Depuis 1545, les décès en ville de Genève sont enregistrés par les médecins visiteurs des morts, qui en notent aussi les causes. Ces registres constituent une source précieuse pour l'histoire de la démographie et de la santé publique. Ils font notamment apparaître, dans les siècles passés, une forte mortalité infantile.
Testament d'une femme enceinte, 1693
A cause de la fréquence des décès en couches et des morts de nouveau-nés, les femmes enceintes associaient autrefois étroitement dans leurs pensées la mort et la nouvelle vie en devenir. C'est pourquoi l'on rencontre dans les archives de nombreux testaments de jeunes femmes primipares.
"Me treuvant aujourd'huy dans un estat auquel les personnes de mon sexse doivent avoir la mort plus présante à leurs esprit que dans aucune autre occasion", écrit Marie Rubatty, pour expliquer les circonstances qui la poussent à prendre la plume. Elle institue pour son héritier universel "l'enfant qu'il plaira à Dieu de faire naître de moy". Elle prévoit aussi l'hypothèse d'un double décès, le sien et celui de son bébé, en désignant un héritier de substitution.
Généralement, les testatrices enceintes lèguent leurs biens à l'enfant ou aux enfants à naître, à parts égales, prévoyant des jumeaux ou des grossesses futures. L'auteure de ce testament a survécu 16 ans à son accouchement, et n'a pas estimé nécessaire de modifier ses dernières volontés (AEG, Jur. Civ. E 10, p. 341, testament du 20 octobre 1693).
Registre des visiteurs des morts, 1775
Sur ces deux pages, l'on peut relever, entre le 12 et le 13 juin, les décès d'un garçon de neuf ans, d'un garçon de deux ans et demi, d'un bébé de 15 jours, morts tous trois de "convulsions", terme bien peu précis; il y a aussi trois enfants mort-nés, que le médecin, dans sa statistique récapitulative de la quinzaine, mentionne sous le terme d'"avortons" (AEG, Santé I 1).