Les relations du scoutisme des années 1920-1940 avec l'armée sont à remettre dans le contexte d'une période marquée par deux conflits mondiaux. Les responsables du scoutisme sont conscients dès sa création qu'il est nécessaire d'éviter une trop grande proximité avec l'armée. Toutefois, les défilés, les drapeaux, quand ce n'est pas une présence militaire, sont souvent présents en arrière-fond, en particulier lors des célébrations officielles. Il est clair que la formation offerte par le scoutisme, l'orientation, la vie dans la nature, les activités physiques intéressent l'armée. Ce lien est renforcé par ceux qui poursuivent des carrières d'officiers. Pourtant, le scoutisme a d'une part un idéal de cosmopolitisme visant à faire obstacle à la guerre et d'autre part l'idée de former des individus indépendants capables de penser par eux-mêmes. On est là en complète contradiction avec l'obéissance aveugle exigée par l'armée. Le scoutisme se retrouve donc prisonnier entre des attributs, l'uniforme, les défilés qui lui donnent des apparences militaires et un message qui en est l'exact contraire. C'est ainsi que, dans un même livre d'or, on peut trouver à quelques pages de distances une apologie de la défense nationale et une vision plus nuancée des relations avec l'armée…
Discipline imposée, discipline acceptée (camp d'été 1942, Buchillon)
En réponse à l’ordre de mobilisation générale du 1er septembre 1939, les scouts se mettent à disposition des autorités cantonales. Le chef scout suisse, Louis Blondel, publie une circulaire intitulée Activité des éclaireurs en cas de mobilisation et de guerre. Une centrale est alors mise sur pied dans les locaux de l’association, pour coordonner les activités du mouvement scout genevois et, comme lors de la Première Guerre mondiale, répondre aux demandes d’aide. Celles-ci sont nombreuses: aide aux travaux des champs, aide à la fonction publique, port de messages, transport des bagages des expatriés à la gare Cornavin, travail dans les laiteries ou les boulangeries, soutien aux activités de la Croix-Rouge. Entre septembre et décembre 1939, ce sont des dizaines de milliers d'heures de travail qui sont accomplies par les scouts dans le cadre des services urbains et ruraux. L'implication est telle qu'elle suscite des réactions dans les journaux, qui reprochent aux scouts de voler le travail des chômeurs. Temporairement interrompues, les interventions reprennent en 1941 sur un rythme moins intense et surtout plus soutenable sur le long terme.
Circulaire "Activité des éclaireurs en cas de mobilisation et de guerre, 1939"