Ecusson de la République et du canton de Genève


REPUBLIQUE
ET CANTON
DE GENEVE

Changer la couleur des liens Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer la page
ge.ch
 
Ge.ch > Archives

Archives

18. Réformer le droit de punir

Dès 1760, la chaîne du pénal échappe aux magistrats professionnels. Le droit de punir focalise la vigilance éclairée des «philosophes», des publicistes, des magistrats et avocats libéraux.

Né en 1738, juriste, professeur d’économie publique puis fonctionnaire à Milan dans l’administration viennoise jusqu’à sa mort en 1794, Cesare Beccaria publie anonymement en été 1764 l’ouvrage de moins de 100 pages qui l’immortalise en lançant la réforme pénale qu’attend l’Europe: Dei delitti e delle pene (Des délits et des peines).

Défenseur de Jean Calas et du chevalier de la Barre, suppliciés comme des hérétiques, Voltaire encense le Milanais. Même éloge chez William Blackstone et Jeremy Bentham, le théoricien du Panopticon qui inspirera la prison modèle de Genève (1825-1862). Aux Etats-Unis, Thomas Jefferson lit Beccaria pour penser le droit pénal de la jeune démocratie.

Libérale et utilitaire, la réforme veut légaliser et séculariser les délits et les peines, instaurer la défense des prévenus, abolir la torture et les supplices, modérer voire abolir l’usage de la peine capitale pour la remplacer par la prison. Au temps de Montesquieu et de Voltaire, prôné par l’avocat général de Grenoble Joseph Michel Antoine Servan (1737-1807) et le magistrat genevois Julien Dentand (1736-1817), le réformisme judiciaire traduit les espoirs des Lumières d'une cité juste sous l’Etat de droit, dont la chaîne du pénal sera modérée et légale.

 

Joseph Michel Antoine SERVAN, Discours sur l’administration de la justice criminelle, Genève [Grenoble], 1767
Alors que de nombreuses académies royales mettent à l’ordre du jour le problème de la réforme judiciaire, dans le sillage libéral de Beccaria dont il atténue le projet, l’avocat général au Parlement de Grenoble, Joseph Michel Antoine Servan (1737-1807) y prononce le 16 novembre 1766 son célèbre discours sur la modération de la justice pénale. Le «Cicéron du Dauphiné», selon Voltaire, y énonce un programme pénal qui réclame la rapidité de l’instruction criminelle, l’abolition des supplices, la salubrité des prisons et la modération de la peine capitale dont l’usage ne visera que les assassins.

Joseph Michel Antoine SERVAN, Discours sur l’administration de la justice criminelle, Genève [Grenoble], 1767

Collection privée

 

Julien DENTAND, Essai de jurisprudence criminelle, Lausanne, sans nom d’éditeur, 1785, deux volumes
Pasteur démissionnaire en 1767, membre du Conseil des CC (1770), syndic libéral (1780), magistrat du gouvernement révolutionnaire issu de la révolution genevoise de 1782, exilé à Neuchâtel avant son retour à Genève (1790), Julien Dentand (1736-1817) est un réformiste né. Ayant participé sans être primé en 1778 au concours bernois (Société économique de Berne) sur la réforme de la législation criminelle, Dentand publie son texte à Lausanne. Si le livre, pétri de bons sentiments, connaît un succès d’estime local, son réformisme tiède qui maintient la peine capitale fait de Dentand un épigone modéré de Beccaria.

AEG, Bibliothèque, 4481
AEG, Bibliothèque, 4481

 

Cesare BECCARIA (1738-1794), Dei delitti e delle pene (Des délits et des peines), Livourne, 1764 (traduit en français dès 1766)
Juriste de formation, professeur d’économie publique puis zélé fonctionnaire à Milan dans l’administration autrichienne, le marquis Cesare Beccaria est écœuré par les retentissements de l’affaire Calas à Toulouse. En 1764, il publie (d’abord anonymement) l’ouvrage de moins de 100 pages sur la réforme pénale que l’Europe des rois attend. Salué par les ténors des Lumières, mis à l’Index romain, réédité sous son nom et traduit dans toutes les langues, ce best-seller propose de séculariser le régime pénal, de moderniser la procédure inquisitoire, d’instaurer la légalité des délits et des peines, de généraliser l’usage de la défense et des travaux forcés, ainsi que d’abolir la peine capitale pour les crimes de droit commun.

Edizione delle opere di Cesare Beccaria, Milan, Mediobanca, 1984-2009
Edizione delle opere di Cesare Beccaria, Milan, Mediobanca, 1984-2009, 16 vol.

haut de page