Ancienne cité romaine intégrée après 800 dans le Royaume de Bourgogne, Genève devient au XIIIe siècle une ville épiscopale puis impériale en s’émancipant des comtes locaux. Les Libertés, franchises, immunités, us et coutumes de la cité de Genève (1387) du dominicain et évêque auxiliaire du diocèse de Genève entre 1366 et 1377 Adhémar Fabri (?-1388) règlent l’esprit de la justice criminelle, garante des libertés communales. La cité lémanique est marquée par l’essor des quatre foires annuelles, l’ingérence savoyarde et la révolution communale qui culmine aux XIVe et XVe siècles avec la croissance démographique. Rupture avec le prince évêque (1534), République souveraine, Réforme adoptée par le Conseil général des citoyens et bourgeois (21 mai 1536): la «Rome protestante» devient une cité-Etat administrative et économique. A l’élection des syndics s’ajoutent la création et l’emboîtement des conseils des Deux Cents (CC) et des Soixante. Dès 1530, s’affirme l’élection réciproque du Petit Conseil et du Conseil des CC. La cité se blottit derrière ses murailles percées de trois portes gardées par les bourgeois armés puis la garnison. Entre 1550 et 1800, la population passe de 13'100 habitants à 24'500. En 1798, annexée par la France du Directoire, Genève devient chef-lieu puis préfecture du Département du Léman jusqu’en 1813.
Pays de droit écrit que cadrent le jus romanum et la jurisprudence des Etats absolutistes, la République durant les 262 années de l’Ancien Régime et de la Révolution est pénalement souveraine (1536-1798). Le Tribunal du lieutenant avec ses quatre auditeurs remplace en 1529 la cour du vidomne (magistrat épiscopal). Avec le procureur général qui depuis 1534 représente le Ministère public, la justice rendue en son ressort est sans appel et repose sur le paragraphe de 37 lignes et les 19 articles du titre XII des Edits civils de la République de Genève de 1568 (dont impression en 1707, 1713, 1735, 1782). Les Edits politiques de 1568 assurent le monopole pénal du Petit Conseil composé de 28 magistrats, cooptés en Conseil des CC. Aux 4 syndics élus pour une année, s’ajoutent 21 conseillers ad vitam, deux secrétaires d’Etat, un lieutenant de Justice et de Police (13 conseillers pour la justice). La grâce revient au Conseil des CC. A la campagne, l’instruction criminelle incombe au Châtelain qui y représente le Petit Conseil. S’y ajoute la pratique pénale des 20'000 procès criminels ouverts sous l’Ancien Régime.
En Europe continentale, depuis la fin du Moyen Age, la procédure judiciaire est inquisitoire car elle est écrite, secrète et basée sur l’usage de la torture pour produire l’aveu de l’incriminé. Instruite sous l’autorité de l’auditeur et du Petit Conseil, reposant sur la torture jusqu’en 1738, la procédure inquisitoire de Genève ne serait que – selon le juriste Jean-Pierre Sartoris (1706-1780) – l’«élixir très réduit […] de l’Ordonnance [criminelle] de France de 1670».
Cesare CAPRANICA, La cita di Ginevra, 1597
République souveraine depuis 1534, «Rome protestante» (1536) dominée par son temple, Genève exerce le droit de punir en son ressort urbain et rural. Potences et roue: le lieu patibulaire domine la cité puisque chaque justiciable doit vivre dans le respect des lois.BGE, Centre d’iconographie genevoise, gravure, 42x55.3 cm, 16 M O2 (photo Nicolas Crispini)
Plan de la ville de Genève, dédié aux magnifiques et très honorés seigneurs, syndics et conseil de la ville et République de Genève, par leur très Humble et très obéissant serviteur C.B. Glot, 1777, corrigé sur les lieux en 1793 par M. Meyer
A la lisière des Alpes et du Jura, au bout du Léman, à la jonction du Rhône et de l’Arve, entourée de son mandement rural, la cité-Etat de Genève est un carrefour de routes et d’échanges qui jalonnent l’Europe du nord au sud, d’est en ouest. Ses fortifications étoilées inscrivent dans le territoire sa souveraineté politique de République.
AEG, Archives privées 247/5/22