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5. Apprentissages (avril 1725-juillet 1728)

Gabriel Bernard, oncle et tuteur de Jean-Jacques en l’absence de son père, décide de le mettre en apprentissage, après quelques semaines d’une certaine oisiveté au retour de Bossey, pendant lesquelles Jean-Jacques s’initie au dessin avec son cousin Abraham, destiné à devenir employé du génie.

Jean-Jacques est placé comme apprenti greffier chez Jean-Louis Masseron, secrétaire du Tribunal du Lieutenant de justice, dont les compétences s’exercent en matière criminelle (instruction des causes) et au civil (instruction et jugement en première instance). Mais il ne manifeste aucun goût pour ce travail et le quitte rapidement.

En avril 1725, il commence alors un apprentissage chez Abel Ducommun, maître graveur âgé de seulement 20 ans. Le système de l’apprentissage, strictement réglementé à Genève, fait l’objet d’un contrat notarié conclu pour quatre ou cinq ans selon le métier. Au XVIIIe siècle, la plupart des apprentis commencent leur formation entre 12 et 15 ans.

Il faut noter que le système exclut de ces formations, dans les métiers considérés comme nobles (horlogerie, orfèvrerie, dorure et gravure), les étrangers et leurs descendants - c’est-à-dire les habitants et les natifs - ainsi que les femmes.
 

AEG, Notaire J.-J. Choisy, vol. 3, folio 357 ssq

AEG, Notaire J.-J. Choisy, vol. 3, folio 357 ssq
Contrat d'apprentissage de Jean-Jacques Rousseau en tant que graveur chez Abel Ducommun (AEG, Notaire J.-J. Choisy, vol. 3, folio 357 ssq)

Les dispositions du contrat stipulent que l’apprenti est logé, nourri, vêtu, blanchi par son maître, qui s’engage à lui enseigner sa profession, mais aussi à l’éduquer comme l’un de ses enfants, à lui apprendre le catéchisme et à l’envoyer au culte. De son côté, l’apprenti doit respect et obéissance à son maître et il n’a pas le droit de s’absenter sans sa permission. En cas de rupture du contrat d’apprentissage, une peine ou un dédommagement sont en général prévu. Enfin, les parents ou le tuteur de l’apprenti doivent payer une certaine somme d’argent au maître pour son enseignement et l’entretien de l’adolescent.

Gabriel Bernard paie trois cents livres de Genève pour son neveu. Il doit de plus verser les «épingles», sorte de pourboire pour la femme du maître ou celle qui tient sa maisonnée, en l’occurrence deux louis d’or (soit environ une livre et demie). Pour estimer l’importance de ce «droit d’entrée» en apprentissage, on peut le comparer à d’autres valeurs: on sait par exemple qu’en 1749 un caleçon est estimé à une livre, une montre en argent sans la chaîne à quarante-deux livres.

Jean-Jacques habite dès mai 1726 chez Abel Ducommun, rue des Etuves 96, dans le quartier de Saint-Gervais. Il emménagera rue de la Poissonnerie (actuelle rue de la Croix-d’Or) au moment du mariage de son maître en novembre 1726.

La journée effective de travail dans un atelier de la Fabrique genevoise au XVIIIe siècle est de huit à dix heures, temps relativement court en comparaison de ce qui se passe en Angleterre par exemple, où la durée du travail journalier à la fin du siècle dans les premières usines pouvait s’élever jusqu’à seize ou dix-huit heures.
 

AEG, Industrie B 4
Règlement sur le métier de graveur en horlogerie. 1716 (AEG, Industrie B 4)

Chez Abel Ducommun, homme «rustre et violent», Jean-Jacques apprend non seulement la gravure, métier qu’il apprécie, mais aussi l’indiscipline et la dissimulation: il lit à la dérobée à l’atelier, ce qui lui attire les foudres de son maître. Disposant de très peu de moyens financiers, il achète des livres à crédit chez une dénommée La Tribu.

Avec ses camarades apprentis de l’atelier ou du quartier, il se comporte en jeune chenapan, commet de petits larcins, grave des médailles à l’insu de son maître, inventant avec ses amis un nouvel ordre de chevalerie. Découvert par Abel Ducommun, il est durement châtié. Le dimanche, Jean-Jacques et ses camarades vont se promener dans la campagne proche, oubliant parfois l’heure de fermeture des portes, ce qui, comme on le verra, déterminera à sa troisième rentrée tardive tout l’avenir de Jean-Jacques.

Grâce pourtant à ces trois années d’apprentissage, à la pratique du dessin et du burin, Rousseau conservera le goût de l’écriture lisible et précise. Ce talent lui sera précieux lorsqu’il gagnera sa vie en tant que copiste de musique, comme le sera sa connaissance des estampes au moment où il dirigera l’illustration de La Nouvelle Héloïse.

Il parlera avec nostalgie de cet état d’artisan dans les Confessions, regrettant de n’être pas devenu un honnête artisan genevois, bon père de famille, bon chrétien.

Musée d'art et d'histoire, Genève, Outils de graveur
Autour du métier de graveur au XVIIIe siècle
1 boule de graveur (contient 1 plaque gravée en laiton), bois tourné, cire, verre
4 burins, bois, laiton, acier
1 support à graver, bois, cire
1 loupe, corne, verre; 1 plaque gravée, nickel
3 modèles de gravures, impressions encrées sur papier (2 fonds de montre et un cadran)

(Musée d'art et d'histoire, Genève)

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