Séance du vendredi 18 février 2005 à 15h
55e législature - 4e année - 5e session - 26e séance

M 1494-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de MM. Gabriel Barrillier, Pierre-Louis Portier, Hugues Hiltpold, Alain Meylan, Thomas Büchi, René Koechlin, Luc Barthassat, Florian Barro, Mark Muller pour lutter contre la pénurie de logements par une meilleure utilisation des volumes habitables dans les combles et par la surélévation de certains immeubles

Débat

M. Hugues Hiltpold (R). Notre Grand Conseil votait, il y a une année, la motion 1494-A, qui demandait deux choses principales au Conseil d'Etat. Elle demandait, premièrement, d'établir une étude pour déterminer le nombre de logements qui pourraient être créés dans les combles de certains immeubles - combles non habitées, mais pouvant être transformées en appartements. Cette motion demandait, deuxièmement, de pouvoir surélever un certain nombre d'immeubles, ce qui permettrait également de créer des appartements. Nous sommes partis de l'idée que le centre de Genève comptait un certain nombre d'immeubles présentant un potentiel en la matière, et ce, sans devoir modifier les infrastructures existantes telles que de nouvelles écoles ou d'autres types d'infrastructures.

Nous sommes donc quelque peu déçus que le Conseil d'Etat ait traité cette invite d'une façon qui pourrait être qualifiée de «laxiste», parce que nous sommes convaincus que ce potentiel est réel et nous trouvons dommage que le Conseil d'Etat se borne à conclure que cela représente un volume de travail trop conséquent ou que le travail ne peut pas être réalisé facilement.

Nous estimons qu'il faut faire une étude sérieuse, car le potentiel existe et il faut l'exploiter. Je tiens à dire, à ce titre, que la Chambre genevoise immobilière a établi une étude intéressante sur la densité, et notamment sur le fait qu'il était tout à fait possible d'augmenter celle-ci au centre-ville sans pour autant avoir à modifier de façon conséquente la structure des immeubles.

S'agissant de la deuxième invite sur les mesures qui faciliteraient ces transformations, il faut y voir, Monsieur Moutinot, une volonté d'harmoniser les différentes commissions consultatives pour éviter qu'en cas de demande d'autorisation de construire, une commission ne préavise dans un sens et une autre en sens inverse - ce qui engendrerait un délai beaucoup plus long, voire un refus d'autorisation.

Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Il faut y voir un signal politique pour dire qu'il existe, à Genève, un potentiel à ce niveau qui permettrait de réaliser rapidement des logements.

M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral regrette également la frilosité de la réponse du Conseil d'Etat sur cette question essentielle du logement dans le canton de Genève, même si les propositions de cette motion peuvent paraître relativement peu importantes. Malgré tout, selon les dires du Conseil d'Etat, cela représenterait cent trente logements en une année, soit dit en passant plus de 10 % des logements qui sont construits actuellement à Genève. Pour mémoire, je vous signale qu'il s'en construit dix mille par année juste à côté de chez nous, de l'autre côté de la frontière.

Nous constatons cette frilosité et nous la regrettons.

Je ne parlerai pas de la réponse à la première invite, car la question de la proportionnalité peut en effet se poser. Cette invite aurait toutefois, à mon avis, mérité d'être un peu plus étudiée. Quant à la deuxième invite, nous aurions pu espérer, non pas, comme cela est écrit dans le rapport, l'établissement de nouvelles directives, mais bien la suppression, voire leur assouplissement et leur harmonisation, comme vient de le dire très justement M. Hiltpold.

Le groupe libéral soutiendra donc la position du groupe radical par rapport à cette motion. Nous demandons qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat afin que ce dernier propose des pistes, qu'il trouve des solutions, pour permettre l'aménagement de combles et la surélévation d'immeubles. Lignum, cette association qui milite en faveur de la filière du bois - association dont le service des forêts du département de M. Cramer fait d'ailleurs partie - a démontré qu'il était possible de procéder très facilement, dans un très bref délai, à des surélévations d'immeubles sans surcharge au niveau de la statique de l'immeuble, tout en bénéficiant de tout ce qui est aménagement des fluides et infrastructures au niveau social - écoles, etc. - déjà existantes. Le potentiel est là, et nous estimons qu'il faut réfléchir à nouveau à cette solution et remettre l'ouvrage sur le métier.

C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Jacques Baud (UDC). C'est vrai qu'il y a un grave problème de logement à Genève. C'est vrai aussi qu'en surélevant légèrement les bâtiments, en utilisant les combles, on pourrait facilement et relativement rapidement réaliser deux mille logements supplémentaires. Il faut absolument aller dans cette direction.

Je vous rappelle que, dans le passé, quasiment tous les immeubles de la Vieille-Ville de Genève ont été surélevés. C'est de l'histoire, peut-être, mais ça ne serait pas la première fois qu'on le ferait ! Bien sûr, la commission des monuments, de la nature et des sites met des bâtons dans les roues de ce type de projets, mais j'essaierai de m'employer à rendre ses représentants un peu plus raisonnables... Cela ne sera pas facile, mais bon, voilà !

Le groupe UDC renverra donc ce rapport au Conseil d'Etat, car nous pensons qu'il y a des choses à revoir et à créer, qu'il faut s'ouvrir, augmenter la densité. Cela fera du bien à notre zone agricole !

Mme Anne Mahrer (Ve). J'imagine que les signataires de cette motion n'entendaient pas résoudre la crise du logement en surélevant certains immeubles ou en aménageant des combles... Certes des possibilités existent de réaliser des logements de cette manière, et les propriétaires concernés le savent. Ils savent également que différentes mesures incitatives existent et sont connues des professionnels. De plus, Monsieur Baud, la majorité des dossiers concernant de telles transformations reçoivent des préavis favorables, notamment de la part de la CMNS. Entre 2002 et 2003, quatre-vingt dossiers ont ainsi été acceptés sur quatre-vingt-sept dossiers déposés.

Les motionnaires ont imaginé que l'Etat devait faire l'inventaire du nombre de logements susceptibles d'être réalisés de cette manière. Il est évident que ce n'est pas du ressort du Conseil d'Etat, puisque ces immeubles sont en mains privées.

Nous vous invitons donc à prendre acte du présent rapport.

M. Martin-Paul Broennimann (S). Je constate avec un certain étonnement que les motionnaires, sans doute dans une bonne intention et pour chercher à résoudre partiellement la crise du logement, enfoncent des portes ouvertes... En effet, à la lecture du rapport du Conseil d'Etat, on voit bien que répondre à la motion impliquerait une étude lourde, alors que les solutions dans ce domaine s'inscrivent dans un système qui fonctionne déjà à satisfaction. On peut donc se poser la question de l'utilité de cette motion. Les chiffres montrent l'intérêt des privés d'aménager des surfaces locatives dans les immeubles. Tout propriétaire sait fort bien que surélever un immeuble d'un étage pour y réaliser des logements, sans acheter de terrain et sans avoir à créer de nouvelles infrastructures, est une opération intéressante pour lui. Alors, pourquoi dépenser des sommes importantes - l'argent du contribuable - pour effectuer des études qui ne sont pas indispensables ?

Enfin, les motionnaires n'ont vraiment pas peur de la contradiction. Ils sont toujours là pour charger l'Etat de tâches nouvelles, mais, il y a quelques mois, ils ont sabré environ cinquante postes qui auraient justement pu servir à effectuer de telles études !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je prends acte avec satisfaction de ce que les partis de l'Entente estiment qu'il est du rôle de l'Etat de fournir gratuitement des prestations aux propriétaires et qu'il faut leur expliquer ce qu'ils doivent faire ! (Rires.)Jusqu'à présent, j'avais compris que les propriétaires revendiquaient une certaine liberté... J'apprends aujourd'hui qu'ils ont besoin de mon aide pour entreprendre ! Vous comprendrez que je puisse être surpris !

Il tombe sous le sens, Mesdames et Messieurs les députés, que les propriétaires savent quels sont les potentiels de leurs immeubles et que mes services les encouragent, à chaque fois qu'ils entendent surélever un immeuble, à concrétiser ces potentiels. Preuve en est les statistiques qui ont été fournies pour les années 2002 et 2003: quatre-vingts dossiers sur quatre-vingt-sept ont été acceptés.

Par conséquent, je prends votre probable renvoi de cette motion au Conseil d'Etat comme une invite à être plus ferme, plus directif, avec les propriétaires - et cela m'étonne quelque peu...

Mis aux voix, le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat est adopté par 32 ou contre 25 non.