En 1957, la comtesse Zoubov loue à l’Etat de Genève le rez-de-chaussée de l’Hôtel Sellon. L’écrin est idéal pour y déployer sa collection, tant cet hôtel particulier de la rue des Granges est une réalisation emblématique de l’architecture genevoise du Siècle des Lumières.
L’appartement, meublé des collections de la comtesse, sert alors de lieu de réception pour les invités de marque de l’Etat de Genève. Il ouvrira largement ses portes au grand public en 1973, avec la création de la Fondation Zoubov et du musée.
Une maison-musée conçue comme un lieu de vie
Possédant plusieurs centaines de meubles, d’objets d’art et de tableaux du XVIIIe siècle, la comtesse Zoubov n’a pas souhaité en faire un musée classique. Aux vitrines et aux cimaises thématiques, elle a préféré un aménagement plus vivant, qui évoque un véritable lieu de vie. Aussi a-t-elle cherché à mettre en scène sa collection pour évoquer un appartement luxueux du XVIIIe siècle, dans l’esprit des period rooms alors en vogue outre-Atlantique.
Cette démarche s’est inspirée de l’aménagement de plusieurs collections que la comtesse a découvertes au cours de ses voyages, comme le musée chinois de l’impératrice Eugénie à Fontainebleau, la Wallace Collection à Londres ou le musée Nissim de Camondo à Paris.
A la recherche de l’harmonie et du dialogue entre les civilisations
Sa mise en scène est très réfléchie, de façon à créer une progression dans l’agencement des pièces. La comtesse se montre à la fois soucieuse de créer une harmonie, tout en cherchant la confrontation entre les différents styles et provenances. Au gré des salles, objets d’Orient et d’Occident dialoguent et des thématiques fortes – l’enfance, l’univers féminin, la figure de Catherine II de Russie – émergent. La hiérarchie traditionnellement opérée entre les différentes formes d’art (peinture, arts décoratifs) est ici abolie.
Si le grand salon propose une synthèse du goût européen, d’autres pièces sont marquées par des courants particuliers. Ainsi, la salle à manger, avec ses boiseries provenant du château de Hamilton en Ecosse, évoque le goût victorien. Le salon Catherine II, comme son nom l’indique, reflète la fascination de la comtesse pour la souveraine russe de la fin du XVIIIe siècle. Le salon chinois, quant à lui, est marqué du sceau de l’exotisme.
Un exemple remarquable du goût pour le XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle
Au-delà de la qualité des œuvres qui la composent, cette mise en scène est remarquable pour l’histoire du goût. Elle donne à voir l’intérieur d’une maison du XVIIIe siècle tel que pouvait le rêver une femme du XXe siècle. Se lisent également en filigrane, dans cet aménagement, les préceptes de la décoration intérieure véhiculés par les manuels et guides publiés autour de 1900 et dont la comtesse avait une fine connaissance.
Reflets des passions de la comtesse, cet accrochage laisse aussi transparaître la vie personnelle de la collectionneuse, ses souvenirs, ses joies et ses peines.