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Un songe de Genève. Projet de ville - projet de vie

Suggéré par le poème de Jean de La Fontaine Le songe de Vaux, le titre de cette exposition évoque la ύβρις, la démesure du surintendant Fouquet, qui voulut éblouir le jeune roi Louis XIV par une somptueuse fête au château de Vaux-le-Vicomte et qui le paya de sa liberté et de sa fortune.

N’y a-t-il pas, dans la succession de projets coûteux et audacieux présentés dans cette exposition, certaines réminiscences de ce songe? Certes, la république protestante ne recherchait pas le luxe, dans l’état perpétuellement calamiteux de ses finances, et ne voulait pas éblouir ses voisins, du moins jusqu’à une époque récente. Il n’empêche que dans les spéculations urbanistiques et dans les somptueux projets de bâtiments ou d’«hôtels des Archives», comme d’ailleurs aussi dans ceux de la «Grande Genève» des années 1930, le bateau a plus d’une fois été chargé au point de sombrer en votation populaire, ou au minimum d’être immobilisé sans parvenir au port.

Ce défaut n’est d’ailleurs pas propre à Genève, puisqu’au XVIIIe siècle le projet français d’une ville nouvelle à Versoix, qui devait rivaliser avec Genève, n’a pas résisté à la disgrâce de son auteur, le ministre-duc de Choiseul.

Affiche de l'exposition
 

Mais pour en venir à des considérations plus positives, on est frappé, parmi les projets de réaménagement, par l’esprit novateur et l’audace des architectes du XIXe et du début du XXe siècle. La conservation des monuments sous leur forme d’origine leur est relativement indifférente: ils imaginent, démolissent, construisent et reconstruisent, surélèvent, sans égard à la nostalgie, à l’attachement aux vieux souvenirs, à certains symboles, qui marquent leurs contemporains. On voit là toute la distance qui nous en sépare.

Finalement, c’est l’inventivité, la créativité de ces hommes, ajoutée à leur propre individualisme et à celui de leurs concitoyens, à une notion plus que puriste de la démocratie, source de débats et de conflits répétés, qui ont conduit à la dispersion des efforts et à l’incapacité de réaliser les projets.

L’exposition suit un ordre approximativement chronologique, dans la mesure où la configuration des vingt-et-une vitrines des Archives le permet: les projets de fortifications du début du XVIIIe siècle, avec les importants remous politiques qu’ils ont provoqués, les projets des rivaux politiques de Genève à Versoix, et puis ces entreprises si contraires à l’éthique protestante telle qu’on se la figure: un théâtre, un jardin zoologique, mais aussi une prison, un monument de la Réformation – mais qu’en eût dit Calvin, qui ne voulait pas qu’on aille en pèlerinage sur sa tombe? –, le monument Brunswick, des projets urbanistiques qui ont évidemment fleuri à partir de la démolition des fortifications et jusqu’à nos jours, dont le plus impressionnant, pour ne pas dire le plus inquiétant, est sans doute le plan directeur de Maurice Braillard de 1935, mais aussi les projets pour le quartier des Eaux-Vives, les zones de verdure conçues en 1948.

Et puis, à partir des années 1950-1955, cet urbanisme de surchauffe, dont on devrait aussi parler, qui a provoqué autant de débats à Genève que la question des fortifications aux XVIIIe et XIXe siècles: sur leur construction d’abord, puis sur leur démolition.

Peut-on dire que le «clou» de l’exposition est le vaste plan de la liaison ferroviaire Cornavin–Eaux-Vives–Annemasse, qui revient périodiquement sur le tapis depuis 1912, et qui semble enfin devoir trouver une réalisation? Ce projet ambitieux, qui ressortit à «la recherche obstinée, mais avec des résultats souvent décevants, des accès routiers, puis ferroviaires et autoroutiers» (Paul Guichonnet), sera certainement la grande affaire genevoise des prochaines décennies. On veut espérer que, cette fois, la discipline civique l’emportera sur l’individualisme pour réaliser une liaison riche de promesses pour l’ensemble de la région. Mais à certains égards, on peut penser qu’il arrive un peu tard, trop tard en tous cas pour stimuler l’industrie qui se développait avec vigueur dans les deux premiers tiers du XXe siècle.

Pour nous, la source de toutes les frustrations est bien sûr le projet sans cesse renvoyé à des temps meilleurs d’un «hôtel des Archives», qui permettrait de regrouper l’ensemble des dépôts et de gérer enfin les Archives de manière rationnelle, et sans doute plus économique.

L’exposition actuelle met en valeur les acquisitions récentes des Archives de l’Etat, telles que le fonds de l’architecte Edmond Fatio (fonds inépuisable) ou la collection de Gustave Dumur, ou encore les archives de la Société des Eaux d’Arve et celles de l’ancien Département des travaux publics.

Il nous plaît aussi de relever tout le travail d’analyse et de réflexion des archivistes autour de ces ensembles de documents, en particulier de M. Jacques Barrelet et de Mme Véronique Probst, commissaires de l'exposition; de saluer aussi, une fois de plus, l’engagement de tout le personnel des Archives pour la réalisation de cette œuvre commune du service, l’aide et la disponibilité des institutions sœurs et le soutien des autorités aux activités des Archives de l’Etat. Que tous les artisans de cette réalisation en soient ici remerciés.

Catherine Santschi
Archiviste de l’Etat

Photographies, affiche et brochure réalisées par Janine Csillagi.

Les Archives d'Etat remercient pour leur aimable collaboration Mmes Danielle Buyssens, Christine Falcombello, Ariane Girard et Anastazja Winiger, ainsi que MM. Livio Fornara, Alain Jacquesson, Cédric Noir, Jacques Vaucher et Armand Zambrella.

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