Quasiment ignorée de l’historiographie et rarement commentée par la doctrine, la coopération judiciaire ressort pourtant de la pratique pénale d’Ancien Régime. Au cours du XVIIIe siècle, l’entraide judiciaire s’intensifie et se rationalise. Dès 1715, par exemple, l’extradition des criminels est adoptée entre la France et quelques cantons suisses, avant d’être entérinée en 1777 par le renouvellement de l’alliance entre la monarchie et le Corps helvétique. La solidarité interétatique découle notamment de la répression des délits de frontière (banditisme isolé, criminalité associative, contrebande et désertion) car ceux-ci mettent à l’épreuve la souveraineté judiciaire des Etats.
Dans le cas genevois, la coopération judiciaire se développe au gré des relations de bon voisinage entre Etats – avec la France et les cantons helvétiques d’abord – et ne découle pas nécessairement d’accords internationaux. Renseignements sur un prévenu, récolte de témoignages, commissions rogatoires, transmission de signalements ou d’avis de recherche, voire extradition sont les éléments parfois déterminants de la traque des criminels en cavale. Soumise au principe de réciprocité entre les Etats, l’extradition judiciaire se généralise peu à peu et gagne en intensité. Ainsi, à partir des années 1770, il arrive que les magistrats genevois fassent rechercher des prisonniers bien au-delà des frontières de la République.
Cahier de signalements transmis à Genève par la chancellerie bernoise
Longtemps manuscrits, les signalements bénéficient plus souvent, dès 1770, d’un support imprimé qui améliore la circulation des avis de recherche entre les Etats. Expression d’une administration judiciaire cherchant à être plus efficace, les livrets de signalement, au format de poche, recensent une multitude de brigands, de criminels et vagabonds poursuivis par les juridictions étrangères.
AEG, Jur. Pen. H 2.1, non folioté
Sentence criminelle de Savoie contre deux voleurs arrêtés à Genève, extradés puis exécutés en 1790
Avec la Savoie, l’extradition judiciaire se pratique peu après la signature du Traité de Turin (1754) qui fixe les frontières entre la République et cet Etat. Pour les prévenus en fuite qui subissent les conséquences de la solidarité judiciaire, les conséquences sont parfois funestes.
AEG, P.C. 1re série 16015, 1790, folio 67
Signalement de l’abbé Lafin, 1779
Au XVIIIe siècle, les signalements de criminels en fuite s’épaississent de rubriques plus précises. Aux données fondamentales (nom, âge et profession), s’ajoutent des catégories d’informations qui forment les signes particuliers de la personne: lieu de naissance, description physique et morale, vêtements, habitudes criminelles.
, non folioté
Précis historique de la vie de Coponay, Lyon, 1776, 15 pages
En 1776, le chef de bande et noble savoyard Battine de Copponex, qui a écumé la région durant plusieurs années et commis un meurtre sur terres genevoises, est intercepté à Lyon et extradé vers Genève. Condamné à la décapitation, le bandit voit sa peine commuée en détention perpétuelle. Sa destinée peu commune est immédiatement narrée dans une brochure lyonnaise.
AEG, P.C. 1re série 12915, 1776
Registre des signalements provenant de l’étranger
En 1774 est inauguré à Genève un «Registre des signalements provenant de l’étranger». Tenu jusqu’en 1791, il contient près de 400 avis de recherche. Lorsque les autorités genevoises reçoivent un signalement, celui-ci est transmis aux militaires surveillant les portes de la ville et le port, ainsi qu’au «visiteur des logis» chargé de repérer quotidiennement dans les auberges et les lieux d’accueil les étrangers en séjour dans la cité.