République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 mai 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 7e session - 18e séance
M 915
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le vieillissement du parc immobilier du canton de Genève;
- la persistance de la récession dans l'industrie de la construction;
- l'urgente nécessité de réduire le nombre de chômeurs dans le bâtiment et plus particulièrement dans les métiers du second oeuvre et de la métallurgie du bâtiment;
- l'obligation de se conformer aux normes fédérales en matière de protection de l'environnement (OPair, etc.) et d'économies d'énergie dans les bâtiments;
- le fait que les travaux de rénovation et d'entretien font appel à des travailleurs qualifiés,
invite le Conseil d'Etat
- principalement à inscrire au budget d'investissements 1995 un crédit de 10 millions de F afin de couvrir à raison de 10% les travaux de rénovation qui seront entrepris dans le parc immobilier et pour des logements soumis aux dispositions du chapitre 3, article 8 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR) du 22 juin 1989 en conformité avec les dispositions de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977;
- subsidiairement, en collaboration étroite avec les associations professionnelles de la construction et de l'immobilier, à encourager les propriétaires à investir dans la rénovation en diffusant largement les modifications apportées à la LDTR par l'adoption du projet de loi 6803 (rendements après transformation) et de la motion 790 (réserves pour grands travaux);
- à dresser la liste de tous les travaux d'entretien qui ne sont pas soumis à la LDTR et en informer les propriétaires;
- à faire connaître et utiliser toutes les formes d'aide à la rénovation existantes, telles que:
a) aide cantonale sous forme de subventionnement ou d'aide person-nalisée;
b) aide fédérale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En dépit de la baisse des taux d'intérêts et du prix de la construction et l'amélioration des rendements des capitaux investis après transformation introduite par le projet de loi 6803 voté en juin 1993, le volume des travaux d'entretien et de rénovation reste trop bas dans notre canton. Or, après avoir perdu près de 8000 postes de travail en quatre ans, les métiers du bâtiment comptaient encore 1289 chômeurs complets à fin mars 1994, dont plus des deux tiers sont constitués par des travailleurs qualifiés des métiers du second oeuvre et de la métallurgie du bâtiment, lesquels sont fortement engagés dans les travaux d'entretien et de rénovation. La conjoncture de l'industrie de la construction pourrait se stabiliser pour les entreprises du gros oeuvre (maçonnerie et génie civil). Toutefois, la stabilisation, puis la reprise des activités n'atteindront malheureusement pas les entreprises du second oeuvre et de la métallurgie du bâtiment qui connaîtront sans doute l'année la plus difficile depuis le début de la récession en 1990. A moyen terme, les grands projets de construction de logements et la réalisation d'infrastructures lourdes mettront sans doute moins à contribution les PME du bâtiment que par le passé. Elles sont donc particulièrement intéressées par un accroissement des travaux d'entretien et de rénovation du domaine bâti.
En juin 1993, un groupe de travail «construction» réunissant des représentants qualifiés des partenaires sociaux (CGI, FMB, SIB, SIT, etc.), des départements compétents et des chefs d'entreprises du bâtiment de toutes tailles ont rendu un rapport dans le cadre de la commission technique cantonale en matière économique (COTEC). S'agissant précisément de la rénovation de l'habitat, ces experts ont estimé à plus de 15 000 le nombre des bâtiments comprenant plusieurs logements, dont près de 9000 datent d'avant 1960. Etant donné que près de 3000 bâtiments ont été rénovés depuis l'introduction de la LDTR, on peut mesurer le potentiel qui existe en matière de rénovation. Les experts ont conclu que le parc immobilier du canton constitue une réserve de travail énorme qui, en elle-même, est susceptible de donner du travail à la majorité des entreprises et des travailleurs de l'industrie de la construction du canton.
Plus généralement en Suisse et en Europe, tous les experts observent que les travaux de rénovation, d'entretien et surtout d'adaptation du domaine bâti aux nouvelles exigences des usages prendront le pas sur les constructions neuves. En effet, le parc immobilier ne correspond, vraiment, ni aux besoins, ni aux normes actuels. Outre le confort et la qualité de vie des usagers, la rénovation représente un créneau providentiel pour le secteur de la construction permettant dans l'immédiat de maintenir un tissu économique dense et de nourrir l'amorce d'un redémarrage de l'activité. Le groupe de travail mentionné ci-dessus avait formulé à l'unanimité plusieurs propositions dont principalement la mise en place rapide d'une politique d'encouragement ponctuelle à la rénovation sous la forme d'un bonus à la rénovation d'un montant de 10 millions de F à inscrire au budget ordinaire de l'Etat de Genève, en plus des possibilités d'utilisation prévues par la loi générale sur le logement et la protection des locataires.
L'encouragement à la rénovation s'inspire du bonus fédéral à l'investissement dans la construction dont les effets positifs pour lutter contre le chômage dans la construction ont largement fait leur preuve en Suisse, comme à Genève. Par une participation de l'ordre de 10% à des projets de rénovation, un bonus de 10 millions de F générerait des travaux de l'ordre de 100 millions de F susceptibles d'occuper environ 1000 personnes qualifiées pendant deux à trois ans. L'instrument de bonus a l'avantage de ne pas mettre en danger le plan quadriennal de rétablissement des finances cantonales et de générer un volume d'activités très important en raison de l'effet multiplicateur de l'industrie de la construction. Le montant inscrit au budget «à fonds perdu» générerait aussi à terme des revenus et des rentrés fiscales non négligeables. Les services chargés de gérer ce crédit (fixation des critères, répartition, etc.) pourront utilement s'inspirer de l'application à Genève du bonus fédéral.
S'ajoutant aux autres mesures d'incitation plus qualificatives et dont l'effet fiscal est neutre, ce «coup de pouce» modeste de l'Etat permettra d'atteindre plusieurs objectifs simultanément, soit:
- améliorer la qualité de vie des habitants et le bilan énergétique des immeubles;
- inciter les propriétaires (y compris les caisses de pension) à maintenir, voire augmenter la valeur de leur patrimoine;
- encourager les entreprises à créer de nouveaux postes de travail et à renouveler leurs efforts en matière de formation et de relève pro-fessionnelle (places d'apprentissage).
Aussi, nous vous remercions par avance, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer directement cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Thomas Büchi (R). L'exposé des motifs à l'appui du dépôt de cette motion est suffisamment éloquent et détaillé. Toutefois, pour convaincre les derniers sceptiques, je rappelle une nouvelle fois la gravité de la récession que traversent les métiers de la construction. Je suis en mesure, aujourd'hui, de vous donner les derniers chiffres de la réduction des effectifs dans la construction qui ont passé, du 19 janvier 1989 au 31 mars 1994, de 19 119 à 10 598, soit la disparition de 8 521 postes de travail dans ces métiers. Les architectes et les ingénieurs ne sont pas compris dans ces chiffres, voyez donc l'hécatombe!
On peut lire, ici ou là, qu'une certaine reprise pointrait son nez dans l'industrie de la construction. Seul le gros oeuvre, c'est-à-dire les entreprises du génie civil et de la maçonnerie, connaissait une certaine stabilisation de son volume d'activité grâce à l'ouverture de gros chantiers, notamment le contournement autoroutier de Plan-les-Ouates. Les métiers du second oeuvre et de la métallurgie du bâtiment qui concernent, je vous le rappelle, plus des deux tiers des entreprises, vivent malheureusement leur année la plus noire depuis le début de la récession. Or, précisément, une planche de salut importante consisterait à mettre très rapidement en chantier pour les artisans et les PME un volume important de travaux d'entretien et de rénovation. S'agissant de rénovations de l'habitat, des experts estiment à plus de 15 000 le nombre des bâtiments, dont près de 9 000 datent d'avant 1960.
On peut dès lors mesurer le potentiel de travaux qui existent en matière de rénovation et qui fait justement appel à des entreprises et travailleurs qualifiés du second oeuvre des métiers du bâtiment. Pour preuve, les 10 millions de francs pris sur le budget ordinaire d'investissement en 1995 permettront de déclencher des travaux pour un volume de 100 millions de francs, susceptibles d'occuper environ mille personnes qualifiées, et c'est important de le dire, pendant deux à trois ans. Je rappelle une fois de plus que ce sont les artisans et les petits entrepreneurs qui sont principalement concernés. En vertu de l'effet multiplicateur de l'industrie de la construction, un franc investi dans le bâtiment génère cinq francs dans l'économie.
Ce volume de 100 millions de travaux créerait un effet d'investissement et de consommation d'environ 400 à 500 millions de francs dans l'économie genevoise. On l'a bien vu avec la Confédération, le bonus est un instrument souple de relance qui n'obère pas les finances publiques; c'est une mesure anticyclique et optimale. En vous proposant cette motion, nous offrons au Conseil d'Etat, avec votre accord que nous souhaitons unanime, une mesure de relance concrète qui ne coûtera pas un centime de plus et qui se situe parfaitement dans le plan quadriennal de redressement des finances.
Je terminerai en rappelant cette maxime de Jigoro Kano, fondateur du judo : «La valeur d'une chose dépend de la façon dont on l'aborde mentalement et non de la chose elle-même.». Ce qui signifie, lorsque l'on parle de relance, qu'il faut être maintenant décidé à donner immédiatement partout ou cela est possible, les coups de pouce indispensables à la reprise et le crédit d'encouragement en est un. Je vous prie de renvoyer cette motion en commission du logement où nous aurons le temps de la peaufiner en toute sérénité. Je vous rappelle encore que, depuis le début de cette législature, ce projet est le premier qui, concrètement, propose une solution à la relance. Il mérite donc que l'on y prête une grande attention.
M. Chaïm Nissim (Ve). J'ai lu cette motion avec beaucoup d'intérêt et je ne peux pas m'empêcher, en la relisant, de penser qu'il y a vraiment deux sortes de libéraux. Il y a ceux qui, comme Olivier Vaucher et Jean-Pierre Gardiol, ont besoin d'un coup de pouce de l'Etat - c'est M. Büchi qui vient de dire «coup de pouce», ça figure aussi à la page 4 de cette motion - et qui, du coup, deviennent raisonnables et se souviennent qu'en investissant quelques millions dans l'assainissement, la réhabilitation des bâtiments, dans les chaufferies, on peut aider l'économie. Dans le cas des chauffagistes, on peut les aider à respecter les normes OPair, à consommer moins d'énergie, en changeant les circulateurs, à ce que les immeubles consomment moins d'électricité. On peut faire une oeuvre écologiquement et économiquement utile, on peut relancer l'économie tout en respectant l'écologie. Voilà ce que ces libéraux intelligents ont redécouvert quand ils ont besoin d'un coup de pouce de l'Etat. Avec ceux-là, nous sommes prêts à travailler, bien qu'eux n'aient pas toujours été prêts à travailler avec nous dans des circonstances analogues.
Je vous signale juste que nous avions proposé, il y a une année, un fonds pour les économies d'énergie que nous avons eu pas mal de peine à faire passer. Nous sommes tout à fait d'accord de discuter en commission de cette proposition de motion, bien qu'il y ait certainement des problèmes budgétaires. Par contre, il y a une autre sorte de libéraux, c'est ceux qui, comme M. Balestra dans sa motion 919, n'ont qu'un seul mot à la bouche - c'est très intéressant de constater la différence entre le discours de M. Balestra... (Commentaires des libéraux.) M. Gardiol peut, en effet, faire partie des deux catégories de libéraux. Ça existe !
M. John Dupraz. C'est un caméléon !
M. Chaïm Nissim. Nous avons tous en nous-mêmes différents personnages. C'est tout à son honneur que de figurer dans les deux. N'empêche que, visiblement, cette motion a été rédigée par M. Balestra... (Protestations.) C'est un libéral triomphant. Que dit-il dans sa motion 919 ?
M. John Dupraz. Y conduit son camion !
M. Chaïm Nissim. Il nous parle d'abord, en page 3, des limites de l'Etat providence, des limites des pouvoirs de l'Etat, ensuite, il cite Hayek et nous parle des forces spontanées de l'économie. Et quand il nous parle, à la page 5, de ce que l'Etat pourrait faire pour l'économie privée, M. Balestra évite bien de dire que l'on pourrait avoir des mesures anticycliques, que l'on pourrait faire des investissements productifs. Non, non, non ! M. Balestra nous dit «être à l'écoute des entreprises établies à Genève sur le plan administratif, accélérer et simplifier les procédures; sur le plan fiscal, rester concurrentiel.». M. Balestra ne prononce pas un mot sur des sommes d'argent qui..., ô mon Dieu ! Quelle horreur ! Cachez ce sein que je ne saurais voir ! (Eclats de rires de l'assemblée.) L'Etat pourrait investir dans des entreprises privées. Ces libéraux-là m'effraient...
M. John Dupraz. (Interpellant M. Nissim qui, visiblement, ne s'exprime pas sur la bonne motion.) Il n'a pas signé, Balestra !
M. Chaïm Nissim. ...car ils font le lit d'une nouvelle classe sociale qui est en train d'émerger, c'est ceux que j'appelle les «golden boys new-yorkais». C'est les gens qui font du fric pour le fric, qui s'intéressent à la spéculation, pour qui l'argent n'a plus une valeur d'échange mais est une fin en soi. C'est le lit de ces gens-là que vous êtes en train de faire, Monsieur Balestra, dans votre motion. Ce sont des gens qui veulent s'enrichir sans rien produire d'utile. Entendons-nous bien ! Quand M. Gardiol dit : «Moi, j'ai besoin de 10 millions pour générer 100 millions d'investissements dans des oeuvres utiles d'économies d'énergie, de réhabilitation des bâtiments, de rénovation du parc immobilier.», voilà une oeuvre utile et je comprends que M. Gardiol soit payé pour cette oeuvre-là, même si c'est en partie avec des deniers publics.
Quand, par contre, un golden boy new-yorkais ou de la Banhofstrasse - c'est la même chose - veut se faire de l'argent en spéculant, je dis que ce type-là met en péril notre économie et qu'il faut un Etat fort pour l'empêcher d'agir.
M. John Dupraz. Mais tu parles comme les radicaux !
M. Chaïm Nissim. Je parle comme les radicaux, vous avez raison ! Sur le fond, il existe un dilemme depuis le XIXème siècle, qui est le vieux dilemme «socialisme étatique fonctionnaire» contre «libéralisme privé innovateur». Ce vieux dilemme est dépassé et je vais vous présenter en quelques mots - j'y reviendrai lorsque l'on abordera la motion 919 - l'idée des écologistes pour sortir de ce dilemme-là. Notre idée, c'est la décentralisation. C'est tout simplement de dire que chaque chose doit se faire au niveau le plus bas possible, que jamais une instance plus élevée ne puisse faire un travail qu'une plus petite peut faire. Ça, c'est un concept nouveau qui nous permet de sortir de ce carcan étriqué socialisme versus libéralisme et qui nous permet d'aller de l'avant, de relancer notre économie dans une voie nouvelle. Cela étant dit, nous soutiendrons le renvoi de cette motion à la commission du logement.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je resterai sur le terrain de la rénovation. Je n'essaierai pas de l'appliquer au groupe libéral en faisant des distinguos subtils entre ceux qui sont «rénovés» et ceux qui ne le seraient pas encore ! En ce qui concerne la maxime de M. Büchi, on pourrait la paraphraser en vous disant, Monsieur Büchi, que souvent les textes de lois et leur qualité dépendent du temps qu'on y consacre pour les rédiger. On a un peu l'impression, dans cette proposition de motion, que le temps a manqué.
Vous dites que l'exposé des motifs est particulièrement clair. Or, si vous regardez l'exposé des motifs, en particulier à la page 3, on voit que cette motion viserait à accorder un bonus inspiré du bonus fédéral, en plus des possibilités d'utilisation prévues par la loi générale sur le logement. Alors il faut savoir que cette loi, dans son article 26, permet de subventionner des transformations ou des rénovations d'immeubles selon certaines conditions. D'ailleurs à Genève, il a été fait usage de cette possibilité à moult reprises, notamment pour des subventionnements HLM pour des rénovations et pour des transformations d'immeubles.
Il faut rappeler également que la loi générale sur le logement telle qu'elle est rédigée permet un subventionnement pouvant aller au-delà de 50% du prix de revient de l'immeuble, mais qu'il existe une pratique de l'office financier du logement consistant, depuis un certain nombre d'années, à se limiter à un taux de subventionnement d'environ 35%, voire, dans certains cas, d'un taux inférieur. Il suffirait donc que l'actuelle loi générale sur le logement soit appliquée de façon plus généreuse, que l'office financier du logement permette un taux de subventionnement plus conforme au taux maximum prévu par l'article 26 de la loi générale sur le logement pour, précisément, amener un subventionnement supérieur permettant de répondre aux soucis des motionnaires.
Il est donc possible, sans cette motion, d'obtenir un subventionnement qui soit plus élevé que celui pratiqué aujourd'hui. Il est également possible, par le biais d'un cumul de l'aide cantonale et de l'aide fédérale, d'obtenir un subventionnement plus élevé que celui pratiqué, mais je vous rappellerai qu'en tout cas le Conseil d'Etat n'a pas répondu avec enthousiasme au projet de loi que notre collègue David Lachat avait rédigé sur cette question pour obtenir un cumul de l'aide cantonale et de l'aide fédérale. Il serait bon d'y revenir dans la mesure où elle permettrait d'aller dans le sens des objectifs poursuivis par les motionnaires. Mais je dirai que la principale lacune qui existe actuellement dans les textes législatifs en matière de rénovation d'immeuble, c'est que la loi actuelle ne permet finalement que des rénovations lourdes.
Lorsque vous avez un propriétaire qui souhaite obtenir un subventionnement pour procéder à des rénovations d'immeubles, il est obligé, très souvent, d'augmenter finalement le coût des travaux qu'il envisageait d'effectuer pour obtenir le subventionnement de l'office financier du logement, car, à défaut, l'office refuse de verser un quelconque subventionnement. En d'autres termes, soit le propriétaire envisage une transformation lourde, importante de son immeuble et il pourra obtenir le subventionnement, et par conséquent réduire le prix des loyers qui en découlera, soit la transformation est légère et moyenne et il n'obtient aucun subventionnement.
C'est peut-être l'aspect positif de cette motion qui pourrait amener la commission du logement à se pencher sur le problème des rénovations moyennes. Et là je vous rejoins parce que ces problèmes sont typiquement - les interventions venant d'avoir lieu l'ont montré - liés à la LDTR et à la loi générale sur le logement et à la combinaison, le cas échéant, des deux. La motion y fait référence dans son libellé, mais il conviendrait, sur la base de cette motion, d'envisager la possibilité qui n'existe pas aujourd'hui dans la loi générale sur le logement, d'obtenir un subventionnement pour des rénovations moyennes.
Si cette motion peut parvenir à cet objectif, ce sera déjà son mérite mais, vous en conviendrez, dans l'exposé des motifs tel qu'il est libellé, on ne pouvait, sauf à lire entre les lignes, comprendre que le but poursuivi par les motionnaires allait dans ce sens. Une dernière remarque, et j'en terminerai par là, concernant les invites subsidiaires. Il y en a une, et je m'en suis ouvert auprès de certains des motionnaires hier, qui pourrait avoir l'effet contraire au but recherché.
Quand on demande au Conseil d'Etat d'établir une liste des travaux qui ne seraient pas soumis à la LDTR, il existe le danger de faire croire que l'ensemble de ces travaux ne seraient pas soumis à ladite loi, alors que la jurisprudence constante des autorités judiciaires en la matière nous dit que les travaux sont ou ne sont pas soumis à la LDTR non seulement en fonction de leur nature mais en fonction de leur coût. En d'autres termes et plus simplement, si tels travaux n'étant pas soumis séparément à la LDTR étaient effectués de façon cumulative, ils pourraient être soumis à la LDTR. Toute liste qui pourrait être établie par le Conseil d'Etat permettrait de donner une information qui, finalement, pourrait être trompeuse, car ce qui compte, en définitive, c'est non seulement la nature mais le coût des travaux en question. Je crois qu'il suffit de se référer à la jurisprudence relativement claire qui a permis de préciser ces notions et répond déjà à cette invite-là. Mais ce sera l'occasion d'un débat en commission, puisque mon groupe soutiendra également, dans le sens des observations que je viens de formuler, le renvoi en commission de cette motion.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Je remercie M. Nissim de m'avoir dit que je devenais enfin raisonnable. Mais ai-je été une fois déraisonnable ? Là est la question ! Je pense que cette motion ne s'écarte pas trop des idées libérales puisqu'en somme elle vise deux buts. Le premier est de créer des places de travail et le second de diminuer d'une manière indirecte les charges de l'Etat. En effet, une telle solution - et cela a été prouvé avec le bonus fédéral dans ce sens-là - a créé une multitude de places de travail et a fait économiser un montant important à l'assurance-chômage.
Avec une telle réalisation pour notre canton, sous réserve des problèmes techniques à résoudre en commission du logement à laquelle nous participerons tous, il est évident que, comme l'a indiqué mon collègue Büchi, ceci générera peut-être 500 millions dans l'économie genevoise, ceci indirectement ferait aussi encaisser à notre argentier cantonal, M. Vodoz, certainement quelque 50 millions d'impôts. Je pense parfois qu'il faut savoir donner pour recevoir et je suis certain que ce petit coup de pouce génère beaucoup plus pour l'Etat, en économies et en diminution des occupations temporaires, que le petit subside dont il est question dans cette motion. Nous réglerons donc tout cela en commission.
Le sujet est intéressant et important. Il a été réalisé d'une manière intéressante au niveau fédéral. Voyons ce que nous arriverons à faire au niveau cantonal, puisque, je vous le rappelle, le Grand Conseil vaudois a voté une action similaire se montant à 25 millions pour le budget 1995. Voyons comment nous pouvons, nous, trouver une solution.
M. Pierre Marti (PDC). Comme notre collègue Büchi l'a dit, en cinq ans, près des 45% des places de travail ont été perdues dans le domaine du bâtiment. Ce projet aurait peut-être pu être un peu plus peaufiné, mais il y a une nécessité d'une action extrêmement rapide si nous voulons arrêter l'hémorragie et si nous voulons absolument arrêter le chômage, parce qu'un chômeur c'est toujours un chômeur de trop. Actuellement, dans le bâtiment et surtout dans le second oeuvre, le nombre de chômeurs continue à augmenter. Je crois que si nous voulons véritablement travailler contre le chômage, il faut au moins pour l'instant maintenir le plein-emploi, et je suis absolument certain que la motion qui vous est proposée va dans ce sens. Il faut agir vite.
M. Laurent Moutinot (S). La motion qui nous est soumise s'attaque à un problème important. Quand Philippe Biéler a quitté l'ASLOCA romande, on l'a interviewé pour savoir quels étaient, selon lui, les principaux problèmes que nous aurions à connaître les années à venir. Eh bien, l'actuel conseiller d'Etat vaudois a répondu : «Pour les locataires, c'est le vieillissement du parc locatif.». S'attaquer à la rénovation est un problème sérieux qu'il faut empoigner et la motion qui nous est proposée, qui reprend une vieille idée, d'ailleurs, permet d'attaquer en fait trois problèmes à la fois : d'une part s'attaquer au vieillissement des immeubles, et par conséquent aux conditions de logement, d'autre part, de créer des places de travail et lutter contre le chômage. Enfin, c'est un instrument économique de relance. Par conséquent, une motion qui peut permettre sur trois axes aussi importants d'aboutir à des résultats mérite notre soutien, et elle a le soutien du groupe socialiste.
Je regrette un peu, par contre, que cette motion vienne si tard et je dois dire que nous en avions eu l'idée, mais nous n'avions jamais osé imaginer que les libéraux soutiendraient une telle politique, aussi interventionniste. Nous en prenons note avec satisfaction. En effet, il faut souligner que le bonus à l'investissement est une idée de gauche, que nous avons défendue à Berne. Je suis heureux de constater, aujourd'hui, que ces bonnes idées font école et qu'elles contribueront, je l'espère, à résoudre un certain nombre de problèmes dans ce canton.
M. Bernard Annen. Vous ne nous les avez jamais soufflées ! (Protestations de la gauche.)
M. Laurent Moutinot. Monsieur Annen, vous lisez les journaux comme tout le monde ! Par conséquent, l'invite principale nous paraît excellente, elle pose quelques problèmes techniques sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir en commission. Vous l'avez compris, j'ai regretté de ne pas avoir signé cette première invite. S'agissant de la deuxième, elle pose des problèmes beaucoup plus complexes. Je ne suis pas sûr pour le surplus qu'elle arrive à viser les mêmes buts que la première invite. Elle méritera un examen soigné, beaucoup plus critique de notre part, mais, pour l'essentiel, je puis vous assurer de notre soutien à l'invite principale.
M. René Koechlin (L). M. Nissim saisissait, tout à l'heure, l'occasion de cette motion pour noyer le poisson libéral qui, évidemment, est un peu trop gros pour lui...
M. Claude Blanc. Requin !
M. René Koechlin. ...et trop complexe. Il n'en saisit pas toutes les subtilités, ni la complexité. La relance, Monsieur Nissim, Monsieur Ferrazino, écoutez bien, ne passe pas nécessairement par l'aide de l'Etat. Elle peut avoir d'autres visages et pas nécessairement le masque plus ou moins grimaçant des pouvoirs publics.
Monsieur Ferrazino, vous rappeliez tout à l'heure la pratique de l'OFL qui n'accorde que 35% de subventions au lieu des 50 que prévoient les textes législatifs. Vous proposez donc d'augmenter cette proportion, mais il s'agit toujours d'une subvention grevant le budget de fonctionnement de l'Etat. Or il y a un autre moyen de venir en aide à la construction et à l'industrie du bâtiment par une participation à l'investissement à taux préférentiels. Je pensais qu'il fallait quand même le relever, nous en reparlerons en commission à l'occasion de cette motion. Mais je pense que c'est aussi une des voies méritant d'être creusées.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je voudrais remercier M. Büchi pour les chiffres qu'il a rappelés et qui sont, effectivement, impressionnants. J'aimerais lui rappeler également qu'il n'y a pas que cette première invitation à la relance qui se soit concrétisée avec l'équipe gouvernementale actuellement en place. Pensez à l'accélération des travaux de l'autoroute, au financement du Zénith, du musée de l'automobile, du cycle de l'Aubépine - sur lequel vous aurez à vous prononcer - à l'achat de terrains divers, etc. Il y aura largement de quoi manifester de la part de ce Conseil son intérêt pour la relance.
A M. Nissim, qui parle du fonds pour les économies d'énergie, je rappellerai que nous avons eu une discussion très intéressante à ce sujet en commission de l'énergie et que ce fonds fait partie des préoccupations du gouvernement. Mais la question que pose M. Nissim m'incite à me poser moi la délicate question de la cote d'alerte générale supportable lorsque l'on veut faire de la relance par rapport à un maintien, voire une augmentation, du poste «grands travaux». Vous savez que nous sommes à 4,5% de notre produit national brut alors que la moyenne tolérable européenne est de 3%. Il y a donc une question qu'il faut régler avec le grand argentier. Il en va de même pour les terrains. Je suis un chaud partisan de l'achat de terrains même en période difficile parce que cela permet d'encourager, d'une certaine manière, la relance.
En ce qui concerne M. Ferrazino, je pense que, dans l'article 26 de la loi générale sur le logement, une modification des taux pourrait être la bienvenue parce qu'elle permettrait d'obtenir des buts semblables. Cependant, il faut faire une distinction entre la notion de subventionnement et d'aide à la construction. Je pense, pour ma part, que les taux de subventionnement que nous atteignons dans tous nos systèmes HBM, HCM, HLM sont beaucoup trop élevés et que les produits que nous livrons, de par la construction, partent trop hauts, ce qui oblige à avoir des taux de subventionnement beaucoup trop grands. Dès lors, on ne peut plus parler de subventionnement mais pratiquement d'un contrôle de la construction. Cela ne m'empêche pas naturellement d'être tout à fait en faveur de cette motion.
Je voudrais dire aussi à M. Ferrazino que, en ce qui concerne les divergences éventuelles qu'il y a pu y avoir entre l'office financier du logement et le DTPE, ces divergences sont pratiquement ramenées à zéro. Nous nous voyons, mon collègue, le président Haegi, et moi-même ainsi que nos collaborateurs, toutes les deux semaines, et je crois que, de ce côté-là, on ne doit plus s'attendre à avoir des réticences de la part de l'office financier du logement, comme vous le disiez avant, qui pourrait montrer une certaine résistance au principe des rénovations douces. Il y a vraiment beaucoup à faire dans ce domaine.
C'est un domaine que les métiers de la construction et les mandataires maîtrisent plus difficilement. Il faut les aider dans cette direction et nous avons fait des calculs. Nous avons pu établir que démolir des HBM, même s'ils ont un certain vieillissement, n'est pas forcément la bonne solution, même si l'on augmente la densité des HBM sur les terrains considérés, parce que les prix résiduels pour l'Etat sont tout simplement catastrophiques du fait que l'augmentation de subvention dépasse de très largement les gains en appartements que l'on réalise.
A M. Gardiol, je dirai que j'approuve tout à fait son idée de créer des places de travail et je poserai cependant la question de savoir s'il ne faut pas discuter de savoir si cette motion devrait prévoir un crédit de 10 millions au budget d'investissement, alors que l'on parle en fait d'une subvention. Enfin, à M. Moutinot, je dirai qu'il a parfaitement conclu en citant les trois éléments positifs de cette motion. En ce qui concerne la deuxième invite, il me semble qu'elle pourrait nous amener à avoir des discussions relativement longues en commission et il n'est pas impossible qu'il soit peut-être judicieux de dissocier la motion, sans du tout vouloir lui enlever une partie importante qui est la partie dite subsidiaire, pour pouvoir mettre sur pied rapidement ce fonds de 10 millions. Je suis tout à fait d'accord de renvoyer cette motion à la commission du logement.
Cette motion est renvoyée à la commission du logement.