément l'exemple neuchâtelois.

De plus, il faut tenir compte d'un autre aspect, et c'est dans ce but que j'avais rédigé mon rapport de minorité: le doute plane encore quant à ce qui devrait être lancé normalement au printemps - ça a déjà été annoncé -, à savoir une initiative fédérale pour garantir l'accès aux rives des lacs et des cours d'eau.

Sur cette base et après de nombreuses discussions au sein de notre caucus, nous en avons conclu les choses suivantes. D'une part, il faut laisser ce débat au niveau fédéral, car si cette initiative est lancée et aboutit, il reviendra aux Chambres fédérales de légiférer pour l'ensemble des cantons. D'autre part, la solution neuchâteloise qui aurait pu constituer une piste pour Genève n'est pas totalement aboutie, puisqu'il reste plusieurs questions à régler: les fonds de compensation, l'entretien du chemin. Appartiendra-t-il aux propriétaires qui acceptent la traversée de leur propriété d'entretenir et de payer ce sentier ou, si cela se passe de manière volontaire, est-ce le canton qui financera cela ? Tous ces problèmes n'ont pas encore été résolus, et c'est pour cela qu'une proposition de motion aurait dû être déposée en lieu et place du projet de loi.

Au final, notre conclusion est premièrement que le projet n'est pas mûr, deuxièmement que le canton de Genève n'est pas prêt à mener ce débat et troisièmement que nous revenons sur la proposition de mon rapport de minorité qui était de demander un renvoi en commission dans le but d'étudier la faisabilité de la solution neuchâteloise qui, comme je l'ai signalé, n'est pas encore assez mûre à nos yeux. Nous renonçons à solliciter le renvoi en commission et nous refuserons - oui, Mesdames et Messieurs ! - l'entrée en matière sur le PL 13024. Dans un souci de pragmatisme et, encore une fois, pour garantir le droit à la propriété, nous rejetterons ce projet de loi et vous invitons à faire de même. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Sébastien Desfayes (PDC). Ce projet de loi est une imposture, parce que pour un dogme politique, la haine de la propriété, ou peut-être par démagogie, la gauche ou à tout le moins une partie de la gauche est disposée à renier les engagements en faveur de la biodiversité, de l'écologie, à mettre en cause des intérêts publics et des intérêts privés. Tout ça pour un projet de loi qui ne va pas donner à la population d'accès supplémentaire aux rives du lac ou aux rivières du canton. C'est donc une pure imposture politique; je le répète, on n'aura pas un accès supplémentaire au lac.

Cette même gauche - on l'a dit en commission - nous brandit la menace d'une initiative cantonale ou fédérale, mais quand on regarde ce qui se passe dans le canton, ne serait-ce qu'à Carouge avec la voie verte, elle ne va pas recueillir beaucoup de signatures; elle va récolter pas mal de tomates en revanche. Parce qu'à Carouge, pour une voie verte qui a une certaine utilité, on voit le sacrifice environnemental: 46 arbres et une population choquée par cette manière de procéder.

Dans le cas présent, ce ne serait même pas une voie verte, ce serait plutôt une voie noire, parce que les auteurs de ce texte ont pris une option maximaliste, avec un sentier d'au minimum, je répète, au minimum 2 mètres de large et une surface stabilisée. Cela signifie que l'on va bétonner autour des rives du lac et des rivières. Les auteurs semblent oublier, ou peut-être feignent-ils d'oublier qu'il existe à Genève, au bord du lac, deux réserves naturelles, la Pointe à la Bise et la Roselière, que plusieurs cours d'eau constituent des écosystèmes extrêmement fragiles et qu'il existe sur la rive droite comme sur la rive gauche des réserves d'oiseaux. Toute cette faune, toute cette flore seront menacées dans leur existence même par ces autoroutes, par cette voie noire de 2 mètres qui induira des trottinettes électriques, des vélos électriques et tout un lot de nuisances.

Tout ça pourquoi ? Pour rien ! Les services de l'Etat n'ont pas attendu ce projet de loi pour mettre en oeuvre l'article 166 de la constitution du canton. Il existe ce qu'on appelle les SPAGE - je pense que le Conseil d'Etat en parlera -, négociés par les autorités cantonales, les communes et les riverains; ils visent tant le développement de l'accès au lac que la protection de l'environnement. Tout ça représente un développement négocié avec des pesées d'intérêt effectuées au cas par cas, pesées d'intérêt pourtant totalement inexistantes dans cet objet. Par ailleurs, et cela semble avoir été oublié, cette politique a permis plus de quarante points d'accès et plus de trente plages sur le territoire. Je précise que, comme nous le savons tous, toute la rade, toute la rade est librement accessible.

Voter ce projet de loi reviendrait concrètement à empêcher le développement futur de nouveaux accès. Pourquoi ? Parce qu'il prévoit une interdiction de construire jusqu'à 50 mètres des rives du lac. 50 mètres avec une interdiction de construction, qu'est-ce que cela représente ? Cela veut dire que la magnifique plage des Eaux-Vives, par exemple, n'aurait pas pu être construite. Cela veut dire qu'un texte que nous avons voté au printemps pour la rénovation de la plage du Reposoir n'aurait pas pu être voté, parce qu'une rénovation équivaut, selon le droit de la construction, à une nouvelle construction. Cela veut dire aussi que l'aménagement de tout le périmètre du Vengeron, qui comprend une magnifique plage, ne pourrait pas être envisagé, alors même que nous l'avons accepté il y a à peine une année à l'unanimité du Grand Conseil. Bref, on peut continuer ce développement à l'infini; avec ce projet de loi, on ne peut envisager ni de nouvelles plages ni de nouveaux accès, mis à part cette sinistre autoroute.

Ce projet de loi constitue une attaque à l'encontre de deux personnes: M. Mulhauser et M. Wisard, de l'office cantonal de l'eau, qui ont fait un travail exceptionnel. Regardez les quais de Cologny ! Regardez la plage des Eaux-Vives ! Regardez le projet du Vengeron ! Ce sont des aménagements magnifiques ! Ce projet de loi cherche à attaquer ces personnes-là. (Remarque.) Je vous poserai simplement une question: en qui devons-nous avoir confiance ? En M. Pagani...

Une voix. Oui !

M. Sébastien Desfayes. ...qui a montré l'étendue de son talent dans l'urbanisme de Genève, ou en M. Wisard ? La question est purement rhétorique ! Monsieur le président, Le Centre rejettera ce projet de loi qui n'est rien d'autre qu'une immense boursouflure. Merci. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, face à l'arrogance de ceux qui parlent fort pour défendre ceux qui s'approprient illégalement les rives, je vais essayer aujourd'hui, avec ma petite voix, de défendre l'intérêt de l'ensemble de la population à qui appartiennent les rives, qui sont en réalité un bien public. (Applaudissements.)

A l'image d'une diva du Conseil national qui a voulu s'approprier un morceau de trottoir pour y garer son vrombissant destrier et qui, n'y parvenant pas, a eu l'outrecuidance de solliciter le Parlement fédéral, le PLR, aujourd'hui, en période électorale, veut se profiler en défenseur de celles et ceux qui s'approprient illégalement un bien public. Parce que, Mesdames et Messieurs, les prédateurs de la biodiversité, ce ne sont pas les promeneuses et les promeneurs, les prédateurs, ce sont bel et bien les promoteurs. Le débat est là; il n'est pas entre les riches et les pauvres, il est entre ceux qui défendent le droit et ceux qui s'approprient illégalement les rives.

Dans ce débat, Mesdames et Messieurs, on entend tout et n'importe quoi. Evidemment, quand on veut tuer un chien, on dit qu'il a la rage; c'est précisément ce qui se passe avec les propos enragés contre ce projet de loi. Ce texte, en résumé, est très pragmatique: il se base tout simplement sur une loi approuvée dans le canton de Berne. Je ne crois pas que le canton de Berne soit un repère de gauchistes. Ce texte ne fait que défendre la mise en oeuvre de notre constitution, Mesdames et Messieurs, et la mise en oeuvre des principes qui figurent dans le droit fédéral. Ce dernier prescrit que les eaux et leur lit jusqu'à la limite des hautes eaux moyennes, et donc les rives, sont propriété publique, propriété du public, face aux usurpateurs qui prétendent s'approprier avec leurs titres de propriété une part du lac et de la rive.

Ce projet de loi tient compte de la pesée des intérêts, tient compte des réserves naturelles et des ambassades. Il prévoit des exceptions, mais prévoit un principe fondamental, Mesdames et Messieurs, sur lequel le parti socialiste vous demande de vous prononcer. Ce principe fondamental, c'est celui de continuité, non pas d'une autoroute - pour mon collègue PDC qui a quitté la salle -, mais bien d'un sentier destiné aux promeneurs et aux promeneuses.

Le parti socialiste vous demande, vous enjoint de vous prononcer sur ce principe en acceptant l'entrée en matière sur ce projet de loi; il sera ensuite temps de le renvoyer en commission pour faire un vrai travail. Je constate la reculade de l'UDC, dont un des éminents membres, notre collègue Thomas Bläsi, était le premier à défendre l'inscription dans la constitution du principe de ce sentier continu. C'est une trahison de vos électeurs et de vos électrices. Je vous enjoins, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce projet en commission après avoir accepté l'entrée en matière pour permettre un vrai travail, de vrais amendements, car cela n'a pas eu lieu. Aujourd'hui, ce que les socialistes vous demandent, c'est de tenir vos promesses, d'abord de voter l'entrée en matière, puis de renvoyer ce projet en commission. Si vous ne le voulez pas, alors effectivement, le peuple tranchera, et c'est dommage ! C'est dommage aussi pour vous, parce que vous aviez l'occasion de ficeler un compromis raisonnable, de travailler ce projet de loi. Ce qui va se passer, c'est que le peuple aura le dernier mot avec une initiative soit cantonale, soit fédérale, et il vous désavouera en votant une solution qui peut-être ne vous conviendra pas. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous demanderez le renvoi en commission après le vote sur l'entrée en matière ? (Remarque.) Merci. Je passe à présent la parole à Mme Fabienne Monbaron pour trois minutes quinze.

Mme Fabienne Monbaron (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi est irrationnel d'un point de vue diplomatique, économique et écologique. Diplomatiquement, il constitue une menace pour la Genève internationale, car de nombreuses propriétés aux alentours du lac appartiennent à des missions diplomatiques. Cela concerne une dizaine d'Etats dont les bâtiments disposent d'un accès direct au lac, et indirectement près d'une vingtaine qui se situent dans le périmètre de la rive. La Suisse a des obligations à respecter du point de vue du droit international, qui ont été suffisamment explicitées par le rapporteur de majorité.

J'en viens à l'aspect économique. Les auteurs de ce texte n'ont pas réellement chiffré les coûts qu'il engendrerait. Lors des auditions, plusieurs milliards de francs ont été évoqués, car de nombreuses parcelles se trouvent en zone constructible. Les auteurs nous ont, bien sûr, parlé dans ce projet de loi d'expropriation, mais différents arrêts du Tribunal fédéral nous confortent dans l'idée que les conditions d'expropriation ne sont pas réunies, et que même si elles l'étaient, celle-ci serait impossible à financer.

Par ailleurs, il est également à relever que si l'article 11 de cette loi venait à être appliqué, toute construction à moins de 50 mètres des rives serait interdite. Dès lors, des milliers de logements, au PAV ou aux Grands-Esserts par exemple, ne pourraient tout simplement pas se réaliser. Cela toucherait également la zone industrielle du Bois-de-Bay, qui ne pourrait plus se développer.

J'aborde la question écologique. Les zones que ce projet de loi veut rendre à la population sont les plus importantes pour la biodiversité: une quantité importante d'espèces très sensibles aux dérangements comme le bruit, les chiens, la pollution lumineuse, les déchets ou le piétinement en dépendent. Le petit lac a des réserves d'oiseaux d'importance internationale ou nationale sur ses deux rives. Ces réserves jouent un rôle essentiel pour de nombreuses espèces d'oiseaux qui y trouvent des lieux d'hébergement particuliers et nécessitent d'être protégées, notamment entre novembre et septembre de l'année suivante. Il semble donc très difficile, voire impossible, de concilier la protection de la biodiversité des rives du lac et des cours d'eau et la création d'un cheminement riverain continu. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. En l'occurrence, ce qu'on entend ici, c'est une affaire de lutte de classes. Je voudrais faire un rappel historique: à Genève, les premiers bains publics ont été créés par les personnes dites riches par ceux d'en face, à savoir les familles Lullin, Merle d'Aubigné et d'autres, qui ont créé des bains parce qu'il n'y en avait pas. Un Merle d'Aubigné ouvre même une école de natation pour que les gens puissent se baigner.

On a beaucoup parlé de rivalités riches-pauvres, etc., mais il me semble que le premier ennemi de l'accès aux rives du lac est la surpopulation. L'évolution de la population mondiale est absolument sidérante: elle passe de 600 ou 700 millions vers 1700 à 8 milliards fin 2022. Je vous passe les détails, cela n'en vaut pas la peine. Là où il y a le plus de personnes, d'êtres humains sur cette planète, c'est en Asie, puis en Afrique subsaharienne et en Europe. Plutôt que d'empêcher les gens d'être chez eux, de vivre au bord du lac, on ferait mieux d'envoyer des contraceptifs là où les gens se multiplient comme des lapins. (Exclamations.) Voilà ! C'est ma première observation. (Vifs commentaires.)

Ensuite, à Genève, les lieux où l'on peut se rafraîchir sont très nombreux; lorsqu'ils ne sont pas d'un accès aisé, on peut les aménager, en ôtant par exemple les enrochements posés entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Voilà ce qui empêche l'accès à l'eau. Lorsque j'ai eu l'occasion d'en parler, j'ai cité plusieurs fois l'exemple de la ville de Whitley Bay, un peu au nord de Newcastle, qui donne sur la mer du Nord: les accès à l'eau y sont privilégiés par des escaliers qui partent à droite et à gauche, par lesquels les gens peuvent descendre pour être dans le sable au bord de la mer et savourer.

Je voudrais aussi vous dire que dans le passé, être près de l'eau ne représentait pas un avantage; c'était le fait d'être en hauteur, parce que ça permettait de se protéger et de voir venir. Je vous rappelle qu'en 563, il y a eu un tsunami... (Rire.) Aha ! L'eau est arrivée à 8 mètres de haut dans les rues de Genève. 8 mètres de haut ! Si on veut se mettre au bord de l'eau, ben merci ! (Exclamations.) A Lausanne, le tsunami s'est élevé à 13 mètres. Celui de 2004 dans l'Asie du Sud-Est a atteint 30 mètres de haut. Franchement, être tout au bord de l'eau ne me paraît pas une bonne idée; vouloir que tout le monde puisse être au bord de l'eau, c'est une idée complètement stupide. (Commentaires.)

Je voudrais encore vous citer un film en noir et blanc avec Michel Simon, «La Vocation d'André Carel». On y voit des bords du lac sans les enrochements, avec des accès faciles et aisés pour tout le monde. Au lieu de vouloir aller prendre place chez les autres, ce qui à mon avis est une sottise profonde, il faudrait commencer par supprimer ce qui empêche l'accès à l'eau, dans les lieux où c'est possible.

Enfin, plutôt que d'empêcher les gens de vivre chez eux et de leur envoyer toutes sortes de promeneurs... (Commentaires.) Je voudrais encore vous signaler que je siège à la commission consultative de la diversité biologique; les règles sont extrêmement strictes, ne serait-ce que pour planter un poteau dans le lac afin d'y amarrer un bateau, même de visiteurs, à cause des macrophytes. De plus, on n'a pas le droit de couper des arbres sans autorisation. Si vous voulez vraiment faire croire ça à la population, c'est de l'hypocrisie, c'est complètement erroné, et je dirais même que c'est pervers. Merci.

M. Jean Burgermeister (EAG). La droite, dans sa nouvelle tentative de défendre les intérêts des grands propriétaires, nous explique que pour défendre la biodiversité il faut défendre les propriétés privées. Or c'est une contrevérité absolue ! C'est une contrevérité absolue et c'est un mensonge ! (Applaudissements.)

Pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Parce que la zone villas occupe à peu près la moitié du terrain bâti, pour ne loger que 10% de la population. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que les 90% restants logent dans l'autre moitié, voyez ! L'extension de la zone villas est donc un problème, parce qu'elle accroît le morcellement du territoire. Il faudrait au contraire défendre une vraie planification du territoire, transparente, démocratique et publique évidemment ! Pour cela, il est nécessaire de réduire l'emprise des propriétés privées à travers le canton. (Commentaires.) Monsieur le président, faites taire ces dangereux agités ! (Rires.)

Une voix. De droite ! (Rires.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister. Dans le fond, ce qu'on trouve derrière ce projet de loi, c'est la volonté de défendre l'intérêt commun, c'est-à-dire à la fois la protection de la nature et de la biodiversité et l'accès aux berges du lac, qui sont un bien commun de la population du canton. Il s'agit de défendre ce bien commun contre les intérêts privés d'une petite minorité de nantis qui privatise le terrain à ses propres fins, dans ses propres intérêts et à l'encontre de ceux de l'écrasante majorité du canton et bien sûr de la biodiversité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Boris Calame pour trois minutes.

M. Boris Calame (HP). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, il ne faut pas opposer riches riverains du lac et autres habitants du canton. Nous ne pouvons pas concilier le droit constitutionnel d'accès au lac avec la défense de notre biodiversité, ce n'est pas compatible. Le projet de loi tel que présenté est inimaginable si on prétend défendre l'environnement.

L'accès ponctuel est possible et pourrait être amélioré. L'accès intégral serait en opposition totale avec notre constitution, notamment l'article 10, «Développement durable», l'article 19, «Droit à un environnement sain», l'article 157, le principe de protection de l'environnement, l'article 159, «Eau», l'article 160, «Protection de la nature et du paysage», et l'article 163, les principes de l'aménagement du territoire.

Pour rappel, l'article 166 de la constitution est rédigé comme suit: «L'Etat assure un libre accès aux rives du lac et des cours d'eau dans le respect de l'environnement et des intérêts publics et privés prépondérants.» Cet article est beaucoup plus léger que les prétentions de ce projet de loi qui, s'il est voté, sera certainement attaqué par un référendum populaire des milieux environnementaux. Dans le cadre des auditions, tous les milieux environnementaux vous ont dit que ce n'était pas possible.

Une voix. Ce n'est pas vrai !

M. Boris Calame. Nous devons d'abord protéger et renforcer la biodiversité, et non céder au seul principe du bien-être d'une population dont la pression sur le territoire est déjà gigantesque. Je vous remercie donc, pour la protection de l'environnement, de refuser ce projet de loi, le cas échéant de le renvoyer en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous demandez un renvoi en commission ?

M. Boris Calame. A la fin du débat.

Le président. Merci. Je passe la parole à M. Thomas Bläsi.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais répondre à mon ancien collègue de la Constituante, M. Mizrahi, qui a la mémoire malheureusement un peu courte. (Remarque.) L'article constitutionnel est issu d'un projet qui avait effectivement été déposé par l'UDC, c'est tout à fait exact, mais ce projet, à l'origine, ne contenait pas la mention «dans le respect [...] des intérêts [...] privés prépondérants». On proposait au départ une ouverture dans le sens d'un cheminement. Seulement, je vous rappelle que vous, Monsieur Mizrahi, et votre parti, le parti socialiste, avez dealé, à l'époque, cet article de loi avec le PLR pour que celui-ci ne dépose pas son imposition au lieu de domicile. Vous avez vraiment la mémoire courte; si ce projet a été décapité, c'est parce qu'au moment où on pouvait le réaliser, vous l'avez, vous, rendu impossible. Ça, c'est le premier élément.

Deuxièmement, quand vous m'avez abordé à l'UIT pour que je soutienne votre projet de loi, je l'ai signé dans un premier temps, mais à la condition - et vous le savez très bien - qu'il n'ait pas l'aspect qu'il a à l'heure actuelle, c'est-à-dire qu'on amende ces 2,5 mètres et qu'on prévoie un cheminement du type de celui qui peut exister en France et dont vous faites la publicité. A titre personnel, et pour contribuer à ce chemin de rive, j'y suis très favorable, seulement vous vous y prenez de la mauvaise façon. Vous décrivez les propriétaires comme s'appropriant des choses qui ne leur appartiennent pas, mais ce n'est pas du tout ça. Ce sujet ne se prête pas à une comparaison entre la France et la Suisse, parce qu'en France, il s'agit d'un droit de passage, tandis qu'en Suisse les rives sont publiques, les cinq premiers mètres sont publics. Cela veut dire que ce que vous expliquez est en réalité totalement faux. Vous ne connaissez pas votre sujet, vous ne savez pas de quoi vous parlez, vous mentez à mon propos. Franchement, c'est extrêmement limite, Monsieur Mizrahi, de la part de quelqu'un qui a négocié l'article qu'il prétend défendre aujourd'hui. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe précisément la parole à M. Mizrahi pour une minute quinze.

M. Cyril Mizrahi (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je trouve assez piquants les propos de mon collègue préopinant qui me reproche d'avoir adouci le texte constitutionnel, alors même que son parti, aujourd'hui, ne veut rien en faire. Je trouve que là, on atteint un peu les sommets de la tartuferie. Nous avons proposé une mise en oeuvre claire et qui rend possible l'application de ce texte, et aujourd'hui, c'est vous qui vous y opposez.

Parmi les autres contrevérités, on a entendu une explosion des coûts d'expropriation. Il n'y a pas de coûts d'expropriation, parce que le lac, Mesdames et Messieurs, c'est tout simplement chez nous.

Aujourd'hui, il est piquant de voir les fossoyeurs du bien public être défendus par les fossoyeurs de la constitution, les fossoyeurs de leur propre promesse électorale. Pour que le peuple puisse voir ce qui se passe, nous demanderons, Mesdames et Messieurs, le vote nominal sur l'entrée en matière.

Le président. Merci, Monsieur le député. Etes-vous suivi ? (Des mains se lèvent.) Vous l'êtes. Je passe la parole à M. Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG). Oui, très rapidement, il y a eu toutes sortes d'échanges peu amènes à l'instant, sur ce qui s'est passé ou non à la Constituante. Peu importe, d'un certain point de vue: le droit fédéral, qui est, qu'on le veuille ou non, supérieur à la constitution, stipule, dans la loi sur l'aménagement du territoire - en son article 3 sur les principes régissant l'aménagement - qu'il est impératif «de tenir libres les bords des lacs et des cours d'eau et de faciliter au public l'accès aux rives et le passage le long de celles-ci». C'est une disposition du droit fédéral que nous devons mettre en oeuvre. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à M. Christian Flury pour une minute trente.

M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera largement assez. Chers collègues, je rappellerai à nos amis qu'autrefois, les grandes routes de commerce entre Genève et Evian passaient par Collonge-Bellerive, donc loin des rives. Ce sont les urbanistes des siècles passés qui ont rendu les quais accessibles à la population et, par voie de conséquence, ont permis aux gens d'aller se baigner à ces endroits-là. Je souhaiterais rappeler également qu'autrefois, personne ne voulait les terrains au bord du lac, en raison de l'humidité et des moustiques qui y habitent. Personne ne voulait y aller ! (Rire.)

Par ailleurs, il existe un droit de passage le long de ces berges. La propriété privée commence à 1,5 mètre en retrait de la ligne des hautes eaux moyennes, et le navigateur en difficulté peut aborder une plage en terrain privé pour chercher, à pied, le prochain chemin afin de rejoindre une route principale.

Enfin, Mesdames et Messieurs, si les communes restreignent l'accès à leurs plages privées, c'est en raison du comportement de la population, parce que les gens se conduisent mal. Les amis du bord du lac ont effectivement un droit de passage devant les villas; or, les gens d'abord sont sur la grève, et le vingt-cinquième pose son gril quasiment sur la terrasse du propriétaire de la villa au bord du lac. Ça non plus, ce n'est pas possible. En maintenant la situation actuelle, on évitera ces problèmes et on préservera la qualité de vie des propriétaires de villas, dont certains habitent au bord du lac, qui paient quand même 80% de l'impôt privé à Genève. Le MCG refusera donc ce projet de loi. Je vous remercie beaucoup. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de quatrième minorité pour trois minutes.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de quatrième minorité. Quelqu'un a demandé la parole ! (Commentaires.)

Le président. Il n'y a plus que les rapporteurs.

M. Stéphane Florey. Ah oui, pardon ! Je vous remercie, Monsieur le président. Tout d'abord, je souhaite dire que nous n'avons trahi personne. Notre électorat, nous l'avons toujours respecté. Preuve en est - souvenez-vous, certains ont la mémoire un peu courte - que nous sommes le seul parti à avoir appelé à refuser la nouvelle constitution... (Commentaires.)

Une voix. C'est pas vrai ! Eh, oh !

M. Stéphane Florey. ...puisque nous n'étions pas d'accord avec ce texte. (Commentaires. Rires.) Sur ce point, nous sommes parfaitement en phase avec nos électeurs. Encore une fois, nous n'avons trahi personne. Vous transmettrez mes excuses à mon collègue, M. Vanek, pour cet oubli malheureux.

Maintenant - et je le redis ici brièvement -, vu les nombreuses contraintes auxquelles serait soumise l'application même de ce projet de loi, partant du principe et de la conviction que celui-ci n'est pas mûr, qu'il va beaucoup trop loin et - je le répète - qu'il va même beaucoup plus loin que ce que pourrait autoriser la constitution, l'UDC vous invite à refuser l'entrée en matière. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. C'est à présent au tour du rapporteur de troisième minorité, M. Rémy Pagani, de prendre la parole pour deux minutes quarante.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais parler de mes amendements: tous les amendements dans mon rapport de minorité - pour ne pas se tromper de débat - visent à créer un cheminement; je tiens à les défendre, à défendre cette position dans la mesure où le projet de loi était ambitieux, je pense, mais qui peut le plus peut le moins. Il me semble justifié de mettre en place ce cheminement, sur la grève à certains endroits et en dur à d'autres.

L'histoire de Genève, Madame Magnin, vous la connaissez très mal... (Exclamations.) ...parce que les enrochements ne sont pas dus au fait que, par hasard... Les patriciens voyaient les Genevois se baigner nus dans le lac, car il n'y avait pas d'eau courante, trouvaient ça insupportable et ont donc fait en sorte de canaliser - si j'ose dire -, déjà à ce moment-là, cette impudeur qui leur gâchait la vue. Il y a eu des révoltes à ce sujet-là; cela a débouché, notamment, sur les bains des Pâquis. Et pourquoi les hommes et les femmes y étaient séparés ? Parce que les patriciens ne supportaient pas non plus que les hommes et les femmes, les Genevoises et les Genevois, se baignent dans notre lac tous sexes confondus et en plus tout nus. Voilà la réalité. Si on veut défendre Genève et les Genevois, Madame Magnin, on doit connaître l'histoire de notre région, parce qu'elle nous apporte des enseignements, et notamment que la volonté actuelle des Genevois de se réapproprier les rives y est inscrite.

Ça, vous ne pourrez pas y échapper. Il y aura une initiative cantonale, et - M. Mizrahi a raison - il n'y aura alors pas le choix: il faudra appliquer le texte qui sera proposé et voté par nos concitoyennes et concitoyens. Quant à nous, la Liste d'union populaire, nous soutiendrons cette volonté et cette initiative. Il nous paraît en effet essentiel de redonner l'accès aux rives, parce que nous nous dirigeons vers des climats durs pour la population, notamment celle qui vit dans des quartiers nouveaux, par exemple celui de l'Etang où la densité dépasse 3. Il est nécessaire d'organiser des délassements au bord de l'eau et le rafraîchissement de la population. Je vous remercie.

M. David Martin (Ve), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais redire que, sur le principe, nous sommes favorables à ce projet, mais, pour compléter mes propos précédents - et je continuerai sur le temps de mon groupe -, nous avons évidemment écouté les associations de protection de la nature: elles sont venues, de façon unanime, nous alerter sur les risques qu'impliquerait ce projet de loi s'il était adopté en l'état. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, nous avons souhaité le renvoyer en commission, nous souhaiterions pouvoir l'adapter; malheureusement, l'entrée en matière n'a pas été votée en commission.

Voici un exemple de cautèle importante. Ce projet de loi demande un sentier sur les rives, et aussi le long de rivières: d'abord, on ne sait pas si c'est de part et d'autre de la rive. Prenons l'Allondon - on aime tous l'Allondon - ou la Versoix, qui sont des cours d'eau extrêmement importants pour la nature dans le canton: imaginons ces deux rivières avec un sentier en béton de 2 mètres de large de part et d'autre; on comprend que cela ne fonctionne pas. A nouveau, l'intention du projet est bonne, mais on aimerait que le texte soit retravaillé.

Ce projet de loi amène un point extrêmement intéressant qu'on aurait voulu pouvoir conserver: la notion de protection et d'aménagement des rives, dans quoi on peut en réalité englober beaucoup de choses. On peut englober le sentier, mais aussi le respect de la protection des rives. Aujourd'hui, en l'état... Je vous invite à regarder la photo que j'ai insérée dans le rapport de minorité: on y voit un bout de rive sur lequel se trouvent en majorité des garages à bateaux et des piscines. Un des résultats de ce projet de loi pourrait être de renforcer la protection des rives du lac pour s'assurer qu'il n'y ait véritablement pas de constructions illicites, car il ne faut pas me dire que des pontons, des murets, des piscines et des garages à bateaux sont les lieux les plus favorables à la biodiversité.

Deuxièmement, un plan directeur des rives du lac peut aussi être un moyen pour identifier des lieux de renaturation supplémentaires. De la même façon que le service de renaturation le fait le long des quais de Cologny avec des roselières, on pourrait identifier davantage de lieux où l'aménagement visé ne se limite pas à un chemin bétonné, mais comprenne notamment des espaces de biodiversité supplémentaires.

Pour revenir sur la question du cheminement, certains ont rappelé le droit fédéral et sa mention du droit de passage; celui-ci existe en l'état, il existe dans la loi, mais force est de constater qu'il n'est absolument pas opérationnel. Je vous mets au défi d'essayer de longer les rives du lac et de franchir les multiples barrières qui sont en place aujourd'hui. A ce sujet, j'aimerais rendre honneur à M. Victor von Wartburg, l'un des fers de lance de toute cette démarche, qui sera certainement le fer de lance de la future initiative, qui s'est battu corps et âme; il est même allé couper des barrières le long des rives du canton du Vaud pour montrer à quel point le principe constitutionnel d'accès aux rives n'est pas respecté aujourd'hui.

Je le répète: oui au principe de ce projet de loi, mais pas sous cette forme. Pour répondre au député PDC, qui a cité nommément des directeurs au département du territoire, je rappellerai l'avis exprimé par l'un d'eux en commission: ce projet de loi est peut-être maladroit, mais son intention va demeurer un débat. Ça montre bien que du point de vue du département du territoire, à nouveau, l'intention du projet est intéressante, mais pas sous cette forme.

Pour terminer, j'aimerais signifier à mes voisins PS et Ensemble à Gauche que s'ils tiennent véritablement à trouver une issue à ce projet de loi, il faudrait soutenir son renvoi en commission. Pourquoi entrer en matière ? Il faut un renvoi en commission, parce qu'il y a un travail de fond à réaliser sur ce texte. Je pense aux amendements de M. Pagani: ce sont deux pages, Mesdames et Messieurs, deux pages complètes d'amendements. Comment voulez-vous traiter ça en plénière ? Je comprends que ça soit un peu inquiétant, et je pense que c'est une des raisons qui rend difficile le renvoi en commission. C'est pourquoi je le demande une fois de plus: si certaines personnes dans cette salle pensent que l'intention derrière ce projet de loi mérite une réflexion supplémentaire, il faut qu'on puisse en reparler en commission. Non pour faire de nouvelles auditions - je confirme - mais pour qu'on puisse amender le projet, discuter de ce qu'on veut en faire. Par conséquent, je demande à nouveau le renvoi à la commission d'aménagement du canton. (Applaudissements.)

Le président. Est-ce que les rapporteurs veulent prendre la parole ? Sinon je suspends la séance, parce que nous avons une réception à 18h30. (Commentaires.) Est-ce que les rapporteurs veulent s'exprimer ? (Remarque.) Parlez, et nous ne voterons pas ce soir. (Exclamations.)

Des voix. Non !

Le président. Si vous voulez prendre la parole, il faut assumer les débats ! Monsieur Pagani, c'est à vous.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Sur le renvoi en commission... Mais je trouve assez bizarre la méthode ! M. Subilia s'est répandu tout à l'heure à propos du renvoi en commission, il a pris au moins trois minutes, quatre minutes, et tout à coup, on voudrait nous empêcher de poursuivre ce débat très important. (Protestations. Commentaires.)

Le président. On ne va pas vous empêcher de poursuivre le débat, Monsieur le rapporteur. On vous dit simplement que je suspends la séance.

M. Rémy Pagani. Je me permets de dire les choses. Je vais donc commencer à défendre les amendements que j'ai présentés. Il y en a quatre pages. (Protestations.)

Le président. C'est sur le renvoi en commission que vous devez vous prononcer. (Commentaires.)

M. Rémy Pagani. Voilà, tout à fait. Je suis pour le renvoi... (Commentaires.) Laissez-moi finir, Mesdames et Messieurs. Je suis pour le renvoi en commission, dans la mesure où j'ai effectivement écrit quatre pages d'amendements pour ciseler un projet de loi. Il est apparu, au sein de la commission, qu'il y avait possibilité de s'entendre sur un sentier qui permette aux uns et autres de se balader, comme il en existe un entre Thonon et Evian, voire Yvoire. Je pense que les Français ne sont ni plus ni moins intelligents que nous, et nous devons suivre cet exemple, d'autant plus que ces sentiers sont effectivement... Les personnes - ça, je tiens à le dire aussi - qui se baladent sur ces sentiers sont extrêmement respectueuses des propriétés privées sur lesquelles elles ont le droit de passer et de la faune et de la flore. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs - avant l'entrée en matière, Monsieur le président -, à renvoyer ce projet de loi en commission pour qu'on puisse l'améliorer, si faire se peut; autrement, ce serait du travail gâché.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur.

M. Rémy Pagani. D'autant plus que si ce n'est pas le cas - je termine, Monsieur le président -, si ce projet de loi est refusé, effectivement, il sera repris quasiment tel quel dans une initiative... (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, c'est terminé.

M. Rémy Pagani. ...et alors là, je doute que vous puissiez faire quoi que ce soit pour l'améliorer.

Une voix. C'est la démocratie par la menace ! (Commentaires.)

M. Rémy Pagani. Mais les rapporteurs ont le temps qu'ils veulent ! (Commentaires.)

Le président. Non, c'est trois minutes. Très bien, je passe la parole à... Qui veut prendre la parole ? Madame Amanda Gavilanes, sur le renvoi en commission ?

Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Tout comme précédemment, le parti socialiste s'opposera au renvoi en commission, puisque nous considérons qu'avant un renvoi, il nous faut d'abord des preuves, des gages de bonne volonté. Ce qui constitue ces gages, c'est d'adopter l'entrée en matière sur ce projet de loi. On pourra alors éventuellement considérer un renvoi en commission. Merci.

M. Vincent Subilia (PLR), rapporteur de majorité. Comme ce fut déjà le cas précédemment, le PLR s'opposera bien sûr au renvoi en commission. Ce qui devait être dit l'a été, et c'est ainsi que nous entendons terminer cette plaidoirie. Avec une dernière précision néanmoins, puisque au sein de l'union des gauches - enfin, qui n'a d'union que le nom, manifestement -, on dit...

Une voix. Vous n'avez rien à nous apprendre !

M. Vincent Subilia. ...on dit du PLR qu'il est le fossoyeur de la biodiversité. Je crois qu'il faut revenir, Mesdames et Messieurs, à ce qui figure dans le rapport, qui n'est pas aussi long pour rien. Je cite les associations de défense de la nature: il semble impossible de concilier la protection de la biodiversité avec la création d'un cheminement riverain. Tout est dit.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le conseiller d'Etat, sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Non, très bien. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur cette demande.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13024 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 70 non contre 24 oui.

Le président. La parole revient à M. David Martin. (Exclamations.)

Des voix. Non !

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. David Martin. Je renonce. (Remarque. Rires.)

Le président. Merci. Je cède la parole à... Monsieur Pagani, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur Subilia ?

M. Vincent Subilia. Je renonce. (Commentaires.)

Le président. Merci. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Pour conclure ce débat et permettre à ce parlement de voter, accordez-moi juste trente secondes pour dire que c'est un sujet important. La loi fédérale dit clairement le principe, mais les oppositions juridiques - des droits réels, des droits diplomatiques, du droit de la nature, du droit de l'aménagement - contredisent parfois, sur certains tronçons, ce principe. Ce projet de loi a le défaut d'être rédigé de manière trop explicite, trop rigide pour qu'on puisse faire une pesée des intérêts.

Ce sujet est d'importance cantonale. Genève se place parmi les cantons au plus mauvais taux d'accès au lac, aux rives et aux rivières: nous sommes nettement moins bien lotis que d'autres. Le Conseil d'Etat et moi-même, soucieux d'agir, trouvons que ce thème pourrait faire l'objet soit d'un renvoi au gouvernement à travers une motion, pour que l'administration travaille de manière équilibrée à la rédaction d'un texte, soit d'une impulsion parlementaire diverse. Mais nous ne pouvons pas accepter ce projet de loi en l'état et vous recommandons son refus. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13024 est rejeté en premier débat par 54 non contre 27 oui et 14 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suspends la séance le temps de faire entrer nos invités.

La séance est suspendue à 18h33.

La séance est reprise à 18h36.

RD 1501
Réception en l'honneur de M. Hugo DUMINIL-COPIN, co-lauréat 2022 de la médaille Fields

(M. Hugo Duminil-Copin, co-lauréat 2022 de la médaille Fields, prend place à la tribune du président.

MM. Yves Flückiger, recteur de l'Université de Genève, et Jérôme Lacour, doyen de la Faculté des sciences de l'Université de Genève, prennent place à droite du Conseil d'Etat.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés,

Monsieur le président du Conseil d'Etat,

Messieurs les conseillers d'Etat,

Monsieur le recteur, Monsieur le doyen,

Monsieur le lauréat,

Monsieur Hugo Duminil-Copin, vous avez reçu la prestigieuse médaille Fields, équivalent du prix Nobel pour les mathématiques, attribuée tous les quatre ans, avec un maximum de quatre lauréats par édition, et qui récompense les travaux de chercheurs de moins de 40 ans. L'Université de Genève et l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne ont été toutes deux consacrées lors de cette édition 2022, puisque à 37 ans, Maryna Viazovska, titulaire de la chaire d'arithmétique à l'EPFL, a reçu la même distinction.

Vos travaux portent sur la branche mathématique de la physique statistique, plus particulièrement sur les transitions de phases - les changements brusques des propriétés de la matière, comme le passage de l'eau de l'état gazeux à l'état liquide - en faisant appel à la théorie des probabilités. Je n'irai pas plus loin dans cette description. (Rires.)

Nommé professeur de mathématiques à l'Université de Genève à l'âge de 28 ans, professeur ordinaire un an plus tard, vous êtes également professeur permanent à l'Institut des hautes études scientifiques à Bures-sur-Yvette depuis 2016. Votre femme enseigne à Genève, vous avez une adorable petite fille et, dénominateur commun entre nous, un bouvier bernois très remuant... (Rires.) ...que vous dites bien aimer, même si - je vous cite - «il n'est pas le plus intelligent de la famille». (Rires.) Vous êtes assailli d'idées qui vous viennent à l'esprit n'importe quand, en pleine nuit ou sous la douche. Bref, vous vous considérez comme quelqu'un de normal, loin de l'image du mathématicien un rien abstrait, voire renfermé, avec une tendance à développer un côté savant fou totalement inaccessible. Vous êtes tout le contraire: empathique, affable, épris de chiffres et de beauté, les pieds bien posés sur terre, rempli d'humour, avec un incontestable sens de la formule, cassant ainsi les idées reçues sur les «matheux».

Les mathématiques sont à la base de nombre de technologies; c'est un bien culturel commun indispensable au développement de l'humanité et qui contribue à rendre le monde meilleur. En tant que chercheur, vous ressentez que la vision de la science est à un tournant et devient clivante, ce qui vous fait un peu peur. Certains ne croient plus les scientifiques, pensant qu'ils dissimulent toujours des intérêts particuliers ou des transformations de la réalité; d'autres au contraire - et c'est rassurant - font confiance à la science, parfois aveuglément. Dans un monde où tout est considéré comme devant être blanc ou noir, il est parfois difficile de comprendre que l'on puisse tâtonner pour avancer, que l'humain progresse en faisant des erreurs et que toute la science est basée sur la notion de réfutabilité. On exige souvent des réponses immédiates et définitives. Aussi est-il nécessaire de rétablir ce lien entre chercheurs et société pour écarter l'idée que le scientifique vivrait en dehors du monde, en s'exclamant parfois dans son bain: «Eurêka, j'ai trouvé !» Vous n'hésitez du reste pas à rencontrer les médias pour leur faire découvrir vos travaux en les vulgarisant.

Votre métier, c'est la recherche et l'enseignement; la politique ne vous intéresse pas et vous avouez votre manque de compétences en la matière. Peut-être qu'un jour quelqu'un réussira à solutionner les calculs politiques complexes en posant l'équation aux nombreuses inconnues qui ferait tendre les points de notre ordre du jour vers zéro. (Rires.) Il mériterait alors certainement de recevoir la médaille Fields.

Les mathématiques sont avant tout un processus collaboratif. Dans ce sens, la mise à l'écart de la Suisse du programme européen de recherche Horizon Europe a de quoi préoccuper davantage que les financements perdus. Ce problème a été mis en exergue tant par notre université que par la commission de l'enseignement supérieur de notre parlement pour qu'un rapprochement rapide permette de réintégrer les scientifiques suisses dans les programmes européens de pointe. C'est d'ailleurs de la discussion et de la confrontation qu'émergent les idées les plus intelligentes: cela vaut pour les mathématiques comme pour la politique.

Je crois savoir que vous entretenez une relation conflictuelle avec les ordinateurs; cela doit réconforter bon nombre d'entre nous. (Rires.) En effet, vous modélisez dans votre cerveau, le plus merveilleux des ordinateurs. Vous adorez les tableaux: le tableau noir, c'est la liberté ! Un objet créatif et bien plus interactif que des feuilles de papier ou des feuilles Excel - je vous cite !

La pratique des mathématiques demande une bonne dose de créativité et d'intuition. Il existe une forme de beauté, même si tout est relatif, dans la façon d'arriver à un résultat, de le démontrer, puis de le comprendre. Ces idées et ces cas-concepts, vous les appréciez exactement comme on peut le faire avec une oeuvre d'art, un concept en philosophie ou une belle histoire.

Nous sommes très fiers de vous recevoir aujourd'hui. L'Université de Genève reçoit ainsi sa quatrième médaille Fields, ce qui confirme le haut niveau de notre alma mater dans le domaine des mathématiques et de la recherche. Cette récompense vient en outre peu après la réception du prix Nobel de physique attribué à Michel Mayor et Didier Queloz, que nous avons également eu le plaisir de recevoir ici.

Nous vous souhaitons une longue et fructueuse carrière, riche en recherches et développements, une non moins longue et enrichissante collaboration avec notre université et un rôle engagé d'ambassadeur des mathématiques au niveau genevois, suisse et mondial. Quant à nous, nous devons nous engager pour donner les moyens nécessaires à la recherche en sollicitant la Confédération pour que nos hautes écoles restent concurrentielles et attractives.

Hugo Duminil-Copin, vous êtes un mathématicien hors norme: la créativité et l'esthétisme sont les moteurs de vos recherches. Vous prouvez que la dignité n'est pas synonyme de facilité, mais bien l'apanage du génie, et ce soir, CQFD: c'est ce qu'il fallait démontrer. (L'assemblée se lève. Longs et vifs applaudissements.)

M. Hugo Duminil-Copin. Merci beaucoup pour ce discours trop élogieux. On m'a autorisé à vous adresser quelques mots. (Remarque.) Le micro ne marche pas ? Ah ! Voilà. C'est pour ça que j'ai peur de la politique, c'est trop technique. (L'orateur rit.) Vous êtes à moi pour cinq minutes, et je vais en profiter. On m'a dit: «Surtout, ne demande pas d'argent.» Ne vous inquiétez donc pas. (Rires. L'orateur rit.) Je vais vous parler de choses qui me tiennent à coeur, et j'espère que vous aurez de vous-mêmes, subliminalement, envie de donner de l'argent. (Rires. L'orateur rit.) Plusieurs choses me viennent à l'esprit.

Je suis très, très heureux d'être là. Genève m'a accueilli il y a quinze ans; je suis tombé amoureux de la ville et je ne suis jamais reparti. Des raisons extra-universitaires entrent aussi en ligne de compte, mais je vais davantage parler des raisons universitaires, parce que ce sont celles sur lesquelles j'ai le plus de choses à dire.

Nous avons une université exceptionnelle, il n'est pas exagéré de le dire. C'est une université de niveau mondial, très intégrée dans la cité. En général, des universités de ce niveau-là se trouvent dans des villes beaucoup plus grandes, et y sont un peu diluées. Ici, on a une université de très haut niveau, dans une ville à taille humaine. C'est une chance, et on doit la saisir ! En particulier si on parle des mathématiques, on constate de gros problèmes dans l'enseignement de cette branche, et des sciences en général - vous le savez probablement bien mieux que moi. On se rend compte que les enfants décrochent, ont du mal avec les sciences; les premières personnes touchées sont malheureusement les jeunes filles et les personnes de milieux défavorisés. C'est exactement l'opposé de ce qu'on aimerait voir, puisqu'on aimerait penser les mathématiques et les sciences comme de grands facteurs d'égalisation. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, et corriger ce problème est un vrai défi pour notre société, parce que notre avenir est en jeu.

Cette question est liée non seulement au DIP, mais aussi à l'université, puisqu'elle fait le lien avec l'enseignement obligatoire et finit de former les gens à leur métier. Elle fait aussi beaucoup de médiation. Je tiens à citer pour exemple une activité de la Faculté des sciences appelée le Scienscope; elle accueille plus de 28 000 étudiants chaque année, mais n'a toujours pas de solution pérenne. J'ai promis que je ne demanderais pas d'argent... (Rires. L'orateur rit.) ...je passe donc au point suivant. Des activités fonctionnent extrêmement bien, et l'université est très impliquée dans ce lien à la cité. Je pense qu'il faut continuer dans cette direction et récompenser l'université pour cela. Bien sûr, pour nous c'est un plaisir de le faire; on aime avant tout transmettre, et pas seulement à nos collègues, mais aussi à l'ensemble du public et aux enfants. Voilà la première raison pour laquelle il faut - je trouve - insister sur ce lien entre l'université et la cité.

Le deuxième point que je voulais mentionner, c'est l'excellence de la recherche. On me demande souvent à quoi c'est utile. Quand on a une université d'un tel niveau dans la recherche, on attire des entreprises, parce qu'elles sont dans un environnement innovateur; l'innovation émane de la recherche. Par ailleurs, on garantit à ces entreprises, pour les métiers à haute valeur ajoutée, des gens formés et de très haut niveau. Il faut par conséquent comprendre que chaque franc investi dans l'université revient à travers ces éléments-là. Cela favorise donc le tissu économique.

Au-delà de ça, on peut songer à l'application directe de la recherche. Qu'est-ce que ça entraîne ? Quelles sont les applications ? On a souvent en tête celles de la recherche appliquée, que vous connaissez toutes. A Genève on en a un excellent exemple, puisque l'université, en tout cas la Faculté de médecine, ce sont aussi les HUG. Le gel hydroalcoolique... (L'orateur regarde autour de lui.) ...qui doit être dehors, vient d'ici; il fait partie des applications directes.

Il y a aussi la recherche fondamentale. Si vous me demandez quelles seront les applications directes de ma recherche, je ne peux pas encore vous le dire. C'est bien comme ça, parce qu'il est important d'avoir des visions différentes de la recherche. Pour ma part, je suis motivé par des visions purement esthétiques, d'un certain point de vue; cela me permettra peut-être de trouver des choses que quelqu'un qui cherche une application directe ne trouvera pas.

Or quand on parle de recherche fondamentale, il y a une vraie difficulté pour le législateur, car les applications sont pour demain, après-demain, voire bien plus loin que ça. Je voulais vous dire qu'une bonne façon de se rassurer en tant que législateur quand on investit dans la recherche fondamentale, c'est de regarder le passé. Plutôt que de demander aux gens: «A quoi ça servira ?», pensons plutôt à quoi ça a servi. N'importe quelle grande découverte technologique, n'importe quel changement de paradigme technologique étaient sous-tendus par des recherches fondamentales menées par des chercheurs et des chercheuses des dizaines, des vingtaines, des centaines d'années auparavant. On en voit à présent l'efficacité et aujourd'hui, on récupère les fruits de ce qui a été semé il y a des dizaines, des vingtaines, des centaines d'années; je vous encourage autant que possible à faire de même pour l'avenir et à semer ce qui nous mènera à de grandes découvertes.

Je finis sur un point un peu moins positif. Certes, l'université fonctionne extrêmement bien - j'espère que vous en avez conscience -, c'est un très bon environnement, mais elle fait effectivement face à des challenges financiers. On a parlé d'Horizon Europe. Je peux vous dire qu'en tant que chercheur, je suis directement impliqué, car j'ai de nombreux collaborateurs en Europe et il est beaucoup plus compliqué de travailler avec eux. En outre, des coupes budgétaires sont prévues au niveau fédéral. Si vous êtes d'accord avec moi sur le fait qu'on a une chance exceptionnelle d'avoir une telle université à Genève, le soutien du canton fera boule de neige; cela signifie également à l'Etat et aux autres Etats européens qu'on tient à cette université et qu'on veut qu'elle se porte le mieux possible pour nous, pour nos étudiants et pour le reste de la cité. Voilà. Finalement, j'ai demandé de l'argent, il me semble. (Rires. L'orateur rit.) Je suis désolé. Je dois m'arrêter, probablement, et je vous remercie. Je serai là juste après; si vous avez des questions à me poser, n'hésitez pas. Merci beaucoup. (L'assemblée se lève. Longs et vifs applaudissements.)

Le président. En souvenir de votre passage chez nous et de notre reconnaissance pour tout ce que vous apportez au domaine de la recherche, à Genève et à notre université, je me permets de vous remettre ce petit stylo souvenir du parlement genevois. (Applaudissements. Le président remet le stylo souvenir à M. Hugo Duminil-Copin.)

M. Hugo Duminil-Copin. Merci beaucoup pour l'invitation.

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous invite toutes et tous à rejoindre la salle des Pas-Perdus pour l'apéritif qui nous attend.

La séance est levée à 18h55.