Victimes des intempéries. Réduction de dîme pour cause d'ovaille - 1er août 1490

© Pierre Reymond et Archives d'Etat de Genève
Capitulum ecclesie gebennensis dilecto procuratori nostro Hugonino Consilii salutem in Domino. Quia probi viri ad infrascripta deputati, eorum mediantibus juramentis debite prestitis, nobis retulerunt totam decimam de Herchant, cujus tertia pars nobis spectat, solerter visitasse et ex hujusmodi visitacione eis constitisse ipsam decimam ex grandinis tempestate, super illa eventa, dampnifficatam fuisse de duodecim paribus bladi cum dimidio, vobis eapropter actente mandamus quatenus Mermeto Crochet et ejus sotiis admodiatoriis dicte partis nobis in decima predicta spectantis, de firma ipsius admodiacionis ejus facte detrahatis et deducatis tertiam partem ipsorum duodecim parium cum dimidio et unum florenum pro tercia parte laboris et expensarum dictorum proborum, qui visitacionem et relacionem predictas fecerunt, quam terciam partem cum floreno predicto de vestris computis per illorum auditores pariter detrahi et deduci aut in librata, si maluerint allocari, jubemus. Datum Gebennis capitulariter, die prima mensis Augusti, anno Domini millesimo quadringentesimo nonagesimo.
Per prefatum venerabile Capitulum.
Favyer
Original: H 17 cm x L 20,5 cm, parchemin, signature du notaire. AEG, P.H. 762.
Mermet Crochet, d’Archamps, représente les amodiataires du Chapitre et vient demander un allègement des redevances dues, car une tempête de grêle a causé de gros dégâts aux moissons. Le Chapitre lui accorde une réduction d’un tiers de la quantité de blé due (le tiers de la dîme qui lui revient) et une remise d’un florin pour leur travail et leurs frais et notifie le tout à son procureur.
Rappelons ce qu’est la dîme: un impôt, une redevance qui correspond au dixième du rendement du produit de la terre et de l’élevage ou du revenu. La dîme est perçue sur un territoire bien défini, la dîmerie. Cette dîme ecclésiastique est prélevée par l’ayant-droit, le décimateur ou par ses agents. Les paysans doivent attendre que les gerbes aient été enlevées pour la dîme avant de rentrer leur récolte, ce qui occasionne encore des conflits lorsque le mauvais temps vient gâter des moissons qui n’ont pas pu être rentrées à temps. La perception de la dîme peut être attribuée à des laïcs, qui parfois se l’attribuent purement et simplement. En principe, la dîme doit servir à l’entretien des infrastructures ecclésiastiques et à des buts charitables.
Souvent la dîme échappe aux curés des paroisses, elle est «confisquée» par les évêques, abbés, prieurs ou chanoines qui en conservent la plus grande partie.
Dans notre document, le Chapitre, qui détient le tiers de la dîme, renonce au tiers du dommage évalué à 12 paires et demi de blé.
Les redevances dues aux seigneurs l’étaient avec régularité et à des dates fixées, comme la Saint-Michel. Mais des allègements pouvaient être accordés dans des circonstances exceptionnelles, comme c’est le cas ici à cause des dommages causés par la grêle. Les détenteurs des redevances tempéraient leurs exigences lorsque les circonstances le demandaient. Il y allait de leur intérêt car les dépendants risquaient de quitter leur seigneur si cette pression devenait insupportable.
A. Babel a relevé plusieurs exemples de cette bienveillance, ainsi en 1427 le prieur de Saint Victor remet à une veuve et à son fils quatre octanes de blé sur les six qu’ils doivent près de Valleiry en raison de la mauvaise qualité du sol, des pluies qui ont détruit les récoltes, de la vieillesse de la mère et du jeune âge du fils.
A Céligny, les habitants sous la protection du duc de Savoie depuis 1441 obtiennent en 1444 une diminution de la redevance qu’ils lui doivent. La population du village avait passé de trente feux en 1414 à douze feux en 1490.
En 1460, Urbain Bonivard, prieur de Saint-Victor, remet une somme de 54 sous sur la redevance due par le recteur de l’église Sainte-Agathe de Chaumont, tenant compte du fait que la paroisse est frappée d’une série de sinistres, que la mortalité y est importante et qu’elle se dépeuple.
En janvier et février 1472, le Chapitre intervient auprès du gouverneur et lieutenant général Philippe de Savoie, car les paysans d’Onex, Lancy et Valleiry sont molestés par les officiers de Ternier pour les faire contribuer malgré leur misère. C’est aussi une question de juridiction, mais les conditions générales sont prises en compte et les hommes du Chapitre dispensés.
Certes, les conditions météorologiques pèsent lourd sur les récoltes, surtout en cas de pluies trop importantes, mais de plus, à l’époque qui nous occupe, des épidémies de peste sévissaient en Europe (1473), et à Genève les épidémies de 1490, 1494 et 1497 furent meurtrières.
Les événements ci-dessus sont donc bien le reflet de cette époque.