République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 novembre 2006 à 20h45
56e législature - 2e année - 2e session - 7e séance
PL 9907-A
Premier débat
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R), rapporteuse de majorité. Je voudrais dire que ce projet de loi avait surtout comme objectif de mettre un cadre légal au traitement... (Brouhaha.) ... des NEM et de l'aide qui leur est allouée, cela suite à un recours. Or, en rédigeant ce rapport de majorité, il m'est apparu très nettement qu'il manquait un amendement, qui avait été refusé par la commission mais qui permettait de traiter les situations d'exception par rapport aux prestations en nature... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Grâce à son oreille attentive et sensible, le Conseil d'Etat nous a proposé un amendement... (Brouhaha persistant. La présidente agite la cloche.) ... qui a été déposé sur les tables.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. En préambule, Mesdames et Messieurs les députés, quelques remarques: nous ne sommes pas ici dans un débat sur le droit d'asile. Nous n'avons donc pas à nous prononcer sur le bien-fondé de la présence en Suisse des personnes pour qui il y a eu une non-entrée en matière ou sur le bien-fondé de la décision de non-entrée en matière prise par la Confédération. Non, nous sommes sur un projet de loi qui se fonde sur un principe se trouvant dans notre Constitution, à l'article 12, principe qui établit le droit de chacun à une aide en situation de détresse pour mener une existence conforme à la dignité humaine.
Concernant les personnes pour qui une décision de non-entrée en matière a été prononcée, la base légale actuelle laisse une certaine souplesse au canton sur la forme que peut prendre cette aide. C'est une aide qui est le plus souvent en nature, mais qui peut également être pécuniaire. Il en va de même à ce propos de la loi qui a été adoptée, la fameuse lex Blocher, par une majorité du peuple suisse le 24 septembre. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, les représentants de la minorité sont très satisfaits de l'amendement qui a été proposé par le Conseil d'Etat.
Effectivement, il nous semblait que le projet de loi, tel qu'il était sorti de la commission, prévoyait exclusivement ou quasi exclusivement une aide en nature pour les personnes pour qui une non-entrée en matière avait été prononcée. A notre sens, cela n'était pas conforme à la dignité humaine. J'ai donné dans mon rapport un exemple pour illustrer ce propos. Cet exemple a été donné en commission par M. Yves Brutsch de «Coordination.asile» et, à mon sens, il résume parfaitement la situation. C'est le cas d'une catastrophe naturelle. Pensez, Mesdames et Messieurs les députés, à un tremblement de terre, qui fait que des personnes doivent être relogées dans une salle de sport. Il est évident que, pendant les premiers jours, voire les premières semaines, les personnes concernées seront parfaitement heureuses et remercieront les autorités du fait d'être dans cette salle de sport en logement collectif, nourries avec des plateaux-repas ou avec des sandwichs. Mais il est évident que, si cette situation venait à perdurer, elle deviendrait difficilement acceptable pour les personnes. Si vous étiez, vous autres, Mesdames et Messieurs les députés, dans une telle situation, je suis persuadée qu'après quelques semaines vous chercheriez d'autres moyens pour vous en sortir qu'une aide fournie par les autorités.
Quand on revient concrètement à la situation des personnes pour qui il y a eu une non-entrée en matière, qu'est-ce que l'on constate ? On constate que ces personnes,... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ... contrairement à ce qui devrait être la réalité, dans leur immense majorité, ne retournent pas dans leur pays. Non pas pour des raisons qui leur sont le plus souvent imputables, mais tout simplement parce que ce n'est en général pas possible. C'est couramment dû au pays d'origine, qui refuse que ces personnes rentrent. Donc, après un certain temps avec cette aide d'urgence fournie par les autorités, que se passe-t-il ? Quelle solution ont ces personnes si elles veulent être responsables et actives au niveau de leur vie ? Elles n'en ont pas trente-six. En général, elles rentrent dans la clandestinité... (Brouhaha.) Madame la présidente, ce sujet concerne la dignité humaine... (La présidente agite la cloche.) ... et il me semble que ce parlement pourrait avoir la dignité d'écouter ce qui concerne des personnes !
La présidente. Vous avez tout à fait raison, Madame la députée. Je demande aux personnes que cela n'intéresse pas de continuer leurs discussions en dehors de cette salle.
Mme Anne Emery-Torracinta. Si la situation se prolonge pour ces personnes, elles vont chercher à s'en sortir par d'autres moyens. Généralement, en comptant sur leur communauté d'origine, mais aussi - et c'est important que vous en soyez conscients, Mesdames et Messieurs les députés - en sombrant parfois dans la délinquance.
Pour vous donner un chiffre, entre le 1er avril 2004, moment où l'aide d'urgence à Genève a été faite sous forme d'aide en nature, et le 30 juin 2006, la police a interpellé 257 personnes en situation de non-entrée en matière qui commettaient des actes délictueux. Il s'agissait essentiellement de trafic de stupéfiants.
A notre avis - c'est pour cela que l'amendement proposé par le Conseil d'Etat va dans le bon sens - il est important de tenir compte à la fois de la situation personnelle, de la durée et du comportement des personnes.
En conséquence, la minorité vous invite à soutenir cet amendement, qui concilie à la fois l'éthique et le réalisme politique. Vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, on dit parfois que le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas; on a ici l'occasion de voter un projet de loi qui peut concilier le coeur et la raison.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Permettez-moi de me faire ici l'écho de «Coordination.asile» qui, dans un courrier daté du 17 octobre 2006, nous faisait part de son inquiétude quant au projet de loi qui nous occupe. Elle avait déjà critiqué à plusieurs reprises les modalités de l'aide minimaliste, qui pousse la majorité des intéressés dans la clandestinité, quand ce n'est pas dans la délinquance. La pétition de juin 2004, signée par 3000 personnes, est restée lettre morte après avoir été transmise au Conseil d'Etat.
Aujourd'hui, c'est une loi cantonale qui nous est soumise, qui se trouve être encore plus dure et plus restrictive que ne l'est la lex Blocher, la récente modification de la loi fédérale sur l'asile. Je parle donc bien du texte de loi tel qu'il est sorti des travaux de la commission, qui a été voté sans état d'âme par les députés de l'Entente, de l'UDC - cela, c'est normal - et du MCG. Ceci à Genève, ville accueillant les réfugiés depuis plusieurs siècles; à Genève, ville internationale qui se targue de sa vocation humanitaire.
Si l'article 82 de la loi fédérale laisse aux cantons la possibilité d'organiser l'aide d'urgence en nature ou en espèces, le projet de loi genevois ne retient que la forme humiliante d'une aide en nature, y compris pour la nourriture, ce qui prive les intéressés de toute initiative et de toute maîtrise dans un domaine vital, surtout lorsque cette situation se prolonge pendant des mois, voire des années. De la même façon - et quelle que soit la durée pendant laquelle une personne reste astreinte à ce régime - aucune possibilité de gagner un minimum d'argent de poche, par exemple par une activité d'utilité publique, ne trouve place dans le projet genevois, ce qui condamne les intéressés soit à végéter soit à trafiquer pour améliorer leur ordinaire de façon illicite.
L'amendement proposé par le Conseil d'Etat évitera le lancement d'un référendum. Celui-ci avait été annoncé. Il aurait donné une image désastreuse de Genève dans les organisations internationales et les ONG qui ont leur siège à Genève, ainsi qu'au niveau international. La Coordination avait fait des propositions réalistes pour améliorer le projet officiel. Le peu d'écho rencontré était d'autant plus surprenant que les services officiels concernés par la problématique de l'aide d'urgence étaient favorables aux propositions de la Coordination.
Voici quelques chiffres qui étayent la pertinence des propos de la Coordination. Durant les deux premières années, soit 2004 à 2006, 620 personnes relevant du canton de Genève ont été frappées d'une NEM; 79, ce qui représente plus de 13%, ont fait l'objet d'un départ contrôlé; 86 seulement sont toujours au bénéfice d'une aide. La plupart, soit 455, ont disparu sans que l'on puisse connaître leur lieu de séjour. On dénombre par ailleurs 257 interpellations policières, essentiellement en matière de stupéfiants, et 411 autres interpellations de personnes avec NEM relevant d'autres cantons.
Les craintes exprimées par la Coordination à de multiples reprises, selon lesquelles un système d'aide d'urgence trop rigide et trop limité entraînerait de nombreux effets pervers - clandestinité, délinquance, etc. - se trouvent ainsi confirmées. Il est donc indispensable d'éviter que la base légale aujourd'hui en discussion se contente d'affirmer le statu quo.
Il est absolument essentiel que l'amendement proposé aujourd'hui, selon lequel les prestations sont adaptées en fonction de leur durée ainsi que de la situation personnelle et du comportement du bénéficiaire, soit adopté. A charge pour la réglementation d'exécution d'en fixer les modalités. On peut tout à fait envisager que l'aide soit donnée exclusivement en nature dans un premier temps, si cela est jugé nécessaire, et qu'elle se prolonge sous cette forme par exemple pour le logement quand des raisons pratiques le justifient.
Cette adjonction du Conseil d'Etat s'inspire des recommandations de la Conférence des directeurs cantonaux de l'aide sociale. Elle exprimerait au moins la volonté d'aller vers une aide d'urgence plus adaptée à la réalité. L'adoption de l'amendement proposé apporterait un apaisement sur cette question délicate et permettrait ainsi au groupe socialiste de voter - sans grand enthousiasme toutefois - ce projet de loi modifiant la loi sur l'assistance publique.
La présidente. Madame la députée, j'ai une question à vous poser: vous aviez demandé la lecture de la lettre de la délégation des Eglises aux réfugiés. Souhaitez-vous que cette lecture soit faite ?
Mme Françoise Schenk-Gottret. Plus que jamais, Madame la présidente !
La présidente. Dans ce cas, Monsieur le secrétaire, voulez-vous lire le courrier 2321.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Christian Bavarel, Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon, M. Gilbert Catelain, M. François Thion, les deux rapporteurs et M. François Longchamp.
M. Christian Bavarel (Ve). Nous devons aujourd'hui régler ici, à Genève, les conséquences de lois que les Verts ont toujours combattues au niveau fédéral. Effectivement, les cantons héritent de situations qui sont quelque peu kafkaïennes. Nous sommes face à des personnes frappées d'une non-entrée en matière, qui ont interdiction de travailler et dont on ne peut pas exécuter le renvoi dans leur pays d'origine. La situation est très difficile.
De plus, la Constitution fédérale indique dans son article 12, que je vais quand même vous lire: «Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.» Nous sommes là face aux normes minimales de dignité humaine que l'on tient à appliquer dans notre canton.
Le projet qui vous est proposé n'est certainement pas satisfaisant pour les Verts. Nous souhaiterions être le plus généreux possible dans le cadre des lois fédérales et offrir un maximum à ces personnes. En même temps, nous avons conscience de la réalité politique de ce canton et de la manière dont les choses se sont déroulées en commission; vous avez lu les deux rapports et vous avez pu voir qu'il y avait quelques difficultés en commission entre les différents groupes.
Les associations - que je tiens à remercier - ont fait un énorme travail: elles ont pris contact avec les députés des différents groupes pour que l'on perçoive réellement la situation de détresse de ces personnes. C'est aussi grâce à l'action du Conseil d'Etat, qui nous a proposé cet amendement, que nous sommes arrivés à une solution, qui n'est pas complètement satisfaisante pour nous, mais qui nous permet d'accepter ce projet de loi.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, le rapport de majorité et le rapport de minorité ont tout leur sens, parce qu'ils reflètent parfaitement les travaux de la commission. Toutefois, nous tenons tout particulièrement à remercier le Conseil d'Etat pour les amendements qui ont été proposés et qui correspondent exactement à ce que nous avons souhaité obtenir en tant que partis gouvernementaux face à cette immense responsabilité dans des situations de personnes victimes de non-entrée en matière, pour certaines.
Nous remercions le Conseil d'Etat pour ses amendements qui permettent à ce projet de loi de répondre à la fois aux nécessités du droit et à l'humanité que nous nous devons d'avoir face à toutes les personnes qui se retrouvent dans cette situation, selon l'article 12 de la Constitution. Je ne vais pas le relire, M. Bavarel l'a fait avant moi.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'aimerais, en préambule, juste revenir sur la genèse de ce projet de loi déposé par le Conseil d'Etat. Il est issu d'un jugement du Tribunal administratif concernant une association subventionnée par notre canton, qui a utilisé un NEM pour faire valoir sa vision de la dignité humaine. Le Tribunal administratif a conclu que la pratique du Conseil d'Etat était tout à fait digne des droits humains, mais qu'il manquait simplement une base légale adéquate pour continuer cette pratique. En résumé, ce projet de loi ne vise qu'à légaliser la pratique actuelle, qui ne date pas d'un ou deux mois mais de bien plus longtemps, de l'entrée en vigueur du nouveau «statut» de non-entrée en matière. Il ne s'agit donc pas ici de faire un débat moralisateur sur la dignité humaine et sur les droits humains, puisque le Tribunal administratif s'en est chargé et qu'il a établi qu'il n'y avait aucun problème à ce niveau-là.
Pour ma part, je suis un adepte des plateaux-repas. J'ai fait de nombreux mois d'armée et on m'a servi des plateaux-repas. On ne m'a pas demandé mon avis. On m'a même donné des plateaux froids, c'est ce qu'on appelle des boîtes de goulache, il faut les chauffer soi-même. Jamais - jamais ! - un seul parlementaire en Suisse n'a remis en cause les plateaux-repas de l'armée, n'est-ce pas ? Cela ne nous pose aucun problème que pendant des mois, voire des années, certaines personnes mangent des plateaux-repas ! A nos gamins, à l'école, on leur sert des plateaux-repas «dégueulasses»; dans les EMS, on sert des plateaux-repas. Cela ne pose pas de problème... (Protestations.) ... même si ce n'est pas forcément bon ! Dans les hôpitaux, on sert des plateaux-repas ! Même dans les commissions de ce parlement, le midi, on vous sert des plateaux-repas, généralement froids, à longueur d'année ! Et lorsqu'il s'agit de cas spécifiques, c'est-à-dire de la clientèle de certaines associations, alors cela devient un problème de dignité humaine... (Protestations.)
Il est vrai que l'évolution dans les associations peut poser un certain nombre de problèmes. Il est vrai que certains NEM restent à la charge de l'Etat, que certaines villes les attirent un peu comme des aimants, puisqu'elles offrent des conditions-cadres plus favorables que dans d'autres parties de la Suisse ou dans d'autres cantons... Effectivement, plus les conditions sont favorables, plus nous les attirons, mais il est faux de dire qu'il n'est pas possible d'éloigner certains NEM. Certains partent volontairement; d'autres bénéficient de programme d'aide au retour par les services de l'office cantonal de la population; certains collaborent activement. Il n'y a donc pas forcément une lumière noire ou rouge selon les NEM.
Par contre, il est vrai que la Suisse subventionne à travers l'aide au développement des pays qui ne veulent pas reprendre leurs ressortissants. Cela, c'est discutable aussi sur le plan de la morale. La situation qui nous a été décrite correspond partiellement aux circonstances actuelles, mais je rappelle que le peuple a voté ce printemps la révision de la loi sur l'asile et que les NEM délinquants pourront effectivement - c'est de la compétence du canton - être mis en détention jusqu'à ce que le renvoi soit exécutoire.
Dans ce cadre-là, les problèmes qui ont été soulevés par les députés des bancs d'en face devraient être en grande partie résolus. Sur le fond, ce projet de loi n'est qu'un projet de loi de régularisation d'une situation existante. S'il n'y avait pas eu ce recours d'une association, nous n'en aurions jamais parlé et personne ne se serait posé la question de la dignité, puisque tout le monde l'avait tacitement accepté.
En conséquence, l'amendement du Conseil d'Etat ne vise qu'à recueillir un vote très favorable sur ce projet de loi. Pour ma part, je considère que la pratique du Conseil d'Etat avant le vote de ce projet de loi ne posait pas de problème et était acceptée aussi par nous, parlementaires. Elle doit donc être confirmée par notre vote. En conséquence, je renonce pour ma part à voter l'amendement du Conseil d'Etat et nous approuverons ce projet de loi.
La présidente. Je vois que deux députés se sont inscrits, mais la liste était close. Il s'agit de M. Ducrot et de M. Gautier.
M. François Thion (S). Avant de répondre à M. Catelain, j'aimerais remercier les associations qui travaillent à longueur de journée pour défendre les requérants d'asile. Elles font un travail fantastique et, par leurs informations, elles nous font prendre ce soir, je pense, de bonnes décisions. J'aimerais aussi remercier le Conseil d'Etat, qui a su écouter à la fois la minorité et la majorité, et je crois qu'on a atteint une certaine unanimité sur ce projet de loi.
Il faut rappeler que ce dernier - on l'a déjà dit - provient de lois fédérales que nous avons toujours combattues, face à l'UDC, et que nous continuerons à combattre. Nous estimons en effet que la politique instaurée en Suisse en ce moment par rapport au droit d'asile est extrêmement dangereuse et qu'elle ne va pas dans le sens des intérêts, ni de l'économie ni de la société suisse.
Monsieur Catelain, des rations à l'armée, j'en ai reçu. La différence avec les NEM qui reçoivent leur plateau-repas ou leur sandwich, c'est que nous, à l'armée, on les bazardait ! On les mettait à la poubelle et on allait manger au bistrot, parce qu'on avait les moyens. C'est la grande différence ! Et c'est bien connu qu'on pouvait faire cela quand on était au service militaire.
Maintenant, en ce qui concerne l'aide au développement, puisque vous en parlez, je vous rappelle que, aussi bien au niveau fédéral que cantonal, vous votez régulièrement contre ces budgets. Vous êtes toujours en train de nous apporter des amendements pour diminuer l'aide au développement. Donc, vous êtes toujours dans cette contradiction, parce qu'en fait vous n'aimez pas les étrangers. Ni ceux qui sont à Genève, ni ceux qu'on pourrait aider à l'extérieur dans les pays du Tiers-Monde ! (Applaudissements.)
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R), rapporteuse de majorité. Cela me paraissait un peu trop beau: la majorité et la minorité avaient trouvé, avec l'appui du Conseil d'Etat, une solution pour des personnes en souffrance, pour des cas un peu spécifiques. Il nous semblait très important de trouver une solution, et certains, tout de suite, font des généralités extrêmement dangereuses et extrêmement scandaleuses. Que dire d'une femme enceinte et son enfant refoulés: est-ce normal de les considérer comme des bandits de grand chemin ? Non !
Grâce à cet amendement, nous pourrons traiter ces personnes d'une manière différente et beaucoup plus humaine. Donc, je confirme que la majorité va non seulement voter ce projet de loi, mais accepter et applaudir à cet amendement proposé par le Conseil d'Etat.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Quelques mots pour répondre à M. Catelain. M. Catelain a fait quelques allusions à certains aspects légaux, notamment à la lex Blocher. Je le répète - je l'ai dit tout à l'heure - cette lex Blocher permet parfaitement que l'aide d'urgence soit donnée aussi sous forme pécuniaire. Donc, ce qui a été voté récemment par le peuple s'inscrit tout à fait dans ce qui est proposé aujourd'hui.
Concernant la comparaison avec les autres cantons, je vous signale qu'actuellement une douzaine de cantons délivrent cette aide sous forme pécuniaire. Nous ne serions donc pas du tout les seuls et nous ne serions pas un Sonderfall en accordant une aide pécuniaire dans des situations très particulières.
J'aimerais aussi préciser à propos de l'aide pécuniaire qu'en aucun cas elle ne devrait grever les finances du canton, puisqu'il semble même, à l'inverse, qu'une aide en nature, lorsqu'il s'agit de préparer des repas, etc., coûte au bout du compte beaucoup plus cher que de donner un peu d'argent pour acheter à manger. Là n'est pas, Mesdames et Messieurs les députés, le fond du problème.
Vous avez parlé, Monsieur Catelain, du Tribunal administratif. Le Tribunal administratif n'avait pas à se prononcer sur le fond, il n'avait qu'à examiner la légalité de la pratique opérée par le canton. Il se trouvait que cette pratique était réglée par un arrêté du Conseil d'Etat, c'est-à-dire qu'elle était sans base légale. Ce n'est pas parce que le Tribunal administratif a demandé de faire une base légale qu'il cautionnait ou ne cautionnait pas la forme que devait prendre cette aide.
C'est à nous, députés, au plus près de notre conscience, de définir au fond ce que nous estimons être du ressort de la dignité humaine. Et pour, je crois, Mesdames et Messieurs les députés, l'immense majorité de ce parlement, ce qui différencie l'être humain de l'animal, c'est d'être debout, actif, de pouvoir prendre en charge sa destinée. La dignité humaine, ce n'est pas de recevoir pendant une très longue période des plateaux-repas tout préparés ou de vivre perpétuellement en collectivité.
Enfin, je terminerai sur une chose: je suis très frappée parfois que l'on parle des «NEM» et j'aimerais rappeler simplement qu'il s'agit tout d'abord de personnes, et en l'occurrence de nos frères en humanité. (Applaudissements.)
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Cela a été dit: nous avons ce soir à légiférer parce que le Tribunal administratif a considéré que les règles qui s'appliquaient quant à la situation des personnes frappées de non-entrée en matière étaient dépourvues de base légale et qu'il fallait donc en constituer une. C'est ce que le Conseil d'Etat vous a proposé.
Un débat a eu lieu en commission. Il a amené chacun et chacune à prendre conscience de l'ampleur de ces situations, de leur durée et d'autres éléments encore. Un consensus qui a eu quelque peine à se réaliser dans un premier temps s'est ensuite manifesté pour une grosse partie de ce parlement. Un amendement a été proposé par le Conseil d'Etat. Il vise à trouver une solution pour les cas les plus extrêmes sur le plan humain, notamment liés à la durée ou, comme l'a dit la «rapportrice» de majorité, de situations personnelles, comme celles en difficultés. Il vise aussi à veiller au respect d'un certain nombre de règles, notamment sur le plan pénal. Nous entendons, là aussi, donner un signal fort afin que chacun respecte les dispositions générales qui président à la paix sociale dans notre ville, notamment par rapport à certains comportements.
Le projet d'amendement qui vous est proposé... (Brouhaha.) ... est, dans un souci de concorde, un moyen de régler des situations difficiles, de trouver une solution, de répondre aux exigences portées par le Tribunal administratif. Je vous invite, au nom du Conseil d'Etat, à accepter non seulement le projet mais également les amendements qui vous sont proposés en donnant un signal fort d'une large adhésion autour de ces principes dans cette enceinte.
Mis aux voix, le projet de loi 9907 est adopté en premier débat par 76 oui et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 5 et 8.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par le Conseil d'Etat à l'article 9, alinéa 1 (nouvelle teneur). Le voici: «Les prestations d'aide d'urgence sont, en principe et en tenant compte des situations personnelles notamment de la durée du séjour et du comportement, fournies en nature. Elles comprennent:».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 75 oui contre 3 non et 3 abstentions.
La présidente. Monsieur Catelain, vous avez demandé la parole ? (Protestations.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Maintenant qu'on a voté, c'est un peu tard. Parce que l'exemple qui a été donné par Mme la... (Remarque.) Par «Mme la rapportrice»... (Protestations.) Je peux suivre le conseiller d'Etat ! Alors, je dirai: «Mme le rapporteur de majorité». Comme ça, je mets tout le monde d'accord ! (Brouhaha.)
La présidente. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît,,,
M. Gilbert Catelain. L'exemple qui a été donné par Mme le rapporteur de majorité était tout à fait pertinent: la femme enceinte, etc., doit effectivement bénéficier d'un traitement de faveur. Mais la formulation de l'amendement du Conseil d'Etat, tel qu'il nous a été présenté, permet une interprétation tellement large que c'est la porte ouverte à beaucoup de choses. On n'a même pas fixé une condition minimale.
La présidente. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous ...
M. Gilbert Catelain. Et, comme l'a dit l'une de mes préopinantes...
La présidente. ... faire voter l'article dans son ensemble...
M. Gilbert Catelain. ... Donc - rapidement - de nombreux cas vont se retrouver peut-être sur une longue durée et, d'après l'exposé qui nous a été fait, ils ne bénéficieront pas de prestations en nature, mais financières. En fait, je rejoins ce que disait un député libéral dans le cadre du vote sur la loi concernant la dénonciation anonyme: lorsqu'on a discuté sur le «en principe», on en a débattu pendant deux heures...
La présidente. Bien ! Je vous soumets l'article 9 dans son ensemble.
Mis aux voix, l'article 9 ainsi amendé est adopté par 75 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 10 est adopté, de même que l'article 11.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 12, alinéa 2. Il s'agit de l'abrogation de cet alinéa.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 75 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 12 ainsi amendé est adopté par 75 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
La présidente. Je dois vous signaler que les lettres de l'article 9 ne seront pas: f), g), h), i), j), mais: a), b), c), d), e).
Troisième débat
La loi 9907 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9907 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 76 oui et 3 abstentions.