Recensement architectural du canton de Genève (RAC-2015). Mandataires: Frédéric Python, Natalie Rilliet. Auteurs: Deborah Chevalier, Lola Cholakian-Lombard, Mélanie Delaune, Nathalie Desarzens, Frédéric Python, Natalie Rilliet. Evaluation patrimoniale: commission scientifique de suivi, 23 janvier 2018. © Office du patrimoine et des sites.
Versoix
Route de Suisse 10
Parcelle: 47:4798
Bâtiment GE: 1461
EGID: 1030374
Valeur: Intéressant
Le bâtiment est cadastré comme usine pour le compte de Jean-François Moccand, entrepreneur, en 1871, à proximité d'un ancien moulin, avec une maison d'habitation, un second bâtiment industriel et des dépendances. En 1885, l'achat de la parcelle par Charles Bartholony inclut tous ces bâtiments dans le grand domaine de plaisance de Sans-Souci. Le bâtiment est alors transformé en dépendance devant servir de logement à la gouvernante et au précepteur (Frommel 2005), alors que d'autres sont démolis. La propriété Bartholony est morcelée en 1926 et sa portion septentrionale vendue à Adrien Lachenal. Celui-ci confie en 1928 à l'architecte Julien Flegenheimer la transformation de la grande dépendance en maison de maître, qu'il renomme La Bécassine, alors que l'ancienne maison de Moccand est démolie peu après (cadastration en 1936). L'Etat acquiert la propriété en 1957 et installe des bureaux et un laboratoire dans le bâtiment principal.
La maison est accessible depuis la route de Suisse au bout d'une assez longue allée serpentant entre la Versoix et la propriété de Sans-Souci. Axé sud-ouest nord-est, le bâtiment présente un plan rectangulaire irrégulier avec une courte aile en retour d'équerre au nord-ouest. Il élève un étage sur rez-de-chaussée avec comble partiellement habitable abrité sous un toit relativement bas à deux pans. Le volume s'articule en cinq parties. Les trois tronçons du sud-ouest présentent un caractère rustique, avec des niveaux distincts et un décrochement de toiture. Ils datent probablement, pour l'essentiel, du temps de la conversion de l'usine en dépendance d'un grand domaine. Celle-ci devait contenir, comme les maisons rurales genevoises contemporaines, une partie réservée au logement au midi, avec une façade pignon largement ouverte avec la porte d'entrée centrale, et une partie accueillant les bêtes, ce que rappellent, au rez-de-chaussée, deux portes d'écurie avec chacune sa fenêtre de ventilation. Comme les fenêtres de la façade sud-est, probablement repercées, toute la travée nord-est résulte des travaux effectués en 1928: l'architecte Flegenheimer y établit au rez-de-chaussée de la façade pignon des arcades, qui supportent un étage s'ouvrant par de grandes fenêtres pour apporter une lumière abondante aux nouvelles pièces de réception de ce qui était devenu une maison de maître. L'avant-corps de la façade nord-ouest présente simplement deux niveaux de fenêtres alignées. La porte d'entrée en bois mouluré et à grilles en fer forgé ainsi que les avant-toits à aisseliers sculptés sont un souvenir du décor de la fin du XIXe siècle; en revanche, l'intervention de la fin des années 1920 a tendu vers une uniformisation des façades, probablement dépouillées à ce moment-là de nombreux ornements en bois découpé et sculpté et recouvertes d'un épais crépi, actuellement peint en beige. C'est à cette époque aussi que la toiture, couverte de tuiles plates en écaille, est dotée d'une série de souches de cheminée en béton à chapeau à tuiles.
La parcelle de La Bécassine réunit harmonieusement des bâtiments de plusieurs époques, l'ancien moulin dit Moulin-du-Pont, de la fin du XVIIIe siècle (fiche RAC-VSX-0422), l'usine de 1871, un chalet (fiche RAC-VSX-0374) et une serre (RAC-VSX-0375) de l'époque Bartholony au sein d'un parc dont l'aménagement a été repris avec beaucoup de soin dès 1928. Ses allées et les belles plantations de conifères qu'elles contournent sont fort bien conservées, malgré le sacrifice de la pelouse située du côté de la Versoix lors de la renaturation de 2010. La maison constitue un témoignage intéressant de l'évolution d'un bâtiment à travers les décennies et les fonctions, dont l'équilibre n'est troublé que par quelques aménagements plus récents (un balcon avec échelle de secours métallique ainsi que des tuyaux d'évacuation de gaz). Mais ces défauts sont peut-être temporaires.